Société

Si les femmes étaient des déesses

 
Le shockvertising contre la violence
Frapper une déesse est impensable, alors pourquoi frapper une femme ? Tel est le parallèle que dresse l’association Save the Children India avec la campagne « Abused Goddesses ». L’association, engagée principalement dans la lutte contre le trafic d’enfants, prend l’initiative à travers son projet Save Our Sisters (SOS), de s’attaquer au fléau des violences faites aux femmes.
Cette campagne de sensibilisation, lancée début septembre, prend pour champ de bataille un pays où 68% des femmes sont victimes de violences domestiques, 4e pays le plus dangereux pour les femmes d’après la fondation Thomson Reuters. Ce grand fléau de la société indienne n’est réellement visible que depuis peu en Occident, objet d’une réelle médiatisation principalement depuis décembre 2012, avec le viol collectif d’une étudiante à New Delhi, marquant le début d’une vraie prise de conscience de ce problème dans le pays.
Misant sur la stratégie du shockvertising, Save the Children a composé sa campagne de trois visuels détournant des représentations des principales déesses hindoues, Saraswati (déesse du pouvoir et des arts), Lakshmi (déesse de la fortune et de la beauté) et Durga (la grande déesse), le visage tuméfié. Le slogan « Save our sisters » est accompagné du texte suivant : « Priez pour que nous ne voyions jamais ce jour. Aujourd’hui, plus de 68 % des femmes en Inde sont victimes de violences domestiques. Demain, il est plus que probable qu’aucune femme ne sera épargnée. Même celles que nous prions ».
Mettre le sacré au service de la société
Dans une perspective réflective, la déesse et l’humaine sont placées au rang de sœurs. L’initiative est une première en Inde : l’usage d’une imagerie religieuse dans le cadre d’une campagne est d’autant plus osée qu’elle prend place dans un contexte culturel dans lequel le sacré est …sacré. En effet, en Inde, l’hindouisme, pratiqué par plus de 80% de la population, a un impact culturel indéniable, et l’utilisation de l’image de ses déesses est particulièrement délicate. Ce parallèle entre le spirituel et la réalité des violences faites aux femmes met le pays face à l’une de ses principales contradictions : la religion exalte la féminité en tant que divinités vénérées, tandis que la société ne fait que peu de cas de la situation de la femme au quotidien.
L’importance du contexte culturel
La campagne a reçu un accueil international plutôt positif. L’affichage de ces visages blessés semble capable de réveiller les consciences. Mais il n’en va pas de même en Inde où ces trois photos ont souvent été apparentées à du blasphème. Un premier argument souligne que cette campagne, trop occidentale, oubli le contexte culturel de l’Inde, qui se prête peu à ce genre de parallèles. Ainsi, pour la journaliste Praneta Jha, utiliser les images de la mythologie hindou constitue une violation des limites sociales indiennes posées par la religion, les castes et les classes sociales. Dans le Hindustan Times, elle souligne que « mettre les femmes sur un piédestal en les représentant sous les traits de divinités fait autant de mal que de les montrer comme objets sexuels. Les deux représentations déshumanisent les femmes. […] Les emprisonner dans des représentations d’idéaux supposés est l’une des plus vieilles stratégies patriarcales. (…) On pourrait dire que cette campagne utilise des stéréotypes pour marquer l’opinion publique. Mais, ce faisant, elle renforce aussi insidieusement ces stéréotypes. »
De la même manière, dans l’hebdomadaire Open, l’universitaire Brinda Bose explique qu’elle « aurait eu beaucoup plus de respect pour une campagne montrant une prostituée des faubourgs blessée par un client ». Et de conclure : « Plus de déesses, s’il vous plaît. Donnez-nous des salopes. »
En somme, la campagne gagnerait à sortir de l’abstraction pour entrer dans le réel.
Ces critiques rappellent l’importance de l’attachement de toute campagne de communication dans le contexte culturel dans lequel elle s’exécute. Elles ne peuvent fonctionner sans adaptation aux codes culturels de la société visée, sans tenir compte des hommes, de leurs perceptions, de leur culture, et de leur environnement. Car « il n’y a pas de communicabilité sans conscience de soi et des autres ».
 
Bénédicte Mano
Sources :
Le Courrier International
La Vie
Save The Children India.org

