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Société

L’expérience médiatique, hic et nunc

 
Notre rédactrice Margaux Putavy s’est livrée à une analyse des enjeux de l’expérience médiatique aujourd’hui, en nous éclairant sur l’aspect davantage transmédiatique que cross-médiatique – une réflexion sur nos écrans, à travers l’exemple du dispositif transmédiatique mis en place dans le cadre de l’émission Master Chef.
Avant, on regardait des émissions comme Master Chef, passivement, le mercredi soir. Et puis on attendait la semaine suivante, pour reprendre l’aventure là où on l’avait sagement laissée. Pour patienter, on pouvait, au mieux, revivre l’émission en replay, ou bien se découvrir une passion subite pour d’autres programmes dans la semaine. Mais ça, c’était avant.
En effet, les contenus médiatiques jusque là cantonnés aux médias traditionnels, et plus particulièrement la télévision, envahissent désormais tout notre univers quotidien. Rares sont aujourd’hui les émissions dont l’influence se limite aux 120 minutes de diffusion. Il est bien plus fréquent, et bien plus efficace, de concevoir des programmes susceptibles de se décliner en différents formats. En d’autres termes, on ne peut plus nier qu’il n’est absolument plus pertinent de penser les différents médias indépendamment les uns des autres. Mais alors pourquoi ? Ou, plus exactement, pour quoi ? Quelles sont les conséquences, pour les téléspectateurs et leur consommation des médias de telles approches transmédiatiques ?
Reprenons le cas de Master Chef qui, à plusieurs égards, s’avère être particulièrement emblématique de cette tendance. Le 28 août 2013, peu avant le lancement de la saison 4, le site MYTF1 dévoilait le « dispositif digital exceptionnel » mis en place autour de l’émission. Du livre à la tablette, en passant par la presse magazine, les mobiles, le site web, les IPTV, nombre de supports ont donc été mobilisés et mis en relation. Le site MYTF1, par exemple, proposait un « Défi Master Chef » qui, lors de chaque diffusion, récompensait quelques téléspectateurs chanceux et perspicaces ayant donné leur avis sur les créations culinaires ou ayant deviné quel candidat subirait le « test sous pression ». De la même manière, les pages Facebook et Twitter de l’émission, grâce au hashtag #MaSoiréeMasterChef, permettaient aux internautes d’organiser leurs propres soirées MasterChef en mettant à leur disposition une recette de l’émission en avant-première, une boite à outil composée d’ingrédients ludiques, des éléments pour habiller leur table, des grilles de Bingo et en leur donnant l’occasion d’échanger leurs astuces sur les réseaux sociaux. Enfin, les téléspectateurs ont également pu se procurer en kiosque le MasterChef Mag et en libraire cookbook de la nouvelle saison ainsi que le coffret MasterChef Pâtisserie.
L’idée est de proposer, bien plus qu’une simple émission de télévision, une véritable « expérience » MasterChef. Déjà lorsque le terme de transmédia est employé pour la première fois par Henry Jenkins en 2003, il s’agit d’associer plusieurs supports afin d’étendre un univers. Ainsi, en créant un contenu exclusif et original pour chaque support, l’on ne se contente plus d’adapter un même format pour divers écrans, comme c’était par exemple le cas avec le replay qui permet de revoir la même émission mais sur l’ordinateur. La télévision ne peut donc plus se contenter d’envisager le web et les autres médias comme des plateformes de rediffusion et de promotion. Il est maintenant nécessaire d’aller au-delà du cross-média puisque le transmédia, lui,  génère une expérience qui se veut unique, enrichie et presque complète.
De cette manière, le contenu médiatique est fragmenté et devient ainsi accessible partout, tout le temps, de toutes les façons possibles. Ce fait est révélateur de la mutation que connaît aujourd’hui toute la culture numérique, au sens où l’entend Milad Doueihi dans son ouvrage Qu’est-ce que le numérique. Autrefois culture assise, culture « de la chaise » même selon Mauss, elle a su s’adapter à la mobilité qui caractérise nos sociétés occidentales. Les contenus médiatiques sont alors entièrement intégrés dans la quotidienneté et notre rapport au temps et à l’espace s’en trouve d’ailleurs modifié. Si le rendez-vous télévisuel hebdomadaire, vécu dans l’intimité du foyer, a pu représenter un rituel, on tend aujourd’hui à privilégier une certaine hybridation des repères spatiotemporels : l’espace numérique investit l’espace traditionnel et l’expérience médiatique se diffuse dans des temps plus inhabituels.
De la même façon, le digital donne implicitement au corps une place centrale dans l’expérience médiatique. Les tablettes et les Smartphones réintroduisent le toucher au sein même du numérique. Ainsi, le transmédia acquiert une valeur sensorielle et les programmes télévisuels prennent pour le téléspectateur une nouvelle dimension, ils se trouvent bel et bien enrichis et gagnent en relief. Cette prégnance du toucher prend une valeur toute particulière dans le cas des émissions culinaires. MYTF1 annonce « Du tablier à la tablette » ; on peut aller plus loin. La plupart des applications mises en place encouragent le téléspectateur à tester lui-même les créations gastronomiques montrées à l’écran ou conseillées par d’autres internautes. Dans un mouvement dialectique, il s’agit alors d’enfiler soi même un nouveau tablier, de dépasser et d’accomplir le contenu médiatique en lui conférant une application tangible et matérielle. Et c’est peut être à ce moment précis que la médiation remplirait à merveille son rôle : par écrans interposés, elle se contenterait de transmettre les gestes des professionnels et des candidats vers les téléspectateurs anonymes. Si le concept de télé-coaching misait déjà sur cette idée de mise en application de conseils pratiques, le transmédia resterait le meilleur moyen d’impliquer les téléspectateurs et d’insuffler aux médias traditionnels un véritable souffle de dynamisme.
