Consommation collaborative
Société

Jacques a dit : du green et du Sharing !

 
Un désir à l’initiative des consommateurs… qui n’est pas si nouveau
Le désir d’une consommation renouvelée chez le consommateur – qui obéirait à de nouveaux codes à la fois dans ses objets et dans ses modes – n’est pas une nouveauté : le commerce équitable et le développement du bio sont des phénomènes bien ancrés chez le consommateur depuis les années 2000. La rentrée 2013 est toutefois riche en expériences innovantes pour répondre à ces nouvelles requêtes que sont le décloisonnement et la ré-humanisation de la consommation, la recherche d’une consommation plus locale (les « locavores », les SEL…), plus engagée et qualitative. Il s’agirait en même temps de faire respirer ces lieux de grande consommation que sont les centres commerciaux, grands magasins, grandes surfaces… considérés comme « anxiogènes » par les Français.
La « Sharing economy » et le consommateur-vendeur
Et la réponse doit être rapide. En pratique, la vente à domicile, le recyclage, et particulièrement le « sharing » (économie du partage) sont des modes de consommation bien installés, les consommateurs n’ayant pas attendu les marques pour organiser une consommation collaborative d’ampleur. Loin d’être un phénomène de mode, ce nouveau type de consommation est au contraire voué à se développer dans les prochaines années.  Définie comme une « une pratique qui augmente l’usage d’un bien ou d’un service, par le partage, l’échange, le troc, la vente ou la location de celui-ci, avec et entre particuliers » par l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie (ADEME), la consommation collaborative est bien le corollaire de la crise économique qui favorise la recherche de produits moins coûteux. En parallèle, la consommation responsable explique aussi  la montée des préoccupations écologiques dans l’acte d’achat. Pour reprendre l’économiste américain Jeremy Rifkin, le principe de l’économie de « l’accès » expliquerait ce nouvel engouement : la notion de propriété dans l’univers des consommateurs s’efface au profit de la notion « d’accès », en lui-même, aux biens et aux services. Dans ce contexte, la consommation collaborative s’érige comme une tendance sociétale importante, créatrice de lien social, que les entreprises se doivent alors de prendre en considération.

Quelles réponses du côté des plateformes communautaires et des marques ?
Mais quelles sont les conséquences pour les entreprises en mal de digital ?
La consommation collaborative constitue une niche formidable en termes d’opportunités et de business. Des plateformes digitales l’ont vite compris et se sont déjà multipliées pour permettre au consommateur de s’improviser vendeur. Les exemples sont nombreux et il serait inutile de développer l’exemple du déjà célèbre site Covoiturage.fr devenu Blablacar.fr. Mais le concept ne s’arrête pas au covoiturage : l’économie du partage s’installe dans toutes nos habitudes. Citons à ce titre Airbnb qui permetde louer une de ses chambres, ou encore Walmart qui propose à ses clients de livrer eux-mêmes les commandes réalisées par leurs voisins, en échange de bons de réductions et de cadeaux.
Mais qu’en est il des marques non dédiées au digital ? Celles-ci se sont attelées, pour certaines, à leur propre « recyclage ». Dans les faits, cela se traduit par la « végétalisation » des lieux de consommation, la sacralisation du « rooftop » comme le lieu dédié au carré de verdure dans l’espace urbain. L’exemple récent du centre commercial Beaugrenelle, ouvert le 23 octobre dernier, atteste bien de la prise en compte de cet impératif : du vert (7000m2 de toits végétalisés) et des lieux de partage, de sociabilité, spécialement dédiés au consommateur au sein du centre. Le BHV Marais, qui a fait entièrement peau neuve, propose de réinventer la quincaillerie en abandonnant ses rayons du multimédia pour des espaces dédiés au bricolage, art créatif et cuisine, afin de rassembler les adeptes (de plus en plus nombreux) de l’écologie et du « Do It Yourself ». Ainsi, le consommateur récupère, répare, fabrique, grâce à des ateliers à sa portée. Ikea ou encore H&M sont d’autres exemples de ce désir d’afficher une bonne conscience citoyenne chez la marque, en récupérant des meubles (« Donnez une seconde vie à vos meubles ») ou des vieux vêtements. Fait étonnant enfin, le moteur de recherche Ecosia lancé en 2009 à Berlin, qui reverse 80% de ses revenus publicitaires pour la protection de la forêt tropicale : ses remaniements et sa version française sont censés lui permettre, à terme, de planter 1 million d’arbres en 2014… Pas bête.
Que penser finalement de ces innovations « green », dédiées au renforcement du lien social, mais un peu fourre-tout ? Un risque d’essoufflement est à craindre du côté des entreprises : pour survivre et continuer à se développer, elles devront être en capacité de créer encore et toujours des expériences productrices de lien social. Attention enfin, ce n’est pas en instituant une « ville verte » de façade que l’on sauvera l’écologie. Là encore, l’entreprise de demain doit travailler au service de la ville et innover en terme de trio « végétal/social/urbain ».
 
