Culture

Drag Race France, de l’underground à la vitrine. Paradoxes de la médiatisation du drag.

Comme le dit Nicky Doll, « Et que la meilleure drag queen gagne ! ».  Mais comment définir la « meilleure » drag queen ? Sur quels critères sont-elles évaluées ? Gagnent-elles vraiment au mérite ? Ces dernières années, l’émergence des différentes franchises de Rupaul’s Drag Race a positionné l’art du drag sur le devant de la scène, notamment en France avec le succès de Drag Race France, émission présentée par la drag queen Nicky Doll. Ce nouvel engouement pour ces pratiques underground offre un espace de visibilité sans précédent à un art marginalisé et jusqu’alors peu reconnu en tant que tel. Pour ne rien enlever à cet élan d’acceptation et d’ouverture à la communauté queer, Drag Race France est diffusé sur France Tv, une chaîne publique, traduisant peut être une volonté d’inclusion et de reconnaissance vis à vis de personnes souvent peu favorisées par l’opinion publique. Sous les paillettes et le glam, il ne faut toutefois pas oublier que Drag Race est un programme de télé-réalité soumis à des injonctions sociales et financières. Il n’est donc pas étonnant qu’une forme de lissage de cet art soit instaurée à travers les commentaires des juges sur ce qui est accepté ou non, sur ce qui définit une « bonne drag queen ». Cela relève probablement d’une volonté de rendre plus acceptable cette pratique aux yeux du plus grand nombre mais ce n’est pas sans dénaturer quelque peu cet art célébrant avant tout la différence de chacun·e ni sans maintenir dans l’ombre tout un pan de l’art drag.  Une émission calibrée pour le divertissement.  Si les émissions et franchises de Drag Race donnent accès aux pratiques drag ainsi qu’à l’envers du décor au grand public, c’est toujours dans le cadre du divertissement et de la télé-réalité. Cette médiatisation qui se veut inclusive permet de rendre cet art marginal plus familier et accessible à un public plus étendu et résulte probablement d’une volonté de dé-diaboliser le drag, de le dé-sexualiser, en espérant sa reconnaissance à part entière en tant qu’art. Malgré tout, cela impose de se conformer à des codes plus large et de respecter l’avis de l’audience quant aux victoires des drag queens. Ainsi, il ne faut pas sous-estimer le storytelling journalistique inhérent à ce type d’émissions ou encore l’importance des choix de production dans le succès de telle ou telle drag queen.  Pour se pencher plus particulièrement sur le cas de Drag Race France, la saison All Stars sortie cet été prouve combien l’avis du public détermine le parcours des concurrentes. Certaines queens considérées plutôt comme des underdogs, Misty Phoenix et Elips, ont particulièrement brillé cette année alors qu’elles n’avaient pas remporté beaucoup de challenges dans leurs saisons respectives. Sans aller à l’encontre du mérite de ces queens de grand talent, on peut avancer que leur parcours sensationnel est en partie dû à une  large communauté de fans qui espérait les voir gagner après avoir été déçu·es qu’elles manquent de reconnaissance dans leurs premières saisons.   Selon la même logique, alors que tout portait à croire que Piche serait une front-runneuse de taille dans ce All Stars suite à sa popularité sans précédent dans la saison 2, elle a été écartée du podium de finalistes suite à un accueil plutôt défavorable du public.   Il faut bien se rendre à l’évidence, Drag Race France reste avant tout une émission de télévision, guidée par un plan établi et sur laquelle pèsent de nombreuses contraintes.  Au delà du choix des gagnantes et des perdantes, c’est la richesse de l’art du drag qui est mise en jeu et pillée puisqu’il n’est pas représenté dans son ensemble.  L’esthétique d’abord révolutionnaire du drag est en effet contrainte de se conformer à certains codes sociaux pour être tolérée et appréciée.  Sous-couvert de la compétition entre drag queens, une esthétique particulière de drag est prônée, au détriment de la diversité artistique qui sous-tend cet art et lui donne toute sa richesse.  Ainsi, on remarque que les drag queens reproduisant les codes du genre féminins sont largement plus appréciées et valorisées que celles s’éloignant des normes de genre binaires (masculin/féminin) pour se tourner vers un mélange plus androgyne, vers la création de créatures,  ou bien vers une esthétique alternative. (IMAGES ?)  Pour parler en termes queer, on note une favorisation esthétique de la fashion queen ou de la pageant queen au détriment du drag freak, du drag alternatif, du drag cabaret, du drag club kid et bien d’autres.  Ainsi, il ne faut pas oublier que Drag Race France (ou tout autre franchise) n’est qu’un échantillon non représentatif de l’art drag, sorti de sa sphère initiale, débordant vers le mainstream et la pop culture, pris dans des logiques de capitalisation.  La mainstreamisation de cet art underground pose donc une tension entre visibilisation, reconnaissance et appropriation. Cet art par nature anticapitaliste semble devenu une industrie et l’acte de résistance en est transformé en produit de consommation grand public.  Drag Race ne peut être qu’un tremplin d’incitation à soutenir l’art queer et Nicky Doll ne manque pas de rappeler régulièrement à son audience que le drag à la télé c’est bien, mais quil faut le vivre en vrai et soutenir les scènes locales. Soutenir les scènes locales, oui, mais pourquoi quand ce type de divertissement peut être visionné gratuitement depuis son canapé ? Le drag, entre acte militant et produit culturel grand public Vous l’aurez compris, le drag que l’on voit depuis chez nous, diffusé sur une chaîne de télévision publique est soumis à un prisme médiatique. Si le casting est relativement diversifié et inclusif, il reste majoritairement composé d’hommes cis blancs, bien qu’ils soient homosexuels.  Cette sur-représentation des hommes cis blancs peut paraître étrange quand on sait que le drag est en partie né d’un milieu subversif et principalement racisé qui n’est donc pas vraiment représenté. Le casting des participantes semble donc adapté pour convenir à un groupe majoritaire correspondant à une population dominante cis et blanche, ce qui donne presque un sous-texte ironique : oui, nous faisons du drag, mais pas d’inquiétudes nous sommes des hommes blanc cis qui se maquillent pour s’amuser, rien de plus.  Out magazine – extrait de Paris is Burning  Ce caractère presque frivole construit par les perruques, les talons strassés et le makeup ne doit pas cacher le drame qui sous-tend l’art du drag. Cet art se développe sur la scène ballroom dans les États-Unis des années 1980, presque en parallèle de l’émergence des études de genre. Conçues pour être un safe space et une reconstitution du modèle familial, les Houses composant la scène ballroom sont d’abord un espace d’expression, de liberté et un refuge pour celleux qui en sont membres. Ces maisons de substitution sont l’oeuvre d’une communauté queer racisée ne trouvant pas sa place dans une société à la fois blanche et hétérosexuelle.   L’art drag et plus largement la scène ballroom questionnent les grands concepts de féminité, masculinité, hétérosexualité et blanchéité. C’est dans cette même temporalité, à la fin des années 1990 que la pensée queer est théorisée par des autrices comme Judith Butler (Trouble dans le genre, 1990) ou Monique Wittig (The Straight Mind, 1992), exposant le contrat hétérosexuel comme un régime poitique.  Dès lors, le genre progressivement pensé comme une construction sociale et le fait d’afficher publiquement un autre contrat de genre que celui qui nous est assigné s’affirme comme une revendication politique. Le corps devient l’étendard politique de cette communauté marginalisée qui souhaite casser les codes sociaux binaires et la scène ballroom s’impose comme intrinsèquement politique.  Cette déconstrustruction du patriarcat et des injonctions féminines ou racisées sur l’appropriation de l’espace et des corps se voit remise en question dans Drag Race France qui compte, sur 4 saisons et 31 candidates, uniquement 6 queens racisées et 2 femmes transgenre. On constate donc sans difficulté que le show est mené par une majorité d’hommes blancs et exclut les hommes transgenres. Par ailleurs, il est important de souligner que l’art du drag ne se limite pas aux drag queens et que les drag kings sont presque absents de Drag Race France (à l’exception de deux apparitions en tant qu’invités). Médiatisation du drag et hégémonie culturelle : une visibilité sous conditions. La franchise Drag Race permet au drag d’exister hors de la ballroom et du cabaret et ouvre les portes de cet art niche à tous –  une visibilité qui se révèle à double tranchant. De nouveaux publics extérieurs sont alors touchés et cela mène à une forme d’appropriation culturelle par la classe dominante. En effet, l’appropriation culturelle débute quand il y a capitalisation et profit (matériel ou symbolique) d’éléments de culture d’un groupe dominé par le groupe dominant. Habibitch, artiste et activiste queer décoloniale inscrit même cette dynamique dans un continuum colonial. Gagnante de la saison All Stars 2025, Mami Watta nous fait part de l’importance de penser à la raison d’être du drag, à ses origines et à son aspect politique, sans lesquels le drag n’est plus qu’un produit marchand de divertissement.  Elle ne cache pas son souhait que le drag ne soit pas sur-médiatisé afin qu’il demeure un art underground queer exercé par et pour une communauté spécifique et ne tombe pas dans les codes d’une culture télévisuelle. La scène ballroom et le drag sont ouverts à tous mais doivent rester un espace de sécurité hors du système hétéro-normatif.  Si elle y fait allusion, l’émission Drag Race France ne cherche pas activement à puiser dans l’héritage de l’histoire LGBTQI+ et préfère se tourner vers des imaginaires consensuels. Les projecteurs sont par exemple davantage tournés vers le voguing, une forme de danse, que vers la ballroom dans son ensemble, comme célébration de la culture queer.  Ce n’est pas sans incidence puisque la drag queen Soa de Muse a dénoncé dans Médiapart le racisme systémique dont les drag queens sont victimes. Après la première saison de Drag Race France, alors que les deux autres finalistes Paloma et La Grande Dame – toutes deux blanches – ont été régulièrement invitées sur les plateaux télé, Soa a vécu une invisibilisation médiatique et a bénéficié d’une exposition bien plus limitée. À une toute autre échelle, le départ de Kiddy Smile, figure queer racisée et visage éminent de la communauté ballroom au profit de Shy’m, chanteuse de variété et vidéaste de mode invite à la réflexion.  Belle victoire de représentation pour la communauté queer, Drag Race France reste un dispositif médiatique soumis à des injonctions et affecté par des logiques de capitalisation. De ce fait,  il est crucial d’apprécier cet art de manière consciente et éclairée, en étant conscient·es des enjeux qui lui sont liés.  Sources :  Articles :  https://www.mediapart.fr/journal/france/290623/queens-et-noires-comment-les-cliches-racistes-s-infiltrent-jusque-sur-les-scenes-du-drag https://formation-exposition-musee.fr/l-art-de-muser/2615-le-drag-et-la-scene-ballroom-entre-divertissement-politisation-et-art
“Drag Race France All Stars” : critique et analyse d’une saison aux coutures trop visibles
https://www.streetpress.com/sujet/1705402131-soa-de-muse-grande-gueule-drag-francais-militantisme-spectacle-art Ressources vidéo :  Paris is Burning, Jennie Livingstone, 1991.  Autres :  https://rupaulsdragrace.fandom.com/wiki/Drag_Race_France_ Instagram : interview de Mami Watta par Mathis Grosos (@mathisgrosos)  Héloïse Durand
Culture