Mais le transmédia ne concerne pas uniquement l’extension de l’expérience médiatique dans le temps et dans l’espace. Même pendant la diffusion des programmes, plusieurs facteurs concourent à complexifier l’expérience des téléspectateurs. Nombreux sont ceux qui s’évertuent à commenter, en direct, les émissions qu’ils visionnent sur les réseaux sociaux, les exemples les plus probants étant la diffusion du Super Bowl en 2012 qui a engendré plus de 30 millions d’interactions ou les épisodes de « The Voice » qui s’accompagnent d’environ 300 000 tweets chaque samedi. Ce genre de pratique devient un véritable enjeu pour les entreprises médiatiques. Une étude de 2012 révèle en effet que 65% des Français souhaitent que la télévision laisse plus de place aux téléspectateurs. De même, 41% des Français assurent qu’un commentaire posté pendant une émission peut leur donner envie de regarder ladite émission et cette proportion atteint 48% chez les 18-34 ans. Engager les téléspectateurs en temps réel devient alors une priorité, d’autant plus que la télévision, reconnue comme média particulièrement émotionnel, s’y prête à la perfection. Pour ce faire, la solution la plus efficace est de proposer à chacun une expérience unique, en d’autres termes de faire de chaque téléspectateur le co-créateur du contenu médiatique. C’est ainsi que Benoît Vidal, Chief Digital Officier chez MFG labs, distingue trois solutions pour personnaliser les expériences télévisuelles. Tout d’abord, il cite le Social Datatainment qui consiste à encourager les commentaires sur les réseaux sociaux à l’aide des hashtags. Ensuite, il s’attarde sur le Core Datatainment en insistant sur le second écran qui permet, à un moment précis, d’enrichir voire d’augmenter la narration. Enfin, la personnalisation atteint son paroxysme avec le Full Datatainment qui intègre le navigateur dans le téléviseur et transforme ainsi le second écran en télécommande intelligente. De cette manière, chaque téléspectateur lambda, devant son poste, devient un acteur essentiel et générateur de sens inédit. Cette autre expérience transmédiatique rend ainsi les programmes bien plus stimulants et attractifs.
Bien évidemment, certains programmes se prêtent plus à ces pratiques de « live tweets » que d’autres. Il s’agit de la téléréalité, des manifestations sportives et des shows du type « The Voice », dont le caractère spontané et propice aux rebondissements et coups de théâtre invite au commentaire. Mais alors, qu’en est-il de la fiction ? Les séries américaines diffusées à la télévision risquent bien de perdre peu à peu de leur pertinence dans la mesure où il est désormais tentant et très aisé de les visionner bien en avance sur Internet. La fiction à la télévision doit alors tout faire pour conserver son statut d’événement immanquable. Certaines expériences démontrent que la solution a peut être un nom et qu’elle s’appelle, une fois de plus, « transmédia ». La chaîne D8 par exemple a lancé en décembre 2013 la série What Ze Teuf dont l’intrigue était déterminée par les internautes sur Twitter. Après chaque diffusion, les téléspectateurs disposaient ainsi de quelques heures pour imaginer des péripéties que les acteurs s’efforçaient de tourner dès le lendemain mettant ainsi en place une stratégie originale et participative. Mais la télévision n’est pas la seule à s’emparer du transmédia. L’univers du jeu vidéo permet aussi de penser une « fiction totale », comme le suggère Eric Viennot, fondateur de Lexi-Numérique. Il présente sa création, In Memorium, de la façon suivante : « Les joueurs achetaient un CD-rom, puis devaient se connecter à Internet pour chercher des indices et contribuer à l’enquête de la police. Les internautes se retrouvaient sur des forums pour résoudre les énigmes du jeu. L’un des moments les plus trépidants survenait lorsque le joueur recevait en pleine nuit un message du tueur en série sur son téléphone portable. Réalité ? Fiction ? ». Un tel « jeu de réalité augmentée » allie savamment jeu vidéo, Internet, mobile et s’appuie plus que jamais sur une dimension communautaire.
Ces derniers exemples mettent ainsi en lumière l’exceptionnel potentiel des phénomènes transmédiatiques. Si les écrans sont encore bien présents et perceptibles, il est fort probable qu’à terme ils tendent à s’effacer au profit de nouvelles technologies telles que les Google Glasses. Toujours est-il que l’objectif reste le même, à savoir proposer des expériences sensorielles toujours plus abouties. Si ces expériences sont bien virtuelles, il faut maintenant plus que jamais souligner qu’elles n’en sont pas pour autant irréelles, seulement informatiquement simulées. En établissant cette distinction primordiale dans son ouvrage L’Etre et l’Ecran, Stéphane Vial nous invite à nous interroger sur le statut de telles expériences qui semblent, par leur caractère totalisant, se fondre dans notre réalité la plus banale. Finalement, la question du transmédia n’est-elle pas plus large qu’elle n’y paraît ? N’est-elle pas autant une réflexion sur les écrans et les médias qu’une méditation sur ce que nous appelons encore notre réalité ?
 
