protestation contre les tests sur les animaux
Société

Jacques a dit : vert-ueux ?

 
Le phénomène est loin d’être nouveau : depuis que certains consommateurs se sont rendus compte qu’ils n’avaient aucune idée de ce qui pouvait bien se cacher derrière la liste des composants inscrite sur le papier d’emballage, un besoin de transparence a vu le jour. Madame veut savoir ce qu’il y a dans son beurre pour le corps, Monsieur exige la traduction de mots obscurs comme « anthocyanes », « tartrazine » ou « sulfure de sélénium. »
Les différentes marques l’ont vite et bien compris. Loin de cantonner l’envie du bio à la population bobo parisienne, de nombreuses entreprises ont au contraire décidé d’alimenter la tendance et d’en profiter pour viser cette toute nouvelle population. Au point d’en faire un peu trop ?
Si la publicité éco-friendly a rapidement envahi les médias, il existe des marques qui, dès le début, ont choisi de jouer la carte de la transparence. Ainsi, Lush propose ses cosmétiques végétariens et « testés sur les Anglais » depuis 1994. Des noms d’ingrédients intelligibles pour tout être normalement constitué, une possibilité pour les clients de gagner un masque en ramenant cinq pots pour qu’ils soient recyclés, utilisation de la carte de l’humour so British jusque dans le nom des crèmes et des shampoings (Jasmine hair’oïne, Hot en couleur, Mieli mielo ou encore Les fleurs du mâle)… Tous les ingrédients sont réunis pour faire du bio hype et rigolo.
Cependant, Lush est aussi l’illustration d’une surenchère communicationnelle, ce qui lui vaut parfois un retour de bâton de la part des consommateurs, en témoigne la promotion de leur engagement pour la cause des animaux, qui donnerait presque à la marque l’image de filiale de la SPA. Par exemple, Lush s’oppose brutalement au gavage des oiseaux sur son site officiel ou lors de mises en scène dans certains magasins.

Il en va de même pour la dénonciation de la cruauté des tests sur les animaux, lorsqu’est exposée en vitrine une comédienne subissant les mêmes traitements. Autant de situations qui peuvent parfois choquer les clients et ne pas avoir les conséquences escomptées. Il en résulte une surenchère qui peut, à terme, lasser les clients vaguement adeptes du principe.

Le premier biais que rencontre l’éco-friendly dans la publicité actuelle découlerait alors de cette volonté des marques d’en faire toujours plus. Cela se vérifie d’autant mieux que la majorité des entreprises en question a décidé de surfer sur la vague de la com’ verte sans que leurs produits aient un quelconque rapport au bio.
Devant l’engouement pour les produits green, beaucoup d’annonceurs n’ont eu d’autre choix que de prendre ce tournant, ou du moins faire semblant. Est apparu alors un nouveau phénomène, celui de « greenwashing » (traduisez « écoblanchiment »). Le concept est assez basique : prenez un bien de consommation qui n’a pas la moindre qualité écologique apparente et faites en sorte qu’il apparaisse au contraire comme le dernier-né tout beau tout bio.
Si le consommateur est fatigué de voir du vert partout, c’est bien parce qu’il s’agit d’une véritable tendance actuelle : l’air du temps est au sauvetage des arbres et des bébés phoques. Les marques cherchent à verdir leur image.
L’OIP (l’Observatoire Indépendant de la Publicité) donne d’ailleurs un classement des pires campagnes en termes de greenwashing, aux rangs duquel figurent Le Chat, Mercedes, Audi ou encore Herta. L’OIP analyse les différents procédés auxquels a recours  la publicité : certains mots induisant le consommateur en erreur, la composition graphique, l’absence de preuves ou simplement l’exagération de la composante verte du produit.  La possibilité est également donnée aux internautes de voter ou bien même de créer leur propre publicité mensongère sur le site.
Entre une surabondance de bonne volonté – qui entraine parfois un ras-le-bol des consommateurs – et la mise en avant parfois illégitime de produits loin d’avoir l’étiquette bio, il semblerait possible que le verdure… pas tant que ça.
Annabelle Fain
Sources
Stratégies
MPJ2009
Observatoiredelapublicité
Dailymail
Lush
Crédits photos
Dailymail
Lush
Animaux

