Société

Jacques a dit : « Zuckerberg Mania »

 
Pour l’année de ses 10 ans, Facebook est en complète effervescence.
Alors que des sondages récents se sont multipliés pour montrer son recul face à d’autres réseaux tels que Twitter, Zuckerberg, lui est partout.
Entre l’échec du rachat de Snapchat, l’acquisition récente de Whatsapp et enfin sa présentation la semaine dernière du projet internet.org à l’occasion du Mobile World Congress, Mark Zuckerberg se fait star des médias depuis quelques temps.
Alors 10 ans, l’âge de raison ? Peut-être simplement le moment de se demander qu’est-ce qu’on fait là et de se concentrer sur une vision à long terme.
Le buzz de Whatsapp
Rappelons que Zuckerberg vient d’acheter l’application WhatsApp, créée en 2005 par Jan Koum, qui compte 450 millions d’utilisateurs, dont 70% qui l’utilisent quotidiennement, pour une modique somme de 19 milliards de dollars.
On constate également à cette occasion le triomphe du modèle « freemium » : tout comme l’application de photos Instagram, rachetée 715 millions de dollars en 2012, WhatsApp conservera son nom et son indépendance.
 La particularité de cette application ?
«Ni publicité, ni jeux vidéo, ni bla-bla» indique une note affichée dans le bureau de Koum. Le message est clair donc, WhatsApp sert uniquement à envoyer des messages, des photos et des vidéos à ses contacts.
Il semble d’ailleurs que le CEO de Facebook garde cet esprit.

L’objectif est clair pour Facebook : « purely connecting more people ».
« Chacun de nous, n’importe où, connectés »:
Cette vision du « One connected world» se retrouve dans internet.org,  un projet un peu fou lancé par Facebook en partenariat avec six autres membres (Ericsson, MediaTek, Nokia, Opera, Qualcomm et Samsung). Il s’agirait de connecter à Internet ceux qui n’y ont pas encore accès, soit 2/3 de la population mondiale.
En effet, selon Facebook seules 2,7 milliards de personnes (soit un peu plus du tiers de la population mondiale) ont accès à Internet, une proportion qui augmente de moins de 9% chaque année.
Il est important de rappeler que le réseau social a déjà investi plus d’un milliard de dollars pour connecter des personnes dans les pays émergents au cours des dernières années.
Internet.org : c’est quoi ?

L’idée est de permettre aux populations défavorisées d’avoir accès à des applications web qui deviendraient gratuites et que Zuckerberg juge indispensables comme Wikipedia, la météo ou encore son propre réseau social Facebook.
Mark Zuckerberg constate que « 80% des habitants de la planète vivent dans un endroit qui a déjà la 2G ou la 3G, mais seulement un tiers de l’humanité est connecté et des milliards de personnes pourraient en bénéficier, seulement ils ne savent pas à quoi cela sert ». Ce qui est visé ici est une stratégie à long terme, d’évolution des pratiques et des modes de vie.
Bien sûr, tout ne serait pas gratuit et c’est là que l’idée n’est pas naïve. Ainsi, il demande aux opérateurs mobiles de faire un effort et d’offrir quelques applications gratuitement. En échange, les nouveaux internautes « gratuits » qui seront convaincus finiront à terme par prendre un forfait Internet mobile et ainsi participer à l’économie de ces fournisseurs d’accès.
Il s’agit d’un projet sympa sur le papier et qui tend à se vérifier dans la pratique avec deux essais réalisés au Paraguay avec Tigo et aux Philippines avec l’opérateur Globes qui ont permis à ces deux fournisseurs de téléphonie mobile de doubler leur nombre d’abonnés en seulement un trimestre.
Alors la gratuité, le sans pub une nouvelle tendance ?
Cependant, amener Internet quand des pays où une partie de la population ne bénéficie même pas d’accès à l’eau potable, n’est-ce pas un projet trop ambitieux ?
Même si Zuckerberg reconnaît et accepte la nécessité de perdre de l’argent au début, les opérateurs de la téléphonie mobile comme Stéphane Richard pour Orange seront-ils du même avis?
En tout cas, même si l’idée du « One World Connected » semble un peu utopique à l’heure actuelle, n’est-il pas rafraîchissant de voir de jeunes entrepreneurs avec tant d’ambition et surtout d’audace mener des projets et porter une vision globale et sur le long terme ?
Sophie Cleret
Sources :
Lepoint.fr
Lemondeinformatique.fr
Internet.org

4L Trophy
Publicité et marketing

Com’ des aventuriers

 
Voilà une semaine que s’est achevée la 17ème édition du 4L Trophy, mythique course d’orientation dans le désert marocain. Un raid humanitaire étudiant qui prend chaque année de plus en plus d’ampleur et qui fait l’objet d’une campagne de communication bien rodée, concoctée par les élèves de l’école de commerce de Rennes.
Leur crédo ? Jouer la double carte de l’action solidaire et de l’événement festif afin de donner au raid une image séduisante tant pour les participants, à qui on promet du fun et des rencontres, que pour les sponsors qui aident à financer un projet philanthropique.
En découle la construction d’un imaginaire basé sur l’idée d’aventure et de dépassement de soi…. De plus en plus décrédibilisé par la multiplication du nombre de participants, qui certes gonflent l’envergure des dons, mais qui s’entassent dans le désert rendant caduque toute ambition de péripéties autonomes.
Le cap à suivre n’est alors plus celui indiqué sur le roadbook, mais celui que dessine la poussière soulevée par les 4L qui nous précèdent… Une réalité habilement éclipsée dans le teaser qui ne fait bien sûr pas mention des longues files d’attentes s’étirant chaque jour devant bivouacs et check points.
N’est-il pas en outre paradoxal d’organiser un « éco challenge » en partenariat avec Deloitte lorsqu’on envahit le Maroc avec 1300 voitures plutôt gourmandes en essence ?
Hypocrisie diront certains, opération de com diront d’autres !
 