Céline Repoux
Sources :
Influencia.net
Lesechos.fr
Lefigaro.fr
Ecocitoyens.ademe.fr
Pour aller plus loin :
La vie share – mode d’emploi, d’Anne-Sophie Novel

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UN Women
Société

La femme selon Google ?

 
Google serait-il sexiste ? C’est ce que semble sous-entendre la dernière campagne publicitaire de UN Women (Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes), réalisée par l’agence Memac Ogilvy & Mather Dubai.
 Les différentes affiches de la campagne mettent en scène quatre visages de femmes. Si ces dernières représentent visiblement les femmes des quatre coins du monde, elles ont en commun le fait d’être bâillonnées par le célèbre moteur de recherche.
 La campagne réalisée touche un point qui demeure sensible aujourd’hui, et ce d’une façon d’autant plus percutante qu’elle s’appuie sur des preuves. Ainsi, « les femmes ne devraient pas » se trouve complétée par : « avoir de droits » , « voter » ou « travailler. »

  À une époque où Internet est gage d’une liberté d’expression qui semble illimitée, on voit ici que la diffusion et le partage des idées peut également amener à cristalliser certaines représentations sociales, quitte à faire taire ceux et celles qui sont directement concernés.
Internet crée un lien entre tous, au-delà des différences ethniques et culturelles. On abolit les frontières, on fait valoir des valeurs, des opinions. Pour le meilleur et pour le pire, semble préciser UN Women.
 Cependant, peut-être faudrait-il éviter de condamner le géant américain d’emblée. Derrière les machines, ce sont bien des hommes (et des femmes) qui nourrissent le moteur de recherche. Google tient ici le rôle du méchant mais ne fait que refléter les requêtes les plus courantes.
 Alors, véritable dénonciation de la part de UN Women ou simple mise en lumière frustrante d’un cercle vicieux qui n’en finit (toujours) pas ?
 
Annabelle Fain
Sources :
Unwomen.org

Crédits photos : Memac Ogilvy & Mather Dubai

Christine Boutin
Société

Twitter : la déferlante Christine Boutin

 
Les digital natives n’ont qu’à bien se tenir. Avec plus de 6 600 tweets en 3 ans et 57 200 abonnés, l’ex-présidente du parti chrétien démocrate est un membre très actif du réseau social. Nul besoin d’un community manager : Christine Boutin gazouille à qui mieux mieux, et les internautes ne perdent pas une occasion de relever ses dérapages.
Si l’ancienne ministre est si souvent ciblée par les médias et notamment chez les pure players comme le Huffington Post, c’est parce que ses commentaires sont nombreux, polémiques et portent sur tout et n’importe quoi.
Ces derniers mois, son sujet de prédilection était le mariage gay. On se rappelle de la controverse provoquée par son intervention sur RMC à propos de La Vie d’Adèle. La vidéo YouTube qui contient les fameux propos « Aujourd’hui la mode c’est les gays, on est envahis de gays » a été visionnée plus de 444 000 fois, ce qui est très profitable pour la radio généraliste française. Christine Boutin fait le buzz.
La presse l’invite volontiers à témoigner sur des sujets de société, mais il semblerait que ce soit davantage pour la retombée médiatique qui suit ses prises de parole que pour les idées politiques et l’expertise de l’ex-ministre.
Mais Christine Boutin ne se mêle pas seulement de ce qui (selon elle) la regarde, c’est-à dire l’avenir de la France face aux « lubies » du gouvernement sur les droits des homosexuels. Elle s’intéresse aussi de très près à la lutte des stars américaines contre le cancer du sein :