Burger King vs. Big Mac
Publicité et marketing

Burger King veille au grain

 
La course au « Like » sur Facebook est une problématique installée : que signifie-t-elle réellement pour les acteurs du réseau social ? Conduit-elle à des répercussions tangibles pour les marques et à un véritable engagement des utilisateurs ?
Le 5 décembre dernier, Burger King résout le problème chez ses fans norvégiens et leur fait passer un test de fidélité, via la page WhopperSellOut.com (désormais inaccessible). L’utilisateur est alors invité à cliquer sur le pouce « Like » s’il se considère comme un vrai fan. En revanche, s’il clique sur le Big Mac, il accepte alors d’être banni de la page de Burger King, avec, pour compensation, un Big Mac posté directement par… Burger King lui-même.
L’opération peut faire sourire, en ce que Burger King, s’il veut limiter le nombre de passagers clandestins sur sa page (ceux-ci pouvant bénéficier de menus gratuits), perd avec cette opération 80% de ses fans en Norvège (de 38 500, ils sont aujourd’hui passés à 10 500). Burger King assure cependant avoir conservé ses fans norvégiens les plus dévoués et revendique « un taux d’engagement cinq fois supérieur à ce qu’il était avant »… Difficile à appréhender.
Dans tous les cas, il est clair que Burger King s’est offert avec cette opération un joli coup de publicité, chapeautée par l’agence Dist Creative.
 
Céline Repoux
Sources :
Slate.fr
Journaldunet.com
Crédits photo :
Burger King

Masterpiece
Culture

Masterpiece : la télé réalité qui tourne la page ?

 
Qui n’est jamais tombé en zappant sur une des innombrables émissions de télé-réalité mettant en scène danseurs, chanteurs, cuisiniers, experts en tous genres, ou autre phénomène abrutissant ? A y réfléchir, on aurait l’impression d’avoir fait le tour…L’Italie nous prouve le contraire avec un programme de reality-show encore inédit qui mêle deux terrains que l’on imaginait jusqu’ici peu cohabiter.
En effet, « MasterPiece, talent scrittori » (littéralement « Chef d’œuvre, écrivains de talent »), la première télé-réalité consacrée aux écrivains, se met en quête de dénicher le succès littéraire de demain. Le premier épisode diffusé le 17 novembre dernier, sur la célèbre chaîne Rai3, a permis de faire connaissance avec les 12 premiers candidats sélectionnés.
Un principe de télé-réalité pas si extraordinaire…
Si MasterPiece se détache des nombreuses autres émissions, c’est uniquement par son angle d’attaque, la littérature, car le principe d’organisation et de fonctionnement reste similaire à celui des habituelles télé-réalités. Les candidats ont répondu en masse à l’appel et c’est parmi plus de 5000 manuscrits envoyés, que la Rai a sélectionné les 70 finalistes. Et les téléspectateurs seront à peine surpris en constatant que les concurrents recouvrent des profils très variés, allant de la serveuse, à l’adolescent prodige, ou encore l’ouvrier, la retraitée, jusqu’à l’handicapée…Un large panel qui se veut refléter la société « globale » et dans lequel nous sommes susceptibles de nous identifier. Jusqu’ici, l’émission ne dépasse en rien ses consœurs internationales.
Le direct est bien évidemment de mise : les textes rédigés par les candidats sont retransmis et visibles par les téléspectateurs qui peuvent suivre l’évolution du processus d’écriture. Et MasterPiece ne serait pas un véritable talent-show sans sa salle de confessionnal, haut lieu de la révélation, de l’exacerbation des sentiments : des doutes sur son manuscrit, un reproche envers un autre candidat, la réaction à son élimination, rien n’échappe au téléspectateur, invité là encore à rentrer dans la sphère intime de ceux qu’il se plaît à examiner, de l’autre côté du petit écran.

