Scarlett Johansson
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Super Bowl 2014 : l'avènement de la conscientisation de la publicité virale

 
Véritable institution pour les passionnés de football américain aux Etats-Unis, le Super Bowl est aussi devenu au fil des ans un événement important pour les publicitaires et les annonceurs désireux de bénéficier d’un écran publicitaire inestimable en termes de visibilité. Ainsi, c’est à ceux qui auront eu les moyens de dépenser quatre millions d’euros pour quelques secondes de spot que reviendra l’honneur d’être diffusé lors du championnat. Et l’enjeu est de taille, puisque l’évènement retransmis à la télévision américaine réunit chaque année plus d’une centaine de millions de téléspectateurs et est aussi massivement commenté et relayé sur les réseaux sociaux. Un pic d’audience annuel dont les annonceurs ont tout intérêt à profiter !
Chaque année, les heureux élus conçoivent donc un spot spécialement pensé pour sa diffusion lors de l’évènement, rivalisant d’inventivité et de moyens. Les films publicitaires sont ainsi conçus et annoncés comme de véritables points d’orgues d’une campagne. Une guerre marketing qui pousse les marques à proposer des spots assurément efficaces et dans lesquels on retrouve des éléments récurrents : animaux parlants, bébés à l’humour décapant, actrices les plus connues…
C’est dans l’optique de se moquer de ces codes que Volkswagen a décidé de les rassembler dans le teaser du spot que la marque proposera durant l’évènement. Destiné à piquer la curiosité du public avant la diffusion du véritable film lors de la finale, il rassemble chiots, poneys, bébés, célébrités et sumos afin de tourner en dérision les spots habituellement présentés lors du Super Bowl. La marque de voiture allemande n’a pas été la seule à jouer avec cette recherche du viral à tout prix et sa conscientisation (1). Puisque la course à la diffusion virale est ici explicite et sciemment revendiquée par la marque, elle se retrouve donc face à un public prévenu et conscient de la stratégie qui est ici mise en œuvre. Mais le propre d’une stratégie publicitaire n’est-il pas que celle-ci ne soit pas décelée par le public ? Dès lors, il devient possible de se demander dans quelle mesure un tel paradoxe peut être mis au service de la stratégie des marques concernées.

Du partage spontané à l’incitation, une nouvelle forme de marketing viral ?
Rappelons que le marketing viral  est un mode de promotion par lequel le public assure l’essentiel de la diffusion du message publicitaire en le recommandant spontanément à ses proches ou à un réseau de connaissances. L’effet de buzz sensé être produit par cette légère satire est donc paradoxalement une illustration de ce que tente de dénoncer Volkswagen. En effet, le film relayé par les aficionados sur les réseaux sociaux, a été pensé dans une stratégie de marketing viral, au même titre que les publicités qu’il dénonce. Et si l’ambivalence de ce spot soulève bien l’hypothèse que la conscientisation de la logique de marketing viral pourrait devenir une nouvelle stratégie, le film réalisé par la marque Sodastream nous permettrait de l’affirmer.
Cette dernière a en effet récemment signé un contrat avec l’actrice Scarlett Johansson qui devient donc sa première égérie, obtenant en prime une apparition remarquée dans le spot qui sera diffusé lors du SuperBowl 2014. Le film commence par une présentation pour le moins sérieuse du produit et de ses bénéfices par la belle blonde vêtue d’une blouse blanche, rappelant un simple discours de prescription. Mais même si l’image véhiculée par l’actrice est sans conteste plus vendeuse que celle de Mac Lesggy dans une publicité pour une célèbre marque de brosse à dents, la présentation du produit n’est en fait ici qu’un prétexte et le spot prend véritablement toute sa profondeur lorsque S. Johansson lance d’un air faussement candide : « If only I can make this message go viral… ». S’ensuit donc un show sexy sans réel rapport avec le produit où l’actrice met à profit tous ses atouts charme, avec en prime un petit message aux concurrents directs de la marque : « Sorry Coke and Pespi ».
Un spot plein d’autodérision où la conscientisation de la recherche du viral par la marque devient une stratégie à part entière. Un phénomène marketing nouveau puisque même si le principe d’une diffusion virale est déjà perçu par les annonceurs comme un moyen peu coûteux et avéré d’augmenter sa visibilité, il n’avait jusqu’ici jamais fait l’objet d’un détournement. Pour autant, cette stratégie semble pertinente au regard de la prise de conscience par les consommateurs des moyens mis en œuvre par les marques pour attirer leur attention. De plus, étant donné que les consommateurs sont aujourd’hui passés maîtres dans l’art de déjouer les codes publicitaires, le pari de la transparence peut sembler être une réponse judicieuse.

