Gluten
Publicité et marketing

Gluten : pourquoi tant de haine ?

« Est ce que c’est sans-gluten? » : ou comment résumer en 6 mots, dont un composé, la tendance qui sévit dans nos assiettes depuis quelques années. Car oui, nous avons tous, dans la file d’attente d’une boulangerie, à table dans un restaurant et même en attendant notre BigMac (ressentez le vécu qui s’exprime) entendu cette question. Mais comment la mode du gluten-free a-t-elle pu se répandre au point de s’intégrer complètement dans nos quotidiens ?
Gluten, qui es-tu?
Le gluten est une des protéines contenues dans le blé. Son intolérance, prouvée scientifiquement, est appelée « maladie coéliaque » et détruit progressivement la paroi de l’intestin grêle. Cependant, il existe également une forme d’hypersensibilité au gluten, c’est-à-dire que l’on observe une amélioration de l’état de santé des individus qui stoppent ou réduisent la consommation de cette protéine, sans pour autant que ceux-ci ne soient atteints de la maladie coéliaque. Aucune preuve absolue n’a aujourd’hui été apportée à cette thèse, ce qui n’empêche pas 5 à 10% des Français de s’auto-déclarer hypersensibles.
Il y a quelques années encore, les partisans du sans-gluten étaient assez marginaux, et pourtant, à voir la multiplication des enseignes de restauration et les marques qui se targuent de proposer des produits « gluten-free », un constat s’impose : le sans gluten est devenu un argument de vente solide et aguicheur, au même titre que le bio ou le local. Bien qu’aucune étude n’ait pu démontrer de façon indubitable que réduire ou stopper notre consommation de gluten ait une incidence positive sur notre santé, il faut bien l’avouer : le sans gluten, niveau marketing, a fait ses preuves. Le nombre d’intolérants au gluten est estimé à 1% de la population Européenne et Nord-Américaine et le marché génère plus de 2 milliards de dollars par an aux Etats-Unis. Autrement dit, c’est un marché bien foisonnant pour si peu de véritables intolérants au gluten …

 
Le gluten: partout sauf dans nos assiettes
Pourtant, malgré le flou scientifique qui plane sur la question du gluten, on retrouve le label « sans gluten » dans de plus en plus d’endroits, toujours plus insolites. Qu’il s’agisse de marques célèbres comme Cheerios, qui a lancé une gamme de céréales gluten-free, ou de toutes jeunes marques spécialisées dans le sans-gluten. C’est évidemment le secteur alimentaire et les cosmétiques qui sont les plus touchés par cette tendance. Plus surprenant, on la retrouve également sur des sites de rencontre comme Glut’aime, ou encore dans the Gluten Free Campaign, un projet dont le but est de réunir assez d’argent pour pouvoir acheter une île paradisiaque (oui, oui) où le gluten n’aura pas sa place.

 
Less is more…
Pour expliquer ce succès, il faut le lier à une tendance plus générale qui est celle du « sans » : la chimiste Ni’Kita Wilson explique au magazine Pure Trend : « Nous sommes dans une ère du marketing « sans » : sans parabens, sans parfum, sans huile, et maintenant, le petit dernier de la famille, le sans gluten ». Il semble que nos produits du quotidien ne peuvent devenir sains que par un retour aux sources. Il faut donc qu’ils se débarrassent de tous ces additifs qui ont été intégrés dans l’imaginaire collectif comme néfastes. Les marques ont bien compris qu’une grande partie des consommateurs (et généralement celle qui dispose d’un plus grand pouvoir d’achat) choisit ses produits en fonction de cette nouvelle variable. La santé et le bien-être sont les nouveaux critères de sélection de notre société d’abondance occidentale.
Comment le gluten-free vous envahit
Comment toute cette histoire a-t-elle commencé ? C’est en 2011 que le docteur Peter Gibson publie une étude, affirmant l’existence d’une forme d’hypersensibilité au gluten, créant maux de ventre et autres migraines. A partir de ce moment, c’est l’engouement et on voit se multiplier les formes de régime qui excluent la méchante protéine, notamment chez les people … Gwyneth Paltrow, guru du « healthy lifestyle » n’hésite pas à partager sur les réseaux sociaux ses nouveaux choix de vie (elle crée d’ailleurs la polémique en affirmant avoir supprimé les pâtes et le pain de l’alimentation de ses enfants). Elle finit même par publier un livre de recettes sans gluten, permettant aux intolérants et hypersensibles de se régaler en prenant soin de leur santé. Et c’est surtout ce type de personnalités, avec une forte présence médiatique, qui a pu donner de l’importance à ce mouvement. Novak Djokovic (qui a d’ailleurs sorti un livre sur son régime sans gluten), Oprah Winfrey, Lady Gaga ou encore Victoria Beckham sont tous adeptes de cette tendance et n’hésitent pas à le partager … A chacun la figure people qui le convaincra peut-être de franchir le cap de l’alimentation gluten-free.

Une chose est sûre : quand bien même la tendance s’essoufflerait (notamment à cause de son prix relativement élevé), une autre prendrait sa place et le cycle merveilleux des modes et tendances de consommation continuerait… Après le sans gluten, who’s next ?
En attendant : bonus !

Sana Atmane
Sources : 

http://www.lexpress.fr/styles/saveurs/faut-il-ceder-a-la-folie-du-sans-gluten_1106427.html
http://okmagazine.com/get-scoop/gwyneth-paltrow-shares-how-going-gluten-free-changed-life-her-family/
http://www.puretrend.com/article/des-cosmetiques-sans-gluten-pour-quoi-faire_a80429/1
http://www.lsa-conso.fr/gerble-et-novak-djokovic-s-associent-autour-du-sans-gluten,170541
Vanity Fair n°26 (août 2015)

Crédits images : 