Sinners : Entre ombre et lumière

Vous a-t-on déjà parlé de Robert Johnson ? L’homme à la guitare maudite, aux cordes envoûtantes, père du blues, de la country et du jazz, Johnson était un homme empli d’autant de talent que de mystère. L’histoire raconte qu’à la croisée d’un chemin, il aurait pactisé avec le Malin, vendu son âme en échange du génie et de la célébrité. Vrai ou faux ? À vous d’en décider.Pour cela, il vous suffit de regarder  Sinners, un film produit par Ryan Coogler, qui, pour le plaisir de nos yeux, met doublement en vedette Michael B. Jordan.Sorti en salles le 16 avril 2025, ce film inspiré de cette légende est un chef-d’œuvre mêlant avec habileté horreur, références culturelles et héritage musical. Amour déconstruit et vodou, ce film mérite une analyse précise… et c’est avec plaisir que FastnCurious s’en charge. Recontextualisation : Ryan Coogler remonte le temps, au Mississippi des années 1930, en plein cœur de la ségrégation raciale. C’est la terre natale des frères jumeaux Smock et Stack, les personnages principaux. Après avoir fait fortune à Chicago, ils reviennent avec un projet ambitieux : ouvrir un club de blues, un lieu de libération. Mais leur rêve se heurte à des forces maléfiques qui hantent le Mississipi, des vampires, pour ne rien spoiler.  Le péché d’aimer et d’être aimé ? image extraite du film Chez Ryan Coogler, le couple n’est jamais juste un duo amoureux. Dans Sinners, aimer devient un acte de transgression, il est politique, social, racial. Un péché, peut-être. En tout cas, un acte chargé. Coogler ne célèbre pas l’amour universel : il donne la parole à ceux qu’on préfère, bien souvent, ne pas voir aimer. Ceux dont l’existence même dérange l’ordre établi. Le couple formé par Stack et Mary illustre à merveille cette tension. Mary, bien qu’ayant des origines afro-descendantes, est perçue comme blanche aux yeux du monde. Une perception remise en question par la fameuse one-drop rule, héritée de l’histoire raciale américaine, selon laquelle une seule goutte de sang noir suffit à faire de vous un corps racialement « autre ». C’est dans cette ambiguïté que Coogler frappe et installe un couple mixte là où on ne l’attend pas, en jouant sur le regard social et nos propres lectures du corps. Leur relation, impossible à vivre au grand jour, fait écho à de nombreuses histoires invisibilisées. Ce n’est pas un hasard si Coogler les a faits vampires. Amoureux condamnés à l’ombre, Stack et Mary incarnent une métaphore assumée : l’amour illégitime selon la norme ne se montre pas ou alors à ses risques et périls.Mais le film ne se contente pas de constater cette invisibilisation. Il la défie. Dans la scène post-générique, le couple entre main dans la main dans un bar, à la lumière (ou presque). Ce plan, bref mais puissant, fonctionne comme une réparation fictionnelle. Coogler ne réécrit pas l’Histoire, il en propose une version parallèle : un espace mental où les Stack et Mary du passé et du présent ont enfin le droit d’exister, et d’aimer, pleinement. Cette évocation renvoie directement à l’affaire Loving v. Virginia, qui aboutit en 1967 à l’abolition des lois interdisant le mariage interracial aux États-Unis. Cette décision historique de la Cour suprême a marqué un tournant : elle reconnaissait enfin que l’amour ne devait plus être conditionné par la race. Comme Sinners, ce contexte rappelle à quel point l’amour a longtemps été, et reste parfois, un acte politique. Noire, grosse et aimée : Annie image extraite du film Parfois, le simple fait de voir un certain profil aimé et désiré à l’écran semble relever de la provocation. Ça gratte, ça dérange. Mais en vérité, difficile d’en vouloir totalement au public : quand un schéma est systématiquement dissimulé, contourné ou tout bonnement refusé par l’industrie, le jour où on choisit de le briser, ça coince. Pourquoi ? Car  nous avons tous été formatés. Allez, testons quelque chose : êtes-vous capables de citer trois femmes noires, grosses, réellement aimées au cœur d’une intrigue amoureuse au cinéma, sans qu’elles ne soient réduites à un fantasme pseudo-exotique façon Vénus ? (Petite pause culture : Saartjie Baartman, surnommée la Vénus, était une femme exhibée dans les foires européennes du XIXe siècle pour son corps, traité comme un objet de curiosité coloniale.) Non ? Toujours pas ? C’est normal, elles n’existent pas. Ou plutôt : on les empêche d’exister. Quand on daigne représenter des femmes noires grosses dans les médias, c’est souvent à travers le prisme de la souffrance ou de la monstruosité sociale. Prenez Precious (2009, Lee Daniels), par exemple : une jeune fille noire, grosse, abusée, en échec scolaire, presque privée d’horizon. Ce n’est pas une héroïne, c’est un corps-problème. Sa douleur devient spectacle. Et surtout, aucun désir ne l’effleure, encore moins une romance. C’est pourquoi le personnage d’Annie fait office de révolution. Annie est noire, grosse, sorcière (tant qu’à faire), et aimée. Vraiment aimée. Par un homme que la société considère comme « beau », comprenez : grand, musclé, charismatique. Et c’est précisément là que ça coince. Les réactions sur les réseaux sociaux ont été d’une violence désarmante : dès ses premières secondes à l’écran, certains ont pensé qu’Annie interprétait le rôle de la mère de Smock. D’autres, plus subtils mais tout aussi toxiques, ont exprimé leur « incompréhension » face à ce couple « incongru ». Bref : pour beaucoup, un homme aussi « désirable » n’a aucune raison de tomber amoureux d’une femme qui ne coche pas les cases du fantasme occidental standardisé. captures d’écran de posts X Et cette gêne n’est pas que virtuelle. Elle se glisse aussi dans la promo du film. Tandis que Hailee Steinfeld, plus célèbre, je vous l’accorde, mais tout de même dans un rôle secondaire, est invitée à débriefer sa love story fictive sur les plateaux télé, l’actrice incarnant Annie est, elle, soigneusement tenue à l’écart de ces discussions-là. Pas de canapé rouge, pas de blague sur leur « alchimie à l’écran », pas de compliments gênés sur la « tension sexuelle entre eux ». Le message implicite est clair : on peut tolérer la relation dans la diégèse, mais surtout pas dans l’imaginaire collectif. Pourtant, c’est là que Sinners marque un point. Il ne se contente pas de mettre un couple improbable à l’écran, il oblige à regarder ce que l’on n’a pas appris à désirer. Il confronte le spectateur à ses propres biais. Le couple formé par Annie et Smock n’est pas là pour cocher une case diversité, il est là pour nous faire comprendre une chose simple : l’amour, le vrai, ne devrait pas être un privilège esthétique. Louisiana, fille préférée de maman Vodou Impossible de parler de Sinners sans évoquer croyances, colonialisme et héritage culturel. Car ici, la musique n’est pas qu’une simple ambiance : c’est une mémoire vivante. Ryan Coogler puise dans les racines africaines pour composer son récit. Il rend hommage à une tradition qu’on a trop souvent voulu effacer à coups de Bible et de poudre à canon : celle des griots, figures majeures de la transmission du savoir en Afrique de l’Ouest. Les griots, ce ne sont pas seulement des musiciens ou des conteurs : ce sont des bibliothèques humaines. Entre le XIIe et le XIVe siècle, notamment dans l’Empire du Mali, ils incarnaient l’histoire orale. Pas d’école, pas de manuels, mais des chantres qui traversaient les villes pour raconter, enseigner, éduquer à coups de récits, de chants, de proverbes. Leur instrument de prédilection ? La kora, ancêtre direct de la guitare, élément central du film. Ce que Coogler souligne est simple : sans les griots, sans ces passeurs de mémoire, c’est tout un pan de l’héritage africain qui se serait éteint. Si le savoir a survécu, les croyances aussi. Il suffit de regarder le Vodou. Contrairement à ce que Hollywood a tenté de nous vendre pendant des décennies, non, le Vodou n’est pas une invention obscure de l’esclavage. C’est une