Fastncurious
Société

Cross-média et transmédia par FastNCurious

 
Introduction
Dans sa rubrique spéciale Dossiers, FastNCurious propose une troisième édition qui analysera les thèmes du cross-média et du transmédia sous différents angles d’approches spécifiques à l’enseignement du CELSA.
Notre consommation des médias aujourd’hui semble s’effectuer sur les modes de la convergence et de l’interactivité : dans quelle mesure médias traditionnels et nouveaux s’imbriquent-ils, se complètent-ils voire s’excluent-ils ?
Sommes-nous entrés dans une ère de consommation multi-écrans ? Les contenus s’additionnent, se superposent, s’imbriquent voire se délinéarisent sur des supports additionnels. Avec en guest stars, tablettes et Smartphones, des supports promus comme symboles d’une utilisation contemporaine des médias  qui favoriserait une expérience interactive, voire immersive pour leurs utilisateurs.
C’est au travers des notions de cross-média et de transmédia que nous allons étudier la question de l’utilisation des médias, leur appropriation et les stratégies mises en place par les professionnels de la communication, qui manient au quotidien ces outils médiatiques.
D’emblée, on constate une récurrence des discours sur les pratiques liées au transmédia, qui aurait remplacé son ancêtre conceptuel, le cross-média. Il convient d’éclaircir ces deux notions, qui sont souvent confondues : tandis que le cross-média serait ce qui met en jeu la superposition de messages sur différents supports, le transmédia aurait davantage à voir avec une expérience immersive, un storytellling déployé sur ces différents supports. Le transmédia contiendrait une valeur ajoutée qui enrichirait le contenu médiatique – bref, il serait question de prolonger une expérience médiatique (cf. la campagne transmédiatique de Lost  à travers « The Lost Experience », un jeu interactif conçu pour maintenir l’intérêt du public pendant l’intersaison de la série).

C’est cette « tendance » du transmédia qui va être analysée cette semaine par nos rédacteurs. Elle semble être l’une des dernières pratiques des éditeurs de contenu audiovisuel, et elle rejoint la question cross-médiatique de l’interactivité : interactivité des contenus médiatiques signifie-t-elle pour autant interaction et échange ?
Nos Curieux vont vous faire partager leurs analyses sur les questions de nos pratiques médiatiques qu’ils ont traitées de manière transversale. Lundi, nous analyserons sous l’angle marketing les stratégies cross-média et transmédia. Mardi, c’est via l’aspect symbolico-culturel que nous aborderons le thème du transmédia. Mercredi, nous verrons en détail les enjeux qui se cachent derrière les pratiques et les stratégies transmédiatiques. Jeudi, ce sera l’exemple Coca-Cola qui sera analysé à titre d’illustration. Enfin, vendredi, nous vous ferons part d’une analyse issue du travail de recherche de nos rédacteurs.
Bonne lecture !
Alexandra Ducrot
Pour La Rédaction

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mySOS
Société

mySOS : le digital (aussi) au service du social

 
La smartnomination a déjà contré cette idée reçue : non, les réseaux sociaux ne servent pas que des causes bêtes et méchantes ! L’application mySOS, entièrement gratuite, en est la preuve tangible. Lancée par le banquier d’affaires Bernard Mourad, elle est la conséquence directe d’un fait divers frappant : une dame âgée, victime d’une crise cardiaque, a tout juste le temps d’appeler le SAMU avant de s’écrouler. Elle ne le sait pas mais son voisin de palier est secouriste à la Croix-Rouge et sait pratiquer le massage cardiaque, un geste qui aurait pu la sauver. Et le constat est là : « il est dommage que nous soyons si bien connectés à distance, pour des motifs futiles comme Facebook ou Twitter, et si mal connectés avec les gens qui sont proches et sur les sujets critiques »  déclare le banquier qui développe l’application.

Face à une situation de détresse, mySOS déclenche en quelques secondes une alerte générale qui permet d’être rapidement secouru grâce à son réseau social de proximité, agissant dans un rayon de 3 km. N’importe qui peut s’inscrire en tant que personne ayant besoin d’être aidée (elle y enregistre sa fiche médicale : âge, groupe sanguin, pathologies, médecin traitant…) ou en tant qu’« ange gardien » capable d’apporter de l’aide…
Une initiative sociale à poursuivre !
 