Elsa Becquart

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Canal+
Société

Canal+, Studio Bagel : une histoire de gourmandise

 
 C’est telle une traînée de poudre que la nouvelle s’est répandue et que les jeux de mots ont fusé : « Canal+ « croque » 60% de Studio Bagel. »
Studio Bagel est la jeune start-up derrière des programmes courts comme le Dézapping du Before ou les Tutos du Grand Journal sur Canal+. De la même manière, sur le web, Studio Bagel est tout aussi débordant de créativité à travers sa chaîne Youtube, et ce  grâce à des formats voulus courts, drôles et efficaces.
La chaîne totalise plus d’1 million d’abonnés et plus de 40 millions de vidéos vues. Autant dire que la start-up du rire 2.0 décolle et rassemble !
Pour Le groupe Canal, c’est une acquisition qui représente un pas de plus dans l’univers de l’OTT (Over-the-top-television,  pour dire d’une manière générale la télévision distribuée sur internet), notamment après le lancement de 16 chaines Youtube destinées à relayer le contenu de ses différents programmes diffusés en clair. Ce rachat s’inscrit donc naturellement dans la stratégie plurimédia du groupe et son envie d’accroître sa présence sur le web.
Le succès que connaît le collectif du même genre, Golden Moustache (lancé par le groupe M6), a certainement conforté cette décision.
Par ailleurs, acquérir Studio Bagel permet à la chaine de cibler très spécifiquement un public assez jeune, friand de ce genre de formats facile à partager et lui assure en outre un vivier non négligeable d’artistes et d’animateurs potentiels. Dans ce sens, Maxime Musqua, ancien membre de la start up, a depuis Septembre dernier rejoint le petit journal de Yann Barthès.
Studio Bagel de son côté se réjouit : la petite équipe se voit assurée d’avoir plus de moyens et encore plus de diffusion par le biais de l’audiovisuel.
Salma Bouazza
Sources :
Nouvelobs.com
Lesechos.fr
Telerama.fr

Société

Blackphone contre Big Data

 
Vous avez peut-être entendu parler du Blackphone, ce nouveau smartphone ultra-sécurisé et grand public, censé vous protéger de l’espionnage et de l’exploitation de vos données personnelles, résultat d’un partenariat entre GeeksPhone et Silent Circle.
Comment procède-t-il ? Le smartphone sécurise d’une part toutes vos communications en les cryptant et, d’autre part, toutes vos connexions Internet, grâce – entre autres – à un système masquant votre adresse IP, à un blocage des publicités et du suivi des sites consultés et à la possibilité de paramétrer précisément toutes les applications du téléphone.

 La proposition semble être dans l’air du temps. Car après tout, pourquoi se munir d’un téléphone aussi sécurisé que celui d’un Président si son utilisation consiste en tout et pour tout à se connecter sur Facebook tout en envoyant des textos ?
Mais c’est bien de la lutte contre le Big Data dont le nouveau Blackphone se veut le chantre. A ce titre, il est présenté comme un téléphone « anti-NSA », surnom auquel on pourrait rajouter celui d’« anti-Google. »
L’exploitation marketing, policière ou politique de nos données crispe donc de plus en plus la population. L’appareil est d’ailleurs dans la lignée d’une flopée de logiciels et d’outils permettant de se protéger contre elle, du type Tor notamment.
Avec ce téléphone grand public, il apparait que l’indignation contre le Big Data a atteint le niveau d’un ras-le-bol généralisé. Mais notre société ne serait-elle pas en même temps en train de devenir légèrement schizophrénique ?
Schizophrénique, car scindée entre des observateurs véreux et des observés mécontents, entre panoptisme et contre-panoptisme. Schizophrénique, car nous cryptons désormais nos données pour les protéger, tout en voulant continuer à les partager.
Finalement, la mise en réseau de nos sociétés serait-elle allée trop loin, au point d’en écœurer ses membres et de les forcer à se protéger d’eux-mêmes ?
Clarisse Roussel
Sources :
Lesnumeriques.com
Lemonde.fr
Lefigaro.fr
Crédit photo :
Lesnumeriques.com

Société

Le « Vu à la Télé » revient en force grâce au transmédia

Un angle d’approche original pour approfondir ce dossier : celui de la recherche. Cinq rédacteurs ont spécifiquement travaillé sur le transmédia en abordant la problématique du « Vu à la Télé ». Le transmédia serait ce degré supérieur d’interactivité qui dépasse celui du crossmédia, qui nous amènerait vers une télévision connectée et une médiatisation nouvelle génération ?

Coca-cola
Publicité et marketing

Coca-Cola: le goût de la communication 360°

 
Ce jeudi, c’est à travers l’exemple de la marque Coca-Cola que l’une de nos rédactrices s’est penchée sur les types de stratégies médiatiques qui peuvent être mises en place par les annonceurs et les marques pour se démarquer de leurs concurrents.
Comme la majorité des marques de son envergure, Coca-Cola s’appuie sur une stratégie de cross média continue, mais plus encore, elle s’impose comme l’un des chefs d’orchestre de la communication transmédiatique.
A l’instar du « Think different » made in Apple ou du « Impossible is nothing » cher à Adidas, le « Open Hapiness » de Coca-Cola – en France davantage connu via l’accroche « Ouvre un Coca-Cola, ouvre du bonheur » – a su trouver sa place dans l’esprit commun. Pour cause, la firme d’Atlanta, géant publicitaire par excellence, a usé de moyens colossaux et terriblement efficaces. Si cette tendance communicationnelle à créer des « expériences de divertissement » s’intensifie – selon les mots de Jenkins, qui a popularisé le terme transmédia -, Coca-Cola suit le rythme, voire en bat la mesure. Comment donc discuter les notions de cross média et de transmédia sans citer quelques-unes des très nombreuses campagnes que l’on doit à l’enseigne de la petite bouteille rouge ?
Coca-Cola prend la vie côté crossmédia
Il y a un peu plus d’un an, Apple et Google détrônaient Coca-Cola au palmarès des marques réalisant le plus important chiffre d’affaires. Il n’en demeure pas moins que l’enseigne de sodas figure parmi les marques les plus célèbres au monde ; selon les résultats d’une étude, 94% de la population reconnaitrait son logo rouge et blanc. Pour conserver une telle notoriété – et, évidemment, de tels bénéfices – Coca-Cola mise sur présence médiatique plus que conséquente et pari sur une multiplicité des supports ; une stratégie qui apparait aujourd’hui comme quasi indispensable pour nombre de firmes internationales. En bon chef de file, Coca-Cola ne se contente donc pas d’emplir les rayons des supermarchés et s’immisce toujours un peu plus dans nos rues, nos magazines, ou encore sur nos écrans, aussi nombreux soient-ils. Peu importe le prix – et, en l’occurrence, il en a un puisque le budget publicitaire de Coca-Cola est supérieur à ceux de Microsoft et Apple réunis – Coca-Cola veut ancrer ses valeurs dans l’imaginaire collectif et plus qu’un distributeur de boissons, s’imposer comme un vecteur de bonheur (rien que ça !).
Souvenons-nous par exemple de la campagne « Happiness Factory 2 » – qui faisait écho à un premier volet lancé fin 2006 – où, déjà, la marque jouait sur la complémentarité entre les différents médias. En plus d’une traditionnelle campagne print, la stratégie en question s’articulait autour d’un spot vidéo, resté dans les mémoires, où le consommateur découvrait l’intérieur merveilleux d’un distributeur Coca-Cola. La vidéo était diffusée à la télévision, mais également dans les salles de cinéma et téléchargeable sur mobile via le site Wap de Coca-Cola.