Par Margaux Putavy
Sources
Éric Viennot et Xavier de la Vega « Entretien avec Éric Viennot : « Vers une fiction totale » », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines 3/ 2012 (N° 26) p. 39-39
FranceCulture

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Société

Le tout interactif : mythe ou réalité ?

 
Deux rédactrices se sont penchées sur une approche davantage culturelle et symbolique, en analysant les imaginaires liés aux questions du cross-média et du transmédia. En abordant notamment les problématiques de participation, d’interaction et d’interactivité.
Que nous dit l’essor des campagnes cross-média et transmédia de notre rapport aux médias ? La promesse d’interaction et de création de communauté est-elle tenue dans ces types de campagnes ? En effet, dans ces deux cas, les communicants recherchent une plus grande interactivité avec leur public. Ainsi, dans la campagne de Skip (1), la marque a voulu instaurer un dialogue avec les parents – et particulièrement les mamans – en leur proposant un jeu-concours photo. Skip met alors sur pieds une véritable histoire, à laquelle les parents sont invités à prendre part. Ces trois aspects, recherche d’interaction, gamification et interaction fondent le transmédia. Le cross-média, rappelons-le, est la superposition et l’interactivité de différents médias pour transmettre un message quand le transmédia crée un univers qui se déploie sur chaque média.
L’interactivité entraîne-t-elle de l’interaction ?
Pour éclairer la notion d’interactivité, étudions la définition de ce terme qui reste floue et pose problème (2). En revenant aux acceptions premières, on ne peut que constater la dimension technologique puisque le mot vient du monde informatique. « Interactivité » signifie premièrement les possibilités conversationnelles des technologies, liées à l’apparition des « machines à communiquer » de l’ingénieur et théoricien français Pierre Schaeffer. Le terme se rapproche du lien entre homme et machine, autrement appelé cybernétique.
Dans une campagne cross-média, les communicants recherchent, par le croisement des différents médias, le dialogue avec les consommateurs. Cela est rendu plus aisé avec l’apparition d’Internet qui accroît les possibilités d’interactivité entre l’homme et la machine, et donc entre le consommateur et la marque. En somme, il y a bien une interaction entre les différents médias, puisque ceux-ci sont liés les uns aux autres pour guider le consommateur.
Si aujourd’hui le terme d’interactivité a acquis un sens plus vaste, désignant également la coopération entre divers systèmes ou êtres, il n’en reste pas moins qu’il faut garder à l’esprit la connotation technologique de ce terme. Or, cette interactivité entraîne-t-elle un lien réel dépassant la « conversation » homme/machine ?
En somme, le lien recherché par les communicants permet-il une réelle interaction ?
Plus qu’interactivité, le terme d’interaction signifie une réciprocité des éléments les uns sur les autres, qui entraîne toujours des effets. En médecine par exemple, on peut citer les effets indésirables d’une interaction médicamenteuse. Pour le sociologue et philosophe français Edgar Morin, une interaction est « un échange entre deux entités sociales (…) modifiant le comportement ou la nature de ces éléments (…) en présence. ». La question est donc : lors de campagnes cross-médias ou transmédia, assiste-t-on à un réel échange, avec les effets qui s’ensuivent ?
Le mythe de l’interaction fonde les actions dans le cadre d’une campagne de cross-média. Les communicants cherchent à être en lien avec le consommateur le plus régulièrement possible. Ainsi, des relations sont créées entre les différents médias pour suivre le potentiel consommateur tout au long de sa journée. L’interactivité entre les différents médias prend donc le pas sur l’interaction entre le consommateur et la marque. L’interaction n’est donc pas recherchée pour elle-même mais simplement pour mieux connaître les envies du marché. En somme, les publics ne sont pas perçus comme des entités douées de réflexion mais bien comme des parts de marché à conquérir. Il s’agit davantage de susciter l’intérêt que d’engager un réel dialogue. En ce sens, on ne peut pas réellement parler d’interaction.
Le cas du transmédia est différent. Puisqu’il invite le fan d’une série à interagir avec la plateforme de jeu et à faire avancer l’histoire à son rythme, on peut parler d’interaction. L’échange entre l’homme et la machine a des conséquences, parfois même jusqu’à influencer la suite de la série. Notons enfin que les fans peuvent se réunir autour du jeu qui fait partie de la « recherche d’univers fictionnel complet » (3). Cela peut donc nous amener à nous demander si ces fans ou ces publics visés composent de véritables communautés.
Publics ou communautés ?
Transmédia et cross-média sont souvent désignés par l’expression de stratégie 360°. Une référence pertinente à la vision circulaire qu’impliquent ces deux pratiques. Il est tout à fait plausible d’imaginer l’individu au centre, entouré de ses différents terminaux en prolongement de son corps. Ceci dans un souhait de délinéarisation des contenus et d’interactivité.
Transmédia et cross-média passent, certes, par des moyens technologiques qui semblent, toutefois, tenir à se faire oublier au profit d’un contenu amélioré et de plus en plus personnalisé. Par ailleurs, ces mêmes moyens, par leur diversité, constituent différents points d’entrée qui permettent d’élargir les cibles et d’apporter un regard neuf voire complémentaire. En effet, chaque média est caractérisé par un contrat de lecture particulier, négocié avec son destinataire, une manière d’être regardé, consommé, utilisé.
Là où traditionnellement la télévision, à titre d’exemple, se destinait à être regardée dans un contexte familial, organisait les espaces domestiques et s’efforçait à fidéliser un presque public, non attentif, insaisissable, détenant le pouvoir au bout de sa télécommande. Cet usage de la démultiplication de supports s’applique, désormais, à susciter de l’implication et de l’engagement jusqu’à la création de communautés. Le simple public est encouragé à réagir, participer, interagir et relayer. Parfois, il est amené à faire tout ceci simultanément. En ce sens, les moyens technologiques à disposition de la plupart d’entre nous augmentent ces possibilités et nous y exposent, soit régulièrement, soit de manière plus ponctuelle.
Henry Jenkins, l’un des premiers observateurs de ce changement, tout d’abord survenu dans les cercles de fan-fiction, désigne cette tendance de « culture participative », portée par des communautés de consommateurs invitées à participer activement à la création et circulation de nouveaux contenus (la création étant plus adaptée au cas du transmédia) – des communautés sans co-présence, déverticalisées et virtualisées au même titre que les contenus. Celles-ci se distinguent du public également par la dimension dialogique qu’elles entraînent : on peut y retrouver de la sociabilité ou de l’entraide. On assisterait même à l’émergence de certains codes de comportements sensés organiser les relations au sein de celles-ci.
L’interactivité est le maître-mot sensé convertir le spectateur en spec’acteur, inspiré des pratiques marketing appliquées aux marchandises. Les produits culturels tentent, en outre, de s’imposer de la même manière, l’objectif étant toujours d’impacter le plus largement possible, de susciter l’intérêt, de le conserver, de le nourrir et éventuellement de le transformer en viralité.
Cependant, cette promesse d’interactivité est-elle toujours tenue ? Cette sur-sollicitation, renforcée par la diversité des supports ne se risque-t-elle pas d’entraîner de la saturation ? Nombreuses sont les marques qui s’évertuent à développer du contenu participatif, déclinable sur tous supports, téléchargeable, adaptable, consultable de partout.
Faire partie d’une communauté d’amateurs d’un produit culturel ou de consommation est certes un sentiment apprécié. Encore faut-il que l’appartenance à des dizaines de communautés selon les différents centres d’intérêt ne soit pas une source de quémandage constant de participation, susceptible d’être lassant. Ce fantasme du tout participatif nourri par les créateurs de contenus, représente une réelle aubaine : des utilisateurs comme travailleurs d’un nouveau genre, sans rémunération !
 