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Société

Veni, Vidi, Vine

Il se regarde plus vite qu’il ne s’explique. Un Vine est une vidéo de l’application mobile du même nom, qui permet de filmer et partager des vidéos de 7 secondes, pas plus. Trois mois après sa sortie en Janvier 2013, elle était déjà la plus téléchargée de l’Apple store. La naissance et la belle carrière de Vine, parmi la multitude d’applications qui existent déjà, avait quelque chose de prévisible. Cet outil est comme un concentré de certains traits de notre société : self-expression, technologie, internationalité, immédiateté, viralité, mobilité, et autres mots en –té…
Un terrain fertile
La montée de l’usage des smartphones et des applications rendent le destin d’outils comme Vine prometeur. De plus en plus de vidéos sont visionnées sur mobile et durant des durées limitées (le temps d’un trajet par exemple). La réalisation et la publication de ces micro vidéos sont facilitées grâce notamment à la 3G, la 4G, et à la réduction du nombre d’images par seconde. Vine surfe sur la mode du gif et sur la tendance à faire passer un message, souvent humouristique, de façon rapide et répétitive. Ce n’est pas pour rien qu’elle a été rachetée par son grand frère Twitter avant même d’être lancée. La vitesse et l’instantanéité sont les maîtres mots de cette fraterie. On est passé tout naturellement du phénomène de « la petite phrase » à celui de la « petite vidéo ».
Comme dans tout champ prospère, la concurrence existe. Instagram propose un système similaire, mais avec des vidéos plus longues de 15 secondes et des filtres pour l’indémodable effet vintage. Mais Vine a un potentiel bien plus comique qu’esthétique.
Le plein de viralité 
Ce qui fait la force de Vine c’est aussi son fort pouvoir viral. Une fois la vidéo finalisée, on a ainsi la possibilité de la publier simultannément sur Vine, Twitter et Facebook. Les vidéos peuvent ensuite être postées sur d’autres sites ou blog. Sur Youtube, il existe ainsi des compilations longues d’une dizaines de minutes réunissant les meilleurs Vines du net (attention ça rend un peu fou). L’humour en image a l’avantage de pouvoir être partagé par le plus grand nombre. Des pages facebook « Best Vines » rassemblent des vidéos bien souvent anglo-saxonnes, à l’humour universel. La vidéo devient aussi simple à partager qu’une image. Il se créé ensuite une réaction en chaîne : on commence par regarder des vines, puis on se dit pourquoi pas moi ? C’est un peu comme sur Twitter, quand on commence par follower avant de se mettre à tweeter soi même.

L’expression sous contrainte
Vine est comme l’évolution d’un format très court d’une vidéo Youtube, avec ce qu’elle implique : la possibilité de s’exprimer pour un grand nombre de personnes. Les utilisateurs deviennent les réalisateurs de micro films. Comme dans tout exercice, on peut penser que la contrainte fait naître la créativité. L’exercice peut sembler simple, et pourtant il nécéssite un mini scénario, une idée simple qui doit surgir en six secondes. On ne peut pas non plus tricher : la vidéo peut se faire en plusieurs prises, mais rapprochées, et la réalisation peut demander une certaine organisation. L’outil est donc facile d’accès, mais sa maîtrise et les chances d’en faire quelque chose de bien ne sont pas si évidentes. Certains poussent l’exercice encore plus loin en créant des séries, comme ce père de famille BatDad dont les vines sont réunis sur un blog.
En instaurant un format de 7 secondes, les créateurs de Vine on répandu une certaine vision du monde. Vine devient un format classique pour faire de la vidéo rapide et la diffuser, un cadre dans lequel on peut construire son message. Comme toute invention, son usage a d’ailleurs déjà échappé à ses créateurs. La profusion de vidéos Vine pornographiques à sa sortie n’est pas sans rappeler les débuts du minitel rose dans les années 90.
Les marques se sont naturellement mises à utiliser Vine elles aussi (Mac do, Orange, Gap, Calvin Klein…). Le concept est séduisant et peu onéreux. L’effet zapping n’est alors plus un problème : on peut être sûr que le consommateur regardera la vidéo en entier.
A noter : pour être vu et entendu, il est préférable de faire court.
Agathe Laurent
Sources :
Vine
Maxime, ingénieur multimédia
http://www.theverge.com/2013/4/9/4204396/vine-number-one-us-app-store-free-apps-char
http://pro.clubic.com/webmarketing/actualite-575894-pierre-laromiguiere-armstrong-vine.html
http://www.journaldunet.com/ebusiness/marques-sites/vine-campagnes-marques/

Publicité et marketing

Simpler is better

En cette rentrée 2013, les présentations des différentes firmes high-tech se multiplient. Cette période est charnière, car elle permet de définir les tendances à venir, notamment en matière de devices. Bref, c’est la période qui nous régale, nous, les utilisateurs sans cesse plus nombreux de ces concentrés de technologie.
Lors de cette période, nous avons été habitués à des promesses plus chatoyantes les unes que les autres de performance, d’ergonomie, de nouvelles fonctionnalités. Plus généralement, les produits high-tech se sont toujours démarqués, et ont toujours concouru sur ces domaines. A un tel point que la course paraissait effrénée, et l’obsolescence programmée toujours plus menaçante.
Jugez plutôt : un Iphone nouveau est sorti toutes les années depuis 2007. L’utilisateur doit alors suivre la voie dictée par le constructeur, et racheter un appareil fréquemment, d’autant plus que ces derniers ne brillent pas par leur longévité. Selon  l’Ademe (l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie), seuls 44% des appareils électroniques sont réparés après avoir été endommagés.
Mais ce qui frappe cette année, c’est la timide nuance qui vient peu à peu freiner cette tendance. Les firmes et produits high-tech se sont passés le mot en ce début d’année : il faut faire simple. Le terrain sur lequel se joue la concurrence n’est plus l’innovation à outrance, mais l’accessibilité, la robustesse. On ne joue plus sur le haut de gamme, mais sur le milieu de gamme. Le jeu a changé.
En témoigne la récente annonce de l’Iphone 5C. Le but avoué d’Apple est de proposer un Iphone plus ludique, qui garde la simplicité de son « grand frère », tout en y ajoutant des couleurs. Il n’est pas question de nouvelles innovations, à rebours de l’autre Iphone (le 5S) annoncé.

Le secteur du jeu vidéo, poids capital dans l’industrie du high-tech, va aussi fourbir ses armes selon les mêmes règles. Pour compléter son offre, Nintendo va offrir une 2DS, version simplifiée et amputée de sa 3DS qui peine à trouver un succès auprès de son public potentiel : les jeunes. Elle sera plus large, moins fragile que le produit haut de gamme, et moins performant techniquement parlant. Le prix sera en conséquence moins cher.