Pour autant, le fait d’aller à l’encontre du fonctionnement même du marketing viral en cherchant à pousser au partage ne pourrait-il pas créer un phénomène de rejet de la part du public ? En effet, rappelons que le principe du viral est basé sur le partage d’un contenu pour sa qualité, son originalité ou encore son caractère divertissant. Une propagation qui est donc bien sensée se faire d’elle-même et non sur la recommandation du créateur du contenu. Il s’agit ici d’un renversement du principe du viral qui voudrait que ce soit au public de juger si un contenu est assez bon pour être partagé. Le danger de l’utilisation du paradoxe entre la recherche du viral et sa conscientisation dans des spots comme celui de Sodastream pourrait donc bien être le fait que la marque décrète elle-même son film comme étant viral, et pousse en quelque sorte le spectateur à partager pour partager.
En conclusion, le tour de force des publicités les plus partagées durant les éditions précédentes du SuperBowl, à l’image de celles de Pepsi ou de Coca Cola, ne serait-il pas d’avoir réussi à susciter l’engouement nécessaire au partage par le public sans avoir à l’y inciter ?
Amandine Verdier
(1)  Conscientisation : Ici, action de conscientiser, de faire prendre conscience de la stratégie de marketing viral qui a été mise en place.
Sources :
Forbes.com
Theguardian.com
Adweek.com
Crédits photos :
Businessinsider.com

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Quand Diesel se rebelle : revoyez vos engagements ?

En début de semaine, Diesel a dévoilé sa nouvelle campagne « Diesel Reboot » pour présenter sa collection printemps-été 2014 shootée par le duo Inez & Vinoodh. Nicola Formichetti. Le nouveau directeur artistique de la marque italienne a décidé de prendre pour égérie Jillian Mercado, une fashionista newyorkaise en fauteuil roulant.
Quand la mode bouscule les stéréotypes

Après les mannequins handicapées dans les vitrines de Noël ou encore une mannequin de 62 ans ayant récemment posé pour la lingerie d’American Apparel, la mode tente peu à peu de briser les clichés qu’elle a elle-même mis en place et cherche ainsi à s’engager comme acteur responsable. Dans Le deuxième volet de sa campagne « Diesel Reboot », Nicola Formichetti s’attache à revisiter la figure la plus stéréotypée de la mode : le mannequin. Le directeur artistique a choisi de mettre en scène vingt-trois artistes, bloggeurs et passants qu’il a lui même repérés. En tant qu’égérie, c’est la bloggeuse américaine atteinte de dystrophie musculaire Jillian Mercado qu’il a choisie. Stop au conventionnel ! Stop à tous ces mannequins identiques ! Dans un des onze visuels présentés, Diesel met en scène la fashionista avec tact et esthétisme afin de faire évoluer le regard porté sur le handicap. Nicola Formichetti a très bien réussi à interpréter l’esprit d’une marque rebelle qui désormais lutte contre ce type de stéréotypes. Il réaffirme non seulement les valeurs de la marque, mais parvient de plus à en créer de nouvelles s’inscrivant dans le même esprit.
Construction d’une communauté

Monde de la sophistication et de perfectionnisme, la mode semble de prime abord difficilement compatible avec les bons sentiments. Pourtant, à travers des visuels colorés et dynamiques, l’ex-directeur artistique de la maison Thierry Mugler diffuse un message d’union et de partage. Et cela sans dissonance ! Il ne se contente pas de porter un nouveau regard sur le handicap mais présente également la diversité comme une richesse. Il met ainsi à l’honneur les groupes, les gangs et les tribus modernes ; en somme, des communautés diverses dont il tente de faire émerger les ressemblances. Il souhait ainsi fédérer autour d’une marque peu conventionnelle et ouverte à la différence, des groupes se situant entre rock et punk.
Le slogan de la campagne est clair : « We are connected ». Bien que les mannequins soient tous très différents, une unité demeure. C’est sous l’emblème du jean, le produit phare de Diesel, que Nicola Formichetti les a réunis.
Des opérations numériques, toujours plus d’opérations numériques

La tag-line « We are connected » est à prendre dans les deux sens du terme car Diesel se veut également être une marque moderne. Dans le premier volet de la campagne diffusée neuf mois plus tôt, un concours sur Tumblr et Instagram avait été organisé pour sélectionner les mannequins. La marque continue dans cette lignée et tente de créer une communauté numérique fidèle à travers des opérations diverses. Cela fait déjà quelques années que les différentes enseignes rivalisent d’originalité pour mettre à contribution les internautes. La semaine dernière, la sphère de la haute couture a révélé au grand jour les collections printemps-été 2014. Chaque marque a diffusé sa campagne sur les réseaux sociaux et tente toutes sortes d’actions pour augmenter l’engagement des clients sur ces médias. Les consommateurs attendent cependant plus de ces marques. Leurs nouveaux engagements numériques doivent être suivis d’adhésions sociales. En cela, la marque Diesel a montré qu’elle avait compris cette attente en jouant autant sur ses convictions sociales que sur ses capacités numériques.
Loin des sentiers battus qui lui collent à la peau, il arrive que la mode nous surprenne. Diesel a donc réalisé une campagne de bonne qualité qui se différencie par ceux qui l’incarnent. Espérons que d’autres marques en fassent de même.
Filipine Guyonnaud
Sources

http://www.7skymagazine.ch/site/people/news/diesel-reboot-campaign
http://www.nicolaformichetti.com/diesel-ss-2014-campaign-dieselreboot/

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Société

François, le pape 2.0.