 Comme le montre ce tweet, l’appétit de l’ex-présidente du PCD pour le commentaire de critique gratuite est insatiable.
 Le 27 octobre dernier, Cécile Duflot, elle aussi très active sur Twitter, expliquait pourquoi ses tweets se faisaient de plus en plus rares : « Pour comprendre pourquoi je twitte moins / réponds moins, parce que ça ferait lire ce genre de trucs 10 fois/jour… » (le message était accompagné d’une capture d’écran des dernières insultes qu’elle avait reçues sur le réseau social). Christine Boutin s’est alors empressée de s’adresser à la ministre :

Les médias ont ajouté cette intervention à la liste des désormais fameux « dérapages » de l’ex-présidente du PCD. Journalistes et internautes se moquent de ses tweets car ils sont maladroits, non seulement dans le fond mais aussi dans la forme. La contrainte des 140 caractères pousse l’ex-ministre à utiliser des abréviations parfois peu compréhensibles. Son utilisation des majuscules est arbitraire, et la place du « # » dans ses hashtags est versatile. Quant à l’emploi du « @ », il est parfois aléatoire : en septembre Madame Boutin avait voulu s’adresser à Vincent Peillon pour critiquer la charte de la laïcité à l’école ; elle a malencontreusement interpelé dans son tweet un certain Didier Peillon, directeur du mécénat de l’université… catholique de Lille.
Que cherche donc Christine Boutin ? Si son objectif est de contribuer au dynamisme de la vie politique française et de donner une bonne image au conservatisme chrétien de son ancien parti, les tweets de l’ex-ministre sont un « epic fail » médiatique. Ses commentaires sont évoqués avec humour sur la scène politique, et les membres du PCD se gardent bien de relayer les tweets de l’ancienne présidente.
 Malgré ses flops réitérés, Christine Boutin a tout de même le mérite de s’être adaptée au Web 2.0. A tel point que le « Cogito ergo sum » de Descartes se transforme à la lumière de ses commentaires en « je pense donc je tweete ».
 
Camille Frilley
Sources :
Huffintonpost.fr
Lesinrocks.com
Francetvinfo.fr
Twitter.com

Crédits photos :
Image de Une : Christine Boutin lors de la manif pour tous du 26 mai 2013 © Maxppp – Thomas Padilla

Société

« No woman, No drive » ?

 
Après plus de 7 millions de vues sur YouTube, Hisham Fagueeh, un jeune humoriste saoudien de 26 ans, a réussi un gros coup de buzz avec son clip « No Woman, No Drive. »  Adapté de la célèbre chanson de Bob Marley, « No Woman, No Cry », son but est de tourner en dérision l’interdiction qui empêche les femmes de conduire en Arabie Saoudite.

On peut notamment relever la référence à un imam saoudien, qui, pour défendre cet interdit, avait assuré début octobre que la conduite serait susceptible de nuire aux ovaires de la femme et ainsi causer des « troubles cliniques » chez ses enfants. Fagueeh reprend ses propos avec humour et chante : « Je me rappelle l’époque où tu t’asseyais dans notre voiture familiale, mais sur la banquette arrière. Comme ça, tes ovaires étaient en sécurité et en bonne santé, et du coup tu peux faire des tas et des tas de bébés… »
La vidéo a stratégiquement été mise en ligne le 26 octobre dernier, date symbolique de protestation pour les militantes du mouvement oct26driving qui avaient décidé de braver l’interdit ce jour-là. Même si beaucoup ont préféré ne rien faire face à la pression exercée par le ministère de l’intérieur, une quinzaine de femmes ont été sanctionnées après avoir pris le volant dans Ryad.
Dans un pays où 70% de la population a moins de 30 ans, nombreux sont ceux qui ont dorénavant recours à la vidéo pour ensuite la publier sur les réseaux sociaux. Internet devient un outil d’expression privilégié pour les jeunes saoudiens. Encore faut-il que cela passe au travers du filet de la censure.
 