Un pari que Nintendo n’est pas le seul à prendre, son concurrent direct Sony a annoncé une nouvelle version de sa PSVita, elle aussi amputée de quelques fonctions, pour un prix amoindri.
Pourquoi un tel choix alors qu’il va à l’encontre de ce que ces entreprises avaient proposé jusqu’alors ?
Il s’agit d’abord et avant tout d’un choix marketing. Ces produits sont, pour plusieurs raisons, plus faciles à vendre pour les marques. Le premier constat est que le marché technologique commence à arriver à saturation. Une grande majorité des français possède un smartphone, et la quantité d’objets high-tech par famille a explosé. La lutte sur le prix de ces bijoux de technologie le prouve : il ne s’agit plus d’équiper les ménages, mais bien de les fidéliser. Or un appareil moins cher, plus rudimentaire permet de rester en bonne place dans cette course au prix.
Le second volet est lié à la segmentation. Miser sur la simplicité, c’est nier une idée reçue selon laquelle la technologie serait un monde compliqué, accessible simplement à une minorité de la population, souvent née avec ces nouvelles innovations. Et donc toucher un public plus important : les personnes plus âgées, ou au contraire les plus jeunes (les enfants notamment, ce n’est pas un hasard si l’Iphone 5S ressemble furieusement à un jouet coloré).
Cette simplicité facilite également la communication autour du produit. Fini les chiffres à gogo, et les spécifications données quant aux aptitudes des machines. Il suffit de présenter le produit. Car le pendant de cette perte de vitesse du culte de la performance, c’est l’attention capitale accordée au design. Ce design devient un argument de vente, même pour un instrument technologique aussi familier qu’une box internet, dont la publicité ressemble maintenant à une présentation d’un produit Apple.
En bref, le marché des nouvelles technologies a adopté la stratégie du caméléon : en cette période de disette, l’ère du culte de la performance semble s’éloigner. Mais on peut se demande si ce changement est une simple tendance, dictée par les nécessités de la baisse de la demande et du changement de profil des consommateurs, ou le signe d’un réel basculement, qui va bouleverser le jeu des devices et de ceux qui les font. Dans les deux cas, le futur des innovations s’annonce passionnant.

Clément Francfort

Publicité et marketing

C is for Cheeky

 
Il y a une petite semaine, Microsoft uploadait sur Youtube une énième vidéo parodique envers Apple et ses Smartphones : deux minutes de montage frénétique, faisant se succéder des réunions fictives où Tim Cooks et Jony Ive [1] recevaient les explications ridicules et humoristiques de deux designers sur les fonctionnalités controversées des nouveaux Iphones.
Car comme pour toutes les sorties attendues, la mise en vente des Iphones 5s et 5c était une occasion trop belle pour ne pas se fendre d’une pique, et certainement attirer l’attention sur un Windows Phone qui ne dépasse pas les 4% du marché. Après tout, la dernière image de la vidéo affiche un fringant « #timetoswitch ».
Qu’il ait été stratégique ou machinal, l’humour lesté de la vidéo n’aurait pas pu causer grand mal, si l’acteur choisi pour représenter Cooks de dos n’avait pas furieusement évoqué Steve Jobs. Or, il n’y a rien de plus vulgaire que d’entacher l’aura christique du regretté fondateur de la marque à la pomme.
Un enragement de la twittosphère et quelques émois journalistiques plus tard, Microsoft en était réduit à s’excuser et à retirer le clip de la chaîne Youtube du Windows Phone.
(Nulle crainte cependant, car de grandes âmes sont parvenues à la sauver et la garder en ligne) :

Il n’y a rien de surprenant à ce que le manque de tact de la référence ait causé une si vive réaction. Mais que dire de l’aveuglement de Microsoft ? Le support tenait certes plus du Community Management que de la publicité à proprement parler, mais il était légèrement naïf de penser que la réaction des fans de la marque éclipserait celle des internautes choqués.
Moralité : la diffusion sur Internet ne touche pas que les fanboys. Cette bête vérité semble pouvoir échapper même à des structures aussi rompues aux stratégies digitales que Microsoft, mais trahit une nouvelle fois un essoufflement intéressant dans la bataille infinie entre les deux géants. Outre une relative fébrilité de la part d’Apple dans ses choix de positionnement (les moqueries sur l’orientation résolument cheap – voire hypocrite – du Iphone 5c ne manquent pas), ce fail laisse à penser que Microsoft est lui aussi à court d’idées lorsqu’il s’agit de relancer l’intérêt autour de produits qui sont continuellement repoussés par Android.
Les imaginaires geeks, toujours friands d’anecdotes cocasses sur la rivalité médiatique entre constructeurs de Smartphones, en sont devenus suffisamment prometteurs pour que Microsoft risque l’hallali sur du simple contenu Youtube ; et ce dérèglement finit par créer une collision improbable entre communication digitale et marketing. Il y a toujours des leçons à tirer des plus grands.
 