 
Sur le podium des personnalités les plus recherchées sur Google dans le monde entier, on tombe sans grande surprise sur le boys band britannique One Direction, ainsi que Justin Bieber, dont la réputation n’est plus à faire… Rien de bien étonnant, somme toute : il nous est facile de le comprendre face à l’engouement ou au doute que sont capables de susciter ces jeunes pop stars faisant chavirer le cœur des adolescentes mais aussi couler l’encre de nombreux détracteurs.
Cependant, juste après ces jeunes célébrités à mèche, devançant même le si charismatique président Barack Obama, sur la troisième marche du podium, on trouve… Le pape François !

C’est en effet le Saint-Père qui arrive en tête des mentions sur Internet, et obtient ainsi le titre de personnalité politique la plus « googlée » – en tous cas ce mois-ci – selon une étude commandée par Aleteia, un site d’information catholique. Mais la question qui se pose est : est-ce réellement une surprise ?
Dans un premier temps, ne nous mentons pas : oui. Indéniablement. Cela faisait longtemps qu’un souverain pontife n’avait pas été la source d’autant d’intérêt de la part des internautes, qu’ils soient fidèles ou non. Peut-être, et même sûrement, à cause de l’image un peu « vieillotte » et traditionnelle que renvoie le Vatican en général ; et même si les jeunes catholiques sont nombreux et actifs (comme cela peut se voir lors des Journées Mondiales de la Jeunesse), il n’en demeure pas moins que les hashtags #vatican ou #pape n’avaient jamais été très hype.
Et voilà que depuis l’élection du nouveau représentant mondial de la religion catholique, le Vatican change de visage, au sens propre comme au sens figuré. Jamais un pape n’avait été aussi populaire et aussi inscrit dans son temps. Depuis son investiture en effet, on entend beaucoup parler du pape François, de ses mesures, de ses réflexions, de ses objectifs pour la religion catholique, du changement et du nouveau tournant qu’il incarne, mais aussi de son image positive qui contribue à augmenter son potentiel médiatique.
« Le changement, c’est maintenant ». Oui, c’est bien ce que semble aussi dire ce François-là, de manière plus ou moins explicite. Et quel changement : tandis que Benoît XVI prônait le « silence » et le recueillement pour une communication réussie, saluant de manière méfiante les nouvelles technologies et les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter, le nouveau pape accueille avec bienveillance ces alliés qui participent grandement à sa popularité actuelle.
C’est donc allègrement que le Saint-Père surfe sur sa popularité nouvelle et sur le fait qu’il semble incarner une bouffée d’air frais au sein de la religion catholique, qui semble soudain frappée d’un réel renouveau. Ainsi, on assiste à une véritable série de clichés étonnants mais touchants du pape François : dans le métro, dans les favelas, faisant un selfie avec quelques-uns de ses jeunes fidèles… Cette nouvelle figure du catholicisme va même jusqu’à inspirer de nombreux « memes » sympathiques et positifs à son égard sur la Toile, tandis que son prédécesseur ne récoltait que des comparaisons physiques – qui, force est de le constater, étaient relativement pertinentes – avec Dark Sidious de Star Wars.
Cette omniprésence du pape dans les médias est telle qu’il a été récemment élu « personnalité de l’année » par le Time Magazine. Mais, plus surprenant encore, il fait la Une du magazine culturel américain Rolling Stone : la rédaction justifie ce choix en disant que le Pape François incarne un changement, et représente particulièrement bien un côté plus « humain » de la religion catholique, en plus d’être un homme humble et prêt à parler de questions d’actualité portant à débat et relatives aux droits de l’homme.
Alors, ce nouveau chef de file de la religion catholique est-il celui que les gens attendent pour révolutionner le Vatican ? Cette popularité exponentielle et cette soudaine sympathie du pape vont-elles durer et survivre face à des critiques qui restent présentes malgré tout ? Grâce à lui, va-t-il y avoir tant de changements que cela au sein de la politique de la papauté? « The times they are a-changin’ » chantait Bob Dylan, comme nous le rappelle si bien la couverture du Rolling Stone. Mais ne disait-il pas également que « The answer is blowin’ in the wind » ? Le temps nous le dira. Affaire à suivre, donc.
 
Camille Gross
Sources:
Le figaro
France tv info
9gag

Superbowl
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SUPERBOWL : LA PLUS GRANDE COMPÉTITION PUBLICITAIRE DE TOUS LES TEMPS ?

 
Il n’existe qu’un seul événement pour rassembler des milliers de spectateurs, plus de 111 millions de téléspectateurs, deux équipes de football et Bruno Mars le même soir : le Superbowl.
Si le 2 février 2014 les Denver Broncos affronteront les Seattle Seahawks, les millions d’adeptes du Superbowl pourront voir se dérouler en parallèle une autre compétition, bien plus onéreuse et qui fait déjà parler d’elle depuis quelques semaines : celle de la publicité. En effet, le Superbowl est la première vitrine mondiale de la publicité, le premier vrai événement marketing de l’année, et il donne lieu depuis 1984 à une guerre publicitaire officieuse, le « Superbowl Commercial », arbitrée par les chiffres d’audience.
La visibilité extraordinairement rare qu’il offre et sa pénétration très forte au sein des foyers (le taux de mémorisation serait de 58% plus élevé en moyenne pour des spots diffusés pendant le Superbowl) justifie les chiffres incroyables qu’on lui associe, puisque les 62 publicités sélectionnées pour être diffusées durant 40 minutes en tout se verront facturer 4 millions de dollars les 30 secondes.
On your marks…
À l’approche du Superbowl, les marques rivalisent d’ingéniosité pour présenter la publicité qui les fera gagner et tous ne choisissent pas de ménager la surprise. Certains ont choisi, et ce depuis quelques années déjà, de mettre le grand public à contribution comme Doritos qui a créé la compétition devenue internationale « Doritos Crash the Superbowl » permettant au réalisateur qui gagnera le cœur du plus grand nombre d’internautes de voir son spot diffusé pendant le Superbowl mais également de travailler sur le tournage du très attendu « The Avengers : Age of Ultron » et de remporter 1 million de dollars. D’autres comme M&M’s ont choisi de révéler les premières secondes de leur spot publicitaire et d’en faire un teaser dans l’attente du 2 février : on peut en effet depuis quelques jours voir « Jaune » twerker dans un court clip avant d’être touché par une flèche tranquillisante, ménageant ainsi un suspens insoutenable pour les fans de la marque.