Céline Repoux
Sources :
Huffingtonpost.fr
Croix-rouge.fr
Lesechos.fr
Crédits photo :
Forecimm.net

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Société

Marwan, Syrien et pas si seul

 
Le 17 février 2014, la journaliste américaine de CNN, Hala Gorani, a publié sur Twitter une photo de Marwan, réfugié syrien de 4 ans. On le voit entouré de représentants du HCNUR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) qui l’ont ensuite pris en charge.
L’enfant a traversé le désert seul pour fuir le pays de Bachar el-Assad et rejoindre la Jordanie. Il aurait tenté de retrouver sa famille. Quelques heures plus tard, un représentant du HCNUR a répondu à la journaliste en confirmant que Marwan avait pu retrouver sa famille. En moins de 24 heures, la photo de ce courageux syrien a fait le tour de la toile et a été partagée plus de 7000 fois : l’émotion était au rendez-vous.
Mais l’ascenseur émotionnel est vite redescendu lorsque le lendemain, Andrew Harper, représentant du HCNUR en Jordanie, publiait à son tour une photo de Marwan. Sur celle-ci, on aperçoit le jeune garçon à l’arrière d’une foule de réfugiés. Il a bel et bien traversé le désert mais en compagnie d’une centaine d’autres réfugiés. Oups…
Andrew Harper tient donc a rectifier l’histoire : « He is separated – he is not alone » (1). La belle et émouvante histoire de la photo s’évapore et laisse place à un malaise.
La puissance de cette photo ne résiderait-elle que dans le cadrage ?  Jean-Luc Mélenchon ne nous dira pas le contraire !

Que retenir de cette image ?  Un message a clairement voulu être envoyé, tant par la publication par CNN de la photographie trompeuse, que par le relai des autres médias américains après la révélation de la supercherie. En effet, le Washington Post a publié un article le même jour de la révélation d’Andrew Harper,  intitulé : « That 4-years-old syrian refugee wasn’t alone, but his story is still heartbreaking » (2). Le quotidien américain rappelle que malgré cette erreur, la situation de Marwan est critique : le jeune garçon représente le million d’enfants forcés de quitter leur pays. Pour le Washington, ce n’est pas le manque de véracité de la photo qui change sa situation.
La question qui se pose alors est la suivante : les médias américains tentent-ils de légitimer une possible intervention militaire sur le territoire syrien ? Ils jouent la carte de la culpabilité et tentent peut-être de faire de cette photo le symbole d’un conflit et de décisions politiques.
Un air de déjà-vu
Ce ne serait pas la première fois, la force du photoreportage est indéniable : sans la photo prise par Nick Ut pendant la guerre du Vietnam de la jeune fille brûlée au Napalm, le conflit aurait peut-être duré beaucoup plus longtemps. Nixon disait de cette photo qu’elle était retouchée – forcément car celle-ci n’arrangeait pas ses affaires.
Le photojournalisme a toujours été enclin à des interrogations, comme la fameuse photo de Robert Capa, Mort d’un soldat républicain (1936) lors de la Guerre Civile espagnole. On dit de cette photo qu’elle est posée, un acteur aurait simulé sa chute pour un photographe en mal de moments. Ou encore la photo de Joe Rosenthal, Elévation du drapeau américain sur Iwo Jima (1945) véritable symbole de la Seconde Guerre Mondiale, qui seraient le fruit d’une mise en scène du photographe. Ces prix Pulitzer mettent en abîme une réelle ambivalence du photojournalisme.
D’un côté, on attend du reporter de nous fournir des photos représentant la vérité d’un instant et la situation dans laquelle se trouve un peuple. Mais, comme les photos disent beaucoup de choses, on attend surtout la création d’un symbole : à chaque conflit sa photo, à chaque événement marquant son cliché.
 Dans le cas de la photo du petit Marwan, l’histoire est touchante et donne à réfléchir sur le conflit en Syrie, mais, comme on a pu le lire dans les commentaires de l’article du Washington Post :

Accordé. Cependant, une image vaut mille mots, essayons de faire du journalisme honnête.
 
Sibylle Pichot de la Marandais
(1) Il est séparé – il n’est pas seul
(2) Ce réfugié syrien de 4 ans n’était pas seul, mais son histoire est tout de même émouvante
 Crédits photos :
Montney.com
Chelmimage.fr
Kicswila.com
 Sources :
Washington Post
Nouvel Obs
Twitter
BFMTV