– Cheerios
– Gerblé
– Alimentation Générale

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Société

Prostitution étudiante: un nouveau paradigme communicationnel

Un véritable boom nous interpelle : celui de la prostitution étudiante en parallèle d’une courbe ascendante incluant frais universitaires et quotidiens. En effet, le syndicat SUD-étudiant révèle un chiffre qui a doublé en seulement une décennie : 40 000 étudiants en France se prostitueraient aujourd’hui. Si la toile joue désormais un rôle prépondérant au sein du fonctionnement de la prostitution, les applications s’en donnent désormais à cœur joie et tous deux ciblent stratégiquement de plus en plus les étudiants. C’est pourquoi l’émergence des sugar daddies « papa gâteaux » apparaît symptomatique d’une nouvelle conception communicationnelle de la relation spécifique client/prostitué(e)-étudiant(e) en partie déterminée par ces nouvelles médiations technologiques.
Stratégie communicationnelle : une cible de plus en plus étudiante
Une kyrielle de sites de prostitution a fleuri en parallèle d’une vie étudiante de plus en plus chère : le prix des loyers a par exemple augmenté de 43% à Paris en seulement dix ans et les étudiants peinent à garder la tête hors de l’eau. Constatant cela, les sites ciblent de plus en plus les étudiants : les périphrases sugar daddy – papa gâteau – et sugar baby rendent palpables la position infantilisée de l’étudiant face au client souvent bien plus âgé. Ainsi, le Seeking-arrangement – développé aux Etats-Unis compte tenu de leurs frais universitaires élevés – attire de plus en plus les étudiant(e)s français avec le lancement de la version francophone symptomatique donc de la réalité française du phénomène.
De plus, des applications telle qu’Ohlala s’inspirent tacitement des modèles familiers aux jeunes générations comme Tinder en filtrant les personnes par critères (géolocalisation, fourchettes tarifaires, durée de la prestation…). Rapide, discret et virtuel, Ohlala n’est usitée qu’en Allemagne mais envisage d’investir le marché français. Par conséquent, cela engendre une territorialisation de ces innovations médiatiques puisque se polarisent axiologiquement deux « Europes » : l’une schématiquement indulgente et réaliste, l’autre plutôt puritaine et idéaliste. L’Allemagne ayant légalisé la prostitution, promeut un laisser-faire, alors que la France chasse juridiquement ces médiations pour proxénétisme comme ce fut le cas avec escort-eden retirée en 2014.
Se vendre corps et âme pour un diplôme : un savoir-faire communicationnel ?
À New York, on constate une institutionnalisation de ce phénomène avec l’Université Sugar Daddy fondée par un ancien client, Alan Schneider, et sa sugar baby, ancienne étudiante prostituée, où ils prévoient d’enseigner les codes communicationnels sous-jacents à cette relation. En effet, ces codes clairement définis oscilleraient entre échange de services, mécénat et séduction, illustrant la spécificité communicationnelle de cette nouvelle relation.

Un visage communicationnel déterminé par le média
Les supports médiatiques orientent les enjeux communicationnels de la relation.
-La dé-réalisation. Jouant en faveur du fameux passage à l’acte qui est déterminant dans l’engrenage, la sécurité apparente suscitée par le support médiatique sollicite plus facilement l’envie de s’inscrire pour voir : ce n’est pas comme s’il fallait s’exposer publiquement au bord du trottoir. Au contraire, la discrétion initiale rassure et favorise ce premier pas en dé-réalisant ce passage à l’acte qui n’implique plus immédiatement le corps physique mais seulement une présence dé-réalisée, en perte de conscience de l’engagement de sa propre corporalité pour s’incorporer uniquement dans la communication même.
-L’exhibition ou la médiatisation comme sublimation. Le corps n’est plus jeté en pâture mais est sublimé par la distanciation effective procurée par le média. Celui-ci alimente à la fois le fantasme et la valorisation du moi parsemé en divers indices fragmentaires (photos avantageuses ou messages échangés).
-L’échange, une mise en spectacle : pour charmer, le discours doit jouer avec les codes communicationnels de l’espace virtuel comme par exemple les smileys qui donnent à voir l’émotion, le différé qui joue sur l’attente et la ponctuation qui communique l’implicite.
-Du pouvoir du choix : si le client croit choisir en quêtant sur le site, c’est avant tout l’étudiant(e) prostitué(e) qui choisira parmi la masse de clients qui n’est plus circonscrite à une rue. C’est pourquoi l’enjeu de plaire au sugar baby est devenu d’autant plus essentiel. Ceci engendre une refonte lexicale : l’escorting. Le fait de choisir ne donne pas l’impression aux étudiant(e)s qu’on leur impose un client, comme si la prostitution, la vraie, se définissait par l’impossibilité de choisir ses clients et non pas d’avoir une relation sexuelle tarifée. Mais de la prostitution à l’escorting, il n’y a qu’un mot : si la relation sexuelle n’est pas systématique, elle est potentiellement systématique. Si la consonance anglo-saxonne paraît chic face à la traditionnelle prostituée qui fait le tapin, cette substitution lexicale reste cet échange de services réifiant le corps en simple instrument.
– Paradoxe de la relation qui se veut pérenne, mécènique et paternelle : le sugar daddy. Ne pas enchaîner diverses personnes mais fidéliser devient monnaie courante tant pour le client que pour le sugar baby grâce à un entretien du contact où le client incarne une posture détournée et hybride du mécène et de la figure paternelle.
Déficience communicationnelle ou déni institutionnel ?
En aval, l’AFEP (Association Fédérative des Etudiants de Poitiers) a mené une campagne en 2013 autour de témoignages partageant vécu et conseils : avant tout préventive et informative, ciblant les étudiants, elle veut aussi communiquer cette réalité aux personnes environnantes. Cependant, en amont, l’UNEF (Union Nationale des Etudiants de France) milite pour que le Ministère de l’Enseignement Supérieur s’empare de la problématique car pour eux il n’y a personne pour « écouter », « encadrer » ni même « soutenir » ces étudiants : « A l’université, les personnels ne sont ni préparés, ni formés, ni sensibilisés ». Ils suggèrent d’abord d’entreprendre de véritables enquêtes afin de chiffrer minutieusement le phénomène. Mais pourquoi ce silence ? L’Etat français serait-il dans le déni ?

Allison Leroux
LinkedIn
Sources : 
http://lci.tf1.fr/france/societe/qui-sont-ces-etudiantes-qui-s-inscrivent-sur-sugardaddy-fr-8395164.html

http://www.ouest-france.fr/allemagne-ohlala-le-uber-de-la-prostitution-arrive-berlin-3641693
http://www.meltycampus.fr/prostitution-etudiante-decouvrez-les-facs-avec-le-plus-de-sugar-babies-a378146.html
http://www.20minutes.fr/economie/815290-20111031-loyers-flambe-50-dix-ans-paris

La prostitution étudiante : un tabou encore très fort aujourd’hui.


http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/03/27/seekingarrangement-c-est-de-l-escorting-donc-de-la-prostitution_4390995_3224.html
http://rue89.nouvelobs.com/2010/01/25/le-crous-tarde-a-payer-les-bourses-et-met-les-etudiants-dans-le-rouge-135019
http://www.franceinfo.fr/emission/Unknown%20token%20emisaison-type-url/noeud-diffusion-temporaire-pour-le-nid-source-1372245-05-05-2014-11-47
http://lesvilainspetitscanards.jimdo.com/actualisez-moi/prostitution-%C3%A9tudiante-du-banc-%C3%A9tudiant-au-lit-d-un-client-le-nouveau-m%C3%A9c%C3%A9nat-du-si%C3%A8cle/
Crédits images : 
– Application Ohlala
– Europe 1
– Campagne Osons en parler

Appli Peeple
Société

Peeple: indignez-vous ?