Réalisé sous la forme d’une bande-annonce, le spot de soixante secondes invitait le spectateur à se rendre sur le site de la marque. Là, il pouvait visionner une version plus longue du film, télécharger des goodies et découvrir un à un les personnages du court métrage.
En 2006, la marque avait également mis en place une fanpage sur Facebook où l’on pouvait, entre autres, retrouver des vidéos des différentes actions « Coca-Cola happiness » menées à travers le globe. Car force est de reconnaître que l’un des points forts de Coca-Cola réside en sa capacité à mettre en place des opérations de street marketing et de communication « out of the box ». Ici, toujours dans cette optique de véhiculer le bonheur, l’enseigne avait décidé de disposer des « Coca-Cola happiness Machine » dans différentes grandes villes. Par là même, Coca-Cola visait à surprendre le consommateur et à créer, ou à accentuer, chez eux un véritable sentiment d’affection pour la marque.

« Des expériences de divertissement »
Si le goût prononcé de Coca-Cola pour le cross média n’a à priori rien de surprenant étant donné le poids économique de la marque sur le plan international, son penchant pour les stratégies transmédiatiques vient, quant à lui, ancrer le divertissement dans ses valeurs. Le distributeur d’Atlanta, particulièrement reconnu sur le terrain de la publicité produit, a compris qu’il lui fallait désormais impliquer le consommateur, en témoigne sa récente campagne où les prénoms les plus courants ont remplacé le logo de la marque sur les petites bouteilles rouges. De plus en plus exigeant, le consommateur ne se contente aujourd’hui plus des simples publicités, qu’il sait de plus en plus décoder.
Grâce à tous les dispositifs qu’elle met en place, la marque Coca-Cola a été élue, lors de la dernière cérémonie des Cannes Lions, « l’annonceur le plus créatif de 2013 ».
Petit tour d’horizon de quelques opérations où Coca-Cola a rimé avec transmédia.
#LetsEatTogether

En 2013, en Roumanie, Coca-Cola a voulu repenser l’invitation à diner en utilisant une technologie particulièrement en vogue : le Live Tweet. Ici, le dispositif ne sert pas lors d’une émission TV mais bel et bien pendant les publicités de la marque. Grâce aux agences McCann Erickson et MRM WorldWide Romania, et à un tour de force technique, Coca-Cola a peut-être marqué là une véritable innovation publicitaire pour les années à venir.
Le principe de l’opération était simple : les personnes désireuses de participer devaient twitter leur message et l’accompagner du hashtag #LetsEatTogether. Un logiciel était ensuite chargé de les récupérer et de les diffuser en direct à la télévision, sur les chaines nationales, pendant les publicités Coca-Cola. L’action a été un véritable succès puisque le hashtag en question s’est placé au top des tweets dans le pays. Un site Internet a également été mis en place pour l’occasion, permettant de prolonger l’engouement et de visionner du brand content Coca-Cola. Une sorte de social TV à but commercial, en somme.

Le Campus Village

Tous les ans, Coca-Cola met en place un « Campus Village », sorte de village vacances avec activités à disposition, en Israël. En 2010, la marque a eu la brillante idée de fournir à tous les participants un bracelet RFID (Radio-Frequency Identification) directement connecté à leur compte Facebook. Des bornes étaient disposées un peu partout dans le Village et en un simple petit geste, les participants pouvaient partager un statut, liker une activité ou se tagger dans une photo. Ce dispositif intelligent s’est avéré particulièrement efficace puisque plus de 30 000 statuts Facebook ont vu le jour et ont permis de créer du discours autour de la marque.

The Wearable Movie
L’été dernier, Coca-Cola a réalisé une publicité participative pour remercier l’ensemble de ses consommateurs. Pour ce faire, la marque a envoyé des t-shirts, tous uniques et différents, à une centaine de ses fans à travers le monde. Ceux-ci devaient ensuite se prendre en photo avec le fameux t-shirt via un site Internet réalisé pour l’occasion. L’ensemble des clichés, mis à la suite, ont permis d’aboutir à ce que Coca-Cola a nommé le « Wearable Movie » : un spot réalisé en stop motion où la succession des t-shirt racontent l’histoire de deux personnages et d’une bouche à laquelle seule une bouteille de Coca-Cola saura rendre le sourire.

 
L’événement a eu un impact moins retentissant que les deux précédents mais a, là encore, permis de fidéliser les consommateurs participants à l’opération – qui se sont sentis privilégiés – et a, de nouveau, contribué à faire vivre la marque sur les réseaux sociaux. Coca-Cola fait aujourd’hui partie des marques les plus présentes et actives sur Internet.
Bien évidemment, il apparaissait ici impossible de traiter des stratégies cross et transmédia de Coca-Cola dans leur intégralité. Les quelques exemples choisis visaient cependant à démontrer que la firme américaine avait sa place parmi les pionniers de la communication et savait s’adapter aux mutations médiatiques actuelles. Les innovations publicitaires devraient se voir multiplier dans les années, voire les mois à venir et il est fort à parier que Coca-Cola saura continuer à surprendre, tant ses fans que les amateurs de communication.
 