Connasse
Culture

“Connasse” : vipère à point

 
Court, simple, efficace.
Et entre guillemets, puisque c’est ainsi que les autres l’appellent : dans la rue, dans les cafés, dans les taxis et tout autre lieu où elle tente d’étendre son territoire. A l’origine, “connasse” est le dérivé féminin de “connard”, provenant à son tour de “conneau-connaud” : triple idiot. Mais, bien vite, ce n’est plus un manque de vivacité intellectuelle que l’on désigne par ce terme mais un comportement sociétal répréhensible, une attitude irrespectueuse, choquante. Et c’est à son paroxysme que l’actrice Camille Cottin pousse le sens de cette définition.
Il faut avouer qu’elle était faite pour cela : mince, lookée, le visage dur ; elle a bel et bien la tête de l’emploi tant sur les formes que sur le fond (pas que de teint). Coutumière du monde des arts dramatiques puisque fille d’une directrice de théâtre à Londres, Camille Cottin maîtrise ainsi le jeu (de l’acteur) et, cartes sur table, gagne le jackpot lors du casting “Connasse” de Canal +. De là, s’en suit une montée des marches éclair, phénomène déjà répété sur la chaîne lorsque ses formats courts savent allier qualité et intelligence communicationnelle (Kyan Khojandi, avec sa série Bref, demeure l’un des meilleurs exemples de l’incroyable ascension d’un comédien grâce à la diffusion d’un format réduit au Grand Journal). Ses vidéos sont d’abord diffusées au Before du Grand Journal et obtiennent leur succès. Un échange est ensuite effectué entre le programme “Pendant ce temps” du Studio Bagel (de qualité, pourtant) et “Connasse” au Grand Journal où les vidéos sont désormais non seulement rediffusées à une heure de grande écoute (Canal + reste un des leaders de cette case horaire) mais déchaînent également les clics sur Youtube (déjà plus de 10 millions de vues sur la chaîne).
Il faut dire que la formule partait gagnante. Les punchlines sont de plus en plus prisées et recherchées aujourd’hui dans les médias, alliant non seulement provocation – et donc potentiellement buzz – mais également format court, regardable de multiples fois et aisément, à la chaîne. « Connasse » rappelle par exemple les snipers d’émissions en direct, tels que Fabrice Eboué dans l’émission « T’empêches tout le monde de dormir » ou Baffie aux côtés d’Ardisson.
De plus, le programme allie deux constructions ingénieuses de la caméra cachée : le scénario – il faut évidemment que certaines blagues soient préméditées pour s’assurer de leur qualité, mais également mettre en scène des situations afin d’en engendrer d’autres – et l’improvisation, car, et c’est bien là tout l’intérêt d’une caméra cachée, la part d’imprévisible en demeure le point le plus intéressant, surtout quand l’actrice sait y faire.
La “Connasse” ne révolutionne pas non plus la télévision : une vague réminiscence des vidéos de Lafesse s’opère curieusement, ces dernières plus exemplaires en ce qu’elles étaient totalement improvisées et peut-être moins dérangeantes car placées sous le ton exclusif de l’humour (et de l’attitude sympathique du comédien). Pour le côté “franc du collier” et un peu dérangeant, le style “interview de Mezrahi” nous revient également vite en mémoire. En somme, une combinaison de deux recettes passées gagnantes pour un succès assuré…

Mais – car il y en a toujours un – l’efficacité du programme reste discutable.
Tout d’abord, évidemment, pour ce qui est du risque majeur de la caméra cachée : le succès. Faisant parler d’elle, l’actrice ne risque peut-être pas sa place – ce genre de programme implicitement éponyme se construit à partir d’une figure fixe – mais son émission. Comment continuer à être efficace là où tout le monde peut potentiellement vous reconnaître ? Soit ce programme doit dès aujourd’hui chercher une alternative pour ne pas se laisser rattraper par sa propre réussite, soit il se condamne consciemment et volontairement à ne durer qu’un temps (et quel dommage !).
L’émission réinterroge également une énième fois le « politiquement correct ». Il faut y aller “à fond” dans la garicitude comme l’explique Camille Cottin, exposer clairement son attitude scandaleuse aux autres et tendre vers un extrême qui ne prête pas à confusion, éviter une demi-mesure qui pourrait conduire à des situations quelque peu embarrassantes. Mais ces comportements, lorsqu’ils tendent à l’irrespect et risquent de heurter les autres, posent problème. Quand, au cours d’un speed dating, la Connasse dit au garçon qui tente de lancer une conversation avec elle « T’étais roux quand t’étais petit ? C’est pour ça que quand t’arrives, y’a un air de victime ! », on est certes amusés mais non moins gênés. Et pourtant, on regarde. Toujours ce plaisir de l’obscène et du voyeurisme au sein des médias qui vient nous rattraper. On n’acquiesce certes pas systématiquement, mais on ne peut se résoudre à ne pas voir. L’émission joue malicieusement sur ce paradoxe dérangeant-attirant, et à cela, nous faut-il applaudir ?