Un article à quatre mains,
Salma Bouazza et Mathilde Vassor
(1) « Communiqué – Nouvelle campagne Skip : une opération de cross media entre Lagardère Publicité et TF1 Publicité »
(2) GUÉNEAU Catherine, L’interactivité : une définition introuvable, Communication et langages, n°145, 3ème trimestre 2005, pp. 117-129
(3) PAGNOL Rémi, « Le transmédia, ou la simultanéité de la réalité et de la fiction », 11 février 2014

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Société

L’Eurovision, boulet du service public ?

 
Remontons le temps et souvenons-nous de cette époque où l’Eurovision représentait encore pour nos parents un événement télévisuel à ne rater sous aucun prétexte. Cinquante-huit ans plus tard, ce qu’il en reste est une indifférence généralisée des Français à l’égard d’une soirée interminable et synonyme, depuis 1977, de défaites souvent cuisantes.
On voit ainsi l’audience diminuer de manière constante, le triste record étant l’an dernier de 2,7 millions de téléspectateurs (14% de parts d’audience), là où la finale de The Voice en réunissait 7 millions le même soir.
Aussi, c’est pour remédier à cela que France 3, diffuseur depuis 1999, tente cette année d’innover en faisant participer pour la première fois les téléspectateurs au choix du représentant tricolore. En effet, les votes des Français, via Internet ou par téléphone, compteront pour 50% de la décision finale, le reste revenant à un jury de professionnels. Si le but affiché est d’accroître la légitimité du chanteur choisi, il n’en demeure pas moins que l’enjeu est d’attirer et d’impliquer plus fortement de potentiels téléspectateurs. On a ainsi vu durant tout février, et à grands renforts de spots publicitaires, une large campagne de présentation des trois candidats et d’appel au vote sur la chaîne publique.

Malgré tout, il n’est pas sûr que cela soit vraiment efficace. En effet, en misant une fois de plus sur des jeunes talents – Joanna, Destan et les Twin Twin – l’organisation semble oublier que les audiences n’ont jamais été aussi bonnes que lorsque des chanteurs reconnus ont été choisis. C’était le cas notamment en 2009 avec Patricia Kaas et quelques 6 millions de téléspectateurs.
De plus, il semble qu’apparaisse un véritable effet pernicieux du système. Il faut dire qu’en s’exposant pendant plusieurs semaines à l’appréciation des téléspectateurs, le programme n’a fait que générer toujours plus de critiques, pour ne pas dire de moqueries, vis-à-vis des candidats et de leur niveau jugé désespérant. Face à cela, il est donc possible que les Français, avertis plus que jamais de l’impossibilité de l’emporter, ne décident de se détourner une fois de plus du programme.
Entre service public et public à servir, il est à craindre que France Télévisions ait encore du souci à se faire au soir du 10 mai prochain.
 
Grégoire Larrieu
 
Sources :
Forum Eurovision.fr
Site de France 3
Extraits vidéos des trois candidats

Fastncurious
Société

Cross-média et transmédia par FastNCurious

 
Introduction
Dans sa rubrique spéciale Dossiers, FastNCurious propose une troisième édition qui analysera les thèmes du cross-média et du transmédia sous différents angles d’approches spécifiques à l’enseignement du CELSA.
Notre consommation des médias aujourd’hui semble s’effectuer sur les modes de la convergence et de l’interactivité : dans quelle mesure médias traditionnels et nouveaux s’imbriquent-ils, se complètent-ils voire s’excluent-ils ?
Sommes-nous entrés dans une ère de consommation multi-écrans ? Les contenus s’additionnent, se superposent, s’imbriquent voire se délinéarisent sur des supports additionnels. Avec en guest stars, tablettes et Smartphones, des supports promus comme symboles d’une utilisation contemporaine des médias  qui favoriserait une expérience interactive, voire immersive pour leurs utilisateurs.
C’est au travers des notions de cross-média et de transmédia que nous allons étudier la question de l’utilisation des médias, leur appropriation et les stratégies mises en place par les professionnels de la communication, qui manient au quotidien ces outils médiatiques.
D’emblée, on constate une récurrence des discours sur les pratiques liées au transmédia, qui aurait remplacé son ancêtre conceptuel, le cross-média. Il convient d’éclaircir ces deux notions, qui sont souvent confondues : tandis que le cross-média serait ce qui met en jeu la superposition de messages sur différents supports, le transmédia aurait davantage à voir avec une expérience immersive, un storytellling déployé sur ces différents supports. Le transmédia contiendrait une valeur ajoutée qui enrichirait le contenu médiatique – bref, il serait question de prolonger une expérience médiatique (cf. la campagne transmédiatique de Lost  à travers « The Lost Experience », un jeu interactif conçu pour maintenir l’intérêt du public pendant l’intersaison de la série).