 Laura Pironnet
Sources
Courrierinternational
L’express
RFI

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La circoncision chez les nourrissons
Société

Une affaire de (cir)concision

 
Avec 78 voix pour, 13 contre, et 15 abstentions, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a tranché – c’est le cas de le dire – en faveur d’une résolution invitant les pays membres à prendre des mesures contre les « violations de l’intégrité physique des enfants ».
La circoncision sur les nourrissons se retrouve ainsi dans l’œil du viseur à l’heure où la stigmatisation religieuse bat son plein. En assimilant cette pratique à une mutilation sexuelle, le Conseil de l’Europe a suscité de fortes réactions au sein des communautés juives et musulmanes, de quoi animer des débats houleux autour des traditions religieuses.
Suite à cette annonce, le Président israélien Shimon Peres est immédiatement monté au créneau. Il s’est insurgé contre cette mesure et a appelé le secrétaire général de l’APCE (L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe) à user de son influence morale pour modifier la décision interdisant la circoncision.
Plus discrètes furent les réactions au sein du monde musulman, non moins indigné cependant par l’amalgame fait entre circoncision et excision, et par ce qui est considéré comme une attaque islamophobe et antisémite, susceptible d’alimenter les tendances racistes et haineuses dans une Europe décidément peu exemplaire ces temps-ci en matière de tolérance…
Alors, doit-on voir une mesure discriminatoire se profiler derrière cette belle devanture de protection des droits de l’enfance ? Difficile de juger pour le moment, les parlementaires européens étant actuellement surtout désireux d’éclaircir les conditions médicales et sanitaires à respecter pour cette pratique. Selon l’OMS, celle-ci a d’ailleurs fait ses preuves en Afrique subsaharienne pour réduire les risques d’infection du SIDA.

Si l’on est encore loin d’une interdiction complète de la pratique, à terme, celle-ci pourrait s’imposer, repoussant éventuellement l’acte à un âge où le principal intéressé serait à même de donner son accord (du moins autrement que par un gazouillis que l’on aurait effectivement tort de sur-interpréter).
C’est là que le bât blesse cependant, car l’on remettrait ainsi en cause la tradition qui veut que chez les juifs, l’enfant est circoncis le 8ème jour après sa naissance, moment où sa filiation indéfectible à Dieu est scellée. Retarder cette échéance reviendrait à bafouer des siècles de tradition, et accessoirement écourter, plus qu’un certain organe, le temps passé en pleine communion avec Dieu. Face à la question de la liberté de choix se pose donc celle de la remise en cause des principes ancestraux qui fondent le culte.
Si cette résolution est passée inaperçue dans le brouhaha médiatique, elle mérite pourtant bien que l’on s’y intéresse un instant. En plus de susciter ces questionnements éthiques et religieux, elle témoigne une nouvelle fois de l’entrée dans la sphère publique d’un débat purement religieux, faisant écho aux polémiques autour du casher et du halal, ou du travail le dimanche. Elle amène à interroger la légitimité d’instances publiques européennes lorsqu’elles embrassent des problématiques internes à certaines religions, sous couvert d’une lutte de santé publique ou de protection de l’enfance.
Derrière ce décloisonnement se dessine en filigrane le problème de la laïcité, trop souvent envisagé sous un seul de ses aspects, celui de l’ingérence de la religion dans la société, et peut être pas assez sous l’autre, celui qui assure la neutralité de l’Etat à l’égard du culte religieux.
Mais après tout, si l’on prend le problème par le bon bout, on réalise vite que la circoncision en France et en Europe inquiète moins en termes de santé que de plaisir sexuel !
 
Elsa Becquart
Sources :
France Inter – Service Public – Pour ou contre la circoncision ?
Le Figaro – Polémique autour de la circoncision
Le Courrier de l’Atlas – Une décision européenne suscite la polémique
Le Parisien – L’Europe remet en cause la circoncision, juifs et musulmans s’indignent
Crédits photos :
Photo de Une (tableau) : « La Circoncision » du Maître à l’œillet de Baden
Image 1 : Benjamin Barda/ CIRIC. (Avant une circoncision: le mohel (dont le métier est de circoncire) montre le bébé aux fidèles. Synagogue de Neuilly-sur-Seine (92))

Marisol Tourraine, ministre de la santé
Société

Problème de « MST »