Peeple, nouvelle venue dans la grande famille des applications, a provoqué la colère et l’indignation de la communauté Internet avant même sa sortie, prévue en novembre prochain. Développée par deux jeunes canadiennes, Julia Cordray et Nicole McCullough, cette appli entend permettre à ses utilisateurs de noter leur entourage, plus ou moins proche, dans trois catégories: professionnelle, personnelle et romantique. Alors que l’application a été élue la « plus détestée du web », les créatrices de Peeple ont tenté de remédier à la situation en modifiant le projet pour lui donner un aspect plus « positif ». Retour sur les pérégrinations de l’appli bad-buzz du moment.
Peeple, l’appli qui entend faire de vous un bien de consommation
 

Le projet initial de Peeple était de noter son entourage comme n’importe quel bien consommable que l’on trouve sur Internet. Ce parti-pris était d’ailleurs totalement assumé par les créatrices de l’appli. « Les gens font tellement de recherches quand ils achètent une voiture ou prennent ce genre de décisions, pourquoi ne pas faire le même genre de recherche pour d’autres aspects de notre vie? », déclarait Julia Corday dans une interview donnée au Washington Post. Une application censée améliorer et faciliter nos vies en nous évitant beaucoup de « mauvais » choix…
Une fois annoncé, le principe de l’application a été jugé révoltant par une large majorité d’internautes. Et ses premières conditions d’utilisations ne faisaient que l’enfoncer au plus profond des méandres du bad-buzz. Pour en citer quelques-unes, il était impossible de supprimer son nom de l’application une fois qu’il y était rentré. Les commentaires, positifs comme négatifs, pouvaient apparaître pendant 48 heures sans pouvoir être modérés par l’utilisateur. Le projet prévoyait également que les utilisateurs puissent créer un profil à n’importe quelle personne sans nécessité d’un accord préalable.
Aux côtés de la communauté Internet, les médias se sont également indignés face aux nombreux risques que pourrait comporter une telle application: l’exposition de la vie privée (aggravée pour les utilisateurs inscrits sans leur accord), le racisme, le harcèlement, une tendance à « l’objetisation » de l’humain ou encore la déshumanisation des rapports sociaux. Et cette indignation semble avoir payé.
Peeple 2.0, la « positive revolution »
 

Avant même sa sortie, l’application a déjà connu une mise à jour importante suite aux nombreuses critiques qu’elle a essuyées. Julia Cordray a néanmoins publié un communiqué sur Linkedin indiquant que l’appli avait toujours été « Positive Only ». Après ce post, les conditions d’utilisation ont pourtant été modifiées: personne n’apparaîtra sur Peeple s’il ne l’a pas décidé, et les commentaires devront être modérés par l’utilisateur avant qu’ils n’apparaissent sur son profil.
Ce revirement de situation semble montrer à la fois la puissance que peut avoir la communauté Internet lorsqu’elle exprime son mécontentement, mais aussi l’hypocrisie de la communication de Peeple. Julia Cordray déclarait en effet en août dernier, dans une vidéo de teasing (supprimée depuis), que l’application n’aurait pas grand intérêt si on ne pouvait y poster d’avis négatifs.
Il semble enfin que cette application soit la traduction d’un réel malaise social. Le but de l’application, dans sa version aseptisée, est ainsi défini par Julia Cordray: « Il s’agit de nous inspirer les uns les autres en partant du positif. Nous méritons tous de savoir qui sont les meilleurs parmi les meilleurs! C’est un feedback pour vous-même! ». Ce feedback, que l’on peut assimiler à un certain narcissisme et à de la self-admiration, nous laisse penser qu’il y a en réalité un cruel manque de confiance, à la fois en soi et en l’autre, dans notre société. Cette nouvelle version de Peeple, semble illustrer ce besoin d’être rassuré en permanence à propos de nous-mêmes et des autres au sein d’un climat d’incertitude et de méfiance.
Les réseaux sociaux peeplisés?
Si la grande majorité s’indigne face à Peeple, nous pouvons aisément dresser des parallèles entre l’application et nos utilisations habituelles des réseaux sociaux. D’une certaine manière nous les utilisons déjà pour nous noter et nous juger les uns les autres à coup de like Facebook et de commentaires sur Instagram. Il faut cependant bien noter une différence fondamentale entre ces réseaux sociaux et Peeple puisque le jugement n’est pas leur but premier, affiché et assumé comme il l’est pour Peeple. Et en tant qu’application uniquement dédiée à l’évaluation humaine, elle aurait sûrement tendance à rendre systématique des pratiques qui ne sont pour l’instant que diffuses dans notre utilisation des réseaux sociaux.
Peeple se veut être utile pour se renseigner sur les autres et évaluer notre intérêt à les fréquenter ou non. Une telle conception des relations humaines peut paraître choquante, pourtant nos pratiques sur Internet traduisent déjà cette volonté. Ainsi le « googling », avant ou après un rendez-vous par exemple, montre bien un désir d’en savoir plus sur l’autre avant de le connaître vraiment, comme si nous avions peur de la découverte pure et simple. Une telle pratique, et a fortiori une application comme Peeple, nous poussent donc à conserver nos préjugés en ajoutant un obstacle à la rencontre, et à se priver des surprises de la rencontre in real life.
Finalement, la proposition de Peeple serait de vivre dans un monde aseptisé où l’on ne se confronte plus aux autres mais où l’on choisit seulement ceux qui paraissent nous correspondre. Peeple, qui se veut une révolution positive et une application sociale, se révèle finalement un réel frein au lien social.
Clémence de Lampugnani
@clemydelamp
Sources:
http://www.blogdumoderateur.com/peeple-pivot-positive-revolution/ 
http://www.slate.fr/story/107641/peeple-application-noter-gens-terrifiante
http://www.presse-citron.net/peeple-lapplication-ou-lon-peut-noter-les-gens-fait-scandale/
http://www.bbc.com/news/technology-34446882
http://arstechnica.com/business/2015/10/yelp-for-people-app-if-it-exists-disappears-from-the-internet/
Crédits: 
Peeple
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Freakshow
Publicité et marketing

Le freak, c'est chic ! L'imperfection est-elle tendance ?