religion africaine ancienne, structurée, encore pratiquée aujourd’hui, et qui a traversé l’Atlantique avec les corps déplacés de force. Grâce à des figures de transmission comme Annie, la sorcière de Sinners, Coogler montre que ces croyances n’ont jamais disparu. Elles ont résisté. Et où ces croyances se sont-elles enracinées ? En Louisiane, évidemment. Terre d’exil, de croisements et de métissages, la Louisiane, et plus encore La Nouvelle-Orléans, est devenue l’un des foyers majeurs du vodou aux États-Unis. Il faut rappeler que la Louisiane fut l’un des principaux territoires de la traite transatlantique dans le Sud du pays. D’abord colonie française puis espagnole, elle a vu l’arrivée de milliers de personnes réduites en esclavage, notamment après la Révolution haïtienne. Mais cette mémoire ne s’arrête pas aux frontières de la Louisiane. L’État du Mississippi, situé juste à l’est, partage avec elle une trajectoire coloniale et esclavagiste semblable. Ces deux territoires voisins ont été profondément façonnés par l’économie de plantation, par le système esclavagiste et par les migrations forcées de populations africaines. C’est cette histoire commune qui explique pourquoi certaines croyances spirituelles africaines, comme le vodou, ont fini par traverser les rives du fleuve Mississippi. Si elles y ont pris racine de manière plus discrète qu’à La Nouvelle-Orléans, elles ont néanmoins survécu, notamment à travers des formes populaires comme le hoodoo.  Le choix de ce décor n’a donc rien d’anecdotique : il permet à Coogler de faire dialoguer passé et présent et de rendre à la spiritualité africaine toute sa complexité, sa dignité et sa beauté. Car non,  Annie ne fait pas peur. Elle protège. Son amulette, qu’elle donne à Smock, devient un symbole puissant : le Vodou comme outil de survie, pas comme menace. Et c’est là que Coogler frappe fort : il refuse de présenter le Vodou comme une croyance « exotique » ou marginale. Il le montre pour ce qu’il est, une spiritualité à part entière, un refuge, un outil de résilience. Une croyance comme une autre.  image extraite du film En miroir, Sinners critique ouvertement l’imposition violente du christianisme dans les plantations. La scène la plus marquante reste celle du baptême inversé entre Remmick (le vampire originel, figure du Mal) et Samuel. Remmick mime les gestes sacrés, cite Mathieu 6 : 9-13  (« Notre Père qui es aux cieux ! Que ton nom soit sanctifié ; que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel…») et détourne les codes chrétiens pour mieux en souligner les ambiguïtés. En faisant du Mal un personnage capable de réciter la Bible et d’utiliser ses rites, Coogler interroge l’autorité d’une religion imposée de force, et rappelle que selon les Écritures elles-mêmes, le diable n’est qu’un ange déchu. L’image du baptême, symbole de pureté et de renouveau, devient ici une scène de domination et de terreur : un geste censé sauver est vidé de son sens, retourné contre le corps noir. Par ce détournement visuel fort, le film fait apparaître les contradictions d’un discours religieux utilisé historiquement comme outil de soumission. Entre musique et héritage : rendons à César ce qui appartient à César On ne le répétera jamais assez : sans les Noirs, pas de musique moderne. Jazz, blues, soul, funk, rock, hip-hop, R’n’B, country, on pourrait presque, j’ai bien dit presque, dire que les cultures noires ont inventé la bande-son du monde occidental. Et Ryan Coogler le sait. Le moment le plus fort ? Sans doute cette scène où le temps se fige, littéralement, à la suite d’un rituel déclenché par Samuel.  Dans cette pause surnaturelle, un défilé musical s’enclenche. Comme un vinyle géant qui rembobine l’Histoire. Jazz , riffs de blues, échos de gospel, beats du hip-hop, soul, percussions africaines, chaque morceau rappelle d’où vient ce son qu’on consomme aujourd’hui sans même plus y penser. image extraite du film Coogler ne se contente pas de nous régaler les oreilles : il construit un manifeste sonore, une véritable cartographie des luttes, des deuils et des réinventions. Parce que oui, cette musique née de l’oppression, des champs de coton, des ghettos et des exils est devenue un pilier de la culture mondiale… tout en étant constamment pillée.  Cette séquence est un rappel à l’ordre : rendez à César ce qui appartient à César. Ce n’est pas Elvis qui a inventé le rock. Ce n’est pas Justin qui a inventé la soul. Ce ne sont pas les majors qui ont inventé le rythme. En figeant le temps, Coogler rend la parole à celles et ceux qu’on a réduits au silence : les artistes, les griots modernes, les génies anonymes étouffés par les maisons de disques ou l’histoire officielle. Il montre que chaque note noire a un passé, une mémoire, une douleur, une puissance. Et quand on y pense, qui mieux que des vampires pour raconter une histoire de transmission, de cycle et de résurrection ? La musique n’est jamais morte, elle a juste appris à survivre. Coogler & Stallone : l’art pour l’art  Sinners, comme chaque réalisation de Ryan Coogler, est une lettre d’amour au cinéma. Et plus précisément à Sylvester Stallone. L’hommage est évident dans une scène où Coogler pastiche clairement Rambo, saga culte des années 1980. On y retrouve la figure de John Rambo, ancien soldat des forces spéciales traumatisé par la guerre du Vietnam, devenu une icône du héros solitaire, ultraviolent, invincible.  Dans cette scène de Sinners, Smock reprend tous les codes : le torse gonflé, les armes sophistiquées, l’endurance surhumaine et le regard fermé. Une masculinité de pierre, capable d’esquiver les balles avec une grâce presque chorégraphique. Coogler s’amuse, évidemment, mais il ne choisit pas ce modèle par hasard. Ce n’est pas la première fois qu’il convoque Stallone dans son œuvre. Dans Creed (2015), il relançait déjà la saga Rocky en racontant l’histoire du fils d’Apollo Creed, toujours interprété par Michael B. Jordan. Et ce n’est pas anodin si Jordan est le fil rouge de toute la filmographie de Coogler. Il représente un autre type de héros, plus complexe, plus moderne, qui vient rééquilibrer l’héritage un peu ennuyeux de l’homme fort à l’ancienne. À travers ces clins d’œil, Coogler rend hommage à ses influences tout en les rejouant à sa manière. La figure de Stallone est là, mais elle est déplacée, retravaillée, presque questionnée. Et même si l’ombre de Rambo plane, c’est bien Michael B. Jordan qui incarne l’avenir, avec bien plus de nuances. Enfin, Sinners, ce n’est pas juste un film de vampires noirs, comme certains pourraient le croire trop vite. C’est un film dense, plein de références culturelles, historiques et musicales, qui raconte bien plus que ce qu’il montre. Et si vous hésitez encore… on espère avoir suffisamment piqué votre curiosité. Parce que franchement, entre nous, Ryan Coogler ne mérite pas juste vos applaudissements, il mérite aussi notre argent. Sources :  Robert Johson :  Jazz Culture : Et le Diable a surgi – La vraie vie de Robert Johnson  de Conforth & Wardlow :  https://www.radiofrance.fr/francemusique/jazz-culture-et-le-diable-a-surgi-la-vraie-vie-de-robert-johnson-de-conforth-wardlow-7122714 SEB : Il a vendu son âme au diable ?  Le péché d’aimer et d’être aimé :  Documentaire HBO : The Loving Story (2011)  Film : Loving (2016) , Netflix :  https://www.netflix.com/title/80099974#:~:text=Inspir%C3%A9%20de%20l’histoire%20vraie,mixtes%20par%20la%20Cour%20supr%C3%AAme. Noire, grosse et aimée :  Livre : Amours silenciées : repenser la révolution romantique depuis marges (2022) Christelle Murhula  Film : Precious (2009) Lee Daniels  Louisiana, fille préférée de maman Vodou :  2 minutes pour comprendre le griot : DA KALI : The pledge of the art of the griot :  The Voodoo Renaissance of New Renaissance :  Uncovering the power of Hoodoo : An Ancestral journey  Eden Nsimba Nzinga
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Culture, Publicité et marketing