Le politiquement correct est une expression terriblement compliquée et dangereuse à employer car elle représente tout ce que l’on cherche à éviter pour faire venir l’audience. Peut-être le correct dans ce genre d’émission est-il précisément ce qui serait ne pas censé l’être ? Compliqué paradoxe.
Cette émission, elle, a au moins le mérite de nous faire rire. Mais de la télévision ou du personnage de Camille Cottin, laquelle est réellement la plus “Connasse” ?…
 
Chloé Letourneur
Sources :
Atilf.fr
La chaine Youtube Connasse
Liberation.fr
Youtube.com : Lafesse
Crédits photos :
© Jeff Lanet

Culture

RIsing star : la social tv sur le devant de la scène

 
M6 avance ses pions sur le grand échiquier des programmes TV. Dans quelques mois, la chaîne lancera « Rising Star », un télé-crochet nouvelle génération. Pour espérer rivaliser avec The Voice et TF1 – dont la saison 3 cartonne actuellement – M6 mise sur un programme totalement interactif, qui marquera peut-être une vraie révolution dans l’ère de la social TV.
 « Le premier concours de chant 100% interactif »
Star Academy, X Factor ou la Nouvelle Star… on ne compte désormais plus les émissions musicales du genre passées à la trappe ou reléguées au second plan. Pourtant, avec Rising Star, l’adaptation directe d’un concept israélien à gros succès, M6 veut marquer les esprits. Plus qu’un simple talent show aux codes vus et revus, l’émission se présente comme un spectacle musical où le téléspectateur est roi.
Bien loin des fauteuils rouges qu’il faut retourner, les candidats – en solo ou en groupe – se présenteront devant un immense mur digital, symbole des téléspectateurs. Ce sont ces derniers, devant leur poste et via une application dédiée, qui décideront si oui ou non le chanteur mérite que le mur se lève et laisse apparaître un vrai public et le jury, dont le rôle sera a priori moins décisif qu’à l’accoutumée. Les rumeurs vont d’ailleurs bon train sur la composition de celui-ci : M.Pokora, Linda Lemay, Cathy Guetta ou encore – et c’est plus surprenant – Lenny Kravitz, seraient pressentis.
Un vote gratuit et immédiat
Ce concept d’interactivité totale avec les téléspectateurs va de pair avec l’idée d’un vote gratuit et immédiat. Dans la continuité d’une retransmission en direct des tweets, le téléspectateur pourra donner son avis en temps réel et aura, par là même, la chance de voir apparaître son visage – du moins sa photo de profil Facebook – sur le fameux mur digital.
Les appels et SMS surtaxés ainsi que les longues minutes de remplissage des animateurs dans l’attente des résultats ne seront plus qu’un lointain souvenir. M6 veut réussir un tour de force conséquent : faire que chacun devienne acteur de l’émission et, de fait, cultive un sentiment de quasi appartenance au spectacle. Grâce au lourd dispositif technique mis en place par la chaîne, tout un chacun pourra, depuis son canapé, laisser aller sa spontanéité et se sentir influent sur le cours du télé-crochet en question. Le second écran qu’est le smartphone ou la tablette tactile, fondateur de la notion de social TV, n’apparaît plus ici comme un simple accessoire éventuel, mais bel et bien comme un facteur nécessaire au déroulement de l’émission. « Sans le second écran, pas de show », commentait d’ailleurs le PDG de la maison de production du programme israélien.

Vers une révolution des pratiques télévisuelles ?
L’avènement des réseaux sociaux, et notamment de Twitter, a doublement impacté les programmes de divertissement à la télévision. D’un premier côté, les téléspectateurs ne se contentent plus de regarder, ils commentent et réagissent en direct. De l’autre, et dans un système de cause à effet, les producteurs se lancent dans une course aux tweets effrénée où générer du discours devient un objectif à part entière. De plus en plus, certains tweets, soigneusement sélectionnés, apparaissent à l’écran pour amplifier cette idée d’interactivité, si chère aux téléspectateurs actuels.
C’est en cela que Rising Star s’avère être incroyablement dans l’air du temps. Mais plus encore, le prochain programme d’M6  pourrait marquer un réel tournant, voire une révolution, dans les pratiques télévisuelles. Pour la première fois, et grâce à Internet, le téléspectateur est placé au centre d’une émission. Cette valorisation du plus grand nombre pourrait bien devenir, à terme, une constante des divertissements et s’imposer comme un facteur de réussite. En Israël, le programme rassemblait chaque semaine près de 50% de parts de marché.
Il semblerait que M6 veuille s’imposer comme le précurseur français de cette social TV dernière génération puisque la chaîne lancera début mars en prime time « Qu’est-ce que je sais vraiment ? », un quizz télévisé présenté par Stéphane Plaza et Karine Lemarchand, dont la singularité est de faire participer les téléspectateurs depuis leur second écran.
 