C’est cette « tendance » du transmédia qui va être analysée cette semaine par nos rédacteurs. Elle semble être l’une des dernières pratiques des éditeurs de contenu audiovisuel, et elle rejoint la question cross-médiatique de l’interactivité : interactivité des contenus médiatiques signifie-t-elle pour autant interaction et échange ?
Nos Curieux vont vous faire partager leurs analyses sur les questions de nos pratiques médiatiques qu’ils ont traitées de manière transversale. Lundi, nous analyserons sous l’angle marketing les stratégies cross-média et transmédia. Mardi, c’est via l’aspect symbolico-culturel que nous aborderons le thème du transmédia. Mercredi, nous verrons en détail les enjeux qui se cachent derrière les pratiques et les stratégies transmédiatiques. Jeudi, ce sera l’exemple Coca-Cola qui sera analysé à titre d’illustration. Enfin, vendredi, nous vous ferons part d’une analyse issue du travail de recherche de nos rédacteurs.
Bonne lecture !
Alexandra Ducrot
Pour La Rédaction

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mySOS
Société

mySOS : le digital (aussi) au service du social

 
La smartnomination a déjà contré cette idée reçue : non, les réseaux sociaux ne servent pas que des causes bêtes et méchantes ! L’application mySOS, entièrement gratuite, en est la preuve tangible. Lancée par le banquier d’affaires Bernard Mourad, elle est la conséquence directe d’un fait divers frappant : une dame âgée, victime d’une crise cardiaque, a tout juste le temps d’appeler le SAMU avant de s’écrouler. Elle ne le sait pas mais son voisin de palier est secouriste à la Croix-Rouge et sait pratiquer le massage cardiaque, un geste qui aurait pu la sauver. Et le constat est là : « il est dommage que nous soyons si bien connectés à distance, pour des motifs futiles comme Facebook ou Twitter, et si mal connectés avec les gens qui sont proches et sur les sujets critiques »  déclare le banquier qui développe l’application.

Face à une situation de détresse, mySOS déclenche en quelques secondes une alerte générale qui permet d’être rapidement secouru grâce à son réseau social de proximité, agissant dans un rayon de 3 km. N’importe qui peut s’inscrire en tant que personne ayant besoin d’être aidée (elle y enregistre sa fiche médicale : âge, groupe sanguin, pathologies, médecin traitant…) ou en tant qu’« ange gardien » capable d’apporter de l’aide…
Une initiative sociale à poursuivre !
 
Céline Repoux
Sources :
Huffingtonpost.fr
Croix-rouge.fr
Lesechos.fr
Crédits photo :
Forecimm.net

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Société

Marwan, Syrien et pas si seul

 
Le 17 février 2014, la journaliste américaine de CNN, Hala Gorani, a publié sur Twitter une photo de Marwan, réfugié syrien de 4 ans. On le voit entouré de représentants du HCNUR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés) qui l’ont ensuite pris en charge.
L’enfant a traversé le désert seul pour fuir le pays de Bachar el-Assad et rejoindre la Jordanie. Il aurait tenté de retrouver sa famille. Quelques heures plus tard, un représentant du HCNUR a répondu à la journaliste en confirmant que Marwan avait pu retrouver sa famille. En moins de 24 heures, la photo de ce courageux syrien a fait le tour de la toile et a été partagée plus de 7000 fois : l’émotion était au rendez-vous.
Mais l’ascenseur émotionnel est vite redescendu lorsque le lendemain, Andrew Harper, représentant du HCNUR en Jordanie, publiait à son tour une photo de Marwan. Sur celle-ci, on aperçoit le jeune garçon à l’arrière d’une foule de réfugiés. Il a bel et bien traversé le désert mais en compagnie d’une centaine d’autres réfugiés. Oups…
Andrew Harper tient donc a rectifier l’histoire : « He is separated – he is not alone » (1). La belle et émouvante histoire de la photo s’évapore et laisse place à un malaise.
La puissance de cette photo ne résiderait-elle que dans le cadrage ?  Jean-Luc Mélenchon ne nous dira pas le contraire !

Que retenir de cette image ?  Un message a clairement voulu être envoyé, tant par la publication par CNN de la photographie trompeuse, que par le relai des autres médias américains après la révélation de la supercherie. En effet, le Washington Post a publié un article le même jour de la révélation d’Andrew Harper,  intitulé : « That 4-years-old syrian refugee wasn’t alone, but his story is still heartbreaking » (2). Le quotidien américain rappelle que malgré cette erreur, la situation de Marwan est critique : le jeune garçon représente le million d’enfants forcés de quitter leur pays. Pour le Washington, ce n’est pas le manque de véracité de la photo qui change sa situation.
La question qui se pose alors est la suivante : les médias américains tentent-ils de légitimer une possible intervention militaire sur le territoire syrien ? Ils jouent la carte de la culpabilité et tentent peut-être de faire de cette photo le symbole d’un conflit et de décisions politiques.
Un air de déjà-vu
Ce ne serait pas la première fois, la force du photoreportage est indéniable : sans la photo prise par Nick Ut pendant la guerre du Vietnam de la jeune fille brûlée au Napalm, le conflit aurait peut-être duré beaucoup plus longtemps. Nixon disait de cette photo qu’elle était retouchée – forcément car celle-ci n’arrangeait pas ses affaires.
Le photojournalisme a toujours été enclin à des interrogations, comme la fameuse photo de Robert Capa, Mort d’un soldat républicain (1936) lors de la Guerre Civile espagnole. On dit de cette photo qu’elle est posée, un acteur aurait simulé sa chute pour un photographe en mal de moments. Ou encore la photo de Joe Rosenthal, Elévation du drapeau américain sur Iwo Jima (1945) véritable symbole de la Seconde Guerre Mondiale, qui seraient le fruit d’une mise en scène du photographe. Ces prix Pulitzer mettent en abîme une réelle ambivalence du photojournalisme.
D’un côté, on attend du reporter de nous fournir des photos représentant la vérité d’un instant et la situation dans laquelle se trouve un peuple. Mais, comme les photos disent beaucoup de choses, on attend surtout la création d’un symbole : à chaque conflit sa photo, à chaque événement marquant son cliché.
 Dans le cas de la photo du petit Marwan, l’histoire est touchante et donne à réfléchir sur le conflit en Syrie, mais, comme on a pu le lire dans les commentaires de l’article du Washington Post :

Accordé. Cependant, une image vaut mille mots, essayons de faire du journalisme honnête.
 