Il semble en effet que si la tradition voulait que les annonceurs et les agences gardent leur publicité secrète jusqu’au grand soir, la nouvelle tendance les pousse plutôt à orchestrer un véritable battage médiatique continu, rythmé de teasers, d’avant premières, et de compétitions organisées sur des médias alternatifs comme le web ou des chaînes spécialisées. Les consommateurs sont de plus en plus impliqués par les marques en ce qu’ils sont appelés à voter sur les réseaux sociaux, à anticiper sur les productions grâce aux teasers mais également à parler eux mêmes de leur produit fétiche en devenant réalisateurs du spot comme l’illustre Doritos.
…get set…
Bien que le Superbowl ne soit pas encore passé, la compétition marketing pour 2014 est sur le point de s’achever et si le contenu des 62 spots n’est pas encore connu, certaines marques nous en ont révélé assez pour que nous puissions établir un rapide palmarès de ce qui devrait nous marquer le 2 février prochain :
David Beckham sera l’égérie d’un spot interactif pour H&M qui devrait permettre aux possesseurs de TV connectées de commander leurs vêtements directement pendant la publicité et aux internautes plus généralement de décider de la suite du spot grâce à deux hashtags particulièrement révélateurs : #Uncovered vs #Covered, or le pari semble intéressant si l’on considère que 36% des téléspectateurs en 2013 avaient un second écran dans les mains au moment du Superbowl et que ce chiffre sera certainement à revoir à la hausse en 2014.

La bière BudLight et la marque Jaguar se payent le luxe de faire figurer dans leur spot deux visages bien connus des américains, ceux d’Arnold Schwarzenegger et de Ben Kingsley, alors que Sodastream ne pourra pas se vanter de sa nouvelle égérie Scarlett Johansson après que son spot se soit fait recaler du fait de son ton concurrent à la limite du déloyal sur fond de conflit israélo-palestinien.

Volkswagen se targue de vouloir faire du viral et pousse le vice à l’extrême en dévoilant un teaser mettant en scène des experts décidant de faire paraître dans leur spot tout ce qui a plu aux internautes de 2013, des bébés aux chiots en passant par des hashtags et une licorne.
Pour savoir qui sera le grand gagnant du Superbowl Commercial, une seule recette : vos chicken wings et vos écrans.
…GO !
 
Clémence Lépinard
Sources :
LLLLITL
La Réclame
Le Monde

Call Of Duty
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Call of Duty « kidnappe » ses joueurs !

 

Après la sortie du DLC Libération d’Assassin’s Creed 4 Black Flag, c’est au tour de la franchise Call Of Duty de lancer son année 2014, et elle y met les moyens.
Pour promouvoir son pack de contenus additionnels Onslaught de Call of Duty : Ghosts sorti ce mardi 28 janvier 2014, le géant américain Activision s’est offert un trailer live-action coûteux comme il en a le secret. « Codnapped », la publicité de trois minutes en forme de superproduction américaine réalisée par l’agence 72andSunny, était diffusée en vidéo 1080p une semaine avant la sortie du pack.
Pour rappel, l’éditeur américain annonçait un milliard de dollars de recettes le premier jour de vente de ce dernier épisode de la série Call of Duty et la barre symbolique du milliard de dollars était passée 3 jours plus tard. Cependant, ce n’est un secret pour personne, Call of Duty : Ghosts n’est l’opus préféré ni des joueurs ni de la presse.
La campagne prend appui sur un jeu de mot évocateur : entendez Call of Duty pour COD et « kidnapped » pour napped. Elle met en scène des joueurs prisonniers du train-train de leur vie quotidienne « kidnappés » les uns après les autres par une escouade du Ghosts pour se retrouver dans un entrepôt aménagé en salle de jeu tout confort avec, bien sûr, le DLC Onslaught sur Xbox One à disposition. Pour l’occasion, le célèbre acteur britannique Stephen Graham a été engagé. Son visage vous sera peut-être familier si vous regardez Snatch ou Boardwalk Empire par exemple.