Céline MALE
Sources
Metronews
L’express
M6
Télérama
Sourcephoto

Neknomination
Société

Neknomination : le jeu à boire 2.0

 
Quel est le point commun entre Isaac Richardson, jeune gallois ayant étudié la grammaire, Ross Samson, joueur star du rugby écossais et votre pléthore d’amis Facebook ? Vous ne voyez vraiment pas ? Réjouissez-vous ! Vous pouvez vous targuez d’appartenir au cercle très privé des internautes encore épargnés par le phénomène « neknomination ».
Venu tout droit d’Australie, cet étrange néologisme est né de l’esprit embrumé de deux étudiants de l’université de Scotch – le hasard fait décidemment bien les choses – au cours d’une soirée bien arrosée. Hybridation des termes « neckling » (boire cul sec) et « nominating » (désigner), le neknomination offre aux adeptes des jeux à boire un nouveau terrain d’expression : le web et ses réseaux sociaux.
Fini le temps des shots entre copains au pub du coin, l’exhibition 2.0 s’exporte jusqu’au fond des verres ! La règle de base, on ne peut plus simple, est propice à la propagation. Réalisée face caméra, la mission, une fois acceptée, consiste à boire d’une traite 50 centilitres d’alcool avant d’inciter deux de ses amis (au minimum) à faire de même. La vidéo est ensuite postée sur Youtube, Facebook ou Twitter et laisse 24 heures aux nominés pour relever le défi. Visible publiquement, ce selfie d’un nouveau genre institue un rapport de force entre le buveur, qui présente son exploit ; ses nominés, invités à suivre son exemple ; et le public, intangible mais bien influent, que constitue leur cercle d’amis. Tout refus est en effet soumis au joug facebookien et au jugement des pairs.
La principale crainte des personnes désignées ? Passer pour un « lâche » ou pire, quelqu’un qui ne sait pas s’amuser. Sur les réseaux, les remarques  faussement reconnaissantes mais rarement contestataires se multiplient. « Merci à mon copain de m’avoir nominée à ce jeu débile » déclare Anna, 19 ans, non s’en s’être recoiffée au passage.
Majoritairement apprécié par les jeunes qui y voient une occasion d’afficher leur « branchitude », les individus les plus influençables peuvent être amenés à renier leur libre arbitre sous la pression du groupe.
Bien qu’éthiquement contestable, la tendance du  neknomination  aurait pu rester anecdotique si les conséquences de ses dérives s’étaient cantonnées au cadre de l’égocentrisme digital.  Comme tout jeu, neknomination invite à la surenchère et à la réécriture des règles.
Si certains font le choix de remplacer l’alcool par des mélanges toujours plus écœurants (le but du jeu est  alors d’avoir l’estomac le plus résistant) ou  préfèrent boire dans des positions et des lieux d’exception (au choix : à cheval, tête renversée au-dessus des toilettes, aquarium géant, océan, pont suspend, etc…), d’autres franchissent les limites de l’inconscience en augmentant les degrés d’alcool et les doses ingérés. Quatre personnes sont déjà mortes des suites de ce jeu au Royaume-Uni. Triste ironie ou don du sort, la plupart des victimes sont vite devenues trop malades pour mettre en ligne leur performance.
Il a suffi de quelques mois pour que l’idée originale des amis australiens se répande comme une trainée de poudre et mette feu à la toile. Alertées par l’ampleur de la contamination, les autorités sont rapidement confrontées à l’impuissance de leurs moyens d’action. Face à un géant Facebook qui refuse de censurer des contenus qui ne sont en rien contraires à son règlement, la riposte des pouvoirs publics s’organise autour des médias plus classiques et des campagnes de sensibilisation que relaie la Police Nationale. Les messages subliminaux qui y sont véhiculés s’affranchissent d’un ton trop souvent moralisateur. Au traditionnel slogan « l’alcool est dangereux pour la santé » semble succéder un tout autre mantra : la jeunesse ne rend pas invincible.
Ce qui n’était au départ qu’un simple jeu est devenu un enjeu « de vie ou de mort » repris massivement par les médias. Sur les sites dédiés à l’information, les commentaires désapprobateurs pullulent. Instrumentalisé, le neknomination y est dépeint comme le reflet d’une société vouée à la décadence.
Loin de ces considérations pessimistes, un utilisateur de Facebook aurait trouvé le moyen de faire taire les médisances en ajoutant une note d’espoir à cette symphonie plutôt sombre.  Désabusé à l’idée d’avoir été nominé par l’un de ses contacts, Julien Voinson décide de prendre le contrepied du Neknomination. Il relève le défi vidéo tout en en modifiant les règles au point de créer un tout nouveau jeu : « smartnomination » (une réponse « intelligente » à la « désignation »).
Le principe?  Se filmer en train de réaliser une bonne action avant d’encourager deux de ses amis (ou plus) à faire de même, puis poster la vidéo sur les réseaux sociaux. Salué par la blogosphère, son initiative pourrait bien être le premier maillon d’une longue chaîne de solidarité. Dons de repas et de vêtements mais plus encore, don de temps, ce « smartselfie » semble réussir là où tous les autres ont échoué : sensibiliser son auteur à la misère du monde.
Alors certes, cette mise en scène de soi va à l’encontre d’une solidarité idéalement « désintéressée » mais peut-on réellement le lui reprocher ? Le smartnomination  fait figure de prétexte au rassemblement ce qui, au pays du narcissisme digital, est déjà un bel exploit.
Bonne ou mauvaise, l’influence ne l’est qu’entre les mains des hommes qui la créent. Outil au service d’une jeunesse débridée, instrument de mort ou vecteur de charité, les réseaux sociaux abolissent une fois de plus les frontières.
 