Céline Male
Sources :
Experience Transmedia : « Du Live Tweet dans la pub pour Coca Cola »
Culture Cross media : « Comment toucher une cible large via un même concept de Street Marketing ? »
Buzz et cie : « the Coca-Cola village : Facebook IRL… »
Journal du net :« Happiness Factory 2 : Coca-Cola fait du Web le pivot de sa campagne »
« Les 50 meilleures publicités Coca-Cola de l’année » 
Crédits photos :
Il était une pub
ExperienceTransmedia.com

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tout interactif
Société

L’expérience médiatique, hic et nunc

 
Notre rédactrice Margaux Putavy s’est livrée à une analyse des enjeux de l’expérience médiatique aujourd’hui, en nous éclairant sur l’aspect davantage transmédiatique que cross-médiatique – une réflexion sur nos écrans, à travers l’exemple du dispositif transmédiatique mis en place dans le cadre de l’émission Master Chef.
Avant, on regardait des émissions comme Master Chef, passivement, le mercredi soir. Et puis on attendait la semaine suivante, pour reprendre l’aventure là où on l’avait sagement laissée. Pour patienter, on pouvait, au mieux, revivre l’émission en replay, ou bien se découvrir une passion subite pour d’autres programmes dans la semaine. Mais ça, c’était avant.
En effet, les contenus médiatiques jusque là cantonnés aux médias traditionnels, et plus particulièrement la télévision, envahissent désormais tout notre univers quotidien. Rares sont aujourd’hui les émissions dont l’influence se limite aux 120 minutes de diffusion. Il est bien plus fréquent, et bien plus efficace, de concevoir des programmes susceptibles de se décliner en différents formats. En d’autres termes, on ne peut plus nier qu’il n’est absolument plus pertinent de penser les différents médias indépendamment les uns des autres. Mais alors pourquoi ? Ou, plus exactement, pour quoi ? Quelles sont les conséquences, pour les téléspectateurs et leur consommation des médias de telles approches transmédiatiques ?
Reprenons le cas de Master Chef qui, à plusieurs égards, s’avère être particulièrement emblématique de cette tendance. Le 28 août 2013, peu avant le lancement de la saison 4, le site MYTF1 dévoilait le « dispositif digital exceptionnel » mis en place autour de l’émission. Du livre à la tablette, en passant par la presse magazine, les mobiles, le site web, les IPTV, nombre de supports ont donc été mobilisés et mis en relation. Le site MYTF1, par exemple, proposait un « Défi Master Chef » qui, lors de chaque diffusion, récompensait quelques téléspectateurs chanceux et perspicaces ayant donné leur avis sur les créations culinaires ou ayant deviné quel candidat subirait le « test sous pression ». De la même manière, les pages Facebook et Twitter de l’émission, grâce au hashtag #MaSoiréeMasterChef, permettaient aux internautes d’organiser leurs propres soirées MasterChef en mettant à leur disposition une recette de l’émission en avant-première, une boite à outil composée d’ingrédients ludiques, des éléments pour habiller leur table, des grilles de Bingo et en leur donnant l’occasion d’échanger leurs astuces sur les réseaux sociaux. Enfin, les téléspectateurs ont également pu se procurer en kiosque le MasterChef Mag et en libraire cookbook de la nouvelle saison ainsi que le coffret MasterChef Pâtisserie.
L’idée est de proposer, bien plus qu’une simple émission de télévision, une véritable « expérience » MasterChef. Déjà lorsque le terme de transmédia est employé pour la première fois par Henry Jenkins en 2003, il s’agit d’associer plusieurs supports afin d’étendre un univers. Ainsi, en créant un contenu exclusif et original pour chaque support, l’on ne se contente plus d’adapter un même format pour divers écrans, comme c’était par exemple le cas avec le replay qui permet de revoir la même émission mais sur l’ordinateur. La télévision ne peut donc plus se contenter d’envisager le web et les autres médias comme des plateformes de rediffusion et de promotion. Il est maintenant nécessaire d’aller au-delà du cross-média puisque le transmédia, lui,  génère une expérience qui se veut unique, enrichie et presque complète.
De cette manière, le contenu médiatique est fragmenté et devient ainsi accessible partout, tout le temps, de toutes les façons possibles. Ce fait est révélateur de la mutation que connaît aujourd’hui toute la culture numérique, au sens où l’entend Milad Doueihi dans son ouvrage Qu’est-ce que le numérique. Autrefois culture assise, culture « de la chaise » même selon Mauss, elle a su s’adapter à la mobilité qui caractérise nos sociétés occidentales. Les contenus médiatiques sont alors entièrement intégrés dans la quotidienneté et notre rapport au temps et à l’espace s’en trouve d’ailleurs modifié. Si le rendez-vous télévisuel hebdomadaire, vécu dans l’intimité du foyer, a pu représenter un rituel, on tend aujourd’hui à privilégier une certaine hybridation des repères spatiotemporels : l’espace numérique investit l’espace traditionnel et l’expérience médiatique se diffuse dans des temps plus inhabituels.
De la même façon, le digital donne implicitement au corps une place centrale dans l’expérience médiatique. Les tablettes et les Smartphones réintroduisent le toucher au sein même du numérique. Ainsi, le transmédia acquiert une valeur sensorielle et les programmes télévisuels prennent pour le téléspectateur une nouvelle dimension, ils se trouvent bel et bien enrichis et gagnent en relief. Cette prégnance du toucher prend une valeur toute particulière dans le cas des émissions culinaires. MYTF1 annonce « Du tablier à la tablette » ; on peut aller plus loin. La plupart des applications mises en place encouragent le téléspectateur à tester lui-même les créations gastronomiques montrées à l’écran ou conseillées par d’autres internautes. Dans un mouvement dialectique, il s’agit alors d’enfiler soi même un nouveau tablier, de dépasser et d’accomplir le contenu médiatique en lui conférant une application tangible et matérielle. Et c’est peut être à ce moment précis que la médiation remplirait à merveille son rôle : par écrans interposés, elle se contenterait de transmettre les gestes des professionnels et des candidats vers les téléspectateurs anonymes. Si le concept de télé-coaching misait déjà sur cette idée de mise en application de conseils pratiques, le transmédia resterait le meilleur moyen d’impliquer les téléspectateurs et d’insuffler aux médias traditionnels un véritable souffle de dynamisme.