En clair, le reproche courant « tu es accroc au jeu, décroche un peu » est renversé : c’est le jeu qui vous kidnappe, laissez-vous faire et vous retournerez en héros auprès de ceux que vous aimez. Call of Duty, ou le happy kidnapping en somme.
Contrairement au trailer du dixième opus de Call of Duty qui laissait une petite place à la féminité dans le monde des gamers (pour rappel, Megan Fox descend un drone), cette vidéo semble s’adresser au public cible de COD, soit les jeunes hommes qui entrent dans la vie active. Mais cette vision est quelque peu caricaturale : les joueurs passent pour de grands enfants qui se plaignent du quotidien d’un adulte et sont incapables d’assumer des responsabilités. Une telle image convient mieux aux adolescents qui, avouons-le, constituent une bonne part des clients d’Activision pour la licence Call Of Duty. Certains joueurs peuvent tout de même se sentir insultés face à un reflet si infantilisant, et l’absence de femme joueuse dans la vidéo accentue la caricature.
D’un autre côté, Activision continue de valoriser la figure du joueur de FPS : on ne voit pas d’adolescents retardés, de nolife repoussants ou encore de fous furieux violents mais un jeune cadre, un homme de bonne famille, un père de famille respectable ou encore le petit ami attentionné et patient. Nous sommes donc bien loin du stéréotype habituel du joueur de FPS en brute assoiffée de sang rendue violente par le jeu-même. Là, on va même jusqu’à proposer des cacahuètes et boissons (et d’autres douceurs pour les allergiques aux arachides) aux joueurs confortablement installés, le sourire aux lèvres, heureux de vivre cette expérience en groupe.
Je ne sais pas si vous jouez, mais il est assez difficile de garder le sourire quand on se fait oneshot en chaîne. Passons.
L’image d’un tel service premium est peut-être développée pour faire passer la pilule du prix du DLC. En effet, le contenu téléchargeable coûte 15 € pour qui souhaite prolonger l’expérience de COD : Ghosts. 15 € donc pour quatre maps, une arme qui passe du mode Rifle au mode Sniper et le fameux premier épisode du mode extinction où les joueurs doivent anéantir une menace Alien. Cela reste assez cher quand on sait que le jeu initial est vendu 45 € en France. Beaucoup de joueurs commencent à se lasser de la mode des « jeux en kit ». Comprenez qu’après avoir acheté le jeu, il vous faut acheter plusieurs DLC si vous voulez prolonger le temps de jeu ou avoir accès à des séries de quêtes, ou même à des personnages nouveaux. Ajoutons que seuls les joueurs de Xbox One peuvent profiter à l’heure actuelle du DLC, les joueurs d’autres plateformes devront patienter encore un peu.
 La série Call of Duty est par ailleurs fortement concurrencée par l’autre célèbre série de jeu de guerre FPS Battlefield, qui lancera aussi prochainement un DLC pour 2014. Certaines critiques du jeu reviennent souvent dans les discours des joueurs de Call of Duty : manque d’innovation dans le gameplay, un moteur graphique qui n’évolue pas assez, bref une série de jeux qui se repose sur ses acquis plutôt que de chercher à se renouveler. Si le « Codnapping » est une façon originale de communiquer, il n’est pas certain que cela suffise pour séduire à nouveau tout le monde.
Derrière l’aspect ludique du Codnapping, Activision ne chercherait-il pas à envoyer un message subliminal à ses joueurs lassés ?
Rimond Leïla
Sources :
Lareclame.fr
Businessinsider.com
Slashgear.com
Huffingtonpost.fr
Crédits photos :
Tirées de la vidéo
 

The New york Times
Société

L’information en italique

 
Nous ne lisons pas de la même manière sur le papier que sur l’écran, c’est pourquoi le développement des sites d’information en ligne, au détriment du journal, soulève de nouvelles réflexions quant à la mise en page du discours proposé. Une typographie ou une couleur influent sur notre interprétation finale d’un texte, et ces structures que nous ne voyons pas sont autant de voiles qui façonnent le discours et l’orientent.

La semaine dernière, le quotidien « The New York Times » modifiait certains éléments, discrets mais significatifs, de son site internet, ouvrant la voie à un questionnement sur ces structures invisibles qui conditionnent notre lecture à notre insu. Jusqu’ici était utilisée la police Georgia, en gras, qui ressortait avec d’autant plus de force qu’elle avait été créée pour l’écran. Désormais, il s’agit de Cheltenham, une police d’imprimerie, en rappel à l’édition papier — mais en italique. Plusieurs études ont été consacrées à l’utilisation de l’italique, qui serait à manipuler avec précaution : sa densité et son mouvement seraient apparemment plus difficiles à saisir, mais forceraient aussi le lecteur à une concentration supérieure, qui lui permettrait de mieux retenir les données en italique. Ian Adelman, le directeur de digital design du site explique ce changement par le désir d’insuffler au lecteur un sentiment d’urgence dans sa lecture, mais aussi de réaffirmer l’image du journal : moins désuet, mais toujours traditionnel.
 Ainsi, un élément aussi impalpable et fugace que la typographie d’un article porterait-il en lui le manifeste du journal tout entier, dans son rapport à l’information, au lecteur et au monde ?
Agnès Mascarou
Sources :
fastcodesign.com
slate.com
nytimes.com
Crédit photo :
nytimes.com
 