Sibylle Pichot de la Marandais
(1) Il est séparé – il n’est pas seul
(2) Ce réfugié syrien de 4 ans n’était pas seul, mais son histoire est tout de même émouvante
 Crédits photos :
Montney.com
Chelmimage.fr
Kicswila.com
 Sources :
Washington Post
Nouvel Obs
Twitter
BFMTV

Neknomination
Société

Neknomination : le jeu à boire 2.0

 
Quel est le point commun entre Isaac Richardson, jeune gallois ayant étudié la grammaire, Ross Samson, joueur star du rugby écossais et votre pléthore d’amis Facebook ? Vous ne voyez vraiment pas ? Réjouissez-vous ! Vous pouvez vous targuez d’appartenir au cercle très privé des internautes encore épargnés par le phénomène « neknomination ».
Venu tout droit d’Australie, cet étrange néologisme est né de l’esprit embrumé de deux étudiants de l’université de Scotch – le hasard fait décidemment bien les choses – au cours d’une soirée bien arrosée. Hybridation des termes « neckling » (boire cul sec) et « nominating » (désigner), le neknomination offre aux adeptes des jeux à boire un nouveau terrain d’expression : le web et ses réseaux sociaux.
Fini le temps des shots entre copains au pub du coin, l’exhibition 2.0 s’exporte jusqu’au fond des verres ! La règle de base, on ne peut plus simple, est propice à la propagation. Réalisée face caméra, la mission, une fois acceptée, consiste à boire d’une traite 50 centilitres d’alcool avant d’inciter deux de ses amis (au minimum) à faire de même. La vidéo est ensuite postée sur Youtube, Facebook ou Twitter et laisse 24 heures aux nominés pour relever le défi. Visible publiquement, ce selfie d’un nouveau genre institue un rapport de force entre le buveur, qui présente son exploit ; ses nominés, invités à suivre son exemple ; et le public, intangible mais bien influent, que constitue leur cercle d’amis. Tout refus est en effet soumis au joug facebookien et au jugement des pairs.
La principale crainte des personnes désignées ? Passer pour un « lâche » ou pire, quelqu’un qui ne sait pas s’amuser. Sur les réseaux, les remarques  faussement reconnaissantes mais rarement contestataires se multiplient. « Merci à mon copain de m’avoir nominée à ce jeu débile » déclare Anna, 19 ans, non s’en s’être recoiffée au passage.
Majoritairement apprécié par les jeunes qui y voient une occasion d’afficher leur « branchitude », les individus les plus influençables peuvent être amenés à renier leur libre arbitre sous la pression du groupe.
Bien qu’éthiquement contestable, la tendance du  neknomination  aurait pu rester anecdotique si les conséquences de ses dérives s’étaient cantonnées au cadre de l’égocentrisme digital.  Comme tout jeu, neknomination invite à la surenchère et à la réécriture des règles.
Si certains font le choix de remplacer l’alcool par des mélanges toujours plus écœurants (le but du jeu est  alors d’avoir l’estomac le plus résistant) ou  préfèrent boire dans des positions et des lieux d’exception (au choix : à cheval, tête renversée au-dessus des toilettes, aquarium géant, océan, pont suspend, etc…), d’autres franchissent les limites de l’inconscience en augmentant les degrés d’alcool et les doses ingérés. Quatre personnes sont déjà mortes des suites de ce jeu au Royaume-Uni. Triste ironie ou don du sort, la plupart des victimes sont vite devenues trop malades pour mettre en ligne leur performance.
Il a suffi de quelques mois pour que l’idée originale des amis australiens se répande comme une trainée de poudre et mette feu à la toile. Alertées par l’ampleur de la contamination, les autorités sont rapidement confrontées à l’impuissance de leurs moyens d’action. Face à un géant Facebook qui refuse de censurer des contenus qui ne sont en rien contraires à son règlement, la riposte des pouvoirs publics s’organise autour des médias plus classiques et des campagnes de sensibilisation que relaie la Police Nationale. Les messages subliminaux qui y sont véhiculés s’affranchissent d’un ton trop souvent moralisateur. Au traditionnel slogan « l’alcool est dangereux pour la santé » semble succéder un tout autre mantra : la jeunesse ne rend pas invincible.
Ce qui n’était au départ qu’un simple jeu est devenu un enjeu « de vie ou de mort » repris massivement par les médias. Sur les sites dédiés à l’information, les commentaires désapprobateurs pullulent. Instrumentalisé, le neknomination y est dépeint comme le reflet d’une société vouée à la décadence.
Loin de ces considérations pessimistes, un utilisateur de Facebook aurait trouvé le moyen de faire taire les médisances en ajoutant une note d’espoir à cette symphonie plutôt sombre.  Désabusé à l’idée d’avoir été nominé par l’un de ses contacts, Julien Voinson décide de prendre le contrepied du Neknomination. Il relève le défi vidéo tout en en modifiant les règles au point de créer un tout nouveau jeu : « smartnomination » (une réponse « intelligente » à la « désignation »).
Le principe?  Se filmer en train de réaliser une bonne action avant d’encourager deux de ses amis (ou plus) à faire de même, puis poster la vidéo sur les réseaux sociaux. Salué par la blogosphère, son initiative pourrait bien être le premier maillon d’une longue chaîne de solidarité. Dons de repas et de vêtements mais plus encore, don de temps, ce « smartselfie » semble réussir là où tous les autres ont échoué : sensibiliser son auteur à la misère du monde.
Alors certes, cette mise en scène de soi va à l’encontre d’une solidarité idéalement « désintéressée » mais peut-on réellement le lui reprocher ? Le smartnomination  fait figure de prétexte au rassemblement ce qui, au pays du narcissisme digital, est déjà un bel exploit.
Bonne ou mauvaise, l’influence ne l’est qu’entre les mains des hommes qui la créent. Outil au service d’une jeunesse débridée, instrument de mort ou vecteur de charité, les réseaux sociaux abolissent une fois de plus les frontières.
 