Rilès et “Survival Mode” : quand la promotion devient performance artistique

Dans un univers musical où la compétition pour attirer l’attention est plus féroce que jamais, Rilès a su se démarquer avec un coup de communication audacieux et marquant pour la sortie de son album SURVIVAL MODE. Le 8 février 2025, il a défié les limites physiques et mentales lors de sa performance qu’il a intitulée SURVIVAL RUN, une course de 24 heures retransmise en direct. Plus qu’une simple promotion, cet événement est devenu un acte artistique puissant, porteur de messages profonds sur la pression sociale et l’épuisement moderne. Retour sur une stratégie de communication qui dépasse l’entendement.  L’évènement, une course contre le temps  Le 8 février 2025, Rilès a créé un événement sans précédent dans l’industrie musicale avec SURVIVAL RUN, une performance de 24 heures diffusée en direct sur YouTube et TikTok. L’artiste a couru sans relâche sur un tapis roulant, une métaphore visuelle du thème central de son nouvel album SURVIVAL MODE. Ce défi physique était bien plus qu’un simple acte promotionnel : il a su incarner une immersion totale dans un univers artistique où la pression sociale, la quête incessante de performance et l’épuisement mental sont explorés de manière intense. L’artiste, en se mettant à l’épreuve dans une telle épreuve physique et mentale, a voulu offrir à son public une expérience qui résonne profondément avec les défis contemporains.  L’événement n’a pas seulement attiré un large public, mais aussi des médias et de nouveaux spectateurs, intrigués par cette approche radicale. Derrière lui, des scies géantes tournaient en permanence, amplifiant la tension visuelle et symbolisant la menace imminente qui pèse sur ceux qui se retrouvent pris dans une course sans fin. Cet élément visuel marquant incarnait l’idée d’un danger qui n’attend pas et d’une vie qui défile à toute vitesse, sans possibilité de pause. L’artiste ne s’est pas contenté de courir : chaque moment de la performance était un acte symbolique, représentant la lutte contre l’épuisement et l’angoisse dans un monde où il semble impossible de ralentir.  En cours de route, Rilès a interagi en temps réel avec ses fans, transformant cette diffusion en un événement interactif. La possibilité pour les spectateurs de réagir et de commenter via les plateformes de rediffusion a donné une dimension participative à l’événement, augmentant son impact. Ce n’était plus seulement un spectacle à regarder, mais un événement dont chacun pouvait être acteur, grâce à l’immédiateté des interactions sur les plateformes numériques. À travers cette stratégie, Rilès a non seulement communiqué sur la sortie de son album, mais a créé une expérience partagée avec son public, rendant l’événement beaucoup plus personnel et engageant que toute autre campagne de promotion classique.  Une promotion hors normes  La promotion d’un album a évolué, et Rilès l’a bien compris en choisissant une approche audacieuse pour la sortie de SURVIVAL MODE. Dans un monde saturé d’informations et de contenu, il n’est plus suffisant de publier un clip ou de participer à quelques interviews pour faire parler de soi. L’artiste a su, par cette performance radicale, lier la promotion de son album à une réflexion sur des problématiques sociétales profondes : l’épuisement mental, la pression sociale et la quête incessante de résultats. Au-delà du simple lancement musical, SURVIVAL RUN est devenu un acte artistique qui fait écho à la condition humaine dans un monde moderne où les attentes et les exigences ne cessent de croître.  Une Métaphore Visuelle Puissante : Le « Mode Survie » Incarné  Le tapis roulant sur lequel Rilès a couru pendant 24 heures est devenu une métaphore puissante de la course effrénée de la vie moderne. Courir sans avancer, toujours dans le mouvement, mais sans jamais arriver à un but tangible. Cette image illustre parfaitement la sensation de stagnation vécue par de nombreuses personnes dans un système où l’effort semble constant, sans réelle récompense. L’artiste a réussi à incarner cette sensation de « faire du surplace », à la fois physique et psychologique, en défiant ses propres limites tout en représentant cette dynamique épuisante de la vie moderne. La notion de « mode survie » prend alors tout son sens : la vie est vécue comme une urgence continue, sans possibilité de pause.  Les scies géantes en arrière-plan de la scène, qui tournent sans relâche, ont ajouté une dimension dramatique à cette performance. Ces scies étaient une représentation directe de la menace constante qui guette ceux qui ne peuvent pas s’arrêter, ne peuvent pas ralentir, de la peur de l’échec et de l’angoisse qui découle de la pression sociale. Le message est clair : dans un monde où il est impossible de s’arrêter sans risquer la chute, l’épuisement devient inévitable. Cette image renvoie à la réalité de millions de personnes, constamment sous pression, obligées de poursuivre une course sans fin pour atteindre des objectifs qui semblent toujours hors de portée.  Le défi de tenir pendant 24 heures représente également la résilience et la détermination, mais aussi l’absurdité d’une exigence de performance toujours plus grande. L’épuisement visible de Rilès, tant mental que physique, au fil des heures devient un puissant rappel de la fatigue accumulée par ceux qui, comme lui, sont pris dans le tourbillon d’une société qui valorise l’endurance au détriment du bien-être. À travers cette épreuve, Rilès incarne non seulement la souffrance, mais aussi la force de continuer, malgré tout, ce qui fait de cette performance une réflexion puissante sur notre époque.  Un coup de communication qui dépasse la promotion : une véritable performance artistique  Loin de se limiter à une simple opération de communication, SURVIVAL RUN se présente comme une performance artistique complète. En mêlant art visuel, performance physique et communication digitale, Rilès a su créer une expérience immersive où chaque élément de la performance renvoie à une thématique centrale. Cette approche hybride a permis à l’artiste de faire de la promotion de son album un acte artistique en soi, redéfinissant ainsi les contours de ce que signifie « promouvoir » dans le monde de la musique moderne.  De plus, l’impact de son approche participative a été démultiplié, car elle transforme chaque spectateur en un participant actif, rendant l’expérience beaucoup plus significative et mémorable que n’importe quelle autre campagne de promotion classique.  Enfin, la stratégie de communication de Rilès a été renforcée par la portée globale offerte par les réseaux sociaux, notamment TikTok et YouTube. L’accessibilité de l’événement, disponible pour n’importe qui, où qu’il soit, a permis à SURVIVAL RUN de dépasser le cadre d’une simple promotion musicale pour devenir un moment de réflexion collective sur les défis de notre époque. En alliant art, communication et engagement numérique, Rilès a réussi à créer une expérience unique, qui marque à la fois les esprits et les cœurs.  Avec SURVIVAL RUN, Rilès a non seulement promu son album, mais il a créé une œuvre à part entière. Ce coup de communication n’est pas une simple action commerciale ; c’est un événement artistique total qui interroge la société et pousse à la réflexion. En repoussant les limites de la promotion classique, Rilès nous rappelle que l’art peut se vivre à travers tous les supports, et que la communication elle-même peut devenir un acte créatif.  Ce type de stratégie pourrait bien devenir une référence dans le monde de la musique et au-delà, incitant d’autres artistes à transformer leurs campagnes en véritables expériences immersives et engageantes.  Rose Paineau
Culture

La rhétorique du Trash-Talking : comment Cédric Doumbé domine l’arène médiatique ?