Depuis une petite dizaine d’années, la différence a le vent en poupe ! Elle est valorisée : l’étrangeté et l’imperfection sont représentées, et mises en scène. Handicapés, albinos, roux, « gueules », autrefois délaissés, appartiennent désormais à l’espace de la publicité. L’image publicitaire révèle un esthétisme nouveau qui vient briser les canons classiques de la beauté pour mieux percuter celui qui la regarde. La différenciation est une stratégie marketing évidente qui joue sur l’idée que le public se remémore bien plus l’extra-ordinaire car il ne s’y attend pas. La récente campagne de publicité pour « les légumes moches » du groupe Intermarché réalisée par l’agence Marcel dont le succès a été immédiat et la commercialisation des biscuits abîmés à un prix très avantageux encouragent fortement l’action citoyenne dans la consommation. Mais elles soulignent également un engouement sous-jacent pour ce qui sort le public de l’ordinaire. L’esthétique publicitaire, dès lors déplacée, nous invite à questionner les enjeux qu’implique l’imperfection à travers l’image publicitaire.
Contre une monotonie du beau
Dans la publicité, la différence est prise pour ce qu’elle incarne, soit une distance manifeste avec les canons classiques de la beauté et le laid est souvent choisi parce qu’il est laid. La monstruosité est effectivement recherchée pour elle-même, pour ce qu’elle évoque et connote. Ainsi le difforme, l’étrange, contre son gré, provoque des sentiments passionnés car il frappe et choque, lorsque le beau, d’après le principe kantien, suscite une satisfaction désintéressée, proche de l’évidence. Le beau, répété dans l’image, paraît monotone et lisse. La conception actuelle et euro-centrée a imposé un idéal physique (minceur, type eurasien…) qui ne cesse de se répéter. A contrario, dans sa célèbre préface de Cromwell,  Victor Hugo, précurseur, explicita la qualité non négligeable du laid en esthétique : « La beauté n’a qu’un type. Le laid en a mille.»
Déclinable, la difformité paraît toucher à l’authentique car elle offre un spectre plus important de variations dans l’image. L’imperfection profite donc d’un avantage par rapport au beau, comme l’a notamment expliqué Umberto Eco dans son Histoire de la laideur : celui de la différenciation. La figure laide se démarque et se remarque, notamment dans les représentations picturales où longtemps, le peintre a cherché la Beauté à travers la perfection. Le beau a toujours été la finalité des représentations publicitaires : les images publicitaires médiatiques, ou de mode (dispositifs publicitaires également), ont toujours cherché la perfection inégalée, allant même jusqu’à user d’outils techniques (Photoshop) pour faire illusion. Le renouvellement et la nouveauté de l’image de marque semblent désormais passer par le laid, au moment même où le beau est, peut-être, parvenu à sa forme la plus parfaite. La beauté n’est-elle pas, à force, devenue monotone ? La beauté est-elle épuisable, et a-t-elle été épuisée dans (ou par) la pub?  Ces questions se posent d’autant plus actuellement que le laid apparaît aujourd’hui comme une clé-marketing pour se différencier et pour attirer l’œil, un peu endormi, du consommateur.
Freak show et  voyeurisme : les monstrueuses coulisses du marketing ?

En 2006, John Galliano avait déjà imaginé un défilé Dior autour des « freaks », soit les monsters shows tels qu’on pouvait en voir dans les cirques. Cet imaginaire est vendeur car il suscite la fascination. Ainsi, la récupération récente de ce même thème dans la série tendance « American Horror Story » (The Freak show, saison 4) illustre l’importance du spectaculaire comme argument marketing.  Une autre série, plus ancienne, « Ugly Betty » basait son synopsis sur une dimension voyeuriste, alimentée par la curiosité et la surprise. Habitués aux plastiques parfaites des télénovelas, les spectateurs étaient invités à suivre les prouesses d’une jeune femme « laide » (grimée pour l’occasion) dans le monde du journalisme de mode.
Le monde de la mode est le premier à y avoir vu une plus-value pour l’image des marques en engageant des handicapés, des albinos, et même des « femmes à barbe » (Conchita Wurst pour Jean-Paul Gaultier). Diesel et Desigual ont par exemple pris pour égérie le mannequin Winnie Harlow, atteinte de vitiligo (une maladie qui consiste en l’apparition de grandes tâches blanches sur la peau). Elles ont surpris, peu importe la critique, et ont donc réussi le pari de faire parler d’elles. Les médias les relayent davantage, et leur « vedette », choisie avec soin pour incarner cette qualité de distinction tant recherchée, apparaît comme le clou du spectacle. La volonté dans la publicité de vouloir « embellir » le laid est en cela significatif : l’étrange pour apparaître doit être sublimé. Les sociétés humaines semblent en effet depuis leurs origines motivées par le perfectionnement, si ce n’est par la perfection elle-même. Les plus pessimistes diront qu’aujourd’hui l’imperfection est un commerce, avant toutes visées démocratiques. Elle permettrait aux marques d’exister par la différence, valorisant la transgression mais aussi accordant une image philanthrope et sociale à la marque. Mais est-ce si négatif ?

Monsters, Inc. : un échange de bons procédés ?
Pour autant, il ne faut pas oublier que la stratégie marketing n’exclut pas la portée sociale de la représentation du différent, voire du laid, dans la publicité. Les marques prennent tout de même le risque que leurs messages soient perçus comme le comble de l’hypocrisie. Il est envisageable que le consommateur se méfie et accorde du discrédit aux campagnes faussement bien-pensantes de certaines marques. Ce qui ne semble pas être le cas, car le consommateur a secrètement conscience que ce nouvel esthétisme, tendance « pérenne » ou éphémère, participe à introduire les physiques hors-normes dans les images de nos sociétés. Cette tendance de l’imperfection et de l’étrange a permis l’émergence d’agences de mannequins aux physiques atypiques telles que « Ugly People » aux Royaume-Uni et « Wanted » en France. Le choix délibéré de ces mannequins, anciens anonymes, d’appartenir à ces agences, de poser pour une publicité ou de défiler souligne l’ambiguïté du difforme représenté dans la pub : s’ils prêtent leur image à une marque – tel Madeline Stuart, jeune fille trisomique qui a défilé à la Fashion Week de New York en février 2015 – c’est qu’ils ont conscience qu’elle sera valorisée et qu’elle sera l’étendard de la tolérance et de l’authenticité. Il y a deux semaines, le premier défilé de femmes de petites tailles a par exemple eu lieu à Paris. Ouvert à tout public, les codes classiques du défilé y étaient « renversés » : dans le public se mêlaient personnes de taille normale et de petite taille, mais seules ces dernières étaient invitées à défiler.

La charge sémiotique du « laid », dans la mesure où il incarne souvent la différence, est donc complexe et plurielle dans la publicité : il stigmatise la différence mais, en la sublimant, il la rend aussi concevable, et autonome par rapport à la beauté. La différence choque au premier regard puis on s’y habitue. Si elle n’est qu’une pénétration encore rare dans l’espace public, elle n’en est pas moins remarquée et elle sert certainement une cause sociale. Les dispositifs médiatiques donnent peu à peu à ces physiques différents la possibilité d’exister à l’image, alors qu’ils étaient niés jusqu’ici. L’actrice espagnole Rossy de Palma au physique atypique et quelque peu « picassien », réinvente ainsi la définition de la beauté en disant : « Pour moi, c’est ça la beauté, ce mélange entre la réalité de tous les jours et quelque chose de très recherché. Il faut que la vie s’engouffre là-dedans ! Sinon, la beauté, c’est un peu ennuyeux, non ? ».
Emma Brierre
Linkedin
Sources :

Ugly Models : l’agence de mannequins pour gens « moches »


http://www.vice.com/fr/read/la-fashion-week-des-nains-en-images-182
http://weekend.levif.be/lifestyle/mode/l-imperfection-comme-strategie/article-normal-389549.html
Crédits photos :
Défilé Dior, 2006
Desigual
Direct Matin
Ugly people agency

Couteau
Société

[À savoir n°34] : trois tutos pour un avortement parfait

« EnjoyPhenix a sorti une nouvelle vidéo, t’as vu son dernier tuto ? »
Cela fait quelques temps maintenant que les fameux « tutos » envahissent nos pages Youtube. Premièrement, posons une définition précise de la chose, en clair :  « un tuto, c’est quoi ? »
Un tuto, ou tutoriel, est un mot utilisé pour désigner une brochure informative destinée à enseigner des données, de quelque type que ce soit, même si le terme s’est largement développé au niveau de l’informatique.
Une vague  de tutos en tous genres a donc déferlée sur nous autres internautes: tutos cuisine, tutos coiffures, plus populaires encore les tutos beauté des fameuses « youtubeuses », mais les tutos qui suivent sont d’un tout autre genre et risquent bien de vous glacer le sang. Exit le tuto qui nous donne le secret du parfait maquillage pour l’automne qui arrive, ici sont listées les meilleures astuces pour… avorter.