Marine BRYSZKOWSKI
Sources
BBC
ABCNews
Telegraph
TheGuardian
Metro
Huffingtonpost
SudOuest
Youtube

Apple - Think different
Publicité et marketing

Apple : Comment rester cool en vendant plus que Microsoft ?

 
Apple est parvenue depuis sa création en 1976 à s’imposer comme une marque haut de gamme à la fois branchée et élitiste. Fruit d’une stratégie marketing admirablement conduite, cette constitution d’une véritable marque de luxe spécifique au secteur informatique semble aujourd’hui en péril du fait de son vaste succès commercial. Ainsi, durant le dernier quart 2013, et pour la première fois de son histoire, Apple a presque vendu autant de terminaux que Microsoft[1].
Apple peut-elle garder son image élitiste alors même que son succès commercial est tel qu’il tend à banaliser sa marque, l’éloignant de la hype au profit du mainstream ? A quel revirement s’attendre de la part de la firme ?
Le délicat rapport entre maintien l’exclusivité et popularité
Prix élevés, design distinctif, et identité de marque forte sont autant de composantes de la stratégie d’Apple, laquelle se retrouve chez l’ensemble des acteurs du luxe. Toutefois, pareille stratégie n’est a priori viable que dans une situation de maintien de l’exclusivité, qui actuellement s’effrite au profit d’une popularité croissante.

Comment Apple peut donc faire pour rester une marque spéciale, alors qu’elle se démocratise ?
Deux alternatives semblent s’offrir à la firme de Cupertino :
1. Solution radicale, limiter cette démocratisation en augmentant drastiquement les prix et en supprimant le paiement en plusieurs fois, de sorte à devenir une pure marque de luxe.
Jugé illogique en termes de rentabilité et de pénétration des marchés émergents, ce choix n’a manifestement pas été retenu par Apple.
2. Segmenter l’offre de la marque en proposant de nouveaux produits plus accessibles, tout en conservant ceux qui ont fait son succès.
Segmenter l’offre entre luxe et entrée de gamme
Si la firme continue en effet toujours à produire du très haut de gamme, à l’image du nouveau Mac Pro proposé entre 3 000 € et 9 600 €, Apple s’est également engagée sur un terrain qui lui était jusque-là inconnu : le développement de produits plus abordables, et la baisse significative des prix de ses produits postérieurement à leur lancement.
Cette solution permet, intérêt non négligeable, une meilleure pénétration des marchés émergents pour lesquels Apple a de grandes ambitions, mais rencontre de sévères difficultés. Autre avantage : celui de gêner à l’échelle mondiale l’ensemble de ses concurrents en proposant des produits aux prix plus proches des leurs. Une telle stratégie n’est toutefois pas sans risques.
Le risque principal est indubitablement de voir Apple se banaliser au point de perdre sa fonction de distinction sociale : l’ensemble de son offre en souffrirait considérablement, ce qui profiterait immédiatement à Google en particulier, qui a su se constituer également une image jeune et innovante.
L’iPhone 5C, acte de naissance d’une stratégie nouvelle ?
Bravant ce risque, Apple a procédé à de multiples baisses de prix et surtout, a lancé l’iPhone 5C. Alternative plus abordable à son homologue haut de gamme, ce modèle n’a toutefois pas rencontré le succès escompté[2], comme le montre le graphique ci-dessous présentant le taux d’usage actuel des différents iPhones, mesuré par Fiksu.

Il serait cependant hâtif de conclure à l’inconvenance de cette stratégie. Ces mauvaises ventes de l’iPhone 5C semblent davantage liées à des erreurs dans la manière dont ce produit a été marqueté : prix trop proche de son homologue 5S et spécifications techniques largement identiques à celles de son prédécesseur l’iPhone 5 ne sont pas étrangères à la mésaventure du terminal.
Apple pourrait rogner davantage sur ses marges afin de proposer un prix de vente plus bas pour ses terminaux entrée de gamme. Cependant est-ce vraiment dans son intérêt ? Un coup d’œil aux marges réalisées sur les deux derniers iPhones permet de douter du sens de cette stratégie par rapport à l’identité de la marque.