Léo Fauvel
Sources :
Mashable
The Verge
Computer World.com
Comscore.com
 
[1] respectivement PDG et Vice-président du design de la compagnie

Culture

GTA leur fait perdre la tête

 
Avec une sortie tumultueuse, le cinquième opus de la saga GTA aura fait couler beaucoup d’encre cette année. Depuis le premier épisode déjà, les discordes vont bon train entre les pros et les antis GTA, mais elles atteignent réellement leur paroxysme en cette rentrée 2013. En couverture du Parisien, comme sujet de Des Clics et Des Claques sur Europe 1, dans la chronique de Jean Zeid sur France Inter, sur RTL, dans Libération, Le Figaro, Le Monde etc. GTA 5 est partout ; imaginé, produit, vendu et débattu comme un vrai blockbuster. Nous éviterons d’entrer dans le débat réducteur consistant à prouver que GTA est un jeu violent où prostitution, meurtre et banditisme sont les maîtres mots. Et nous ne feront pas non plus l’apologie de cette violence fictivement réelle. Cependant il est important de revenir sur ce qui se cache tout de même derrière cette violence afin de comprendre les enjeux médiatiques et communicationnels du jeu vidéo, particulièrement de GTA 4 et 5.
Plus qu’un jeu vidéo où la violence, la prostitution, le meurtre et le vol ne seraient que des réponses aux pulsions humaines, GTA porterait un regard critique sur notre société contemporaine ; sur le rêve américain, les médias et la promesse du tout possible, un récit critique du self-made man (comme l’explique Olivier Mauco, auteur de GTA IV : l’envers du rêve américain). En ce sens on peut parler du jeu vidéo comme une œuvre culturelle. Le jeu renoue ainsi avec les grandes fresques sociales de la littérature et du cinéma en proposant de vivre les errances d’un jeune voyou, d’un père de famille ex-taulard ou d’un marginal alcoolique relativement instable. Le jeu vidéo, et en particulier GTA, devient un média à part entière capable de tenir des discours socio-critiques sur les grands mythes fondateurs contemporains des sociétés occidentales. Il devient un média à la fois en tant que support et que message. Il semble évident qu’enjeux commerciaux et satyres trouvent finalement bien leurs comptes et font plutôt bon ménage puisque GTA 5 qui aura coûté environ 200 millions d’euros est déjà prévu à la vente à plus de 75 millions d’exemplaires et 1 milliard de dollars en un mois. Le jeu le plus cher de tous les temps, plus qu’un blockbuster américain, presque aussi cher que Pirates de Caraïbes, et le plus contesté aussi. Ce qui ne fait qu’attiser la flamme. Tant de superlatifs que l’on retrouve dans tous les articles et émissions en ce moment au sujet de GTA 5.
GTA fascine, c’est la force de cet objet culturel moderne. C’est la promesse d’un monde libre où tout devient possible, où l’on peut tout faire et donc faire n’importe quoi ; dans le spectaculaire et la violence, dans des graphismes poussés et dans la satyre. Tellement réaliste que pour ce cinquième opus des policiers, sociologues, historiens et d’anciens membres de gangs ont apportés leur contribution à la construction de la carte de la ville du jeu (Los Santos, double fictif de Los Angeles et de ses environs). Le réalisme du jeu est également un point qui le différencie d’autres jeux de science-fiction ou de guerre (par exemple) qui n’en sont pas moins violents. En effet, il s’avère que ces jeux ne sont pas moins une reproduction du réel et de notre évolution, toujours dans des schémas et des algorithmes prédéfinis. Un peu comme le cinéma, les jeux vidéo retracent ou reproduisent nos angoisses, notre histoire et les idéaux qui les accompagnent. De l’idéal démocratique, républicain ou anarchique à la peur du communisme. GTA quant à lui a fait passer le jeu vidéo dans un nouveau rapport au jeu et à la réalité, paradoxal au premier abord, mais qui nous permet de vivre une vie parallèle avec tout ce qu’elle comporte d’immoral. « On ne devient pas plus psychopathe en jouant à GTA qu’en regardant un Tarantino » Vanessa Lalo, psychologue des médias numériques.
De plus, on peut tout à fait le comparer à un blockbuster américain, porteur d’un (plusieurs) véritable(s) scénario(s), mais aussi dans la communication qui accompagne l’objet culturel : affiches dans le métro, annonces dans la presse, articles dédiés, trailer diffusé sur le web et même dans les cinémas !
GTA 5 est un blockbuster tant sur le plan économique que scénaristique et communicationnel. On attend d’ailleurs beaucoup plus d’un jeu vidéo une bonne écriture scénaristique, que de la bagarre et du sexe. Elle est devenue un point essentiel du succès et de la qualité d’un jeu. GTA a contribué à accentuer ce positionnement avec GTA 4 et l’histoire de son héros, un immigré débarquant à Liberty City (comprenez New York) pour rejoindre son cousin qui trempe dans des affaires peu claires avec pour but de se faire une place au soleil des malfrats.
Mais avant de s’imaginer que le jeu vidéo pourrait devenir le nouvel Hollywood il ne faut pas oublier que le secteur reste encore considéré comme une sous culture ou du moins un culture parallèle, pas encore tout à fait assumée en tant que telle dans les médias, notamment dans la presse et les grands médias télévisuels et radiophoniques. Rares sont les chroniques ou émissions dédiées à la culture des jeux vidéo, pourtant riche de mythes et symboles de notre société actuelle (pour voir plus en détails ce qui se cache derrière l’écriture et l’impact des jeux vidéo : L’imaginaire des jeux vidéo par John Crowley). Jean Zeid, seul journaliste à tenir une chronique quotidienne consacrée aux jeux vidéo dans un média généraliste national (sur France info), en fait le constat :
  » Il y a un profond manque de compréhension du phénomène de la part de ceux qui sont à la tête des médias. Ils sont de la génération du cinéma qui est très largement traité chaque semaine dans chaque média. Mais beaucoup voient encore les jeux vidéo comme une activité pour ados introvertis, pas du tout un sujet sérieux qui mérite d’être traité journalistiquement… Et lorsqu’ils acceptent, du bout des lèvres, de traiter un peu la question, le jeu vidéo est presque systématiquement intégré aux rubriques « multimédia » ou « technos » et non pas culture, alors même qu’il s’agit du premier bien culturel . »
GTA 5 nous offre une nouvelle fois un fascinant récit fictif et médiatique empreint de violence, d’immoralité et de débats qui nous permettent de nous arrêter un instant sur ces objets culturels, leur évolution et leur place dans les médias.
 