 
 

snapchat piston stage
Société

T’avais un piston ?! – J’avais Snapchat

 
« Tu vas faire ton stage chez DDB Oslo !! Trop de chance ! T’avais un piston ?!
– J’avais Snapchat. »
Les fans de selfies éphémères vont enfin pouvoir mettre leur incroyable concision au profit d’une cause durable : le stage (et l’épopée de sa recherche). Et vous, étudiants à la ramasse, vous allez enfin pouvoir ajouter un contact utile à vos 40 amis.
En effet, avec The Snapchat Pitch, l’agence DDB Oslo vient de vous lancer un défi créatif des plus audacieux. Le principe est simple : faire le pitch de votre idée du siècle (si tant est que vous l’ayez trouvée) en moins de 10 secondes sur Snapchat pour l’envoyer à DDB_Oslo et tenter de décrocher un stage dans l’agence de vos rêves (le pitch devant être une idée exploitable pour un client réel de DDB, forcément). Si votre créativité réussit à triompher de vos millions de concurrents virtuels, alors vous aurez l’honneur suprême de décrocher un entretien, avec en prime un billet d’avion à destination d’Oslo, tous frais payés par l’agence.
Dans le pire des cas, vous avez donc Snapchaté une énième fois (et vous vous êtes un peu creusé la cervelle). Au mieux, vous vous octroyez un week-end norvégien à moindre coût. Honnête.

Innovant, amusant, intéressant et… intelligent : la dimension de réalité se fond ici dans la virtualité pour un crowdsourcing dissimulé derrière le côté « funky » du concept. Avec un tel processus de recrutement, c’est autant d’idées nouvelles que de Snapchats envoyés, et ce à moindre effort et à moindre coût. The Snapchat Pitch, ou comment tirer parti au mieux des étudiants prêts à tout pour être employés ou décrocher LE stage au sein de l’agence. Mais après tout, ils le font tous. Eux ont le mérite d’être originaux.
 
Eugénie Mentré
Sources :
Iletaitunepub.fr

Culture

Daft Punk aux Grammy Awards : Harder Better Faster Stronger ?

 
Célébrée dimanche 26 janvier à Los Angeles, la cérémonie des Grammy Awards s’est d’emblée présentée comme un évènement planétaire. En plus des traditionnels remises de prix aux artistes les plus prestigieux, le show a mis en place des performances dantesques, comme celles de Beyoncé & Jay-Z ou encore un plateau rock rassemblant les chanteurs de Nine Inch Nails, Queens of the Stone Age et Foo Fighters.
C’est cependant le retour des Daft Punk qui était le plus attendu. En effet, le groupe français n’avait fait aucune performance ni apparition officielle depuis la sortie de leur album Random Access Memory en 2013. Cette absence a généré les rumeurs les plus folles et a renforcé la légende Daft Punk.
Les Daft Punk se sont donc produits avec Nile Rodgers, Pharell Williams et Stevie Wonder dans un décor de studio d’enregistrement devant un parterre de stars enthousiastes et des millions de téléspectateurs. Ce retour par la performance live joue sur la rareté de telles représentations du groupe tout en faisant un clin d’œil à leurs anciens succès et bénéficie de fait d’une couverture médiatique très développée.
À l’opposé de ce succès aux Grammys (5 prix remportés), le duo français n’est pas nominé aux Victoires de la Musique. Là encore, les rumeurs se multiplient, certains évoquant un refus du groupe d’y figurer quand la raison principale semble le fait qu’ils aient signé avec un label non français, Columbia Records. Cependant, cette absence remarquée vient renforcer leur stratégie de retrait médiatique, qui pose la question de la rareté dans un contexte d’hypersollicitation.
La meilleure communication serait-elle dans une absence paradoxale nourrissant une attente démesurée ?
 
Astrid Gay
 
Sources
grammy.com

Société

De l’usage du stéréotype en communication

Lancée il y a quelques jours, la campagne d’affichage du mouvement de La Manif pour Tous a fait l’objet d’un amusant détournement sur les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter. Des internautes ont en effet parodié les nouveaux visuels de la campagne, habillés aux couleurs d’un message stéréotypé (« Pas touche à nos stéréotypes de genre »), pour le moins déconcertant. À tel point qu’il devient même difficile de distinguer les affiches officielles de celles qui ont été parodiées…
Retour sur un dispositif communicationnel au slogan volontairement provocateur.
Stéréotypes et communication : à utiliser à bon escient

Jouer sur les stéréotypes peut être un moyen efficace de communiquer, puisqu’il s’agit de jouer sur des cadres de référence communs pour garantir la transmission rapide d’un message. Les clichés utilisés comme leviers de communication permettent ainsi d’entrer en résonnance avec des représentations socialement partagées et culturellement ancrées. Mais fonder une campagne entière de communication sur les seuls stéréotypes, en les affirmant comme vérité établie et en l’absence de ton décalé, s’avère une démarche périlleuse. Et encore plus quand celle-ci prend part à un débat social houleux.
La Manif pour Tous justifie sa campagne d’affichage comme se voulant provocante avec pour objectif de susciter l’intérêt autour de la question du genre et des modèles familiaux. Il est clair que s’appuyer sur de tels stéréotypes est un moyen affiché de provoquer, mais jusqu’à quel point est-ce une stratégie efficace de provoquer pour diffuser son message et faire parler de soi ? Peut-on aujourd’hui « provoquer pour provoquer » ? Sans nul doute que la provocation gratuite peine à faire sens et se révèle vite creuse.
Il apparaît aussi que le ton de cette campagne manque de subtilité, comme en témoignent les amusantes parodies qui ont surgi sur Twitter (cf. Bannière) dès la révélation des affiches par la Manif pour Tous. Appliqués aux adultes, les « stéréotypes de genre » prennent un tout autre sens, se révélant profondément drôles et absurdes : la femme est montrée comme affairée aux tâches ménagères, en contraste avec une figure masculine assise voire avachie – ou encore, l’homme promenant sa femme en laisse, traduisant la domination masculine sur une prétendue faiblesse du sexe féminin. Ce jeu de détournement des visuels par les internautes souligne le caractère quasi absurde des affiches de LMPT, faisant apparaître leur potentiel parodique intrinsèque.