Magnifier l’offre plutôt que la démocratiser
In fine n’est-il pas plus logique que l’entrée de gamme Apple coûte relativement cher puisqu’elle propose un véritable plus-produit du fait de son homologue de luxe ? Continuer sur la voie de cette segmentation sans baisser les prix de l’entrée de gamme permet de préserver l’image d’exception de la marque, de sorte que même ces produits bénéficient de ladite identité.
Dans le même temps, accroître le prix des produits haut de gamme de sorte à créer une véritable différenciation entre gammes paraît indispensable. La firme pourrait continuer ainsi à préserver ses marges confortables sur cette nouvelle offre.
L’entrée de gamme permettrait à Apple de croquer les marchés émergents qu’elle convoite tant, mais sur lesquels son implantation se fait si difficile. Cependant, seule l’élévation du niveau de vie global des pays concernés permettrait un véritable succès commercial pour la marque. Vouloir trop baisser les prix – à moins de le faire dans une très faible mesure et à l’échelle locale pour certains marchés uniquement – ne peut être que préjudiciable pour l’image d’Apple.
 
Teymour Bourial
[1]Par terminaux de personnal computing Apple, on entend : Macs, iPads, iPhones, Ipod Touch.
Par terminaux de personnal computing Microsoft, on entend : PC Windows, Surface, Windows Phone.
[2]Même sur les marchés émergents, l’iPhone 5C a réalisé de très mauvaises ventes (Source AppleInsider)
Sources : 
Graphique Quarterly Device Sales infra, réalisé par Benedict Evans
Article de Tero Kuittinen pour Forbes : What was the iPad ASP Decline ?
Article de Sam Frizell pour Business Time : Apple has a secret weapon to continue growing: China
Article de Chris Ciacca pour BGR: The iPhone 5C Flop hurt Apple more than you might realize
Article de Chris Ciacca pour BGR: The iPhone 5C Flop hurt Apple more than you might realize

Crédits photos :
LesNumeriques.com

Mcdonalds
Publicité et marketing

Le retour à l’enfance, la panacée des marques en contexte de crise

 
Toujours en quête de vecteurs d’identifications dans un mode de relation avec le consommateur en mutation accélérée, les marques sont de plus en plus nombreuses à user du retour à l’enfance comme dispositif symbolique, des campagnes média d’envergure aux opérations plus ponctuelles de brand experience.
L’enfance, un Eldorado pour les marques
A bas la crise ! Les manifesto, les baselines et les buzz se succèdent, une tendance émerge : en affirmant des valeurs de simplicité, de tendresse ou de fun sans entrave, toutes corollaires de l’enfance, les marques se posent de manière affirmée en remède contre la morosité, dans un contexte d’instabilités multiples.
Dans une société en proie au jeunisme, que l’imaginaire de l’enfance soit un imaginaire perçu comme positif et ayant des vertus aspirationnelles n’a rien d’étonnant. Cependant, l’affirmation explicite du retour à l’enfance et à ses valeurs que l’on constate est bien plus qu’une simple référence : c’est une mécanique qui permet aux marques de s’approprier un univers commun, qui nourrit un discours rassurant et pertinent en période de crise. Pour se positionner en antidote à la morosité ambiante – confirmée par toutes les études d’opinion – les marques se veulent des acteurs enthousiastes, spontanés et optimistes.
Le refus du quotidien exprimé par Monoprix, ou les Evian babies servent un double objectif. D’une part, sortir d’un discours purement fonctionnel sur le produit, forcément boring, pour trouver un dénominateur commun avec le consommateur sur un terrain plus porteur : celui d’une enfance idéalisée, où l’acte d’achat dédramatisé devient un acte ludique, émancipateur et festif.
Le recours à l’enfance est donc un moyen pour les marques de se rapprocher du consommateur sur un territoire à forte charge symbolique et émotionnelle.