Les épreuves ne manquent pas pour démarquer les participants et une nouvelle fois, l’inspiration envers les formes actuelles de télé-réalité est flagrante : les candidats sont notamment invités à vivre une « expérience en immersion » de type mariage ou retrouvailles avec des amis, qu’ils doivent ensuite retranscrire par écrit. A l’issu des différentes épreuves, le jury devra éliminer celui ou celle qui lui aura semblé le moins compétent. Et pour trancher, trois personnalités reconnues dans l’univers du livre*. A côté de cela, le suspense tient le spectateur en haleine avec la fameuse épreuve du « repêchage » permettant à l’un des candidats désignés pour l’élimination, de se rattraper illico presto. Une motivation, quand on sait que le grand gagnant verra son texte édité à 100 000 exemplaires par la maison d’édition Bompiani. Verdict en février pour Masterpiece.
La Télé-réalité : un genre fourre-tout ?
Ainsi donc, la télé-réalité aura épuisé une bonne partie de nos centres d’intérêts pour se consacrer à présent à la littérature. Mais peut-on vraiment parler de tout à l’occasion d’un talent-show ? Le principal défi ici pour les réalisateurs est d’entremêler l’intime de l’écriture et la brutalité du direct. L’époque de l’écrivain solitaire, tapis dans sa chambre au-dessus de sa machine à écrire, semble alors révolue, pour laisser place au désir de notoriété convoité par tous. A l’époque de la mise en avant de soi, le talent ne s’arrête plus aux frontières du local. De la réflexion, à la mise en ordre, jusqu’à la mise à l’écrit du texte, la promesse de tout nous dévoiler peut nous laisser dubitatifs. Nous attendons de pénétrer la pensée de l’écrivain en herbe, de comprendre ses mécanismes intellectuels avant de découvrir l’objet matériel, achèvement ultime l’émission. « Le vrai défi était là » nous confirme Andrea de Carlo : ne pas brusquer le processus par essence lent et réfléchi de l’écriture par les exigences du direct, avide de faux-pas et de rebondissements suivant les ficelles d’une trame se disant spontanée.
De la promotion de l’auteur à la promotion de la lecture…
Ce qui vaut ici la peine d’être noté repose sur la confrontation du succès de l’individu face à celle de l’activité de la lecture. En clair, nous avions jusqu’ici l’habitude d’être servis par des émissions de télé-réalité répondant aux aspirations majeures d’une société –pour ne prendre qu’un exemple, nous pourrions ici citer la passion bien française pour la cuisine, que l’on retrouve à foison dans nos télés avec MasterChef, TopChef, Le meilleur pâtissier, etc… Dans le cas de MasterPiece, la logique inverse paraît servir la population italienne. Et pour preuve, dans un pays où seulement 46% des italiens ont déclaré avoir lu au moins un livre sur toute l’année 2012, faute n’est pas d’essayer d’y remédier. Les promoteurs de MasterPiece espèrent donc inciter les italiens à la lecture. Allier littérature et divertissement : un inédit qui aura le mérite de montrer si le succès associé aux gagnants des reality-show peut véritablement faire se précipiter les italiens vers les librairies.
Quant à l’arrivée d’un reality-show de ce type en France faisant côtoyer un Marc Lévy à Nabilla, ceci est une autre histoire…
 
Laura Pironnet
*Il s’agit de Giancarlo De Cataldo, auteur de Romanzo Criminale et scénariste, Andrea de Carlo -également écrivain, récompensé- et Taiye Selasi, auteure et photographe britannique.
Sources :
L’Express
Vanitiy Fair.it
Crédits photos :
Candidats finalistes : Rai3
Jury : Europa Quotidiano

Président Hollande
Politique

Au secours ! Le Roi se meurt !

 
Voilà maintenant une semaine que le pays entier retient son souffle. Le chômage, la crise, les taxes… passe encore. Mais la prostate du Président !
C’est lors de la cérémonie du lever, mercredi dernier, que nous, peuple de France, avons appris la funeste nouvelle. Voilà presque trois ans que François Hollande se serait fait opérer pour un problème de prostate, bénin certes, mais un problème tout de même !
Rassurons-nous cependant, tout va mieux depuis que les médias se sont emparés de l’affaire. Experts médicaux, flashs d’information, envoyés spéciaux à l’Elysée… tous les moyens ont été mis en œuvre pour nous rassurer. Ou plutôt nous inquiéter.
Car il est bon en effet de s’inquiéter pour son Président-Roi quand on est Français, dans un système où celui-ci apparaît sinon omnipotent, du moins indispensable. D’ailleurs d’aucuns se sont empressés de faire le lien, pourtant disproportionné, avec le sort de Messieurs Pompidou et Mitterrand.
Il faut dire que le pouvoir lui-même a laissé faire et même encouragé ce battage. D’un côté cela lui a permis de mettre en scène une normalité, rendue pathétique jusque dans ses problèmes, et d’un autre, cela a été une habile façon d’esquiver, au moins pour une journée (celle du Conseil des ministres comme par hasard), les échecs qui s’accumulent. Une bonne tactique en somme pour un monarque devenu infertile !
Mais au-delà de ce coup de com’ l’affaire semble révéler une tendance plus grave. Celle d’un système médiatique sans cesse à la recherche de scoops, pour qui l’information transparente devient malheureusement une information sans épaisseur.
Aussi serait-il temps de revenir aux vraies préoccupations. Car quand le Roi tousse, c’est bien le peuple qui s’enrhume.
 