Mais le transmédia ne concerne pas uniquement l’extension de l’expérience médiatique dans le temps et dans l’espace. Même pendant la diffusion des programmes, plusieurs facteurs concourent à complexifier l’expérience des téléspectateurs. Nombreux sont ceux qui s’évertuent à commenter, en direct, les émissions qu’ils visionnent sur les réseaux sociaux, les exemples les plus probants étant la diffusion du Super Bowl en 2012 qui a engendré plus de 30 millions d’interactions ou les épisodes de « The Voice » qui s’accompagnent d’environ 300 000 tweets chaque samedi. Ce genre de pratique devient un véritable enjeu pour les entreprises médiatiques. Une étude de 2012 révèle en effet que 65% des Français souhaitent que la télévision laisse plus de place aux téléspectateurs. De même, 41% des Français assurent qu’un commentaire posté pendant une émission peut leur donner envie de regarder ladite émission et cette proportion atteint 48% chez les 18-34 ans. Engager les téléspectateurs en temps réel devient alors une priorité, d’autant plus que la télévision, reconnue comme média particulièrement émotionnel, s’y prête à la perfection. Pour ce faire, la solution la plus efficace est de proposer à chacun une expérience unique, en d’autres termes de faire de chaque téléspectateur le co-créateur du contenu médiatique. C’est ainsi que Benoît Vidal, Chief Digital Officier chez MFG labs, distingue trois solutions pour personnaliser les expériences télévisuelles. Tout d’abord, il cite le Social Datatainment qui consiste à encourager les commentaires sur les réseaux sociaux à l’aide des hashtags. Ensuite, il s’attarde sur le Core Datatainment en insistant sur le second écran qui permet, à un moment précis, d’enrichir voire d’augmenter la narration. Enfin, la personnalisation atteint son paroxysme avec le Full Datatainment qui intègre le navigateur dans le téléviseur et transforme ainsi le second écran en télécommande intelligente. De cette manière, chaque téléspectateur lambda, devant son poste, devient un acteur essentiel et générateur de sens inédit. Cette autre expérience transmédiatique rend ainsi les programmes bien plus stimulants et attractifs.
Bien évidemment, certains programmes se prêtent plus à ces pratiques de « live tweets » que d’autres. Il s’agit de la téléréalité, des manifestations sportives et des shows du type « The Voice », dont le caractère spontané et propice aux rebondissements et coups de théâtre invite au commentaire. Mais alors, qu’en est-il de la fiction ? Les séries américaines diffusées à la télévision risquent bien de perdre peu à peu de leur pertinence dans la mesure où il est désormais tentant et très aisé de les visionner bien en avance sur Internet. La fiction à la télévision doit alors tout faire pour conserver son statut d’événement immanquable. Certaines expériences démontrent que la solution a peut être un nom et qu’elle s’appelle, une fois de plus, « transmédia ». La chaîne D8 par exemple a lancé en décembre 2013 la série What Ze Teuf dont l’intrigue était déterminée par les internautes sur Twitter. Après chaque diffusion, les téléspectateurs disposaient ainsi de quelques heures pour imaginer des péripéties que les acteurs s’efforçaient de tourner dès le lendemain mettant ainsi en place une stratégie originale et participative. Mais la télévision n’est pas la seule à s’emparer du transmédia. L’univers du jeu vidéo permet aussi de penser une « fiction totale », comme le suggère Eric Viennot, fondateur de Lexi-Numérique. Il présente sa création, In Memorium, de la façon suivante : « Les joueurs achetaient un CD-rom, puis devaient se connecter à Internet pour chercher des indices et contribuer à l’enquête de la police. Les internautes se retrouvaient sur des forums pour résoudre les énigmes du jeu. L’un des moments les plus trépidants survenait lorsque le joueur recevait en pleine nuit un message du tueur en série sur son téléphone portable. Réalité ? Fiction ? ». Un tel « jeu de réalité augmentée » allie savamment jeu vidéo, Internet, mobile et s’appuie plus que jamais sur une dimension communautaire.
Ces derniers exemples mettent ainsi en lumière l’exceptionnel potentiel des phénomènes transmédiatiques. Si les écrans sont encore bien présents et perceptibles, il est fort probable qu’à terme ils tendent à s’effacer au profit de nouvelles technologies telles que les Google Glasses. Toujours est-il que l’objectif reste le même, à savoir proposer des expériences sensorielles toujours plus abouties. Si ces expériences sont bien virtuelles, il faut maintenant plus que jamais souligner qu’elles n’en sont pas pour autant irréelles, seulement informatiquement simulées. En établissant cette distinction primordiale dans son ouvrage L’Etre et l’Ecran, Stéphane Vial nous invite à nous interroger sur le statut de telles expériences qui semblent, par leur caractère totalisant, se fondre dans notre réalité la plus banale. Finalement, la question du transmédia n’est-elle pas plus large qu’elle n’y paraît ? N’est-elle pas autant une réflexion sur les écrans et les médias qu’une méditation sur ce que nous appelons encore notre réalité ?
 