Margot Franquet
Sources :
Libération
Le Monde
Le Monde, Serge Tisseron
RageMag
France Info
Europe 1
The New York Times

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Publicité et marketing

Volvo Trucks : accrochez-vous !

 
Un hamster manœuvrant le volant d’un gigantesque camion de 540 chevaux et 120 tonnes au bord d’une falaise en Espagne ? Improbable. Et pourtant le géant suédois Volvo Trucks vient de sortir deux nouveaux « live tests » qui font office de publicités, mettant en scène leurs camions dans des situations quelque peu extrêmes.
The « Hamster Stunt » a été réalisé pour dévoiler le Volvo dynamic steering : un moteur électrique dans le volant remplace la puissance musculaire du conducteur, qui peut alors effectuer ses manœuvres d’un seul doigt. Une roue est fixée sur le volant et Charlie, hamster de 175 grammes, devient le conducteur officiel : il court pour essayer d’attraper une carotte et fait ainsi tourner le volant dans un sens ou dans l’autre. Seon, technicien, dirige la carotte et manie les pédales du camion. Ce film a été précédé il y a un an de « The Ballerina stunt » (deux camions lancés à pleine vitesse roulent en ligne droite et une funambule doit aller de l’un à l’autre sans tomber).
Publicité ou série ?
Les expériences permettent de voir un aspect particulier et prouvent ainsi la qualité et la performance des camions sous l’angle de la prise de risque. Prise de risque car les situations extrêmes ne sont pas uniquement montrées en tant que produit fini comme dans une publicité type Hyundai dans laquelle le guépard et la voiture font la course. Dans ce cas, on sait dès le début que la voiture va gagner puisqu’il s’agit de la mettre en valeur. La prise de risque se joue sous nos yeux, on va assister à la réussite ou à l’échec de la personne qui est au cœur de l’expérience et qui représente implicitement la marque. La mise en scène des coulisses fait osciller le film entre publicité etémission ou épisode de série.
Si l’on prend l’exemple du hamster, on rentre immédiatement dans les coulisses du film et le spectateur devient alors complice, voyeur et presque acteur de ce qui va se passer. Le spectateur a l’impression que le suspens est plus grand car il assiste aux prémisses du film, à la préparation de l’expérience et il attend avec impatience le dénouement. D’abord l’équipe présente son objectif, les techniciens sont nommés et le spectateur est averti du risque encouru : la carrière où l’équipe se trouve est au bord d’une falaise, la route est en pente et c’est Charlie qui est aux commandes.
Puis vient le zoom sur un hélicoptère et un quad qui suivent le camion pour intervenir en cas de danger. Tout en laissant monter le suspens, l’acteur explique ensuite les performances du volant. La longue introduction et la dramatisation de la scène forcent inconsciemment le spectateur, inquiet, à retenir le fonctionnement de la technologie du volant, pour se rassurer et se raccrocher à des éléments logiques et réels face à la situation qui paraît absurde. L’acteur qui manie les pédales paraît angoissé, la musique et les prises de vues suscitent l’inquiétude qui monte crescendo pendant le film. La scène est à son paroxysme lorsqu’une pierre chute dans la falaise mais Charlie arrive triomphant sous les applaudissements de l’équipe.
Cette mise en récit permet de mettre en valeur le produit, le sens de l’équipe et la prise de risque de la marque qui fait tout pour être la plus performante. La dramatisation forge l’admiration du consommateur vis-à-vis de ces engins et des métiers impliqués tandis que Charlie ajoute une touche d’humour et permet à Volvo Trucks de cumuler des points de capital sympathie.
Les camions sont aussi des moyens efficaces pour mettre en scène le président de Volvo Trucks, Claes Nilson, suspendu à 20 m au-dessus de l’eau, sur le port de Göteborg en Suède, dans le but de démontrer la robustesse du crochet de remorquage. Celui-ci commence la vidéo en disant : « J’ai appris que pour qu’une vidéo Youtube soit vue, il fallait une accroche, la voici », dit-il en montrant le crochet de remorquage. Subtile façon de vanter les mérites de son produit et de s’adresser directement au public, effaçant toutes barrières.
Dans tous les cas, les expérimentations de Volvo Trucks, qui ont énormément de succès sur les réseaux sociaux, visent à rapprocher la marque du consommateur en lui faisant voir les coulisses de l’action en humanisant et en rendant plus accessible le président. Le slogan de la marque, « Drive it like you hate it » (« Ne lui épargnez rien ») créé il y a 50 ans, reste très actuel car la marque met en scène ses études en R&D visant à utiliser ses camions dans les conditions les plus difficiles qui soient.
 