Grégoire Larrieu

Foot
Société

Du sexe et du foot, que demande le peuple ?

 
  Le 19 novembre 2013, La France se qualifie pour la Coupe du Monde 2014, à l’issue d’un match contre l’Ukraine remporté à trois buts contre zéro. Un miracle pour les Français, qui bien loin de s’y attendre, avaient abandonné leurs rêves de conquêtes footballistiques depuis quelques années. Au fur et à mesure que le match se rapproche, différents people et entreprises s’amusent à jouer sur cette vague de défaitisme national, et y trouvent un terrain idéal pour un comique de répétition bon enfant, qui fait mouche. Ainsi, Carrefour s’engage à rembourser à 100% les téléviseurs achetés si les Bleus gagnent la finale, mais Doria Tillier, la miss météo du Grand Journal de Canal +, se montre encore plus audacieuse en annonçant la veille du match qu’elle présentera la météo du lendemain « à poil » si l’équipe de France sort victorieuse. Internet s’empare du phénomène, comme le prouve le Tumblr « Si les bleus gagnent », qui recense les promesses des peoples, tandis que de nombreux anonymes se lancent des défis personnels, comme aller acheter ses croissants en tenue de ski.
Une initiative mérite cependant d’être étudiée de plus près, au-delà de l’engouement potache d’un Cyril Hanouna teint en blond — il s’agit de celle de la société de production de films pornographiques Marc Dorcel. À 20h55, le compte de Dorcel tweete une annonce en forme de blague : si les Bleus l’emportent, leurs films seront disponibles en téléchargement gratuit toute la nuit. Le défi est pris au sérieux, retweeté plusieurs milliers de fois, et c’est sans surprise que le réseau du site se trouve saturé à 22h54, alors que la France exulte de sa victoire. Le site plante, certes, les responsables n’ayant pas eu le temps de préparer le terrain pour une telle affluence, mais ce n’est pas ce qui importe le plus dans cet immense coup de communication, au demeurant très réussi.

 Un tel phénomène interroge à nouveau les rapports qu’entretient un peuple avec l’équipe qui le représente, mais aussi la conception qu’il se fait de ce sport, dans son imaginaire collectif. À travers les hashtags #FRAUKR, #AllezLesBleus, #SiLesBleusGagnent, le match France-Ukraine a été un des évènements les plus commentés : à titre d’exemple, on dénombre plus de 1 244 161 tweets à son sujet, sans compter les milliers d’articles ou de statuts Facebook publiés. Nous assistons donc à une réelle ferveur, qu’il ne serait pas abusif de qualifier de patriotique, qui touche tout le monde, du supporter endurci au Français lambda qui ignore les règles les plus basiques du football. Dans un pays divisé comme la France, au cœur duquel les écarts sociaux ne cessent de s’accentuer, comment expliquer une telle cohésion, le temps d’un soir ? Le désir de prestige international gagné sur un terrain parvient-il à créer l’unité là où la politique échoue ? En serait-on donc toujours aux problématiques du pouvoir de l’empire, dont la portée s’étend au monde entier, à travers l’affrontement de l’autre ?
 D’autre part, le succès d’une plateforme pornographique à un tel moment réactive un stéréotype vieux comme le monde : celui de l’homme qui regarde la télé, les pieds posés sur la table, et sa femme… eh bien sa femme qui attend que ça passe. Il est tentant de voir dans la passion pour le football un épanchement de la virilité, une nouvelle façon de vivre en tant qu’Homme, celui qui porte un grand H, qui inspire le respect et marque son territoire à travers la guerre, la lutte pour son statut de mâle dominant. En 2013, à l’heure de stratégies communicationnelles toujours plus sexistes (que l’on songe en effet à la campagne de publicité de Darty au moins de novembre, qui faisait son miel d’une imagerie douteuse, mi-érotique mi-glauque), de tels clichés ont malheureusement la peau dure. La satisfaction sexuelle solitaire (c’est du moins l’acception que l’on se fait généralement du film porno) serait-elle le prolongement naturel d’un exploit sportif, un exploit permis justement par le corps ? Soutenir son équipe, une forme de sublimation comme une autre, si l’on s’en remet aux théories freudiennes ? Qu’en est-il alors de la femme ? Ceci expliquerait-il que le milieu du sport soit en général très majoritairement masculin, particulièrement en ce qui concerne le foot ?
 Marc Dorcel est bien le second vainqueur du match, en ce mardi de novembre. En proposant de faire durer le plaisir de la victoire de façon, disons, plus intimiste, il parvient à faire exploser son nombre de visites. N’oublions pas que Dorcel a toujours revendiqué une esthétique porno-chic, bien loin des films crus de seconde zone, assaisonnant ainsi des codes de publicité conventionnels à un imaginaire glamour et polie, mettant un scène des plastiques sans défauts rehaussées par des accessoires souvent luxueux. Alors, la recette d’un coup de communication réussi serait donc aussi simple qu’une déclinaison des aspects les plus valorisants du corps ? La victoire est un plat qui se mange chaud, très chaud.
 