Par Margaux Putavy
Sources
Éric Viennot et Xavier de la Vega « Entretien avec Éric Viennot : « Vers une fiction totale » », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines 3/ 2012 (N° 26) p. 39-39
FranceCulture

tout interactif
Société

Le tout interactif : mythe ou réalité ?

 
Deux rédactrices se sont penchées sur une approche davantage culturelle et symbolique, en analysant les imaginaires liés aux questions du cross-média et du transmédia. En abordant notamment les problématiques de participation, d’interaction et d’interactivité.
Que nous dit l’essor des campagnes cross-média et transmédia de notre rapport aux médias ? La promesse d’interaction et de création de communauté est-elle tenue dans ces types de campagnes ? En effet, dans ces deux cas, les communicants recherchent une plus grande interactivité avec leur public. Ainsi, dans la campagne de Skip (1), la marque a voulu instaurer un dialogue avec les parents – et particulièrement les mamans – en leur proposant un jeu-concours photo. Skip met alors sur pieds une véritable histoire, à laquelle les parents sont invités à prendre part. Ces trois aspects, recherche d’interaction, gamification et interaction fondent le transmédia. Le cross-média, rappelons-le, est la superposition et l’interactivité de différents médias pour transmettre un message quand le transmédia crée un univers qui se déploie sur chaque média.
L’interactivité entraîne-t-elle de l’interaction ?
Pour éclairer la notion d’interactivité, étudions la définition de ce terme qui reste floue et pose problème (2). En revenant aux acceptions premières, on ne peut que constater la dimension technologique puisque le mot vient du monde informatique. « Interactivité » signifie premièrement les possibilités conversationnelles des technologies, liées à l’apparition des « machines à communiquer » de l’ingénieur et théoricien français Pierre Schaeffer. Le terme se rapproche du lien entre homme et machine, autrement appelé cybernétique.
Dans une campagne cross-média, les communicants recherchent, par le croisement des différents médias, le dialogue avec les consommateurs. Cela est rendu plus aisé avec l’apparition d’Internet qui accroît les possibilités d’interactivité entre l’homme et la machine, et donc entre le consommateur et la marque. En somme, il y a bien une interaction entre les différents médias, puisque ceux-ci sont liés les uns aux autres pour guider le consommateur.
Si aujourd’hui le terme d’interactivité a acquis un sens plus vaste, désignant également la coopération entre divers systèmes ou êtres, il n’en reste pas moins qu’il faut garder à l’esprit la connotation technologique de ce terme. Or, cette interactivité entraîne-t-elle un lien réel dépassant la « conversation » homme/machine ?
En somme, le lien recherché par les communicants permet-il une réelle interaction ?
Plus qu’interactivité, le terme d’interaction signifie une réciprocité des éléments les uns sur les autres, qui entraîne toujours des effets. En médecine par exemple, on peut citer les effets indésirables d’une interaction médicamenteuse. Pour le sociologue et philosophe français Edgar Morin, une interaction est « un échange entre deux entités sociales (…) modifiant le comportement ou la nature de ces éléments (…) en présence. ». La question est donc : lors de campagnes cross-médias ou transmédia, assiste-t-on à un réel échange, avec les effets qui s’ensuivent ?
Le mythe de l’interaction fonde les actions dans le cadre d’une campagne de cross-média. Les communicants cherchent à être en lien avec le consommateur le plus régulièrement possible. Ainsi, des relations sont créées entre les différents médias pour suivre le potentiel consommateur tout au long de sa journée. L’interactivité entre les différents médias prend donc le pas sur l’interaction entre le consommateur et la marque. L’interaction n’est donc pas recherchée pour elle-même mais simplement pour mieux connaître les envies du marché. En somme, les publics ne sont pas perçus comme des entités douées de réflexion mais bien comme des parts de marché à conquérir. Il s’agit davantage de susciter l’intérêt que d’engager un réel dialogue. En ce sens, on ne peut pas réellement parler d’interaction.
Le cas du transmédia est différent. Puisqu’il invite le fan d’une série à interagir avec la plateforme de jeu et à faire avancer l’histoire à son rythme, on peut parler d’interaction. L’échange entre l’homme et la machine a des conséquences, parfois même jusqu’à influencer la suite de la série. Notons enfin que les fans peuvent se réunir autour du jeu qui fait partie de la « recherche d’univers fictionnel complet » (3). Cela peut donc nous amener à nous demander si ces fans ou ces publics visés composent de véritables communautés.
Publics ou communautés ?
Transmédia et cross-média sont souvent désignés par l’expression de stratégie 360°. Une référence pertinente à la vision circulaire qu’impliquent ces deux pratiques. Il est tout à fait plausible d’imaginer l’individu au centre, entouré de ses différents terminaux en prolongement de son corps. Ceci dans un souhait de délinéarisation des contenus et d’interactivité.
Transmédia et cross-média passent, certes, par des moyens technologiques qui semblent, toutefois, tenir à se faire oublier au profit d’un contenu amélioré et de plus en plus personnalisé. Par ailleurs, ces mêmes moyens, par leur diversité, constituent différents points d’entrée qui permettent d’élargir les cibles et d’apporter un regard neuf voire complémentaire. En effet, chaque média est caractérisé par un contrat de lecture particulier, négocié avec son destinataire, une manière d’être regardé, consommé, utilisé.
Là où traditionnellement la télévision, à titre d’exemple, se destinait à être regardée dans un contexte familial, organisait les espaces domestiques et s’efforçait à fidéliser un presque public, non attentif, insaisissable, détenant le pouvoir au bout de sa télécommande. Cet usage de la démultiplication de supports s’applique, désormais, à susciter de l’implication et de l’engagement jusqu’à la création de communautés. Le simple public est encouragé à réagir, participer, interagir et relayer. Parfois, il est amené à faire tout ceci simultanément. En ce sens, les moyens technologiques à disposition de la plupart d’entre nous augmentent ces possibilités et nous y exposent, soit régulièrement, soit de manière plus ponctuelle.
Henry Jenkins, l’un des premiers observateurs de ce changement, tout d’abord survenu dans les cercles de fan-fiction, désigne cette tendance de « culture participative », portée par des communautés de consommateurs invitées à participer activement à la création et circulation de nouveaux contenus (la création étant plus adaptée au cas du transmédia) – des communautés sans co-présence, déverticalisées et virtualisées au même titre que les contenus. Celles-ci se distinguent du public également par la dimension dialogique qu’elles entraînent : on peut y retrouver de la sociabilité ou de l’entraide. On assisterait même à l’émergence de certains codes de comportements sensés organiser les relations au sein de celles-ci.
L’interactivité est le maître-mot sensé convertir le spectateur en spec’acteur, inspiré des pratiques marketing appliquées aux marchandises. Les produits culturels tentent, en outre, de s’imposer de la même manière, l’objectif étant toujours d’impacter le plus largement possible, de susciter l’intérêt, de le conserver, de le nourrir et éventuellement de le transformer en viralité.
Cependant, cette promesse d’interactivité est-elle toujours tenue ? Cette sur-sollicitation, renforcée par la diversité des supports ne se risque-t-elle pas d’entraîner de la saturation ? Nombreuses sont les marques qui s’évertuent à développer du contenu participatif, déclinable sur tous supports, téléchargeable, adaptable, consultable de partout.
Faire partie d’une communauté d’amateurs d’un produit culturel ou de consommation est certes un sentiment apprécié. Encore faut-il que l’appartenance à des dizaines de communautés selon les différents centres d’intérêt ne soit pas une source de quémandage constant de participation, susceptible d’être lassant. Ce fantasme du tout participatif nourri par les créateurs de contenus, représente une réelle aubaine : des utilisateurs comme travailleurs d’un nouveau genre, sans rémunération !
 