Avant-propos : Rédigé il y a près d’un an lors du précédent mandat, cet article analyse l’ascension médiatique de Cédric Doumbé et son usage du trash-talking dans le MMA. Depuis, cette stratégie continue d’alimenter débats et controverses, influençant d’autres combattants. Son impact sur la communication sportive et ses enjeux éthiques restent plus que jamais d’actualité. Dans l’univers impitoyable du MMA (arts martiaux mixtes), où chaque coup porté sur le ring est aussi intense que les paroles échangées en dehors, une voix tranchante se distingue : celle de Cédric Doumbé. Ce combattant français, véritable maître de la provocation, a fait du trash-talking une arme redoutable, à la fois pour déstabiliser ses adversaires et asseoir sa domination médiatique.Comment cette stratégie verbale devient-elle un outil de communication puissant, permettant de marquer les esprits et de rayonner au-delà des arènes sportives ? Provocations et intimidations : les racines culturelles du Trash-Talking Le trash-talking, littéralement « parler-déchets » en anglais, s’inscrit dans une longue tradition culturelle de la provocation dans les compétitions sportives. Bien que ses origines précises soient difficiles à déterminer, nous pouvons retracer ses premières manifestations dans la boxe, le basketball, et plus largement dans les disciplines où le duel, physique ou verbal, fait partie du spectacle. Muhammad Ali, figure emblématique du genre, a marqué l’histoire avec des déclarations provocantes et poétiques. En 1974, avant son combat contre George Foreman à Kinshasa, il lançait : “I’m gonna float like a butterfly and sting like a bee. George can’t hit what his eyes can’t see. – Je vais flotter comme un papillon et piquer comme une abeille. George ne peut pas toucher ce que ses yeux ne peuvent pas voir”. Le trash-talking dépasse largement le cadre du sport et s’impose aussi dans la culture populaire : artistes, politiciens et figures médiatiques l’utilisent pour provoquer des débats, polariser les opinions et capter l’attention du public. Il ne se limite pas à des paroles agressives mais se déploie comme un véritable art oratoire, combinant stratégie, psychologie et mise en scène. Quand l’insulte devient une arme de communication stratégique L’efficacité du trash-talking repose sur plusieurs dynamiques interdépendantes : la capacité à captiver l’attention, provoquer des émotions fortes et imposer une image de domination, tant sur le plan psychologique que médiatique. Dans un environnement où la visibilité est cruciale pour se démarquer, Cédric Doumbé a fait de cette stratégie un levier central pour sculpter son personnage public et s’imposer comme une figure incontournable, bien au-delà des arènes du MMA. Une omniprésence médiatique L’utilisation habile de la provocation verbale permet à Doumbé de se positionner comme une figure incontournable du MMA. Sa maîtrise du discours attire l’attention des grands médias français comme Le Quotidien (TMC), Quelle Époque ! (France 2) ou encore Clique (Canal+). Le combattant ne se contente pas de provoquer sur le ring : il transcende l’univers sportif pour devenir une personnalité publique à part entière. Sur les réseaux sociaux, son impact est encore plus marquant. Avec des publications soigneusement calibrées pour éveiller l’intérêt, il mobilise une communauté engagée qui le suit dans chacune de ses sorties. Par exemple, ses vidéos YouTube, cumulant plus de 46 millions de vues, offrent un accès exclusif aux coulisses de sa vie de combattant. En partageant ses victoires, ses doutes et ses entraînements, il tisse un lien émotionnel avec ses abonnés tout en cultivant une image de combattant authentique et charismatique. Son agent, David Foucher, assume d’ailleurs pleinement cette stratégie de communication : “L’idée c’était de jouer sur ses forces, ce côté divertissant, ce côté spectacle, pour en faire un argument par rapport aux autres. Sur chaque combat, maintenant les gens se demandent ce que va faire Cédric Doumbé”. L’art du storytelling Le trash-talking de Doumbé ne se limite pas à ses adversaires : il s’inscrit dans un storytelling plus large qui le présente comme un showman incontournable. Ce narratif repose sur une mise en scène où le sportif endosse le rôle du provocateur charismatique, presque “méchant”, à la manière des grandes figures de catch ou de boxe. Cette posture crée une polarisation : soit nous l’admirons pour son assurance, soit nous la détestons pour son arrogance. Mais, dans tous les cas, on parle de lui. Son récit, façonné par ses propres mots et expériences, devient une source d’inspiration pour ses abonnés qui se reconnaissent dans son parcours et sont attirés par cette figure de combattant à la fois humble et implacable. Doumbé ne vend pas seulement des combats, il vend une histoire, une épopée où chaque sortie médiatique, chaque affront verbal, fait partie d’un plan plus vaste. La rhétorique de la provocation : analyse des fondements de la domination linguistique Dans une perspective foucaldienne, le langage n’est pas seulement un moyen de communication mais aussi un instrument de pouvoir et de contrôle social. Dans ses travaux, en particulier dans Surveiller et Punir (1975) et L’Archéologie du Savoir (1969), Foucault explore les mécanismes de pouvoir qui opèrent à travers les discours et les institutions sociales. Pour l’auteur, le pouvoir ne se situe pas seulement dans les structures politiques et institutionnelles, mais également dans les discours et les pratiques sociales qui façonnent notre compréhension du monde et notre place dans celui-ci. Ainsi, le langage devient un champ de bataille où se jouent les rapports de force et les dynamiques de domination. Lorsque Cédric Doumbé utilise le trash-talking pour défier ses adversaires, il ne se contente pas de les provoquer verbalement. Il investit le langage d’un pouvoir symbolique, affirmant sa propre autorité tout en cherchant à déstabiliser ses adversaires. Ses paroles incendiaires ne sont pas simplement des provocationssuperficielles, mais des actes de domination qui visent à asseoir sa suprématie dans l’arène du combat. Foucault souligne également que le pouvoir n’est pas seulement répressif, mais aussi productif. En d’autres termes, le pouvoir ne se contente pas d’interdire et de punir, il crée aussi des normes et des discours qui délimitent ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Ainsi, lorsque Doumbé utilise le trash-talking pour marginaliser ses adversaires, il contribue à forger un discours de la victoire et de la domination qui légitime son propre pouvoir. Un outil de communication aux contours flous ? Si le trash-talking est une arme redoutable sur le plan stratégique, il soulève des questions sur les limites éthiques et morales, agissant parfois à l’encontre des valeurs de fair-play et de respect qui devraient prévaloir dans le monde du sport. Les limites éthiques et morales Le cas de Conor McGregor, combattant irlandais de MMA et ancien champion de l’UFC, illustre bien ces dérives. En insultant la femme de son rival Khabib Nurmagomedov lors d’une conférence de presse en 2019, McGregor a non seulement terni son image publique mais a également alimenté une hostilité qui a débordé le cadre sportif, créant un climat délétère autour du combat. L’impact sur les victimes du trash-talking Après sa défaite face à Doumbé, Jordan Zabo a subi des harcèlements dans la rue, illustrant ainsi les conséquences néfastes de cette rhétorique en dehors de l’arène sportive. Loin d’être simplement une joute verbale, le trash-talking peut avoir des répercussions réelles et dommageables sur la vie personnelle des individus. Les réactions virulentes des publics Enfin, sur les réseaux sociaux, les réactions du public peuvent parfois prendre une tournure explosive, se traduisant par des insultes, des menaces et des comportements agressifs en ligne. Ces débordements témoignent de l’impact négatif que peut avoir le trash-talking sur l’ambiance générale et sur le respect mutuel au sein de la communauté sportive. Une méthode controversée mais commercialement efficace Malgré les débats éthiques et moraux qu’il suscite, le trash-talking demeure un outil économiquement rentable et attrayant pour les combattants et les organisations sportives. Sa capacité à générer des discussions enflammées, à attirer l’attention des médias et à susciter l’intérêt des sponsors en fait un élément incontournable de la stratégie de marketing et de promotion dans le monde du MMA. Cette efficacité s’illustre particulièrement par le succès commercial fulgurant de certains événements, comme le combat entre Doumbé et Baki organisé le 7 mars 2024 à l’Accor Arena, où les 20 000 billets se sont écoulés en moins de 20 minutes. Ainsi, bien que le trash-talking reste controversé, son impact économique et sa capacité à galvaniser les foules et stimuler l’engagement du public en font un pilier du paysage médiatique du sport moderne. Sources, pour aller plus loin : Ali, une légende en 10 phrases mythiques – Eurosport : https://www.eurosport.fr/boxe/ali-une-legende-en-10-phrases-mythiques_sto5634266/story.shtml Cédric Doumbè, une vraie catastrophe ! : https://www.sports.fr/combat/mma/cedric-doumbe-une-vraie-catastrophe-813675.html Cédric Doumbè : « Le trash-talking peut faire gagner les combats » – Sport.fr : https://www.sport.fr/sports-de-combat/cedric-doumbe-le-trash-talking-peut-faire-gagner-les-combats-1137949.shtm Cédric Doumbé vs Baki : les 20 000 billets pour le combat sont partis en moins d’une heure : https://www.konbini.com/lifestyle/cedric-doumbe-vs-baki-les-20-000-billets-pour-le-combat-sont-partis-en-moins-dune-heure/ Imène M.
Culture