Félicia de Petiville
 
Sources :
Site officiel de Volvo Trucks
http://www.volvotrucks.com

Page d’accueil annonçant la publicité :
http://www.volvotrucks.com/trucks/france-market/fr-fr/Pages/Home.aspx
Challenges :
http://automobile.challenges.fr/actu-auto/20130902.LQA5002/publicite-le-president-de-volvo-trucks-paie-de-sa-personne.html

Société

Jacques said Draw your life !

 
Un beau dessin vaut mieux qu’un beau discours : telle serait la morale de la nouvelle fable moderne dans laquelle l’internaute raconte une histoire (sa vie !) au travers de dessins.
Après le journal intime à qui l’on confiait ses problèmes, les blogs ont fait leur apparition. Délaissés depuis quelques années, il manquait donc un outil de confidence pour toute cette masse humaine qui avait remplacé le cahier par l’écran et sur ce même écran, l’écrit par l’image.  En effet, de nombreux Youtubers racontent leur vie, leurs difficultés grâce à Draw my life. Le principe n’est pas bien compliqué : une main est filmée alors qu’elle dessine des personnages et rédige des textes simples, l’image est retransmise en accéléré et accompagnée d’un fond sonore (musique et voix off). On compte aujourd’hui environ 3 millions de vidéos qui ont adopté ce concept !
Sam Pepper, artiste britannique, a publié une vidéo de 5 minutes et 9 secondes le 8 janvier 2013 qui a déjà été visualisée plus d’un million de fois. Le titre de la vidéo « Draw My life » a donné son nom au mouvement.

Depuis cet été, les vidéos calquées sur ce modèle font fureur en France : les jeunes, entre 17 et 25 ans, sont les premiers à se lancer dans ce jeu du dessin. Le format est d’autant plus séduisant qu’il ne demande aucune qualité artistique puisque, dans sa vidéo, Sam Pepper fait des dessins simplistes avec des personnages en bâtons. Il n’est plus question de grammaire, d’orthographe, de syntaxe : un élève de maternelle pourrait dessiner sa vie. C’est pourquoi, selon les vidéos « Draw My life », les dessins peuvent être grotesques ou bien artistiques.
L’idée est de confier une partie de sa vie personnelle, voire intime. Ce buzz, plutôt récent, invite à se questionner sur l’utilisation et l’évolution des moyens de faire des confidences jusqu’à aujourd’hui. Le journal intime était réservé à son seul auteur. Les blogs s’adressaient à des amis, à un entourage proche. La vidéo Youtube s’adresse à tous les internautes confondus, à cette communauté du web qui partage tout. Les confidences deviennent donc de moins en moins confidentielles et de plus en plus théâtralisées. C’est ainsi que les difficultés sont souvent partagées sur le ton de la plaisanterie, avec un ton enjoué : une technique qui permet de prendre de la distance. Youtube devient ainsi le théâtre de nombreuses confidences.
Le phénomène s’étend rapidement et s’élargit, s’éloignant de la même manière de son objectif initial. C’est ainsi qu’une classe de collège illustre un cours grâce à ce même concept :

Ces élèves dessinent des animaux marins, non des éléments de leur quotidien : on perd alors la dimension primordiale de la thématique personnelle initiée par Sam Pepper dans sa vidéo. Mais cet exemple montre bien l’ampleur prise par  cette nouvelle mode.

Clothilde Varenne

Société

La guerre de l’access prime time

R.I.P #Morandini. Le PAF est en deuil depuis l’arrêt de l’émission « #Morandini – Télé, people, buzz » sur NRJ 12. Avec moins de 1% de part d’audience, l’émission n’aura pas même tenu le cap du mois de septembre et aura été la 1ère victime de la bataille qui fait actuellement rage sur la tranche du 19h 21h. Pourquoi cette case du 18h – 20h, appelée access prime-time est-elle si stratégique pour les chaînes de télévision? FastNCurious vous livre les quelques éléments nécessaires à la compréhension des enjeux au cœur de cette bataille cathodique.
Pourquoi l’access prime time est si important ?
L’access prime-time est une case particulièrement stratégique dans la mesure où il s’agit d’une des plages horaires les plus regardées. C’est donc sur cette case qu’il est possible d’attirer les annonceurs et ainsi d’augmenter le prix de vente de l’espace publicitaire à la seconde. Or, en 2005, lorsque les chaînes de la TNT ont fait leur apparition sur nos écrans, ces dernières ont décidé de casser les prix de leur espace publicitaire afin d’attirer les annonceurs. Face au succès de cette stratégie, les autres chaînes n’ont eu d’autres choix que de s’aligner sur ces nouveaux tarifs. Si cette politique a été favorable aux annonceurs, elle a créé un réel manque à gagner pour l’ensemble du panorama télévisuel français. Aujourd’hui, plus que jamais, il est donc primordial pour les chaînes d’asseoir leur audience sur la case de l’access prime-time afin de continuer à attirer les annonceurs et assurer ainsi une source de revenu cruciale en temps de crise[1].

La « Grande Famille » Canal
Jean-Marc Morandini écarté[2], deux groupes restent dans la bataille. D’un côté Canal+, de l’autre France Télévisions. Le Grand Journal –émission phare de Canal+- a été au cœur des discussions estivales. Tout le monde y est allé de sa critique sur le retour d’Antoine De Caunes y compris Cyril Hanouna -animateur vedette de l’émission Touche pas à mon poste et concurrent frontal du Grand Journal – qui estimait que cette décision était « très très mauvaise [3]». Si Touche pas à mon poste réalise de bons scores d’audience depuis la rentrée (autour de 6%), la nouvelle formule du Grand Journal peine, quant à elle, à trouver son public. Malgré les différents qui les opposent, Hanouna et De Caunes œuvrent au succès du même camp puisque la chaîne D8, sur laquelle est diffusée Touche pas à mon poste, appartient au groupe Canal+.