 
L’indifférence de Marisol Touraine face aux revendications des sages-femmes a provoqué un mouvement d’hostilité massive. Excédées par le mutisme de leur ministre de tutelle, elles ont entamé une grève le 16 octobre. Gênées par la présence des forces de l’ordre, le sit-in initialement prévu devant le Ministère de la Santé et des Affaires Sociales a eu lieu deux rues plus loin.
En guise « d’armistice », Mme Touraine (surnommée depuis « MST ») leur a concédé une entrevue. Mais sans elle.
Quelques représentants inconnus du ministère les ont reçues et les ont assurées de la prise en compte de leurs demandes. Une participation à la loi de périnatalité et l’ouverture d’un atelier sur la grossesse sont envisagées. De plus, la loi de santé 2014 a augmenté leurs droits de prescription, en ajoutant à la liste les chewing-gums à la nicotine.
Ces promesses vides n’ont fait qu’enflammer le mouvement. Les maïeuticiennes revendiquent une considération professionnelle et salariale par l’obtention du statut de praticien hospitalier. 80% des maternités sont désormais en grève illimitée.
La profession, composée à 98% de femmes, s’est ensuite tournée vers Madame Vallaud-Belkacem, ministre des droits de la femme. En vain. Elle reste imperturbablement sourde-muette.
Point positif pour « MST » :  son image de féministe active n’a pas été entachée.
Malgré leur importante mobilisation sur les réseaux sociaux et un regroupement devant les locaux de France Télévision, le silence de la presse demeure. Mais n’en sont-elles pas en partie responsables ?
En effet, l’abondance de termes techniques et médicaux dans les communiqués et les slogans des sages-femmes rendent leur message incompréhensible et inintéressant pour l’opinion publique, qui serait plus sensible à  leurs problèmes de chômage ou aux avantages qu’y gagnerait la Sécu.
Le mutisme médiatique, une réponse au verbiage médical ?
Caroline Dusanter
Sources
Laparisienne
L’express
Onssf
Anesf
Lenouvelobservateur
Ordresagesfemmes
Vidal

affiche un village francais
Société

N'essayez pas de résister

 

Pour annoncer la diffusion de la cinquième saison de sa série Un village français, France 3 a sorti les grands moyens. C’est le moins que l’on puisse dire ; presse, spot publicitaire diffusé au cinéma, importante campagne d’affichage, rien ne semblait trop beau. Mais ce qui est particulièrement remarquable n’est pas tant l’aspect quantitatif de cette campagne que le ton décalé qui a été choisi.

Le spot publicitaire tout d’abord. Au cours de la vidéo, le spectateur a d’abord l’impression de se trouver devant un « simple » extrait d’épisode. On retrouve les personnages habituels, dans un décor et une ambiance tout à fait typiques. Mais alors que le jeune garçon pose une question brûlante quant au retour de son père prisonnier, son interlocuteur allemand s’adresse tout à coup au spectateur en lui conseillant de suivre la nouvelle saison pour enfin découvrir la réponse.

Mais surtout, ce sont les affiches qui sont les plus surprenantes. Elles sont signées par le responsable de marque de l’Agence Australie, Laura Maître, et ses deux créatifs, Jean-Philippe Ridon et Frédéric Debruycker. Trois différents modèles ont été conçus autour de trois slogans : « En 43, il y avait déjà du réseau », « Vous allez être occupés », « Vous allez devoir vous libérer ». Chacun d’entre eux est construit autour d’un jeu de mots qui permet de dresser un parallèle linguistique entre la Seconde Guerre mondiale et aujourd’hui. Les termes « réseau », « occupés » et « libérer » font ainsi référence à la France occupée puis libérée grâce (entre autres) aux réseaux de résistants. Mais ces mots renvoient aussi aux moyens de communication (réseaux sociaux par exemple) et emplois du temps (souvent chargés, d’où les expressions « se libérer » et « être occupé ») actuels. Dans le dossier de presse de la série, la chaîne explique avoir voulu s’appuyer sur le réalisme. La typographie choisie rappelle ainsi les messages que les résistants inscrivaient parfois sur les murs des villes occupées, en guise de contestation de l’occupation. Par ailleurs, on distingue en bas de chaque affiche les personnages principaux de la fiction, comme pour marquer la stabilité et la force de la série, la continuité de la nouvelle saison avec les précédentes.
Jusque là, on pourrait penser que France 3 a tout bon. Et pourtant. Si cette campagne de publicité a été majoritairement saluée (notamment par le site AlloCiné qui loue « l’audace » de la chaîne), c’était sans compter sur l’effroi des journalistes de Rue89. C’est sûr qu’en postant sur Twitter « Saison 6 : « ça gaze sur France 3″ ? », Pascal Riché annonçait la couleur. S’il planait encore quelques doutes quant à la réception de la campagne par ces journalistes, le titre de leur article sur le sujet se charge de clarifier les choses : « Promo de France 3 : ‘Vous allez être occupés’… ou choqués ». Les reproches adressés à France 3 vont dans deux sens mais se rejoignent en un point : le manque de respect envers la mémoire de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, le spot publicitaire dérange dans la mesure où il crée un suspens ludique jugé inapproprié au propos. De même, le décalage des affiches arrache un sourire qui ne serait pas de circonstance (d’où le jeu de mots volontairement plus malsain et inacceptable de Pascal Riché). C’est sûr que vu comme ça… Mais alors France 3 a-t-elle vraiment été trop loin ?
Cette campagne de publicité est-elle efficace ou dessert-elle le contenu de la série dont la grande qualité ne cesse d’être soulignée ?
De toute évidence, le ton adopté rend la démarche intrigante, attractive, moderne et dynamique. C’est une entreprise audacieuse et courageuse, qui tend à rompre avec l’image traditionnelle de France 3. De cette manière, la chaîne tente sûrement d’attirer un nouveau public, peut-être plus jeune, en tout cas plus nombreux. Face au nuage de publicités qui envahissent l’espace public, il est désormais essentiel de se distinguer pour espérer être efficace. La qualité du produit ne suffit pas toujours, les marques sont « condamnées » à être originales. Et n’est-il pas justement dans l’intérêt de la mémoire collective d’encourager le plus grand nombre à regarder ce genre de fiction historique de qualité, qui ne se contente pas de raconter l’histoire mais qui la problématise et la remet en perspective ? De la même façon, le spot publicitaire s’inscrit d’une certaine façon dans la logique de la série. L’interruption de la scène par l’acteur qui encourage le spectateur à suivre la série représente une certaine mise à distance. L’acteur et son personnage se dédoublent, ce qui rompt l’illusion et invite donc à prendre un certain recul sur la réflexion proposée par la fiction.
Ainsi, si la campagne est certes moins subtile que la série, elle reste efficace car originale, audacieuse, et tout de même bien pensée. Irrésistible.
 