Agnès Mascarou
Sources :
Libération
Le Figaro
Football.fr
Sexpress.fr

GoldieBlox
Publicité et marketing

L'ANTI-SEXISME AU PIED DU SAPIN

 
Comme chaque année, à l’approche de Noël, nous sommes bombardés de publicités de jouets pour enfants faisant la part belle à une séparation archaïque des genres. Si les petit garçons se voient offrir des voitures high-tech et autres outils de mécano, on réserve aux fillettes les dinettes roses à pailletes et les poupées « so girly ». C’est ce que dénonce , un Tumblr répertoriant avec humour les jouets les plus sexistes qui n’offrent aux petites filles d’autre ambition que celle de devenir de parfaites ménagères.
A contre-courant de ce marketing très genré, la marque californienne Goldieblox fait le buzz sur le net grâce à son nouveau spot publicitaire. Celui-ci met en scène trois petites filles qui, lassées de faire la popote pour leurs poupées, préfèrent s’adonner aux jeux de construction. Surfant sur la vague de la communication anti-sexiste, la start-up a décidé de faire résonner sa démarche en parodiant le titre ouvertement machiste « Girls ! » des Beastie boys. Si le célèbre groupe de rap décrivait la femme idéale comme une bonne à tout faire, Goldieblox transforme les paroles en affirmant qu’il est temps, pour cette mêmes femme de construire des vaisseaux spatiaux et de coder des applications.

II y a quelques semaines les magasins U créaient la polémique en dévoilant un catalogue de Noël révolutionnaire car non genré. On ne peut pas en dire autant de Goldieblox qui, s’intéressant uniquement aux petites filles, tombe tout de même dans le piège du marketing « pour filles ». Cette vague de publicités anti-sexistes n’est-elle alors que la recherche d’un millième outil marketing destiné à faire le buzz afin de vendre toujours plus, ou relève-t-elle réellement d’une démarche revendicative visant à détruire pour de bon les clichés culturels préexistants et à faire bouger nos sociétés?

Hélène Carrera
Sources :
Marieclaire.fr
Meltybuzz.fr
Lexpress.com
Enseignementsup.blog.lemonde.fr

Stylist
Société

Portrait d’une femme Stylist ?

 
Lancé au printemps dernier, l’hebdomadaire gratuit Stylist a déjà dû tomber entre vos mains. J’ai exploré ce petit nouveau, et je n’ai pas été déçue.
Pas si nouveau
En effet Stylist vient d’Angleterre, et a été crée par le groupe Short List Media en 2009. Fort de son succès outre manche, le groupe britannique s’est associé au groupe Marie Claire français pour distribuer à travers l’hexagone ce premier magazine féminin gratuit à destination des femmes de 25 à 49 ans. Le magazine tiré à 400 000 exemplaires est distribué tous les jeudis dans dix villes françaises. Il ne risquait pas de passer inaperçu lors de son lancement !
Stylist est un « magazine intelligent destiné au femmes actives et CSP + » déclare Jean-Paul Lubot, directeur général délégué du Groupe Marie Claire. Souhaiteraient-ils donc grappiller le lectorat si fidèle des autres féminins ? Les vilains…
Le gratuit débarque sur un marché où la concurrence se fatigue : Envy c’est fini, BE est passé en mensuel, Grazia mène une bataille des prix qui a obligé le géant Lagardère à réduire le prix de ELLE à deux euros. Dans ces conditions, c’est quand même plus facile.
20 millions d’euros de budget, cela fait peur. Ils prennent de vrais risques et on ne va pas les pointer du doigt pour ça, bien au contraire. Pour ce qui est de leur définition de la femme active, c’est autre chose…
Une belle remise en forme
Quand j’ai ouvert le numéro 25 du 14 novembre 2013 en son milieu, je suis directement tombé sur les pages Mode :