Nouveau slogan de #manifpourtous ! « Pas touche à nos stéréotypes de genre » J’apporte ma contribution à leur combat ! pic.twitter.com/mD8GpJZPbm
— Allan BARTE (@AllanBARTE) 14 Janvier 2014

Cette appropriation parodique par les internautes révèle un certain rejet du message véhiculé par la campagne de LMPT. En effet, on peut analyser ces tweets jouant sur la parodie et l’humour comme des manières d’affirmer une opinion de désaccord, à l’image de La Fontaine qui utilisait le procédé de la métonymie animalière pour se moquer et dénoncer certains comportements de la Cour sous Louis XIV.
 
Le stéréotype : une fonction rassurante mais désuète ?
Jusqu’où l’usage des stéréotypes est-il pertinent dans une campagne de communication ? Ceux-ci peuvent en effet apparaître comme des archaïsmes communicationnels s’ils ne sont pas traités avec un second degré, lequel leur permettrait de revêtir une dimension contemporaine et moderne. L’argument du stéréotype de genre apparaît comme désuet, dans la mesure où il évoque un certain repli communicationnel, qui va à l’encontre de la « société ouverte » dans laquelle nous vivons (1). K. Popper avait bien analysé cet aspect de notre monde contemporain globalisé, caractérisé par le changement ainsi qu’un mouvement continu d’ouverture communicationnelle. Dans un contexte de dispersion et de discontinuité, se poser comme défenseur des « stéréotypes de genre » traduirait alors une volonté de retour à des valeurs originelles.
La campagne de LMPT peut se comprendre à l’aune de la pensée de D. Bougnoux (2) : le mouvement de LMPT aurait l’impression d’une perte de repères du fait des caprices d’une économie-monde qui n’est plus encadrée par l’Etat protecteur. La Manif pour Tous pourrait s’analyser comme l’une de ces communautés « aux identités manifestes » qui ressent le besoin de réaffirmer des valeurs qui s’inscrivent dans un mythe des origines du genre homme/femme, face à la dévastation des valeurs traditionnelles et aux désordres individualistes causés par le marché capitaliste mondial. La revendication de « stéréotypes de genre » semble exprimer comme une peur du changement, de la confrontation culturelle, des différences (ici sexuallo-identitaires).
Si la campagne de La Manif pour Tous a été parodiée aussi rapidement, c’est sans nul doute parce qu’elle brandit des stéréotypes socialement catégorisants qui s’opposent aux valeurs d’ouverture que prône notre société globalisée et ouverte au changement. D’un point de vue communicationnel, ce qui avait pour but d’être une campagne encourageant une lutte claire et affirmée, s’est mué en une campagne en contradiction avec son époque.
S’il est d’abord question dans cette campagne de légitimité des identités sexuelles/sexuées, il est aussi question de légitimité des identités mêmes qui nous fondent en tant qu’êtres particuliers.
 
Alexandra Ducrot
(1) La société ouverte et ses ennemis, Karl Popper (1945) : il y défend l’idée d’une société qui ne se tient pas à des connaissances établies mais reste ouverte à la réactualisation des connaissances avec l’idée d’un possible changement de la réalité qui nous entoure. En effet se revendiquer de vérité unique ou immuable dénierait le caractère profondément pluraliste et multiculturel de toute société démocratique.
(2) Introduction aux sciences de l’information et de la communication, Daniel Bougnoux (1993)
 
Sources :
Il était une pub : « Affiches Manif pour Tous : A peine dévoilées déjà parodiées »
Yagg : « Stéréotypes et escargots géants : Les affiches de la «Manif pour tous» parodiées »
Crédits photos :
Bannière : Il était une pub
 