Lolita et la culture du voyeurisme

En 1955, Vladimir Nabokov trouve enfin une maison d’édition qui veuille bien prendre en charge la publication de son roman Lolita après le refus de 6 éditeurs américains qui craignent des poursuites judiciaires et morales. Censuré en France jusqu’en 1958, Nabokov sait qu’il tient entre ses mains une bombe, tant son récit est sulfureux et choquant. Écrit à la première personne du singulier, l’ouvrage se construit comme la confession de Humbert Humbert, pédophile de 37 ans qui nourrit une relation incestueuse avec sa belle-fille de 12 ans, Lolita. A la levée de la censure, le roman de Nabokov s’exporte dans le monde entier : 180 j​ours en tête des ventes aux Etats-Unis avec 100 000 exemplaires vendus en trois semaines, Lolita s’est aujourd’hui écoulé à 15 millions d’exemplaires à travers le monde et figure dans la majorité des classements des meilleurs romans du XXe siècle. Acclamée pour son style littéraire, l’œuvre continue néanmoins de susciter d’importants débats moraux et philosophiques. Car la figure de Lolita a dépassé les cadres de la littérature pour devenir une icône sexualisée, souvent déconnectée de son statut de victime dans le récit de Nabokov. Cette réduction en objet de désir reflète une tendance culturelle plus large ou les questions d’abus et de consentement sont occultées au profit d’une fascination pour le scandale et l’interdit qui passe notamment par une sexualisation des jeunes femmes dans les médias. Le mythe de Lolita devient ainsi celui d’une tentatrice, transformant une histoirie d’abus sexuel en une fable ambiguë, voire glamour, qui nourrit la fascination voyeuriste du public.  Lolita, le regard voyeur du spectateur à l’épreuve.  Le voyeurisme est un élément central du roman de Vladimir Nabokov et l’histoire tout comme le processus de lecture en permettent l’exploration inconfortable. Par voyeurisme, on entend caractériser la personne qui tire un plaisir et une excitation sexuelle de la vue de la nudité et des rapports sexuels d’autrui. Ainsi, Humbert Humbert est le portrait type du voyeur. Au détour d’un parc, “assis sur un banc dur”, il observe des “nymphettes folâtrer en liberté”. Ces moments de solitude sont l’occasion de rêveries extatiques comme lorsqu’il observe cette “petite beauté antique parfaite vêtue d’une robe en tartan” qui devient le moteur imaginaire de son excitation : elle “posa avec fracas sur le banc à côté de moi son pied lourdement armé pour aussitôt plonger en moi ses minces bras nus et resserrer la courroie de son patin à roulettes, et je fondis sous le soleil, avec mon seul livre pour feuille de vigne, tandis que ses bouclettes châtain retombaient partout sur son genou écorché, et l’ombre des feuilles que je partageais palpitait et se dissolvait sur son membre radieux tout près de ma joue caméléonique”. Rappelons qu’il s’agit d’une enfant. Comme Lolita, elle est moins perçue aux yeux du narrateur comme une personne à part entière que comme un simple objet de désir, un agencement de traits physiques. Ce regard déshumanisant illustre la dynamique de pouvoir et d’exploitation inhérente au voyeurisme : il n’existe pas de consentement et Humbert Humbert reconnaît lui-même “une multitude de ces menues idylles à sens unique”.  Plus tard, il émigre aux Etats-unis où il rencontre Charlotte Haze, mère de Dolorès, sa fille de 12 ans surnommée Lolita. Pour se rapprocher de celle qu’il désire plus que tout, il se marie avec Charlotte avant de la voir mourir, devenant le beau-père de sa bien-aimée, Lolita. Son regard précédemment voyeur devient alors le moteur d’une domination physique sur la jeune fille de 12 ans. Nabokov écrit : “Elle resta blottie contre moi, à regarder la télévision, tandis que je me rongeais les sangs pour savoir comment et quand je pourrais l’avoir”. À une autre moment, il relate : “Il m’a fallu des heures pour la calmer, pour lui expliquer que ce que les adultes faisaient n’avaient rien de mal, en soi, si personne ne l’apprenait.” avant d’écrire “Ce n’était pas de l’amour, comme elle me l’a dit bien plus tard. Elle pleurait parfois la nuit, et j’étais son bourreau”. Mais si Humbert Humbert à travers ses propres aveux reconnaît son rôle de voyeur puis d’agresseur, la brutalité de ses actes est souvent masquée par une prose complexe souvent qualifiée de poétique et qui fait du lecteur un voyeur à part entière.  Ainsi, le récit à la première personne place le lecteur dans une position embarrassante et inconfortable qui se retrouve malgré lui plongé dans l’esprit du narrateur. En nous faisant lire ses pensées, il nous rend dans une certaine mesure complices de ses atrocités. La lecture du roman devient une expérience intrinsèquement transgressive car le récit brise tous les carcans et les tabous sociaux et moraux. La prose poétique caractérisée par la multiplication des images et métaphores contraste avec la noirceur des actes décrits qui ne sont jamais clairement formulés. Nabokov force par cette manière le lecteur à ressentir un mélange d’attirance et de répulsion rendant la lecture inconfortable mais profondément introspective. Ainsi, Lolita nous invite à réfléchir sur la manière dont nous consommons des récits de transgression et sur notre propre rôle dans la perpétuation de certaines formes de voyeurisme. Nabokov nous pousse dans nos retranchements, nous force à examiner nos instincts et nos propres biais en tant que lecteurs. Le voyeurisme littéraire que le roman nous impose n’est pas une fin en soi mais un outil critique pour interroger la manière dont nous regardons le monde et les autres.  “Lolita, méprise sur un fantasme” On emprunte ici le titre à un excellent documentaire éponyme réalisé par Olivia Mokiejewski et diffusé sur Arte en 2021. Il y est question de la genèse du chef-d’œuvre de Nabokov et de sa lecture actuelle. Car la trajectoire de Lolita depuis sa parution est déconcertante : orpheline de 12 ans violée par son beau-père et fantasme pédophile de ce dernier, Dolores Haze est devenue une icône pop mondiale, perçue comme le fruit défendue qui ne demanderait qu’à être croqué. Pour preuve, l’expression ‘’être une Lolita’’ renvoie davantage à une jeune fille aguicheuse qu’au statut de victime. Cette transformation en dit long sur le caractère voyeur de nos sociétés contemporaines qui tendent à hypersexualiser la jeune fille légitimant ainsi la pédophilie et l’inceste dans ce qui est parfois considéré comme la plus belle histoire d’amour du XXè siècle.  Difficile en effet de rapprocher la Lolita de Stanley Kubrick de celle de Vladimir Nabokov. Avec le film, en salle dès 1962, l’histoire est grandement épurée : les problématiques de pédophilie sont très largement édulcorées, la relation entre Dolores et Humbert devient plus ambivalente et la nymphette de Nabokov devient même provocante et complice. Les affiches de promotion qui accompagnent le film participent de ce contresens (Figure 1) : on y voit Lolita, une sucette à la bouche en train de nous regarder derrière ses lunettes de soleil en forme de cœur. Ce traitement visuel participe de la transformation d’une histoire d’abus sexuel en fable ambigue, voire glamour. Rappelons tout de même que Lolita a 12 ans quand elle est violée par son beau-père. Cette hypersexualisation, outre ce qu’elle a de profondément choquant, reflète un voyeurisme collectif totalement décomplexé qui se traduit notamment par la consommation et la sexualisation de jeunes femmes dans les médias au cœur de récits intimes et transgressifs. Le film de Kubrick cimente l’image de Lolita dans la culture populaire et en fait une ‘’tentatrice’’ plus qu’une victime comme le rappelle Nabokov lui-même en 1975 : “Lolita n’est pas une jeune fille perverse” avant d’ajouter “c’est une enfant que l’on débauche et dont les sens ne s’éveillent jamais sous les caresses de l’immonde monsieur Humbert”.        Figure 1 : Affiche du film Lolita de Stanley Kubrick. Il faut dire que dès la publication de son roman, le récit de Humbert Humbert est malmené et transformé, dans les représentations tout au moins. Ne trouvant aucune maison d’édition qui daigne publier son roman, Vladimir Nabokov s’en remet à Olympia Press, spécialisé dans l’édition d’œuvres sulfureuses, ce qu’ignore alors l’auteur. Au milieu des livres ‘’qui ne se lisent qu’à une main’’, Lolita passe alors pour un roman pornographique. Encore aujourd’hui, les éditions les plus récentes prêtent à confusion : la jeune femme représentée sur le couverture du roman aux éditions Folio se rapproche davantage de la Lolita de Kubrick que de celle de Nabokov. Mais le film du réalisateur américain n’est pas à mettre à la poubelle et les choix de Kubrick accentuent le rôle du voyeurisme en tant que thème central : le spectateur est placé dans une position inconfortable, observant une relation inappropriée sans que les abus soient ici clairement dénoncés. La caméra devient par moment le prolongement du regard de Humbert Humbert, impliquant directement le spectateur qui participe de la transformation de gestes innocents de Lolita (mangeant une sucette ou jouant au tennis) en objet de désir. En ce sens, le film renforce l’ambiguïté morale de l’œuvre et rend le spectateur encore plus complice que le lecteur. Le regard d’Humbert, celui de la caméra et du public se croisent, transformant Lolita en une réflexion sur la puissance destructrice du voyeurisme, à la fois individuel et collectif.  De sa publication à son adaptation cinématographique jusqu’à ses éditions littéraires les plus contemporaines, Lolita a ainsi profondément bouleversé notre manière de voir et de lire des récits transgressifs. Devenue une icône pop et glamour très largement sexualisée, la trajectoire du récit de Nabokov est le symbole d’un voyeurisme collectif et individuel mais aussi un outil de réflexion pour comprendre les mécanismes de consommation et de valorisation de l’intimité. Miroir tendu à notre société, Lolita révèle notre complicité dans la consommation d’intimités volées. L’œuvre et ses adaptations confrontent le lecteur et le spectateur à ses propres désirs, tout en dénonçant les conséquences destructrices de ce regard. Dans un monde saturé d’histoires et d’images personnelles, Lolita est une mise en garde contre la banalisation du voyeurisme et la réification des individus. Enfin, à ceux qui militent pour sa suppression ou sa censure, Vanessa Springora rappelle : “Il ne s’agit pas d’un récit autobiographique, il n’y a aucune apologie de la pédophilie, je ne vois aucune raison de ne pas le publier. Passer à côté d’un chef-d’œuvre littéraire de cette nature, ce serait une folie.” Pour aller plus loin et poursuivre une réflexion qu’on sait incomplète, on conseille la lecture hautement pertinente, intéressante et grandement enrichissante de l’œuvre de Nabokov, Lolita. On conseille également l’excellent documentaire mentionné ci-dessus de la journaliste Olivia Mokiejewski disponible dans plusieurs bibliothèques. La lecture du récit de Nabokov par Stanley Kubrick peut aussi faciliter la mise à jour des mécanismes élucidés dans cet article. Enfin, pour étoffer et étayer notre réflexion, on conseille ces articles plus ou moins exhaustifs et qui ont servi à la fabrication de cette rétrospective : “Lolita, méprise sur un fantasme”, sur Arte : l’histoire d’un désastreux contresens (Le Monde) ; “Lolita”, histoire d’une “méprise” (Philosophie magazine) ; “Lolita, méprise sur un fantasme” : la folle histoire du roman incompris de Vladimir Nabokov (Femme Actuelle). Martin Clavel
Culture