Evian et ses Roller-Babies par Euro RSCG, un phénomène viral qui date de 2009, réadapté en 2013 avec la campagne Baby and me.
 Il s’agit dans un second temps d’esquiver une autre tendance : celle de l’exigence grandissante d’une responsabilité économique, sociale et écologique des marques du quotidien à l’ère du soupçon, elles que l’on accuse de vendre une viande de bœuf à la traçabilité pas franchement établie ou dont la production de jeans n’est plus depuis longtemps localisée sur le territoire national, ce qui pourrait faire désordre en période de glorification du made in France.
Dans ce retour à l’enfance réside un contrat tacite, un deal gagnant-gagnant, où le consommateur diverti et déresponsabilisé, accorde – par consentement ou par omission – à la marque entertainer le droit à l’oubli. Infantilisé, le consommateur cesse d’être un consommateur-citoyen.
Une dimension expérientielle.
 En se rendant chez Monoprix, le père de famille urbain (au hasard) cesse d’assumer une responsabilité contraignante mais utile au fonctionnement du foyer, il entre dans une aire de jeu investie de signaux colorés, de formules humoristiques plaquées façon pop-art sur des packagings enfin fun. Pour lui l’acte de consommation n’est plus une corvée ou ne devrait plus l’être, c’est maintenant une expérience-échappatoire réalisée sous le patronage des marques-amies, toujours promptes à soulager l’individu adulte de ses responsabilités lors de courtes fugues symboliques.
La promesse d’un film publicitaire produit par Rosapark pour Monoprix et sorti en mars 2013 sur les plateformes de partage vidéo résume bien cette mécanique du retour à l’enfance dans sa dimension expérientielle : Vivez un moment qui fait splash, boum, ouaaa.

La bataille d’eau – Rosapark pour Monoprix, 2013.
Au delà du discours et des éléments constitutifs de l’identité des marques, le consommateur est invité à entrer dans un mode de relation plus instinctif et sensoriel par le biais de dispositifs dits de brand experience.
Ces opérations de brand experience sont vues comme le moyen de créer un lien durable avec le consommateur en suscitant un engagement fort de sa part, elles ont aussi une dimension évènementielle et un objectif viral.
Ces dispositifs expérientiels de plus en plus courants sont parfaitement adaptés à la déclinaison du retour à l’enfance comme axe de communication : quoi de plus efficace pour infantiliser le consommateur que de le replonger dans un contexte d’apprentissage et de découverte sensorielle, pédagogique et ludique ?
A l’image de l’opération Día del Niño réalisée par McDonalds en janvier 2014 à Lima au Pérou, où l’enseigne de fast-food infantilise de façon explicite ses clients, en surélevant les comptoirs et en sur-dimensionnant tables et chaises du restaurant. Le site DesignTaxiqui relaie l’opération conçue par l’agence Farenheit DDB Lima, la résume ainsi : « With a simple, but nicely executed idea like this, McDonald’s was able to recreate a childhood experience for adults, bringing joy to many as adults jumped and giggled as they were handed balloons. » Bon enfant.

Dia del Niño, Farenheit DDB pour McDonalds, 2014, Lima, Pérou.
Alors, qui serons-nous demain ? Consommateurs-citoyens conscients du rôle social et économique de l’acte d’achat, ou consommateurs infantilisés aux bras d’industries paternalistes ?
 Alexis Mattei
Sources :
Petite théorie du fun, Guillaume Anselin dans INfluencia « La Jeunesse » janvier/mars 2013 
Designtaxi.com
Lareclame.fr

Publicité et marketing

L'effet boomerang du French bashing de Cadillac

 
C’est bien connu, les publicités américaines ont un fâcheux penchant pour le nationalisme lourdingue. Mais Cadillac a poussé le vice un peu plus loin en s’adonnant à un « french bashing » assumé, dans la publicité pour son nouveau véhicule électrique.
« Travailler dur, créer ses propres opportunités et croire en son potentiel ». Pour renforcer le sempiternel refrain du rêve américain, la marque n’a pas trouvé mieux que de tourner en dérision les étrangers qui « flânent dans des cafés » et « prennent leur vacances au mois d’Août ». Progressif, le discours de l’acteur Neal McDonough – jouant ici un riche américain qui a réussit – s’achève par un « n’est-ce-pas? » taquin qui porte le coup de grâce aux français.

Bien que provocante, cette publicité atteint difficilement l’égo français car il faut se le dire, pour rien au monde nous n’échangerions notre flemmardise légendaire. En revanche, ce sont les internautes américains qui se sont indignés sur la toile, dénonçant une publicité élitiste prônant un rêve américain d’opulence loin de correspondre au quotidien de l’américain lambda. S’adressant ouvertement à un public conservateur pour lequel une voiture à 75 000 euros n’est pas grand chose, le spot a déclenché les revendications d’une classe moyenne oubliée.
Ce qui crée également la polémique c’est le choix qu’a fait Cadillac de diffuser ce spot pour la première fois durant les jeux Olympiques de Sotchi. Moments de partage, de solidarité et d’union entre les pays du monde entier, ils ne semblent pas propices à la diffusion de cette publicité certes cocasse, mais qui n’en demeure pas moins dénigrante.
On peut néanmoins saluer l’originalité de la marque qui brise les codes du marché de la voiture électrique. Si ces véhicules sont en général associés à des valeurs humanistes et écologiques pas toujours vendeuses, Cadillac en fait des accessoires luxueux d’ascension sociale.
 Hélène Carrera
Le spot de Cadillac
Sources
Ilétaitunepub
frenchmorning