Un article à quatre mains,
Salma Bouazza et Mathilde Vassor
(1) « Communiqué – Nouvelle campagne Skip : une opération de cross media entre Lagardère Publicité et TF1 Publicité »
(2) GUÉNEAU Catherine, L’interactivité : une définition introuvable, Communication et langages, n°145, 3ème trimestre 2005, pp. 117-129
(3) PAGNOL Rémi, « Le transmédia, ou la simultanéité de la réalité et de la fiction », 11 février 2014

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Publicité et marketing

LA MÉDIAVORACITÉ DES STRATÉGIES MARKETING : CROSSMEDIA ET TRANSMEDIA À LA RESCOUSSE

 
Pour ce premier article du Dossier, deux de nos rédactrices vous proposent leurs interprétations des stratégies marketing autour du cross-média et du transmédia, en passant par un éclaircissement définitionnel de ces deux termes. En quoi le cross-média diffère-t-il du transmédia ? Comment annonceurs, agences et chaînes TV les intègrent-ils dans leurs campagnes ? 
Le mot d’ordre de toute entreprise médiatique aujourd’hui : la visibilité. Mais quitte à être partout, mieux vaut ne pas le faire n’importe comment.
Plurimédia, cross-média, et dernièrement transmédia… Autant de termes traduisant cette logique et inspirant confusions et interrogations. A première vue identiques, ils se distinguent néanmoins par leur logique marketing qui ne cesse de subir « l’évolution naturelle de la consommation des médias par le consommateur ». Il apparaît d’ailleurs d’autant plus important de saisir les nuances entre les différentes notions que celles-ci sont utilisées dans diverses stratégies marketing par les annonceurs. Tentons donc d’éclaircir ces concepts (et d’éviter de vous perdre), tout en intégrant ces derniers dans des logiques marketing concrètes.
Les premiers pas : et un, et deux, et trois médias !
Dans les années 1990/2000, le plurimédia s’imposait. Il s’agissait alors d’augmenter sa visibilité sur plusieurs médias simultanément, et ce de façon plus ou moins cohérente. Mais les médias se consommaient un à un, sans aucune espèce de lien entre eux, si ce n’est une identité de marque. On se souvient ainsi des produits dérivés issus de la première édition de la Star Academy, diffusée en 2001 sur TF1, qui a abouti à la vente de 400 000 billets pour la tournée, 800 000 exemplaires du magazine, 2 millions de singles et 1,5 million d’albums. La deuxième édition, elle, a donné lieu à la création d’un jeu de société, destiné à transformer toute la famille en stars, et d’un magazine Star Academy, « Le mag de toutes les stars » réalisé par BestNet de Georges Attal. Il s’agissait alors, tout au long des différentes éditions de l’émission, de gagner en visibilité autour de produits dérivés portant la marque « Star’Ac. »
Le cross-média : créer du lien entre les différents supports
C’était le temps du « visible partout » par addition de messages indépendants et dont la cohérence s’articulait principalement autour de la marque. Puis l’arrivée des téléphones portables et l’explosion d’Internet ont changé la donne et la stratégie. Il n’a plus été question de simultanéité et de quantité, mais de connexion : le cross-média était né. L’impératif marketing devient alors de créer du lien entre les médias eux-mêmes afin de renforcer l’impact du message. Une publicité dans un magazine peut renvoyer à un site Internet, renvoyant lui-même à la télévision. Dans le cross-média apparaît également la nécessité d’une histoire pour que « la campagne cross-média guide le consommateur des médias de masse jusqu’à l’acte d’achat », dixit Emmanuel Roye, directeur délégué de NRJ Group. De facto, le cross-média fait intervenir la notion de temps, puisque le dispositif doit avoir un début, un dénouement avec sa dose de suspense, et une fin. Coca-Cola (1) a ainsi opéré une campagne cross-média en réactualisant en janvier 2013 ses traditionnels ours blancs dans ses publicités ; la diffusion d’un spot publicitaire de 60 secondes invitait le consommateur à découvrir un film d’animation de 6 minutes réalisé par Scott Free sur le site officiel de la marque (et également sur YouTube). De même, un retour sur 90 ans de relation entre l’ours polaire et Coca-Cola et une représentation des actions engagées par la marque en matière de croissance responsable ont également été développés sur le site. Avec un tel déploiement, les annonceurs ont alors l’opportunité de diffuser un message davantage ciblé avec des possibilités de personnalisation et surtout d’interaction.
Toujours dans cette logique cross-médiatique, qui permet de communiquer une information, d’entretenir un lien et une fidélisation à travers des médias complémentaires, on peut également penser à la fameuse Odyssée de Cartier. Pour son 165ème anniversaire, le joaillier a invité au voyage et au rêve tout en affirmant la place du luxe dans l’ère du digital. Le film réalisé par Bruno Aveillant avait ainsi été disponible sur Internet avant sa première diffusion sur TF1 et Canal +, dans les salles de cinéma, les magazines ou bien le site dédié (www.odyssee.cartier.fr). La connexion entre ces médias ? La panthère, emblématique de la marque depuis 1904. L’animal se déclinait sous différentes formes, que ce soit la panthère à plusieurs carats sur une bague, le bébé panthère pour le côté mignon tout doux… Toute une aventure retraçant l’histoire de Cartier tout en lui donnant une image jeune, intemporelle.