Marine BRYSZKOWSKI
Sources
BBC
ABCNews
Telegraph
TheGuardian
Metro
Huffingtonpost
SudOuest
Youtube

M6
Société

M6 à la recherche d’un nouveau talent cousu main

« On aura tout vu », comme dirait l’autre. Ces dernières années on observe un véritable essor des émissions du type « Le meilleur… » cherchant le talent culinaire, musicale, acrobatique… On connaît bien ces émissions à la croisée du télé-coaching et de la télé-réalité telles que « Top Chef » ou « The Voice ».
 Et dire qu’en voyant « Le meilleur pâtissier », petite dernière dans cette lignée interminable d’émissions « talents », on se disait que « maintenant, ils n’ont vraiment plus d’idées ». Et cependant, l’Italie nous a déjà détrompé en lançant un programme cherchant le meilleur écrivain. 
De même, M6 nous surprendra de nouveau à la rentrée 2014 avec  « Cousu Main », une émission – le titre le laisse facilement deviner – dédiée à la couture, l’autre pilier du savoir-faire français. Dans une adaptation du programme britannique « The Great British Sewing Bee » présentée par l’emblématique Cristina Cordula, il s’agira de « prouver qu’il est possible de confectionner à moindre coût les vêtements tendances que tout le monde aime porter ».
On remarque ici clairement la tendance actuelle du « récup’ » mais on distingue également la continuation d’une télévision « low-cost » rendue possible par la mise en scène d’anonymes et d’un programme déclinable en épisodes sur plusieurs semaines. Ainsi dans « Cousu Main » la dramaturgie sera fondée sur l’élimination, de fil en aguille, des participants par un jury d’experts.
L’avenir nous dira si la France s’intéresse à la couture, néanmoins, un but sera sûrement atteint : enchanter la consommation de produits liés à la mode.

Teresa Spurr
Sources :
Cbnews.fr
Lefigaro.fr
Crédit photo :
Marianne ROSENSTIEHL/M6 dans le NouvelObs

google
Société

Un Google à deux visages ?

 
Les Jeux Olympiques d’Hiver, édition 2014, ont débuté ce vendredi 7 février à Sotchi. Une ouverture que Google a tenu à célébrer… à sa façon.
Un logo revisité
En effet, c’est avec un doodle aux couleurs du drapeau gay – impossible à rater en page d’accueil – que le célèbre moteur de recherche a décidé de fêter l’événement. Ce logo revisité s’accompagne d’un message extrait de la Charte Olympique.

Une prise de position politique
Il est vrai que Google a habitué ses utilisateurs à marquer différentes occasions avec ses fameux doodles, mais ceux-ci s’apparentent plus fréquemment au registre de la célébration, de la commémoration et de l’hommage. A titre de comparaison, en janvier 2014, l’entreprise a par exemple effectué, parmi tant d’autres, un doodle pour célébrer la nouvelle année, un pour le nouvel an chinois ou encore un doodle-hommage pour commémorer la naissance de Simone de Beauvoir.
Un doodle surprenant
De fait, le doodle en question apparaît comme inhabituel. Les couleurs choisies, en référence au drapeau gay, auraient pu être celles, traditionnelles, des anneaux olympiques. Ce choix révèle la volonté d’une dénonciation politique des abus du gouvernement russe qui, depuis quelques mois, a remis le thème de l’homosexualité et de ses droits au cœur du débat public. C’est dans cet omni discours que le gouvernement a massivement légiféré, adoptant les désormais devenues célèbres lois (du 11 juin 2013) visant à « punir tout acte de propagande homosexuelle » et à réprimer « l’offense aux sentiments religieux ».
D’autres incriminent déjà Google pour son côté opportuniste. Il lui est en effet reproché d’adopter une telle position dans le principal but de redorer son image, laquelle a lourdement souffert de son implication dans le scandale de la NSA. Les données révélées, qui proviendraient entre autres du moteur de recherche, ont mis en lumière ce monde où la surveillance est omniprésente. Google, déjà critiqué par la pertinence et l’abondance de données intimes sur ses utilisateurs, s’est trouvé au cœur d’une tempête médiatique dans laquelle il est apparu comme ce Big Brother que nous prédisait Orwell. Google n’apparait donc pas forcément comme le candidat idéal pour émettre un discours sur les libertés.
Réelle sincérité ou coup de com’ de la part du géant du web ?
Pour les moins convaincus d’entre vous, il convient de s’intéresser au contexte. En effet, Google n’en est cependant pas à sa première implication pour la cause homosexuelle.
La firme de Mountain View bénéficie déjà d’une image plutôt gay-friendly, comptant de nombreux homosexuels parmi ses employés et s’étant déjà maintes fois exprimée pour la cause gay. En 2012, la campagne « Legalize Love », qui ciblait une soixantaine de pays particulièrement réputés pour leurs lois sévères concernant l’homosexualité, avait pour objectif de créer un soubresaut, du changement au vu de l’état de la législation.