Ma première réaction a été de penser que c’était une campagne pour dénoncer les retouches photos excessives qui tombent presque dans le caricatural et dont on parle si souvent. Je tourne donc les pages pour savoir de quoi il s’agit, et là, à ma grande surprise :
« REMISE EN FORME, la femme active court partout, et c’est en alliant pragmatisme et élégance qu’elle met le monde à ses pieds »
 Je me suis donc bien plantée. Je ne sais pas si elle peut encore courir avec des jambes pareilles ! Pour ce qui est de l’élégance je ne savais pas que l’aspect malingre, presque malade, était chic. On a tous bien compris le jeu de mots et la réalisation originale qui va de pair, mais pourquoi la rendre si mince ? Sa poitrine s’est faite la malle, toute sa chair aussi apparemment et on nous l’expose comme un modèle à suivre, le modèle de la femme « active » qui fait du sport, qui « met le monde à ses pieds » – mais qui manifestement ne mange pas.
Un peu de rêve n’a jamais tué personne
Les magazines féminins ont toujours été là pour nous faire rêver, nous montrer la femme que l’on a envie d’être, celle à qui on a envie de ressembler. Qui a envie de voir dans les magazines féminins Madame tout le monde en maillot de bain ? Pas moi en tout cas.
Ces magazines ont toujours véhiculé une certaine image de la femme moderne. Une image qui s’est transformée à travers le temps, en allant de la femme au foyer à l’entrepreneuse, et en passant par la militante. La femme active moderne est donc, selon le magazine gratuit, avachie sur un tabouret, le squelette apparent ou assise sur un gros ballon. Et elle attend. Cette femme là ne nous fait pas rêver. Le magazine Stylist nous livre ici une banalisation de la minceur plus que choquante et l’expose comme norme de beauté unique. Le NO ANOREXIA choc d’Oliveiro Toscani est bien loin derrière lui.
Stylist nous propose une alternative au modèle de la femme forte selon ELLE, qui peut être un tantinet agaçant – parce que trop forte. Ce nouveau magazine féminin a au moins le mérite d’innover, de nous montrer autre chose. Cependant Stylist présente un modèle à l’autre extrême de celui proposé par ELLE, peut-être serait-il bon de trouver un juste milieu !
 
Sibylle Pichot de la Marandais
Sources :
Stylist.co.uk
« Stylist, le pari féminin gratuit » : Le Monde – 17/04/2013
« Stylist, le féminin qui descend dans la rue » : L’express Styles – 19/04/2013
Crédits photos :
Image de Une : Stylist N°10 du 23 Juin 2013
Tumblr du photographe Jean Pacôme Dedieu

Selfie
Société

Me, my selfie and I

 
Le selfie, vous en avez sûrement entendu parler, ou pu lire, circonspect, les 15 conseils pour réussir le vôtre. Pourtant, il est temps de s’attarder sur ce phénomène devenu planétaire. Le selfie consiste comme son nom l’indique à se prendre en photo ou en vidéo soi-même. Bras tendu, sourire plus ou moins crispé, voici la façon 2.0 de se montrer. Le selfie n’est pas si récent : on en trouve déjà en 2004 sur des sites comme Flick’r ou MySpace. Mais l’engouement autour de ce mode de communication se concrétise en 2010 avec la sortie de l’iPhone 4, qui intègre une caméra frontale. Les usages sont nombreux, mais pour la plupart il s’agit d’une simple volonté de se montrer sur des réseaux sociaux comme Vine, Snapchat ou encore Instagram. Le succès de ces plateformes est aujourd’hui incontestable. Instagram recense 25 millions de photos « #selfie », et pas moins de 70 millions de de « #me » *1.
Le selfie entre déjà dans le milieu professionnel
D’autres en font un usage différent : pour les mannequins il s’agit de leur CV numérique, pour des artistes comme Kennard Phillips d’une manière d’être créatif *2. Le selfie apparaît avant tout comme une manière de faire la promotion de soi. Il n’est pas rare ainsi que les meilleurs utilisateurs de Vine soient sollicités ensuite par des marques pour faire des selfies publicitaires. Les stars, égéries de la mode ont senti la possibilité de communiquer sur leur vie quotidienne tout en maîtrisant leur image. Le selfie est devenu le lien entre la vie privée des stars et leurs fans. Ce type de promotion a l’avantage de se faire spontanément par la célébrité, qui y trouve du plaisir, et considère cette activité comme un divertissement plus que comme un travail de promotion.
Le selfie est progressivement entré dans le domaine de la communication professionnelle, et dans les domaines de la mode, nous l’avons dit. Mais récemment c’est dans le jeu vidéo que le selfie a marqué un grand coup. Le jeu GTA V, produit par Rockstar, intègre la possibilité de faire un selfie de son avatar. Les joueurs rivalisent d’originalité et les clichés deviennent viraux sur internet. C’est un grand coup de communication pour le jeu, mais là encore, l’ironie est de mise. Pour que le selfie soit réussi, on pose devant des accidents de voiture, des scènes de meurtres, des situations incongrues.