 Cependant, peut-être le crossmédia ne s’arrête-t-il pas aux annonceurs pour autant. Utiliser plusieurs supports pour diffuser un concept, une vision, renvoyer à un site Internet et créer une communauté… Sans que cela n’entre nécessairement dans une stratégie publicitaire ou marketing, on pourrait aller jusqu’à analyser la situation de l’un des artistes contemporains les plus médiatisés du moment : Banksy. Anticapitaliste, antimilitariste, maniant l’humour, la politique et la poésie dans ses pochoirs, l’artiste est également réalisateur (Faites le mur) et auteur (Guerre et spray), tout en relayant sur Internet ses voyages et créations (en témoigne son site lors de sa visite à New-York – banksy.co.uk). L’interaction avec le consommateur pourrait alors résider dans le dynamisme des productions de l’artiste et dans le mystère qu’elles entretiennent.
Ainsi, dans le cross-média, les médias se font écho les uns les autres et entrent en résonance, alors qu’ils s’additionnent dans le plurimédia. La distinction devient cependant moins évidente avec l’arrivée de la notion de transmédia. Les définitions de ces deux phénomènes étant subtiles est souvent floues, tentons alors d’éclaircir les choses.
Le transmédia et la création d’univers dédiés au consommateur
Avec l’émergence des réseaux sociaux et les progrès technologiques croissants, cette « superposition de moyens complémentaires » (2) qu’est le cross-média est dépassée par l’usage du consommateur. Le nouvel enjeu aujourd’hui, c’est de multiplier le message sur toutes les plateformes possibles en faisant non plus de la superposition mais en invitant à imbriquer les messages entre eux, à prolonger l’expérience et surtout à placer le consommateur au cœur de l’histoire. La diffusion de la troisième saison de la série Hero Corp sur France 4, début octobre 2013, a par exemple été accompagnée d’un dispositif transmédia. Robin Digital Content et Simon Astier, cocréateur de la série, ont ainsi conçu une application gratuite sur Smartphone où le téléspectateur peut découvrir du contenu inédit pour aller plus loin dans l’histoire. En interagissant avec ses utilisateurs. L’appli invite aussi à participer à des enquêtes et à visionner des webséries inédites. Elle constitue enfin un second écran pendant la diffusion de la série. De même, durant l’été 2006, les créateurs de la série Lost ont lancé un jeu en réalité alternée (ou ARG), composé entre autre de sites viraux, vidéos et mini-jeux, afin de ne pas perdre l’attention de leurs fans entre les saisons 2 et 3.
 Il s’agit alors, avec le transmédia, de créer « une fiction dont vous êtes le héros », dixit Eric Viennot, créateur du jeu d’enquête Alt-Minds. Que ce soit dans une stratégie de cross-média ou de transmédia, l’interaction avec le consommateur s’impose comme mot d’ordre, mais le transmédia y ajoute une expérience immersive totale dans laquelle les entreprises et annonceurs cherchent à attirer le consommateur, ce dernier participant au sens propre à l’histoire. Par ailleurs, l’objectif des deux stratégies de déploiement médiatique diffère. Avec le cross-média, la diversité des supports sert davantage une stratégie marketing et commerciale, même si ce dernier a recours, dans une moindre mesure, à la mise en expérience du consommateur et à l’histoire (ou storytelling). On peut dire que le consommateur, face au transmédia, ne consomme pas seulement le produit, il vit et crée la marque. S’il s’agit toujours de cibler le message et de le rendre interactif, il est surtout question de dissimuler l’aspect mercantile derrière une véritable créativité grâce à la participation, au jeu et à un storytelling complexe, et d’effacer les différents médias convoqués dans un contenu à la fois global et varié.
Les annonceurs aussi s’emparent des réseaux sociaux – Facebook, Twitter, Instagram, Pinterest (qui sait, peut-être même Google+ un beau jour ?) – et amorcent des stratégies cross-média.
En 2012, pour fêter ses 75 ans, la SNCF a ainsi rejoint ces réseaux sociaux, permettant de suivre l’actualité du groupe, de partager les offres commerciales ou même d’organiser un jeu concours sur Instagram invitant les voyageurs à se faire photographes pour immortaliser leurs plus beaux moments sur les rails. A défaut de faire arriver ses trains à l’heure, la SNCF trouvait ainsi le moyen d’inclure ses clients dans son histoire.
Faut-il pour autant voir une stratégie marketing derrière chaque déclinaison de l’univers en question ?
Si l’on s’en tient au phénomène Harry Potter, on note bien une quasi omniprésence du monde des sorciers. A la base série de livres pour enfants, l’adaptation cinématographique n’a pas tardé à faire son entrée pour être suivie de jeux vidéo sur diverses consoles et ordinateurs, envahissant également les jeux plus « traditionnels » (Lego Harry Potter, jeux de société…) ainsi que la sphère Internet. L’abondante production des fans de la saga (fanfictions, création et financement de sites ou jeux en ligne dédiés à cet univers) s’ajoute à cela et pourrait faire croire à une stratégie commerciale. Cependant, le fait que cette déclinaison ait été progressive (et non l’objectif initial de l’auteur) et en partie amateur tend à infirmer cette idée. En revanche, la création du site www.pottermore.com pourrait bien s’en réclamer.
Plurimédia, crossmédia, transmédia sont autant de néologismes qui ont rapidement été mis à profit dans des logiques commerciales. Cependant, ces nouvelles notions posent avant toute chose la question de nos rapports aux médias et de l’usage que l’on en a en tant qu’individu. Les annonceurs peuvent se servir d’autant de supports qu’ils le souhaitent pour pousser à l’achat, ce que nous consommons le plus, ce sont bien les médias eux-mêmes.
Par Annabelle Fain et Eugénie Mentré
(1) Un article du Dossier sera consacré aux stratégies marketing adoptées par Coca-Cola.
(2) Le cercle les Echos : « Le transmédia, avenir de la télévision ? »
Sources :
E-marketing.fr
Stratégies.fr
Orange.fr
Journaldunet.com
Ecs-paris.com

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Société

L’Eurovision, boulet du service public ?

 
Remontons le temps et souvenons-nous de cette époque où l’Eurovision représentait encore pour nos parents un événement télévisuel à ne rater sous aucun prétexte. Cinquante-huit ans plus tard, ce qu’il en reste est une indifférence généralisée des Français à l’égard d’une soirée interminable et synonyme, depuis 1977, de défaites souvent cuisantes.
On voit ainsi l’audience diminuer de manière constante, le triste record étant l’an dernier de 2,7 millions de téléspectateurs (14% de parts d’audience), là où la finale de The Voice en réunissait 7 millions le même soir.
Aussi, c’est pour remédier à cela que France 3, diffuseur depuis 1999, tente cette année d’innover en faisant participer pour la première fois les téléspectateurs au choix du représentant tricolore. En effet, les votes des Français, via Internet ou par téléphone, compteront pour 50% de la décision finale, le reste revenant à un jury de professionnels. Si le but affiché est d’accroître la légitimité du chanteur choisi, il n’en demeure pas moins que l’enjeu est d’attirer et d’impliquer plus fortement de potentiels téléspectateurs. On a ainsi vu durant tout février, et à grands renforts de spots publicitaires, une large campagne de présentation des trois candidats et d’appel au vote sur la chaîne publique.

Malgré tout, il n’est pas sûr que cela soit vraiment efficace. En effet, en misant une fois de plus sur des jeunes talents – Joanna, Destan et les Twin Twin – l’organisation semble oublier que les audiences n’ont jamais été aussi bonnes que lorsque des chanteurs reconnus ont été choisis. C’était le cas notamment en 2009 avec Patricia Kaas et quelques 6 millions de téléspectateurs.
De plus, il semble qu’apparaisse un véritable effet pernicieux du système. Il faut dire qu’en s’exposant pendant plusieurs semaines à l’appréciation des téléspectateurs, le programme n’a fait que générer toujours plus de critiques, pour ne pas dire de moqueries, vis-à-vis des candidats et de leur niveau jugé désespérant. Face à cela, il est donc possible que les Français, avertis plus que jamais de l’impossibilité de l’emporter, ne décident de se détourner une fois de plus du programme.
Entre service public et public à servir, il est à craindre que France Télévisions ait encore du souci à se faire au soir du 10 mai prochain.
 
Grégoire Larrieu
 
Sources :
Forum Eurovision.fr
Site de France 3
Extraits vidéos des trois candidats