La position de Google vis à vis de la cause n’en reste pas moins controversée. Une application baptisée « Setting Captives Free » n’en finit plus de faire scandale depuis sa mise en téléchargement sur Google Play. Cette application, lancée par une organisation religieuse américaine, s’est en effet dotée du but particulier de « libérer de leurs addictions les personnes du même sexe que le leur ». Celle-ci, en somme, inscrit en filigrane l’homosexualité du côté de la maladie, puisqu’une guérison apparait nécessaire. Ce type d’application n’a toujours pas disparu de la plateforme de téléchargement en ligne de la firme, malgré les nombreuses signatures de pétitions en ligne qui réclament leur suppression.
Le géant du web semble donc plutôt essayer de satisfaire son ensemble de publics, quitte à verser parfois dans la contradiction. Cependant, ces actes militants pour la cause, effectués pour de bonnes ou de mauvaises raisons, n’en restent pas moins utiles dans un monde où les homosexuels souffrent de discrimination quotidienne.
Ce mal d’image et de réputation n’empêche pas le géant de grandir et de conquérir encore et toujours plus de marchés : la firme est en effet devenue, ce lundi 10 février, la deuxième capitalisation boursière du monde, juste derrière Apple.
 
Adeline Mateus
Sources :
Leblogducommunicant2-0.com
Lemonde.fr
20minutes.fr
Crédits photos :
Captures d’écran page d’accueil Google

Société

L'innovation des outils de collecte de fonds

 
Le mois dernier, le Centre d’Études et de Recherche sur la Philanthropie (CerPhi) publiait une étude sur « Les financements innovants des associations et des fondations », en analysant l’état des lieux de ce secteur et les perspectives à venir et à explorer.

Cette innovation apparaît dans un premier temps comme “une nécessité, une urgence et une opportunité” pour ces associations, porteurs de projets ou fondations. L’appel à la solidarité du public, réelle nouveauté permet d’augmenter les chances de ces associations de récolter plus d’argent et ainsi d’asseoir leur légitimité en diffusant plus largement leur image. Enfin, cela répond également à l’évolution de notre société, maintenant majoritairement connectée.
Or, pour des raisons multiples, comme le manque d’implication des gouvernances des associations, l’absence de la prise de risque et de budget pour la Recherche et le Développement, une non-habitude à l’expérimentation en matière de financement, l’innovation est quasiment absente du monde associatif et philanthropique, principalement dans les grosses structures dont les administrations sont verrouillées et peu ouvertes à l’extérieur.
Pourtant, une dynamique d’innovation s’est développée, avec l’émergence de nouvelles démarches et outils qui ont souvent prouvé leur efficacité : le micro-don dit “indolore” (avec des cartes de paiement solidaires, des cartes de dons, des arrondis sur salaires ou en caisse) qui permettent, au quotidien de démocratiser et de banaliser ce geste solidaire.
Mais c’est surtout avec l’omniprésence d’Internet, des réseaux sociaux et le perfectionnement technologique que l’innovation en matière de financement des associations s’est particulièrement développée. De plus, elle s’est ancrée dans le paysage de la philanthropie individuelle, en donnant à co-construire ensemble des outils performants entre les porteurs de projet et les donateurs.
Avec les plateformes de crowdfunding comme My Major Company ou Ulule, nous assistons à une nouvelle pratique de donation, en faisant de celle-ci un challenge et une expérimentation aussi bien individuelle que collective.
Un réel changement s’est donc opéré depuis quelques années. Selon le CerPhi, “Le don change de nature et de registre, l’expérience du don se diversifie”. Le processus, est non seulement dédramatisée, mais il est également banalisé. Les offres, (en même temps qu’elles) se multiplient et sont désormais plus accessibles au quotidien. L’offre est grandissante, et l’information circule plus rapidement et plus efficacement, permettant à ces donateurs de choisir plus pertinemment les projets qu’ils décident de soutenir. Ainsi les associations visent, plus que des “donateurs”, une “communauté de supporters” et ce dans une logique de mobilisation, “de recherche de visibilité et d’adhésion”.
La diversification et la multiplication des opportunités d’actes de générosité sont manifestes, mais on constate également une émergence concrète d’une nouvelle habitude solidaire des jeunes générations. La plateforme de financement participatif, Kiss Kiss Bank Bank a ainsi récolté 12 500 000€ grâce à plus de 243 000 donateurs, à partir d’un système de démultiplication des réseaux depuis sa création.
Toutefois, comme pour les problématiques du mécénat, l’impact de ces nouveaux outils et de leurs retombées financières sont difficiles à évaluer. C’est pourquoi le CerPhi pointe du doigts le manque d’études sur le sujet afin de créer et de mettre en place des opérations plus viables. La fin de cette analyse propose des pistes pour favoriser l’innovation dans le domaine du fundraising, à savoir :

la co-construction des outils et ce à plusieurs échelles : celle des associations, des donateurs et des entreprises.
la mise en place d’action de lobbying et les moyens de mutualiser ces approches auprès des entreprises.
la sensibilisation des administrations et des gouvernances des associations, souvent trop rigides et réticences à l’innovation en matière de financement et dont les budgets Recherche & Développement sont moindres
le développement d’une culture de l’innovation et de son financement, afin d’engager une prise de risque et une meilleure transversalité des actions.

 
Ces nouveaux outils et démarches participatives ont bousculé le paysage philanthropique. Ils ont ainsi eu de véritables effets notamment sur les donateurs, mais également sur l’image des associations. Enfin, c’est principalement le rapport du public à la solidarité qui a évolué, avec une assimilation de la notion de don à celle de participation citoyenne ou “réflexe de participation”, presque plus qu’à un acte de générosité.
 
Joséphine Dupuy-Chavanat
 
Sources:
Cerphi