Diddy, criminel et roi de la communication

Depuis le 23 mai 2024, un empire atypique, celui de Sean Combs, s’effondre sous le poids de graves accusations. Connu sous les pseudonymes de Puff Daddy ou Diddy, le célèbre rappeur et producteur, figure emblématique de l’Amérique des années 90, fait aujourd’hui face à des charges allant de violences conjugales à trafic sexuel et extorsion. Incarcéré au Centre de détention de Brooklyn, Diddy attend désormais son procès. Si son ascension fut marquée par les controverses, c’est une nouvelle facette de son héritage et de ses stratégies de communication que FastNCurious vous propose d’analyser.  Le marketing de rue de Bad Boy Entertainment  Source : Logo de Bad Boy Entertainment, 1994 Dès 1993, Sean Combs pose les premières pierres de son empire en fondant Bad Boy Entertainment, l’un des labels les plus influents de l’histoire du hip-hop. N’ayant pas les moyens financiers des grandes maisons de disques de l’époque, il adopte une approche innovante : le guérilla marketing. Une stratégie popularisée par l’auteur américain Jay Conrad Levinson en 1984. En mobilisant des « street teams », équipes chargées de promouvoir artistes et événements dans la rue, Combs contourne les dispositifs de promotion traditionnels inaccessibles aux labels de rap, souvent stigmatisés par les médias. Les « street teams » deviennent alors l’outil principal pour bâtir une base de fans fidèles et crédibiliser les artistes qu’il produit au sein de la culture hip-hop.  Pierre Bourdieu, dans son ouvrage La distinction, fait une dissociation entre la “culture légitime”, celle valorisée par les élites et la “culture populaire”, les pratiques culturelles des classes populaires. Diddy, avec Bad Boy Entertainment, s’est positionné en tant que vecteur de cette culture populaire, en rejetant les normes de la culture légitime de l’industrie musicale. En empruntant les codes de la culture de rue, il a permis à la musique hip-hop de se faire une place dans le paysage mainstream.  Alors que les médias de masse refusent de diffuser du rap, Combs mise sur la culture populaire afin de construire une symbolique propre à cette culture et un lien authentique avec le public. Le label Bad Boy devient ainsi un exemple de contre-culture qui réinvente les codes sociaux et culturels.  Chez Bad Boy Entertainment, le buzz et l’effervescence générés par ces street teams étaient immanquables, en particulier en raison de la rivalité avec d’autres maisons de disques comme Death Row Records, produisant des artistes comme Tupac et Snoop Dogg . Les membres des street teams affichaient une forte revendication d’appartenance à leur groupe, ce qui rendait cette forme de communication d’autant plus efficace car ils promettaient une identité et l’appartenance à une communauté. De plus, les street teams de Bad Boy records s’adressaient directement aux jeunes afro américains et aux amateurs de rap dans des espaces ciblés. Cela leur permettait de capter l’attention d’un public clé de manière plus personnelle, ce qui augmentait les chances de succès.  Diddy a également été l’un des instigateurs dans la création d’une image de marque personnelle dans le hip-hop (personal branding), une stratégie qui a transformé l’image d’un simple musicien en une icône de la culture. Des figures comme The Notorious B.I.G peuvent en témoigner, il n’a pas seulement mis en avant leur musique, mais a également cultivé des récits et des images qui résonnent encore profondément aujourd’hui dans la culture populaire. Le style vestimentaire est un élément distinctif de Bad Boy Records, qui a solidifié l’image de marque du label. Source : Shooting promotionnel pour « Bad Boy Entertainment », 1994, avec P. Diddy, The Notorious B.I.G., Faith Evans et Craig Mack.  Les couvre-chefs de Biggie, comme les casquettes Kangol ou les chapeaux plus imposants, faisaient également partie de ce style unique. À une époque où le hip-hop gagnait en importance, ces accessoires renforçaient l’originalité et la force de son personnage. Ce choix, qui s’écartait des codes établis, permettait d’associer à Biggie une apparence facilement reconnaissable .  L’adoption du style “oversize” a aussi marqué l’identité visuelle de Bad Boy Records. Ce style, adopté par les artistes de Bad Boy, évoquait une attitude rebelle et libre, ancrée dans l’expérience de la rue. En intégrant ces éléments visuels, Diddy façonnait une image qui reflétait les valeurs de liberté et d’authenticité. Ses artistes étaient ainsi perçus comme des représentants d’une nouvelle génération, apportant une voix et une esthétique à une culture en plein développement.  La mythologie de Christopher Wallace : The Notorious B.I.G Source : New York Daily News Archives Dans le documentaire Netflix, Biggie : I Got a Story to Tell (2021), Diddy décrit The Notorious B.I.G, comme une icône intemporelle. Il déclare ceci : “This guy, I don’t know where he came from with his cadences, with his rhythms, with his sound, with his approach, with his confidence. You have no origins for what planet this guy came from…”  Cette représentation mythique du rappeur fait écho aux théories de Roland Barthes autour desquelles il façonne son ouvrage “Mythologies” (1957) , pour qui le mythe est un outil véhiculant une idéologie dans les sociétés modernes.  Mais quelle idéologie véhicule B.I.G ? En grandissant dans un quartier sensible de New York, Biggie incarne l’espoir pour les hommes afro-américains, d’une émancipation par l’art ainsi que le pouvoir d’une élévation sociale peu importe le passé. Biggie représente l’ascension sociale pour toute une communauté, devenant ainsi un symbole de résilience et de réussite. En érigeant Biggie en légende, Diddy perpétue un modèle de réussite qui fait écho aux réalités et aspirations de nombreux Afro-Américains.  Les signes cachés derrière la pochette de l’album Ready to Die de B.I.G Source : Couverture de l’album Ready to Die, 1994.  « I love it when you call me Big Poppa…” Cette phrase ne vous est sûrement pas inconnue ; en effet, elle fait partie d’un refrain qui a fait danser de nombreuses générations, celle de nos parents mais également la nôtre. Issue du titre “Big Poppa” , elle figure sur l’album, “Ready to Die” , de The Notorious B.I.G. Bien que ce projet soit maintes fois sacré, ce n’est pas uniquement son aspect musical qui fait sa singularité, mais aussi les visuels de l’album. La pochette de l’album Ready to Die de Biggie marque les esprits en 1994 avec l’image d’un bébé en couverture.  Ce contraste, frappant pour l’époque, se prête à une lecture sémiotique. Il est donc évident que chaque image porte en elle des signes, un langage visuel qui va plus loin que la simple apparence afin de véhiculer des significations profondes, parfois cachées. Analysons-les :  Cette juxtaposition vie-mort visible à travers l’opposition entre un nouveau-né et le mot « die, »est un message complexe où l’innocence de l’enfant confronte la dure réalité de la vie afro-américaine. La figure de l’enfant incarne également l’innocence perdue, un concept central pour le label Bad Boy, symbolisé par son logo représentant un enfant en rébellion contre le système américain. Ce logo est marqué par des détails comme la casquette inclinée sur le côté, soulignant cette attitude dès le plus jeune âge. L’usage du fond blanc, en arrière-plan, peut également être interprété comme une allusion au contexte systémique d’inégalités raciales. La coiffure Afro de l’enfant peut être perçue comme une affirmation forte et fière de son appartenance à la communauté noire.  La pochette de Ready to Die devient ainsi un message visuel percutant, engageant le public autour de questions socio-culturelles essentielles. Le renouveau stratégique de Sean Combs : redorer une image ternie Source : Publications Instagram de Diddy : 21 juillet 2024, 26 juillet 2024, 15 octobre 2024.  Dans La mise en scène de la vie quotidienne, le sociologue américain Erving Goffman écrit : « Tous les jours, dans tous les rapports sociaux, chacun de nous présente aux autres des images de soi qu’il espère les voir confirmer. ». Il décrit la société comme un théâtre ou les individus jouent des rôles et utilisent des masques pour gérer leur interactions sociales.  Dans le cas de Diddy, c’est sur les réseaux sociaux qu’il façonne une nouvelle image. Plutôt que de répondre directement aux accusations, il choisit de partager des moments tendres en famille, montrant par exemple des photos de lui endormi paisiblement avec sa fille dans une posture protectrice, ou encore des clichés mettant en avant uniquement ses filles, illustrant son amour inconditionnel et sa dévotion de père. Si l’on suit la théorie de Goffman, cette stratégie est une manière de « recadrer » la situation, c’est-à-dire de redéfinir l’image que le public se fait de lui. Ainsi, plutôt que de voir un homme accusé, le public découvre un père aimant, incapable de mal sur les femmes..  Ce « recadrage » aide Diddy à influencer l’opinion publique en montrant un côté attendrissant de sa personnalité, ce qui peut encourager les gens à percevoir la situation autrement et, parfois, à modérer leurs jugements.  Cette approche, typique de l’ère des réseaux sociaux, montre comment la gestion de crise peut désormais passer par une mise en scène minutieuse de soi, où chaque image et chaque message public est choisi pour créer un effet de résonance avec les attentes et les valeurs du public, offrant ainsi une nouvelle interprétation des événements. Cependant, il est difficile d’envisager de nouvelles interprétations dans ce cas, car les vidéos révélées par la chaîne américaine CNN le 17 mai 2024 montrant les agissements de Sean Combs sur son ex-compagne Casandra Ventura laissent peu de place à l’ambiguïté. Ces images révèlent clairement des actes de violences conjugales, qui doivent être jugés avec fermeté par la justice et le grand public.  Le parcours de Sean Combs révèle ainsi les dualités de son empire : d’une part, une capacité visionnaire et sa contribution à l’élévation de la culture hip-hop au rang de phénomène mondial, d’autre part, un personnage problématique dont l’image publique se heurte aujourd’hui à des accusations graves. En se penchant sur les stratégies de communication de Diddy, nous découvrons l’habileté de ce dernier à manipuler son image et celle de ses artistes pour toucher le cœur du public, même au détriment de la réalité. Ce qui lui confère le titre de roi de la communication et criminel.  Cette façade médiatique ne peut éternellement masquer les vérités sombres dont il est coupable. Cette affaire invite donc à repenser l’impact des stratégies de personal branding sur notre perception des figures publiques et à questionner la place des médias dans la glorification de ces personnages. Eden Nsimba
Culture

Angélica Liddell et son jardin d’Eden profane, la provocation comme une arme discursive ? Aperçu sur Dämon, El funeral de Bergman