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randomness
Société

Vivez heureux, vivez hasardeux

 
Tout est prévu : le clic, la recherche, tout se trouve, ce que vous voulez vous l’avez, et si vous n’en avez pas les moyens, l’on peut toujours vous le prêter. Toutes les avancées technologiques se sont fixées l’objectif d’accroître le contrôle qu’ont les hommes sur leur vie – voiture, téléphone portable et Internet en sont quelques exemples. Marshall McLuhan nous l’a montré, les nouveaux médias ne sont que des extensions du corps humain. Alors, dans une époque où les moyens d’action de l’homme se sont sans cesse accrus, comment surprendre un homme qui contrôle tous ses choix de A à Z ?
Le « random », une forte chance de succès
Le « random » en anglais, à la base des jeux de hasard, ennemi de la science et des religions, il reste un objet fascinant pour l’homme ;  mais pourquoi le hasard ?
Le hasard vient fournir ce qu’aucune des inventions technologiques n’a pu produire, ce frisson de l’inconnu. Plusieurs moyens de communication ont intégré l’aléatoire dans leur fonctionnement. On peut citer entre autres des sites comme Bazookam, Chatroulette, ou encore Stumble Upon. Ces sites connaissent un véritable succès car ils proposent une aventure numérique. Stumble Upon vous fait voyager d’une page internet à une autre selon vos goûts de manière aléatoire.  Ce site a été racheté par eBay pour 75 millions d’euros, il compte en 2013 30 millions d’inscrits. Enfin, la fonction aléatoire d’Apple pour la musique est la fonction la plus utilisée. Elle permet de vous surprendre même si vous connaissez tous les morceaux de votre iPod. L’aléatoire a réussi à fournir ce que nombre d’inventions ne peuvent fournir : de la surprise.

Reddit, propose sur sa page d’accueil des sujets aléatoires, où des débats entre personnes quasi anonymes ont lieu. La force de ce site réside dans la possibilité de sortir de son paradigme quotidien. L’anonymat et l’aléatoire permettant une liberté d’expression, une liberté de surprise quasi infinie. Car le « random », par son caractère fugace, permet une plus grande spontanéité, une plus grande liberté d’expression. Il ne s’agit plus de défendre son opinion diplomatiquement avec un ami, un membre de votre famille, mais plutôt de dire tout ce que vous pensez, sans concession, à un parfait étranger.
L’aléatoire ne doit plus être considéré uniquement comme le « bruit » par les sciences de l’information et de la communication. Il porte un véritable sens, vouloir l’aléatoire c’est vouloir quelque chose. Le hasard a un sens. Réduire l’aléatoire à l’inefficacité, à l’inutile ou au contingent est une erreur. Le « random », c’est l’errance, l’inconnu, l’aventure certes, mais qui mène à la découverte du trésor caché. Intégrer l’aléatoire à la communication, c’est intégrer le bonheur du jeu et de la surprise. De plus, le hasard a toujours été source de fascination pour l’homme – les religions et les sciences n’ont eu de cesse de vouloir l’expliquer. Le consommateur essaiera de faire de même. Ainsi, la musique aléatoire de son iPod viendra expliquer l’humeur de celui qui écoute le morceau. Faire vivre l’aléatoire à un public de consommateurs c’est faire vivre une expérience produit introspective. Celle de l’inédit continuel, et de la découverte de l’autre et de soi. Apple a parfaitement réussi cela avec l’iPod.
Pour une réhabilitation du « random » contre l’hyper ciblage du consommateur
Le « random » a déjà acquis sa place dans l’art. L’art génératif est par exemple un art numérique qui se base sur des algorithmes pour concevoir des œuvres d’art qui se génèrent elles-mêmes. André Breton avait initié le mouvement du dessin automatique, qui avait pour but de révéler le subconscient. Il s’agissait de laisser sa main guider le dessin. Il publia en 1933 Le message automatique, livre qui venait expliquer son approche artistique. Aujourd’hui la démarche est la même, hormis qu’elle passe par l’intermédiaire de l’ordinateur. L’objectif est le même : expliquer l’homme et son subconscient à travers le hasard. On peut observer ci-dessus (cf. Bannière) 3 créations aléatoires dans le « Brute Force Method » d’Andreas Nicolas Fischer.
A quoi bon toujours plus cibler, à quoi bon conforter les utilisateurs dans une routine intellectuelle ? Les vidéos YouTube proposées à droite de la fenêtre de navigation ne sont que des suggestions affinées par des centaines de recherche. Le charme, la surprise, voilà ce que peut proposer le « random » face à la routine de l’hyper choix sur internet.
De l’aléatoire naît la surprise et de la surprise la curiosité, meilleur levier de la connaissance. Après tout, le bonheur d’une bibliothèque réside surtout dans l’errance et la découverte de l’inconnu, et c’est ainsi que l’on progresse, lorsque l’on sort de son paradigme quotidien. Wikipédia a compris le potentiel du « random » en intégrant une fonction « aléatoire » qui nous transporte d’une page Wikipédia à une autre. L’aléatoire a un rôle à jouer dans les processus d’apprentissage.
Enfin, comment envisager la vente sur internet sans utiliser l’aléatoire, pourquoi essayer de vendre ce que le consommateur connaît déjà ? Ce qu’il tape dans la barre de recherche sur Amazon ou eBay, les articles similaires qui lui sont proposés, tout lui est connu d’avance. Il sait déjà s’il en a besoin, s’il veut l’acheter. Alors que proposer, des articles dont il ignore l’existence, est le meilleur moyen de créer le désir et donc la vente.
Dans une ère de l’hyper choix, il est bon de délester l’individu d’une routine quotidienne dont il est lui même l’acteur. Libre à nous de refaire d’Internet une mer sur la laquelle surfer et non une autoroute balisée.
 
Arnaud Faure
Sources :
The Guardian
The Time Science & Space
Distilled
Crédits photos :
3 tableaux d’Andreas Nicolas Fischer Brute Force Method
Distilled