Des tutos « coups de poing »
Remettons les choses dans leur contexte : ces vidéos sont diffusées depuis avril dernier au Chili, l’un des pays les plus conservateurs en terme d’avortement. L’idée originale est celle de l’ONG Miles Chile, résolument féministe et qui entend bien faire bouger les choses.
En effet, depuis 1989, sous la dictature de Pinochet, l’interruption volontaire de grossesse est interdite au Chili, comme dans six autres pays à travers le monde. Les femmes enceintes qui ont recours à cette pratique s’exposent à une peine allant jusqu’à cinq ans de prison. Seul l’avortement dit « accidentel » est dépénalisé. Rappelons, à titre indicatif, que les femmes françaises, elles, bénéficient de ce droit depuis déjà 40 ans.
Miles a donc décidé de frapper fort : sur chaque vidéo, une femme explique comment avorter soi-même en mimant un accident : se faire renverser par une voiture, s’enfoncer un talon aiguille dans le ventre ou bien encore tomber dans les escaliers, autant de façons de pratiquer un avortement maison, souvent au péril de sa vie.
Les vidéos se veulent courtes et incisives, même s’il ne faut évidemment pas les prendre au pied de la lettre. La mise en scène de l’avortement n’en reste pas moins violente et crée un contraste avec le choix du support que représente le tutoriel, habituellement objet futile et de divertissement. C’est ce contraste qui rend la campagne de Miles particulièrement originale.
Derrière ce cynisme se cache la volonté de moquer et ridiculiser un Chili trop conservateur, et donc en retard sur son époque, face à des pays tels que la France ou les Etats-Unis, où le coût de l’avortement est partiellement pris en charge par l’Etat, et à une société qui ne cesse d’aller de l’avant.
Aux grands maux, les grands remèdes
Miles se paie les services du géant de la publicité Grey Chile, et joue la carte du cynisme et de l’humour noir pour dénoncer une réalité qui l’est d’autant plus. En effet, aujourd’hui encore, elles sont plus de 150 000 chiliennes à pratiquer l’avortement maison comme dernier recours face à une grossesse non désirée.
Les vidéos sont principalement diffusées sur la Toile et sont ponctuées du hashtag, #LeyAbortoTerapéutico. Vidéos tuto, hashtag, diffusion sur Youtube… Le mouvement a largement pris pour cible principale les jeunes générations, qui se trouvent être en première ligne dans cette bataille en faveur du droit à l’avortement.
Le message très clair: le Parlement doit voter la proposition de loi pour dépénaliser l’avortement au Chili.

Miles a gagné une bataille, mais pas la guerre…
La victoire se trouverait-elle au bout du chemin pour Miles ? Le projet de loi est aujourd’hui discuté, controversé même, mais l’ONG a réussi son pari: ouvrir le débat. Le projet est appuyé par la présidente socialiste Michelle Bachelet. Il vise à dépénaliser l’avortement sous certaines conditions: la raison avancée doit être valable. L’avortement pourrait donc être légal dans les cas suivants: viol, malformation du foetus ou risque pour la vie de la mère.
Ce premier pas vers l’éveil des consciences n’est pas du goût de l’Eglise catholique chilienne, qui a exprimé son mécontentement dans la presse à pas moins de cinq reprises. Les pays hispanophones sont les plus restrictifs en terme d’avortement: en Amérique Latine, l’avortement n’est libre qu’à Cuba, en Uruguay, à Porto Rico et à Mexico. Cette politique conservatrice  s’explique par leur proximité avec l’Espagne, pays colonisateur, et donc par l’influence exercée par l’Eglise catholique, aujourd’hui toujours très importante dans ces pays.
L’écho de cette victoire en terme de communication autour de l’épineuse question de l’avortement n’atteindra pourtant pas l’autre rive de l’Atlantique, puisque la classe dirigeante espagnole, malgré la récente démission du premier ministre Mariano Rajoy, tente toujours de faire machine arrière et de limiter le droit à l’avortement à deux cas: le viol et le risque vital pour la mère.
A quand donc un tuto « être une bonne mère sans même vouloir en être une » ? À cela, Miles répondrait que « la maternité est un droit, non une obligation ».
 
Manon DEPUISET
@manon_dep
Sources : 
Le Monde : http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/05/29/des-tutoriels-pour-avorter-afin-de-denoncer-la-loi-chilienne/
Crissementathee : http://crissementathee.com/2015/05/30/au-chili-une-ong-militant-pour-le-droit-a-livg-propose-une-campagne-choc/
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Europe 1
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Johnny Harrington Lancôme
Société

Rhoooo la barbe … !