Source : sceneweb.fr – Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon Liddell, une artiste polémique  Angélica Liddell, qui ne cesse de faire parler les théâtreux depuis quelques années, est une comédienne, metteuse en scène, auteure et performeuse espagnole. À travers ses spectacles entre performance et théâtre, elle fait vivre une forme d’ expérience limite à son public en lui proposant des œuvres sombres et révoltées. Exposant sa souffrance intérieure, elle s’insurge contre les spectateurs et leur présente des images crues, mettant en scène la violence du monde. Seule face à la salle, prise dans une logorrhée enflammée à leur égard, voilà peut-être le moyen d’illustrer le rapport d’A. Liddell à son public. Tandis que certains admirent le geste artistique, d’autres le trouvent scandaleux et allument la mèche à leur tour. Les critiques à propos de l’artiste sont contrastées et ne trouvent que peu de compromis. Le Monde constate : un « avis critique nuancé est par avance disqualifié à son sujet ». Connue pour sa radicalité et son esthétique du dérangement, Liddell divise et fait couler l’encre autant en louanges qu’en injures.  Une esthétique du choc Prônant l’esthétique du choc, l’artiste metteuse en scène prend le parti de secouer son public et de le confronter à une provocation quasi incessante. Cette dernière peut être vue comme un moyen de questionner des tabous, des non-dits passés depuis longtemps dans l’oubli du silence ou bien des thèmes sur lesquels on ferme souvent les yeux. Ses actions sont souvent théâtralement outrancières : elle n’hésite pas à se laver le sexe au centre du plateau, avant de jeter des gouttes d’eau du lavage sur les murs du Palais des Papes d’Avignon ou bien en direction des gradins. Son penchant pour les images fortes, brutales et provocantes fait parler d’elle, peut-être en suivant une stratégie de communication polémique mais qu’en est-il de ce qu’elle donne au public ? La provocation, lancée comme un défi, pousse à la réaction, ce qui explique le manichéisme des retours. Si le but d’A. Liddell est de réveiller le spectateur assagi, son succès est au rendez-vous. Cette esthétique du choc permet définitivement de ne laisser personne de marbre, ce qui est un premier accomplissement au vu de la violence de l’actualité qui semble parfois perdre de son retentissement.  Bien qu’elle soit décrédibilisée par certains et vue comme une sorcière tourmentée ressassant les mêmes formats de spectacles, elle trouve chez d’autres une caisse de résonance. Elle reprend elle-même le terme de « sorcière » employé par des journalistes critiques pour se qualifier lors d’un réquisitoire impétueux dans son dernier spectacle, Dämon, El funeral de Bergman.  Dämon, El funeral de Bergman Elle ouvre presque ce spectacle par une lecture de son carnet de scène où elle a noté des citations de critiques virulentes issues de médias divers ; cette lecture étant ponctuée de sa réponse à ces journalistes. Ce retour théâtral sur les articles critiques est surprenant et inverse le processus habituel, mettant les auteurs de la presse sous le feu des projecteurs médiatiques. Cette provocation initiale donne le ton à la suite du spectacle. Si ces irrévérences parfois obscènes et profanes apparaissent pour tous ceux qui s’en offusquent comme étant gratuites, les images scénographiques proposées par A. Liddell sont réfléchies et convoquent un univers quasi inconscient touchant directement le cœur sensoriel de nos perceptions. Son corps nu de femme qui n’est plus dans sa première jeunesse, enveloppé dans une robe de chambre blanche et exposé sur fond rouge, n’est pas le corps parfait qui est d’habitude exposé. Les corps des personnes âgées ou les parties génitales d’hommes ne sont pas des objets considérés comme esthétiques par la majorité mais Liddell incorpore ces éléments dans un tableau parfaitement agencé qui en appelle à la fois à la beauté mais aussi à une sphère plus intellectuelle. Le plateau de la metteuse en scène agit à la manière de la « machine cybernétique » théorisée par R. Barthes à propos de la théâtralité, comme une épaisseur de signe, une polyphonie informationnelle dont le signe est l’agrégat réalisé par le spectateur de tous les éléments dispersés.  Sémiotique de la scène Source : Les Echos Le rouge du deuil papal habille les murs et le sol de la salle, faisant écho dans un même mouvement au sacré de la papauté et aux enfers. Couleur du sang, couleur de la passion, couleur à double-tranchant, l’espace déjà est signifiant. À la manière de la théâtralité barthésienne, le théâtre n’est plus texte mais devient acte. La scène s’instaure en espace de jeu et de sens, se définissant comme une épaisseur de signes et de sensations. À ce titre, les éléments scéniques sont à analyser dans l’ensemble qu’ils forment pour vivre pleinement l’expérience sémiologique que propose l’artiste. Angélica Liddell crie, chante, n’hésite ni à utiliser toutes les tonalités qu’elle peut atteindre, ni à monter le son de la musique au plus fort, obligeant presque son auditoire à prendre en considération ses sensations et à ouvrir sa sensibilité. Au-delà de la dimension haptique, Liddell fait appel à une mythologie puisant ses racines dans la religion chrétienne, permettant une compréhension de ses images à un niveau au moins ouest-européen. Un avatar de Pape est présent sur scène, bien vite rejoint par une figure du diable et des femmes nues. Entre les corps de ces femmes nues, des hommes croquent des pommes. Bien qu’anecdotique dans le déroulé du spectacle, ce détail ne manque pas de suggérer une lecture revisitée du péché originel. Un spectateur réceptif remarquera que, plongée dans une sacralité manifeste et qu’elle revendique, A. Liddell profane le sacré de l’Église au prix d’un sacré scénique. En effet, cette mise à mal du sacré par un prosaïque cru place les deux sur un plan d’égalité, leur conférant une valeur particulière sur l’espace de la scène. Dans un autre tableau, un ballet de fauteuils roulants mêle vieux et jeunes acteurs, offrant une image du cycle de la vie et surtout de son éphémérité, plaçant le vieillissement et la mort au cœur du spectacle. Bien que cela ne soit jamais explicitement dit, chacun le comprend et les critiques tirent tous cet axe de son spectacle. A. Liddell ne semble pas avoir besoin des mots, qu’elle utilise d’ailleurs très peu, pour parler. Elle choque les sensibilités pour s’assurer que son travail n’est pas reçu passivement mais bien interprété sensoriellement et intellectuellement.  En demandant à ses acteurs en costard de venir sur le devant de la scène baisser leurs pantalons et bouger leur sexe ou se claquer les fesses, Liddell met sous les feux de la rampe des choses intimes que l’on regarde comme un tabou. Elle questionne ainsi son public : pourquoi ces images vous choquent-elles ? La provocation de Liddell permet l’interrogation, jusqu’à peut-être se demander pourquoi payer si cher pour venir voir des hommes se dénuder de manière grotesque. Son approche provocatrice repose sur la démarche d’exposer les conventions, les absurdités et les stéréotypes ancrés dans nos idiomes internes. Angelica L. pousse à bout les stéréotypes afin de mettre en scène leur violence : un aveugle peint en rouge joue le diable tandis qu’une naine prend la figure du freak. Ces choix d’acteurs hors-normes placent les spectateurs en face de la violence des mots ou des comparaisons qu’ils peuvent employer au quotidien. Elle redonne ainsi une visibilité à des violences oubliées sous forme directe de provocation, réalisant elle-même le cliché contre lequel elle lutte. Elle incite dès lors son spectateur à faire comme elle, briser les normes implicites et les images stéréotypées pour entrer en confrontation avec le monde, la provocation appelant la provocation.  Choquante, dérangeante, impertinente, la provocation de Liddell propose des images franches qui amènent son public à sortir de sa passivité et à chercher le sens de l’œuvre qu’ils regardent. Angélica Liddell force la réaction et, par là, qu’elle soit acceptée ou refusée, il est possible de dire que cette forme de dialogue est efficace dans la mesure où elle obtient une réponse.  Pour aller plus loin :  Roland Barthes, « Littérature et signification », Essais critiques. 1963 Le Spectacle expliqué par l’Odéon : https://www.theatre-odeon.eu/fr/damon-24-25 Rendez-vous au prochain spectacle pour en découvrir plus sur Angelica Liddell… Sources : Articles critiques  : Le Monde. « Dämon. El funeral de Bergman », au Festival d’Avignon : le don de soi vengeur d’Angelica Liddell. https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/06/30/damon-el-funeral-de-bergman-au-festival-d-avignon-le-don-de-soi-vengeur-d-angelica-liddell_6245537_3246.html L’oeil d’Olivier. « Dämon », L’egotrip auto-suicidé d’Angelica Liddell. https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&opi=89978449&url=https://www.loeildolivier.fr/2024/06/damon-angelica-liddell-avignon/&ved=2ahUKEwj8icXt4eCJAxVhTaQEHRUIDicQFnoECBwQAQ&usg=AOvVaw3cjfpQwovkYuqNrKUvaert ArtCena. « DÄMON » : Angélica Liddell incendiaire du Palais des Papes. https://www.google.com/url?sa=t&source=web&rct=j&opi=89978449&url=https://www.artcena.fr/magazine/critiques/damon-angelica-lidell-incendiaire-du-palais-de-papes&ved=2ahUKEwj8icXt4eCJAxVhTaQEHRUIDicQFnoECCIQAQ&usg=AOvVaw1_m5_rTsoIGGXnH6AA3-EM Sceneweb. Dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, les redites amères d’Angélica Liddell. https://sceneweb.fr/damon-el-funeral-de-bergman-dangelica-liddell/ Héloïse Durand
Culture

Comment les plateformes en ligne, des sites internet aux réseaux sociaux, ont-elles pu permettre l’émergence d’artistes musicaux…pour le meilleur et pour le pire ?

Les années 2000 puis 2010, marquées par un enracinement progressif et final d’Internet dans nos quotidiens, ont vu l’avènement de plusieurs plateformes en ligne et de réseaux sociaux qui sont devenus des lieux de partages musicaux et, de ce fait, de véritables tremplins pour les artistes émergents. Voici un petit tour d’horizon de ces plateformes musicales.
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Culture

Comment lire est (re) devenu cool ?

Disclaimer : même si ça l’a toujours été ! Ce papier est publié dans le cadre du concours d’article proposé par FastNCurious en 2022 sur le thème « Représentations ». Chjara Ciavatti, son auteure, a remporté le prix du meilleur article.
© Bilal Berkat
Culture

Arcs-en-ciel sur petit écran : une histoire de la représentation des LGBTQ+

En juillet 2020, Netflix décide d’annuler sa production If Only qui devait se réaliser  en Turquie et s’articuler autour d’un personnage central homosexuel. Le Haut Conseil audiovisuel turc avait sommé la firme américaine de censurer la figure gay de la série, ce que Netflix a fermement refusé. Face à une telle résistance, le géant de l’audiovisuel a donc préféré étouffer son projet dans l’œuf. Cet acte fort remet en  perspective la question de la représentation des personnes LGBTQ+ dans les séries. On vous prépare donc un zapping des séries emblématiques qui ont mis en  lumière le spectre LGBTQ+. Installez-vous confortablement dans votre canapé, télécommande en main, et préparez-vous à binge-reader cet article.