Margaux Putavy
Sources
Rue89
Allociné

Société

Facebook et Snapchat : l'écart se creuse

 
Petit fantôme malicieux sur carré jaune : vous connaissez sans doute ce logo. Snapchat, application disponible sur les plateformes iOS et Android, connait une croissance fulgurante : 350 millions de « snaps », photos éphémères qui disparaissent une fois reçues, ont été envoyées en septembre, contre 200 millions en juin dernier. Pas de doute, Snapchat, grâce à sa forme hors norme, est désormais un support médiatique incontournable et fascinant.
Ainsi propulsé à une position clé du marché des réseaux sociaux, il n’est pas étonnant que Facebook, qui avait fait l’acquisition à prix d’or en 2012 d’Instagram, se soit intéressé à ce phénomène et ait tenté de racheter l’application Cependant, Snapchat décline le million de dollars que Facebook lui propose. Une simple application peut-elle se permettre de refuser une telle offre, de la part d’un des géants du marché international ? Que révèle cette prise de position sur notre société et les évolutions médiatiques à venir ?
Plus Snapchat échappe aux mains des puissants, plus il gagne en valeur, et tandis que la mémoire de Facebook refuse d’effacer la moindre information, avec Snapchat, toute preuve disparait en quelques secondes. Mais à travers le « snap », la puissance de l’image est réaffirmée dans sa positivité sans être jamais remise en question. Que cache ce désir d’indépendance : une incitation à de nouvelles formes de communication ou un énième passe-temps ?
 
Agnès Mascarou

Société

The Sevens by Secret Location : Mystère et boule de com'

 
Lorsque l’on entre, ou je dirais même plus, lorsque l’on pénètre dans le site de Secret Location, on ne comprend pas tout à fait ce qu’il est en train de se passer. Une vidéo s’affiche en plein écran sans que l’on n’ait rien demandé, et l’on est immédiatement plongé dans un film à l’univers insolite, mettant en scène une jeune fille et des formes géométriques qui gravitent mystérieusement autour d’elle. Puis l’on se retrouve à devoir, nous, simple visiteur, interagir avec ce personnage aux super-pouvoirs mystiques à travers des jeux, et ce sans trop saisir le pourquoi du comment. L’immersion est déstabilisante mais entière, l’atmosphère est inquiétante mais prenante. Le pari de Secret Location est réussi : le visiteur vit une implication psychologique et émotionnelle totale.