France Télévisions passe à l’attaque
Face à ces deux émissions on retrouve sur France 5, C à vous présentée depuis début septembre par Anne-Sophie Lapix[4]. Le pari était risqué tant Alexandra Sublet était parvenue à apposer, au cours des six saisons précédentes, sa marque de fabrique à cette émission. Bien qu’elle doive encore trouver ses marques, Anne-Sophie Lapix réalise de bons scores (autour de 4% de part d’audience) et s’inscrit dans la continuité de la stratégie mise en place par Sublet dont les maître-mots étaient convivialité et complicité.
Avec cette émission, France 5 en profite pour affirmer les bases posées par sa dernière campagne de communication lancée en juillet dernier et qui rompt avec une image jugée parfois « intello » et froide, afin d’affirmer le ton décalé de la chaîne[5]. Par effet ricochet, ce positionnement a pour but de dynamiser l’ensemble du groupe France Télévision. Et les débuts victorieux d’Anne-Sophie Lapix sont de bon augure pour l’arrivée de Sophia Aram, sur France 2, avec son émission Jusqu’ici tout va bien, à 18h00, sur une case jugée particulièrement compliquée à faire décoller.
L’ambition de C à Vous est de parvenir à chasser sur les terres de Canal+. Et lorsqu’Anne-Sophie Lapix interroge Michel Denisot sur la concurrence entre Hanouna et De Caunes, ce dernier lui répond que « comparer Touche pas à mon poste au Grand Journal, c’est comme comparer Rires et Chansons à France Inter ». Heureux hasard puisque Patrick Cohen, animateur star de la matinale de France Inter est également intervieweur sur le plateau de C à vous et qu’entouré d’Anne-Sophie Lapix, ils semblent bien prêts à récupérer les téléspectateurs déçus de Canal+.

 Angelina Pineau

[1] Source de revenu d’autant plus cruciale pour France Televisions qui ne peut plus gagner d’argent grâce à la publicité après 20h.

[2] Rassurez-vous quand même, il reviendra sur NRJ 12 pour présenter l’émission « Crimes ».

[3] #espritdefamille http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2013/06/18/hanouna-de-caunes-au-grand-journal-une-tres-tres-mauvaise-idee_3432250_3236.html

[4] Ancienne de Canal + et actuellement en procès contre le groupe suite à son départ de France 5 pour non-respect de son contrat d’exclusivité

[5] Ladite campagne, à mon sens particulièrement réussie http://www.ozap.com/actu/france-5-lance-une-campagne-de-pub-a-l-occasion-de-sa-nouvelle-signature/447960/m1#scrolldown  

 

Société

A l'école des marques

 
Que peuvent avoir Lego, Free et Google en commun ? Le premier crée une école au Danemark. Le deuxième est à l’initiative de la controversée « Ecole 42 ». Le troisième ne se contente plus de Google Scholar, son moteur de recherche des articles universitaires. Il cherche à se placer dans le commerce de l’e-education par la vente de manuels. Mais comme toujours, le mastodonte d’Internet tente d’anticiper. Ainsi, en plus de s’associer avec EdX, le projet du MIT et de Harvard, Google est en train de mettre en place un site tout simplement appelé « mooc.org » qui devrait être terminé en 2014. Acte qui peut paraître anodin, mais vu l’importance que devraient prendre les MOOCs, cela revient à posséder des noms de domaines tels que ecole.com, video.net… Pour la première fois, Google ne cherche pas à créer un mot en partant de rien (YouTube) et se débarrasse de l’omniprésence de son nom (Google Mail, Google Doc, Google Music, Google Reader…)
En quoi cela va-t-il consister ? Et surtout qu’est-ce qu’un MOOC ?
Le procédé est simple. Les Massive Open Online Course sont des cours en ligne proposés par des grandes écoles : Stanford d’abord, puis Harvard, Yale, le MIT, et depuis peu, en France, Polytechnique. Ceux-ci sont rassemblés sur des plateformes, Coursera étant la plus connue. Elle commence d’ailleurs à trouver un système économique, ce qui était loin d’être évident ; car ces cours sont gratuits.
N’importe qui peut y accéder, il suffit de s’inscrire et de sélectionner des cours entre les deux catégories suivantes :

les cours « fermés » : programmés dans le temps, il n’est pas possible de les rejoindre à n’importe quel moment, et il faut être à l’heure pour le suivre. C’est le format le plus proche de celui auquel nous sommes habitués. Le professeur parle par vidéo par exemple, l’on peut poser des questions sur des forums, et il faut rendre des devoirs

les cours un peu plus sporadiques, souvent moins longs, qu’il est possible de télécharger. Ils sont moins interactifs, mais les forums sont toujours animés.