Le selfie, médiatisation du mauvais goût ?
La photo prise par un tiers surprend, et impose souvent en soirée un flash peu flatteur sur votre peau blanche de novembre. Avec le selfie il n’en est rien. Libre à vous de vous abriter à une table avec vos ami(e)s, de remettre vos cheveux en place, ou de vérifier si votre eyeliner ne se fait pas la malle avant de prendre la photo. Le selfie c’est le contrôle de A à Z de l’individu sur sa photo.
Le selfie vient combler un besoin moderne, celui de la médiatisation de la vie privée. Plus de surprise, l’image de soi est maîtrisée de manière professionnelle. Enfin, le selfie vient rendre médiatique un moment jadis tabou. Se regarder dans le miroir, moment de narcissisme littéral, devient une activité de groupe tendance.
Faire brûler les selfies-addict sur le bûcher du bon goût serait une erreur. Ces personnes sont, pour beaucoup, pleinement conscientes du caractère profondément ironique de ce mode de communication. Il n’est pas rare de les voir se caricaturer en tant que personnes narcissiques. La feinte est double ici : le selfie rend le naturel artificiel, mais le selfie est détourné lui-même par les utilisateurs. Il faut avoir conscience de cette artificialité. Les utilisateurs se moquent souvent de ces « noobs » du selfie qui l’utilisent au premier degré.
Mais jusqu’où cette ironie peut-elle être tenable ? L’ironie peut-elle justifier le mauvais goût ? Car cela ne concerne plus uniquement Booba ou Jay-Z, l’ego trip du selfie est devenu planétaire. La génération Y ne serait-elle pas simplement devenue la génération « et moi, et moi ! » ? Le selfie dans sa salle de bain ne devrait (vraiment) pas côtoyer sur Vine celui de Kanye West en concert.
Car il ne s’agit plus seulement ici d’obscénité mais bien d’une image de soi qui va se retourner contre l’utilisateur. Le selfie, roman de soi, deviendrait alors petite encyclopédie de nos vanités. Enfin, quel avenir pour les marques qui utilisent un moyen de communication dont il faut comprendre le cercle infini de private jokes ? La tendance se payant au prix de l’intelligibilité, la visibilité au prix du bon goût.
 
Arnaud Faure
Sources :
*1 L’express Le selfie ou le « moi jeu » Géraldine Catalano
*2 The Guardian
Crédits photos :
Image de Une : Kennard Phillips – Catalyst Contemporary Art and War Imperial War Museum, Manchester, UK
Image 2 : un joueur anonyme

ADF au palais des Congrès
Publicité et marketing

Une dent contre notre liberté

 
Lorsque, du 26 au 30 novembre, le Palais des Congrès accueille l’ADF (Association Dentaire Française) le temps d’une exposition et d’un forum sur la médecine dentaire, celle-ci ne fait pas les choses à moitié… Au risque de harceler une nouvelle fois les usagers du métro parisien. A cette occasion, la station Porte Maillot s’est en effet trouvée métamorphosée en immense vitrine publicitaire dont chaque espace a été approprié par un faisceau de grandes enseignes rattachées à ce business. Poteaux relookés, pans de murs réquisitionnés et sol parsemé de slogans, il y a de quoi parler d’un déploiement publicitaire de grande ampleur.
Loin d’être inédite, cette pratique de streetmarketing a notamment été déployée par des marques telles qu’IKEA, qui avait improvisé une sorte de show-room en installant des canapés sur les quais du métro en 2010. Son propos ? Améliorer notre quotidien. Si cette stratégie a fait mouche, pas sûr que l’appropriation de ces lieux par des fabricants de dentifrice soit perçue du même œil… Au contraire, cette omniprésence publicitaire est souvent envisagée comme une pollution visuelle nuisible qui sature l’espace public. Toujours est-il que ces exemples témoignent du fait que la publicité n’est désormais plus contenue par aucun cadre, qu’ils soient physiques ou normatifs. Qu’en est-il de notre espace personnel dans tout cela ?
 