Atout de la sexy-attitude ou au contraire objet « has been », la barbe est devenue aujourd’hui un enjeu communicationnel. Comment ? Permettant à celui qui la porte de s’affirmer et d’être identifié par les autres, la barbe et les barbus deviennent une véritable cible marketing pour des marques comme Philips, mais elle vient aussi se placer au cœur de problématiques sociales puisque pour certains elle est synonyme de précarité voire de misère.
La barbe comme marqueur identitaire
La barbe a pendant longtemps été le reflet des différences de statuts. Néanmoins, ses représentations dans l’imaginaire collectif ont évolué et semblent davantage s’attacher à la personnalité d’un individu. On la porte pour se faire remarquer, plaire ou simplement pour soi à présent : propre à chacun, libre court est donné à sa forme et sa taille.
Ci-dessus on peut voir le mannequin britannique Johnny Harrington posant pour une pub Lancôme. Les photographies reflètent l’évolution de l’image du barbu dans la pub : lors d’une interview donnée pour le site « La Belle et la bête », ce dernier affirme que la barbe lui donnait l’air plus âgé, plus viril. Considérée comme ringarde au début de sa carrière, elle redevient branchée quelques années plus tard. Normal, la mode semble être un éternel recommencement. Mais à quoi est dû ce renouveau de la barbe dans notre société ? Selon le Journal of Marketing Communications : « Les barbus ont l’air fiables et sérieux » et dégageraient alors une aura rassurante dans une société en crise.
Ce « magnifique cache-sottises » dont parlait Victor Hugo, permet à tous ceux qui trouvent des imperfections à leur visage, d’améliorer, d’un certain point de vue, l’image qu’ils ont d’eux-même. 53% des hommes se sentiraient plus désirables avec une barbe : un moyen de se démarquer donc, mais aussi de séduire. Avant même de parler avec un barbu, nous avons tendance à nous identifier d’une certaine manière à lui : il peut nous sembler agréable, confiant ou alors trop rustre. La barbe convoque des imaginaires différents en fonction de la personne. La communication ne passe pas seulement par le langage : c’est aussi du métalangage, et le fait d’arborer une barbe peut en dire bien plus sur la personne qu’un long discours.
Pourtant la barbe ne fait pas l’unanimité, et quoi de mieux qu’un défilé de mode pour démasquer la position des marques : certaines préfèrent des mannequins barbus qui donnent une impression plus rock et plus virile, tandis que d’autres vantent une beauté pure et immaculée de leurs égéries, quasi nubile.
De l’huile et des crèmes pour ces messieurs je vous prie
Mais de nos jours être barbu ce n’est pas être qu’un hipster écolo laissant une barbe hirsute et non entretenue. Non le barbu c’est aussi celui qui la soigne et la coupe, que ça soit chez un barbier, ou à domicile avec son propre coffret de professionnel.
En peu de temps, les marques que l’on avait l’habitude de voir pour des produits destinés à un public féminin comme les crèmes rajeunissantes Clarins, les laits Nivea ou encore Bioderma, se sont mises à lancer des soins spécialement réservés aux hommes. La barbe est alors devenue un enjeu marketing important sur le marché des cosmétiques.
Le bar à barbe devient tendance  et les opérations marketing originales se multiplient, à l’instar de Philips qui nous avait déjà fait sourire avec sa campagne publicitaire il y a 2 ans. La marque est revenue en force cet été avec son concours « La barbe la plus cool du web » : lors du Festival Rock en Seine en août 2015, la marque avait installé un stand, le « Barber shop » où les festivaliers intéressés pouvaient se faire tailler la barbe. Pour participer à la web série de Philips et gagner des places pour le festival, les participants devaient se prendre en selfie, poster leur photo sur une plateforme réservée et c’était au tour des internautes de voter pour « la barbe la plus cool du web ». Les 30 participants qui avaient obtenu le plus grand nombre de votes se voyaient offrir un rasoir électrique Philips : un bon coup marketing pour réunir la communauté des barbus l’instant de quelques jours.
Des barbiers branchés aux défenseurs de causes
Tandis que la barbe est pour certains un marqueur identitaire, pour d’autres elle renvoie à une situation sociale difficile, à une estime de soi au plus bas. Elle représente alors un enjeu social : en rasant et en coupant les cheveux de ces personnes, les barbiers du dimanche leur permettent de retrouver une dignité qui jusque là leur était étrangère.

D’autres encore utilisent leur barbe comme œuvre d’art et d’expression, comme ces deux amis, Brian Delaurenti et Jonathan Dahl, qui y accrochent fleurs et motifs végétaux. A travers leur projet « The Gay Beards », les deux hommes souhaitent sensibiliser leurs fans à la cause LGBT.

 
Certains la trouvent démodée, plus franchement singulière, d’autres hype, cool et rock ; de nos jours la barbe est un élément interprétable sous de multiples rapports. On voit d’ailleurs qu’il ne s’agit plus uniquement d’un objet esthétique mais bien d’un objet communicationnel qui permet de s’exprimer de manière plus originale. Et puis, le Père Noël porte bien une barbe non ?
Ludivine Xatart
Sources : 
– Madame Figaro : « La barbe, stop ou encore ? »
– Konbini : « Des barbes pour sauver l’humanité »
– L’Express Styles : « Ma barbe et moi »
– YouTube : « Philips SensoTouch 3D- Pub Tv 2013- Barbe de 3 jours (30s) »
– Philips : « Jeu concours Philips »
Crédits images : 
– L’Express Styles : Johnny Harrington pour Tush Magazine
– Konbini : « Les barbiers des rues, ces hommes au grand cœur 
– « Les Gays Beards, une bromance de barbus créatifs »

Brice de Nice
Société

Clasher pour ca$her

Parce qu’à côté de Yann Moix, même le Kass contre Kass de Brice de Nice ne ferait pas le poids. Aujourd’hui, c’est bien connu, le clash télévisuel fait vendre et devient même l’essence de certaines émissions. Ces dernières semaines, le fameux talk-show « On n’est pas couché » animé par Laurent Ruquier a été en permanence l’objet des zappings et buzzs télévisuels.

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Légion d'honneur à Spencer Stone
Société

Des trains et des super-héros

« Héros ». Les médias n’avaient plus que ce mot à la bouche le vendredi 21 août 2015. C’est une tragédie manquée qui s’est jouée ce jour-là, à bord d’un train Thalys : un petit groupe de personnes est parvenu à maîtriser un homme armé d’une kalachnikov qui s’apprêtait à faire feu sur les passagers. Parmi eux se trouvaient trois Américains, un Britannique, un Franco-Américain et un discret Français préférant garder l’anonymat. Leur action a été très largement saluée à travers le monde et le rideau s’est soudainement levé sur ces nouveaux « Héros du Thalys ».
La quête du détail spectaculaire
Le théâtre classique interdit toute représentation de la violence. Sur scène, seule la parole compte ; l’action est ailleurs, quelque part en coulisses. Pourtant, au XXIème siècle, c’est l’obsession du hors-scène qui règne. Après l’attentat avorté du Thalys, il s’agissait de reconstituer les faits le plus précisément possible : qui ? Où ? Quoi ? Comment ? En quelques jours, les articles et les reportages se sont accumulés, relatant inlassablement les moindres détails de l’attaque : il y aurait alors eu quatre « héros du Thalys ». Ah, non pardon, cinq. Ou même peut-être six … Mais déjà, des noms sont revenus fréquemment, ceux de Spencer Stone, Alek Skarlatos et Anthony Sadler, les trois passagers américains. Ensemble, ils ont désarmé, immobilisé et ligoté l’assaillant, évitant la fusillade de se produire et la perte de vies innocentes.
L’ethos du super-héros…
Au théâtre antique on préfère finalement le scénario hollywoodien : trois jeunes Américains partent découvrir l’Europe et, tandis qu’ils sont à la recherche d’une connexion Wifi dans le train qui les emmène d’Amsterdam à Paris, ils se trouvent confrontés à une menace terroriste. « Face au mal du terrorisme, il y a un bien, celui de l’humanité. C’est celui que vous incarnez. » a déclaré François Hollande en leur remettant plus tard la Légion d’Honneur. Le président a également employé des mots tels que « courage », « sang-froid » et « héroïsme » face à ce qui aurait pu finir en « massacre ». Il s’agit bien là d’un découpage manichéen – certains journaux ont dit « américain » – du Bien et du Mal, caractéristique peut-être de ces histoires de super-héros que l’on aime tant. Barack Obama pour sa part, a parlé d’« héroïsme », précisant qu’ils étaient « la fierté de tous les Américains ».
« Héros », donc. Le mot est vite tombé, relayé par les journaux et les hashtags Twitter. Pas un article n’est paru sans la précision de ce statut hors-norme : des gratifiants « Le monde salue les héros du Thalys » (Le Parisien), ou « Parade aux États-Unis pour célébrer les héros du Thalys » (L’Express), à l’amusant « Un héros du Thalys va participer à « Danse avec les stars » » (Le Huffington Post), le terme « héros » précède, ou parfois même, supplante totalement leur identité, comme si l’étiquette héroïque suffisait à faire l’homme. Ils ne sont plus ni militaires, ni étudiants, ils sont « héros ».
Pourtant, le témoignage des trois amis se voulait simple. « It was mostly survival/Tout ça, c’était pour survivre » ont-ils annoncé lors d’une conférence de presse. Ajoutons, par ailleurs, que leur présence dans ce wagon n’était due qu’au plus grand des hasards. Oui mais… dans l’imaginaire collectif, l’humilité fait bien souvent partie des attributs du héros. En pensant déconstruire le mythe, ils n’ont fait que l’encourager davantage. Après tout, Spiderman lui-même ne doit-il pas ses pouvoirs à la morsure fortuite d’une araignée ?
… et des super-méchants.
Si certains comportements ont été portés aux nues, d’autres, au contraire, se sont vus pointés du doigt. L’acteur Jean-Hugues Anglade, dans une interview pour Paris Match, a désigné les coupables idéaux : les employés de Thalys « ont couru dans le couloir […] vers la motrice, leur wagon de travail. Ils l’ont ouvert avec une clé spéciale, puis se sont enfermés à l’intérieur. (…) Nous criions pour que le personnel nous laisse entrer (…) en vain… Personne ne nous a répondu». Ce qui importe ici, au-delà de toute véracité factuelle, c’est que pour tout héros à admirer, il faut un lâche à conspuer. Le courage dont ont fait preuve les militaires ne pouvait qu’augmenter la couardise du personnel du train aux yeux des gens. Que celui-ci ne soit guère entraîné pour ce genre de situation extrême n’a finalement pas eu grande importance au sein du jugement général…
Le héros, cet homme d’action.
Le Monde a rapporté les propos de Chris Norman, ce Britannique de 62 ans qui s’est lui aussi interposé lors de l’attaque et qui a reçu la Légion d’Honneur aux côtés de Spencer Stone, Alek Skarlatos et Anthony Sandler : « Soit tu restes assis et tu meurs, soit tu te lèves et tu meurs. C’était aussi simple que ça. » Aussi simple ? Pas sûr. Selon Frédéric Gallois, l’ancien commandant du GIGN interrogé par Libération, « 90% des gens observeraient un comportement de sidération face à une telle situation ». Alors d’où viennent les héros, ces hommes d’action qui un jour sauvent un train d’une attaque armée et le suivant, reçoivent plusieurs coups de couteau pour défendre une femme harcelée ? Sont-ils une projection de l’imaginaire collectif, une construction des médias, ou simplement ces 10% d’individus restant insensibles à la tétanie et à la peur de mourir ? Quoiqu’il en soit, comme dirait l’autre : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités … »

Marie Philippon 
Sources : 
⁃ Le Monde, « Courage, hasard et « survie » : les quatre « héros » du Thalys salués en France et dans le monde », Compte rendu, le 24.08.2015.
⁃ Libération, « Thalys : vrais héros, faux méchants », Frantz Durupt, le 23.08.2015.
⁃ L’Express, « Héros de Thalys : pourquoi certains agissent et d’autres pas », Ludwig Gallet, le 25.08.2015
Crédits images : 
– REUTERS/Michel Euler/Pool
– AFP – Photo Stephen LAM

Culture

L'art de se réfugier dans les clichés

Une nouvelle polémique est venue irriguer, mardi 6 octobre 2015, le chapitre déjà controversé de l’accueil des réfugiés en Europe. Le hongrois Norbert Baksa, qui se définit lui-même comme « un photographe professionnel indépendant avec vingt ans d’expérience à son actif », est à l’origine de « Der migrant », clichés de mode sur le thème des réfugiés.
 

La réaction des internautes fût virulente et sans appel. Devant l’ardeur des condamnations de son travail, Norbert Baksa retira finalement les images de sa page internet et de son compte Twitter deux jours après leur publication.
De l’objet des médias à l’objet d’art
Depuis quelques mois, et a fortiori depuis le 24 août dernier, lorsqu’Angela Merkel a annoncé une souplesse sur l’ouverture des frontières de l’Allemagne concernant le cas des demandeurs d’asile syriens, les articles et reportages médiatiques au sujet des réfugiés prolifèrent.
Aussi le thème de l’immigration est-il omniprésent dans les médias, qu’on lise la presse, qu’on écoute la radio, qu’on regarde la télévision, et par conséquent il s’inscrit dans nos quotidiens.
Entendu en tant qu’objet investi par les médias, le thème des migrants soulève un paradoxe. S’il est légitime que les travaux de Norbert Baksa dérangent et offusquent les internautes, il reste compréhensible que la thématique des migrants soit source d’inspiration pour l’art, puisqu’au cœur des préoccupations actuelles (en admettant que les clichés en question soient de l’art). Comment comprendre cette tension ?
Art et politique, les amants maudits
En partant du postulat que le projet « Der migrant » appartienne bien au domaine de l’art, il est possible d’entendre les justifications que le photographe s’est donné la peine de publier sur son compte Twitter.

Norbert Baksa soutient que son travail met l’accent sur « la complexité de la situation et adopte un point de vue différent ».
Dans l’exemple de la photographie ci-dessous, on peut remarquer un décalage évident dans le choix des personnages. Le contraste est évident entre une délicate et fragile jeune femme, représentant une migrante, et un individu violent, symbole du l’ordre étatique.
La série de photos dérange surtout par ses contrastes manichéens entre le beau et le laid, le bien et le mal. Et ce sont précisément ces oxymores visuels qui permettraient de mettre en évidence « la complexité de la situation ».
 
 

« Ingrid, est-ce que tu buzz ? »
Le problème n’est pas le choix du thème des réfugiés, mais la manière discutable, et plutôt frivole, dont il est traité. La mise en scène d’une jeune femme, respirant la fraîcheur, en train de faire un selfie aguicheur, chemisier ouvert, devant une barrière barbelée à l’aide d’un téléphone portable qui porte le logo Chanel, n’a pu naître que d’un esprit conscient du tollé que cela engendrerait. Les situations sont si grotesques qu’elles transpirent la recherche du « buzz médiatique ».

Cinquante-deux millions d’immigrés*, et moi, et moi, et moi
On connaît la position radicale de la Hongrie à propos de l’accueil des réfugiés en Europe. Après qu’il ait construit un mur « anti-migrants » à sa frontière avec la Serbie, le premier ministre hongrois Viktor Orban a fait voter une loi autorisant les militaires à faire usage d’armes non létales sur les migrants.
Certes, les jolies ambitions que Norbert Baksa a affiché sur son compte Twitter, telles que « exposer la dualité des reportages des médias », « faire se rencontrer différentes opinions pour nous ouvrir l’esprit » semblent prôner un noble objectif de compréhension de la situation dans sa globalité. Mais dans ses clichés, on retrouve en fait le leitmotiv de la décadence et du repli national.
 