Certains de ces cours débouchent sur un diplôme numérique (oui, vous pouvez désormais être diplômé de Harvard !) qui atteste la réussite de l’étudiant.
Les MOOCs ont fait, et font toujours face à une vague de scepticisme venant de plusieurs d’acteurs. Il y a d’abord la traditionnelle peur de la dématérialisation et de la disparition du professeur, dont découle le problème de l’assiduité : rester seul devant son écran sans se divertir n’est pas chose aisée. Vient ensuite celui du financement : Coursera a décidé de faire payer les diplômes. Cela fonctionne pour les grandes écoles prisées, mais qu’en sera-t-il pour les plus petites ?
Pour autant, étant donnés les récents positionnements des marques, ce scepticisme a tout l’air d’un leurre. Si même Google décide d’investir, il y a fort à parier que ce secteur a de l’avenir.
Il est clair que l’éducation va être bouleversée par le numérique. Les MOOCs sont loin d’être la seule innovation : entre les classes qui utilisent Twitter pour communiquer et éveiller les enfants, les « serious games », les jeux éducatifs, c’est tout un nouveau marché qui s’ouvre. Etant donné le retard de l’Etat, il pourrait bien être trusté par les grandes entreprises. Reste la question éthique : est-ce sain de passer sa maternelle chez Lego et d’étudier chez (pour ?) Free ?
 
Virginie Béjot

Société

Facebook, ton pire cauchemar ?

 
Des conditions générales nébuleuses
Le 26 août dernier, Facebook a dû faire face à une plainte massive. Le groupe de Marc Zuckerberg s’est engagé à reverser 20 millions de dollars aux utilisateurs dont certaines données avaient été revendues à des fins publicitaires, à leur insu. Afin de faire preuve de plus de transparence et de clarifier les paragraphes nébuleux permettant certaines interprétations, Facebook a prévu un changement de ses conditions générales, concernant particulièrement l’utilisation de ses données. Cette annonce s’est faite très discrètement (du moins vis-à-vis des utilisateurs). Pourtant, six associations américaines pour la défense des libertés sur Internet se sont emparées du sujet, ce qui a conduit à un décalage dans le lancement de cette politique auprès des utilisateurs américains. Les modifications ne sont plus qu’une question de temps. L’Europe s’inquiète, même si encore protégée par les autorités de protection des données comme la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) qui restent méfiantes à l’égard de ces pratiques. Des articles soucieux ont fusé, ici et là.
Entre volonté de faire preuve de transparence et d’honnêteté et simple protection juridique, la modification des conditions générales d’utilisation n’en reste pas moins une remise en question de la propriété des données nous concernant.
L’écrire, c’est pire
Cette modification dont nous parlons tant, que signifie-t-elle concrètement? Selon Facebook, il s’agit de clarifier un point qui pourtant, pour les médias, n’est autre que l’annonce d’une abominable vérité que les utilisateurs refusent de voir : Facebook utilise nos données, à notre insu et à des fins commerciales. Après maintes recherches sur Internet et après avoir épluché les conditions d’utilisation version française, il semblerait que le pire se tienne encore aux Etats-Unis. Par exemple, le paragraphe 10 point 1 est beaucoup repris par les médias :
Vous nous donnez la permission d’utiliser votre nom et la photo de votre profil en rapport avec du contenu commercial ou sponsorisé. Par exemple auprès d’une marque que vous avez soutenue en cliquant sur « like ». Ceci signifie que vous donnez votre accord pour qu’un business ou une autre entité rémunère Facebook pour l’utilisation de votre nom, la photo de votre profil et les informations vous concernant, avec votre consentement, sans aucune compensation en échange.”
et on obtient en Français :
Vous pouvez utiliser vos paramètres de confidentialité pour limiter la façon dont votre nom et votre photo de profil peuvent être associés à du contenu commercial, du contenu sponsorisé ou d’autres contenus (tels qu’une marque que vous indiquez aimer) que nous diffusons. Vous nous donnez la permission d’utiliser votre nom et votre photo de profil en association avec ce contenu, conformément aux limites que vous avez établies.”
Entre le pire et le “moins pire”… Une fois décortiquée la langue de bois, Facebook utilise tout de même vos noms et photos pour faire de la publicité sponsorisée, mais il semblerait qu’en France l’on ait encore un choix, ce qui n’est plus le cas outre-Atlantique. Encore faut-il savoir que vos paramètres par défaut sont « tout public ». Peut-être découvrirez-vous un jour votre tête dans une publicité pour spiritueux ou problèmes de peau… A suivre !
Quand l’argent n’a pas honte
Notre première réaction était celle d’une surprise abasourdie, quant à ce que permet le premier réseau social du monde. D’autant qu’ils ne changent pas leurs façon de faire, ils ne font qu’officialiser une pratique qu’ils exerçaient déjà (cf. lien RFI). Le droit français et européen offre encore une certaine protection du droit moral et privé, dont les contours tendent à changer ces dernières années.
Certes, il est grave qu’une entreprise prenne autant de libertés avec notre propre liberté et vie privée mais au final, on se demande si le plus grave, ce n’est pas cette indifférence générale qui gangrène les utilisateurs. Même si l’information a été relayée par les médias, sur un ton plutôt alarmant d’ailleurs, les internautes n’ont pas massivement crié leur opposition aux nouvelles conditions d’utilisation et n’ont pas non plus décrié l’abus qui en est fait. Oui, ils ont grincé des dents. Mais pas avec assez de conviction pour quitter Facebook, ce qui aurait (peut-être ?) permis de remettre en cause l’utilisation de la plateforme.
 
Sophie Pottier et Pauline St Macary
Sources:
RFI
Commentçamarche
Le Monde
Gentside
Un dernier lien datant de 2009 mais toujours intéressant
Crédits image : zombie-parade.net

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