Elsa Becquart
Crédits photo :
Atlantico.fr

Scroogled
Société

KEEP CALM WHILE WE STEAL YOUR DATA

 
« Don’t get Scroogled » (comprenez: ne vous faites pas arnaquer par Google): voici ce que les chargés de communication de Microsoft ont décidé d’écrire sur de nombreux produits dérivés en vente sur l’e-shop de la marque depuis mercredi 21 novembre. En effet, le géant américain de l’informatique a décidé de ne pas y aller de main morte dans sa campagne anti-Google, qu’il avait déjà amorcée cet été.
C’est donc à grands renforts de mugs, de T-shirts ou encore de casquettes où l’on peut lire des catch phrases plutôt savoureuses – du type « Google is watching you » ou encore « Step into our web » – que la firme s’inscrit dans une opération de communication plutôt risquée, entre humour et agressivité. Ce qui tend à nous laisser plus que perplexes… Alors, pari communicationnel plutôt gagné ou perdu pour Microsoft?
Reprenons depuis le début. L’origine de la controverse est connue de tout le monde: en juillet dernier, le scandale qui avait eu lieu après la révélation par Edward Snowden du programme nord-américain PRISM, dont le rôle est d’espionner le Web (y compris en Europe), avait déclenché une vague d’inquiétudes et de protestations de la part des gouvernements comme des particuliers, hostiles à l’idée de voir leurs données récoltées sans leur consentement. Sur le papier, rien de bien méchant pour le célèbre moteur de recherche. Mais en réalité, cela avait permis à Microsoft de saisir une opportunité plutôt intéressante et de surfer sur la vague de l’espionnage informatique pour accuser son grand concurrent de se servir des données personnelles des utilisateurs pour gagner de l’argent, notamment en cernant les mots-clés récurrents employés sur Gmail par les particuliers pour mieux cibler les publicités leur étant destinées.
Au mois de mai, c’est donc plutôt gentiment que Microsoft avait entamé sa critique vivace de Google et de son moteur de recherche Google Chrome, qui n’en finit plus de séduire les internautes, largement préféré à Internet Explorer, en publiant des parodies des publicités faites par Google. Mais depuis quelques semaines, la firme a décidé de reprendre l’offensive. Après avoir lancé au début du mois de novembre une pétition priant Google d’arrêter de tirer profit de ses utilisateurs, Microsoft reprend donc de plus belle avec le lancement de ces nombreux goodies.

Cependant, cette campagne de dénonciation n’est-elle pas un peu osée? Il faut dire que tant d’acharnement de la part d’un géant de l’informatique censé être infaillible suscite de nombreuses réactions de la part des internautes. Si certains sont enthousiasmés par cette opération marketing à l’humour noir, il se trouve que beaucoup demeurent indécis, et n’hésitent pas à y voir un geste désespéré de la part de Microsoft, qui s’acharnerait à descendre son concurrent principal pour mieux se valoriser. Ce qui n’est pas toujours du goût de tous…
Cela se voit encore plus lorsqu’il s’agit de s’intéresser à ce que pourrait cacher ce marketing « humoristique ».
Ainsi, beaucoup ne voient en cette campagne qu’un ultime moyen de diversion de la part de Microsoft, qui, par ces produits dérivés et par la campagne « Scroogled » en général, tenterait simplement de faire oublier le fait que Google le devance très largement au niveau du capital sympathie généré chez les internautes, mais également sur le plan des avancées techniques. N’oublions pas qu’un événement technologique de taille à venir dans les prochains temps est la sortie des Google Glasses, qui constitueront à elles seules un élément capable de nous faire faire un bond en avant dans l’univers du high-tech.
Du coup, forcément, les tasses à café de Microsoft font difficilement mouche… Pire encore, elles fournissent de l’eau au moulin des détracteurs de la firme, qui s’amusent beaucoup de cette situation. On pourrait même se demander si ce merchandising anti-Google acharné ne rendrait pas l’image de ce dernier plus sympathique. D’autant plus que Microsoft, qui se veut grand dénonciateur des pratiques douteuses de son concurrent, n’est pas non plus tout blanc dans le scandale d’utilisation des données personnelles d’utilisateurs, et est lui aussi soupçonné d’avoir recours à de telles pratiques, même si cela reste à vérifier.
Ironie de l’histoire: il paraît chez les mugs « Keep calm while we steal your data » remportent un franc succès… Auprès des employés de Google.
 
Camille Gross
Sources
L’express
01net
Scroogled