Il nous assure en effet que ses « photos sont la traduction des reportages qu’on peut voir dans les médias hongrois. Certains montrent bien des réfugiés qui s’enfuient pour une question de survie, tandis que d’autres exposent des migrants agressifs ou terroristes ».
La théorie du complot revisitée ?
Peut-être Norbert Baksa entend-il en fait dénoncer les abus de tous ces migrants calculateurs, qui se cachent sournoisement sous l’appellation « réfugiés », et s’infiltrent en Europe, uniquement dans le but de profiter de la prospérité économique européenne. Cette intention de dénonciation serait sous-jacente dans l’intitulé même de son projet. Alors qu’il prétendrait nous ouvrir les yeux sur une situation complexe, puisque les médias traditionnels n’auraient pas correctement rempli leur mission d’information à ce sujet, l’accusateur nomme naturellement son travail « Der Migrant ».
Mais l’emploi de l’article défini ne sous-entend-il pas précisément une généralisation, celle-là même qu’il ambitionne de combattre ?
 

Trancher entre hypocrisie ou recherche de buzz, voilà la « dualité » que semble suggérer Norbert Baksa à travers ses clichés, à prendre dans tous les sens du terme.
Aline Nippert
Linkedin
Sources :
* chiffre tiré d’un projet-événement d’Arte reportage, où « migrants » est pris dans son sens large de « nombre d’êtres humains qui sont contraints à vivre sur une terre qui n’est pas la leur » http://info.arte.tv/fr/refugies

https://twitter.com/NorbertBaksa?ref_src=twsrc%5Etfw
http://www.rtl.fr/actu/international/en-hongrie-les-militaires-sont-autorises-a-tirer-sur-les-migrants-7779808514

Crédit photos :
http://www.konbini.com/fr/tendances-2/en-images-shooting-mode-refugies-fait-polemique/

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Société

France 3 tire son irrévérence

Avant même d’avoir pu être diffusé sur les antennes, le dernier spot publicitaire conçu par France 3 a été censuré. Alors que le CSA s’est engagé à œuvrer pour la réduction des inégalités hommes/femmes dans la sphère médiatique, la chaîne télévisée produit une campagne publicitaire au contenu indéniablement irrévérencieux, jugé sexiste. Cette dernière nous donne à voir les images d’un foyer délaissé : four brûlant désespérément le repas du soir, chambre d’enfant désordonnée, scène de repassage cauchemardesque. C’est le fameux titre de Patrick Juvet qui nous révèle le nom du responsable de ce remue-ménage : la femme. Ce recourt au stéréotype du genre, qui n’a fait que décrédibiliser et transfigurer le message transmis, nous pousse à questionner la place du cliché dans la stratégie communicationnelle.
Jouer le cliché, un pari risqué

 

Sarcasme, facilité, résurgence de lieux communs et de topoï du genre exploités depuis des décennies : tous les éléments du cliché destinés à faire exploser une polémique virulente sont réunis. La campagne publicitaire lancée par France 3 aurait pu faire sourire. Mieux, elle aurait pu éveiller les consciences et attirer l’attention des téléspectateurs sur la réalité effective d’une avancée sociale majeure : la représentation des femmes au sein de l’enceinte médiatique de la chaîne. Mais la déprogrammation du spot signe son échec.
A quoi cet échec tient-il ? «Affirmer ses valeurs à travers cette nouvelle campagne qui met à l’honneur les présentatrices»: l’intention première de la chaîne était louable. Mais en s’attaquant à la destruction d’un cliché, cette campagne semble en avoir construit un autre. De plus, elle met en scène un schéma étroitement lié à des problématiques sociétales encore brûlantes. L’utilisation du cliché est rejetée, certainement parce qu’il est le reflet d’une réalité qui dérange et qui n’est pas encore dépassée. S’il avait été utilisé quelques années auparavant, peut-être aurait-il pu s’introduire dans l’espace médiatique sans faire de bruit, à la manière du spot lancé en 1995 par l’Équipe pour promouvoir un PSG-Barcelone.
 

« Pour une esthétique de la réception »
L’ambiguïté de la vidéo a provoqué des réactions violentes sur les réseaux sociaux, notamment de la part de la  secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, Pascale Boistard. La stratégie communicationnelle de la chaîne s’est enlisée, sans doute du fait de la sous-évaluation du potentiel polémique du cliché exploité. Ce flop médiatique pointe du doigt la problématique de la réception qui se pose à chaque fois qu’il y a tentative de communication. Ici, le message transmis n’est plus le même que le message reçu. Le premier a été transfiguré par ceux qui en on fait une interprétation nouvelle. Mais comment croire que l’équipe de France 3 ait pu être naïve à ce point ? Comment croire que ce bad buzz ne soit pas intentionnel ? Après visionnage de la vidéo, le scepticisme est à son comble.

Pourtant, des réactions bien différentes ont émergé sur la toile. Certains déplorent l’explosion de la polémique et auraient volontiers choisi d’ironiser. Finalement, pourquoi ne pas se permettre de rire de ces représentations grotesques ? Pourquoi ne pas considérer que railler le cliché lui-même pourrait contribuer à amoindrir son ancrage réel dans la société ?
La fausse bonne idée ?
Le message véhiculé par France 3 s’impose dans un contexte où acteurs sociaux et société civile ont les moyens de se manifester et de se réunir contre toute forme d’abus de pouvoir, symbolique ou non. Grâce à la démocratisation de la parole publique étendue à l’échelle citoyenne, et suite au développement de supports médiatiques participatifs, chacun peut se rendre capable d’agir sur la déconstruction de représentations, idées reçues et clichés. Mais au-delà de son caractère polémique, le cliché semble pouvoir être un puissant moyen de se contrer lui-même. C’est par exemple avec ce regard cynique et critique que Ségolène Royal fait du stéréotype sexiste un instrument de communication politique impactant lors de sa campagne pour les primaires socialistes de 2011.

 
De part l’exercice de leur profession et leur présence active dans les coulisses de France TV, Delphine Ernotte Cunci (patronne de France TV) ou encore Dana Hastier (patronne de France 3) tendent à prouver que les femmes sont véritablement mieux représentées dans l’espace médiatique. Malgré tout, une forme de malaise demeure. Le 7 septembre dernier, l’invitation au départ de Claire Chazal ouvre une nouvelle fois le débat. La présentatrice a été conviée à « savoir passer la main ». 58 ans, il est vrai, ce n’est plus tout jeune!L’ironie nous tient quand on pense à Jean-Pierre Pernault, 65 ans, qui rayonne bucoliquement dans le 13h depuis 27 ans.
« Je pense qu’en télévision, on tolère plus les cheveux blancs des hommes que les rides des femmes », Léa Salamé a joliment résumé la situation, qui attend d’être résolue. Il est temps : révolutionnons l’usage des clichés pour les mettre au service de leur propre dénonciation, car comme l’énonce Roy Lichtenstein, ils sont « des modèles simples frappants, mémorables et faciles à communiquer. Ils peuvent signifier l’essentiel d’une idée. Ils ont la possibilité de devenir monumentaux. »
Émilie Beraud
Sources : 
INA
L’ADN
Madmoizelle
Le Monde
Crédits Photos :
Le Huffington Post