Et pourtant Secret Location n’est ni le nom d’un film, ni celui d’un jeu vidéo nouvelle génération. Il s’agit en réalité d’une agence de communication interactive basée à Toronto, devenue experte dans la création de supports interactifs pour développer l’image de ses clients. The Sevens, l’expérience interactive que l’on découvre sur le site Internet de l’agence a été conçue pour divertir et attirer l’attention du visiteur tout en faisant la démonstration de ses capacités à la fois techniques et d’innovation.
Tout a commencé il y a quatre ans lorsque James Milward, le président et fondateur de Secret Location, transforma le site web de l’agence en portfolio interactif, construisant ainsi une histoire dans laquelle le visiteur était happé. Les résultats ne se firent pas attendre : 120 000 personnes visitèrent le site web durant les trois premiers mois après sa mise en ligne. Mais les visiteurs crurent tous que le numéro de téléphone qui apparaissait faisait partie de l’histoire alors qu’il s’agissait simplement de celui de l’agence. Cette vaste erreur fut l’impulsion créatrice de The Sevens car elle permit à Milward de réaliser le potentiel qu’un numéro de téléphone pourrait engendrer dans une nouvelle version du site qui l’intégrerait, cette fois-ci volontairement, dans une expérience trans-média.
Milward a donc fait appel aux talents du scénariste et réalisateur José Avelino Gilles Corbett Lourenço pour concevoir The Sevens. L’experience commence avec la vue d’un homme assis à son bureau puis le bruit d’un téléphone qui sonne. Le visiteur est alors invité à cliquer sur ce téléphone, ce qui l’amène à suivre Julie, le personnage principal, une jeune fille visiblement dotée de pouvoirs surnaturels lui permettant de diriger à distance des formes géométriques holographiques. La narration est entrecoupée par trois fois de scènes interactives dans lesquelles le visiteur doit résoudre des énigmes. Tant qu’elles ne sont pas résolues, le film se répète en boucle, l’histoire tourne en rond. Dès lors que le visiteur résout le dernier palier de l’énigme, il est amené à utiliser son téléphone pour s’immerger davantage dans l’histoire et arriver à son dénouement.
Secret Location, avec ce site web inventif a su saisir les tendances communicationnelles d’aujourd’hui. Outre une technique finement maîtrisée avec l’intégration des jeux dans l’écran sans que le film ne s’interrompe, The Sevens propose surtout une sorte de mise en abîme intéressante. En effet, si la plupart des sites d’agences de communication se contentent tristement d’une simple sélection de travaux et d’une liste de renseignements, Secret Location a choisi de promouvoir son travail à travers un site, qui en lui-même est déjà une prouesse d’inventivité et une vitrine des talents de l’agence.
Par ailleurs, Secret Location surfe sur la vague des publicités interactives. Même si, pour la plupart, elles demeurent anecdotiques et sans véritable fond narratif, l’agence canadienne est allée plus loin qu’un basique storytelling, en impliquant émotionnellement le potentiel client le long d’une aventure immersive qui présente un véritable fil conducteur et une atmosphère bien à elle. De plus, l’approche pluri-média de l’agence s’inscrit elle aussi dans l’air du temps, et lui permet de rendre l’expérience encore plus vivante. Secret Location poursuit l’interactivité encore plus loin, puisque l’agence sortira chaque mois un nouvel épisode, imaginé à partir du feedback des visiteurs. Ces derniers sont en effet invités à partager sur le site leurs idées concernant le prochain chapitre. Il s’agit donc d’une expérience participative et temporalisée, à la manière d’une série TV, de quoi rendre le visiteur accroc!

Pour l’avenir, on peut imaginer que l’agence renforcera son approche transmédia en multipliant les supports médiatiques impliqués dans la narration, avec par exemple d’autres sites web, l’infiltration des réseaux sociaux voire même la création d’applications pour smartphones. Secret Location devra cependant veiller à ne pas perdre de vue l’utilité principale d’un site web, celle d’informer le visiteur de manière claire et efficace. Attention donc à ne pas trop complexifier le processus, car si l’expérience est innovante et originale, elle peut s’avérer déplaisante et laborieuse pour celui qui sera pressé ou qui n’arrivera pas à résoudre les énigmes.
Ce qui est certain c’est que l’agence a vu juste. En se spécialisant dans la communication interactive alliant jeu vidéo et film, elle se trouve au coeur d’une tendance communicationnelle en plein essor, qu’on pourrait nommer la « communication-expérience ». L’idée d’un univers immersif impliquant le visiteur jusqu’au cou permet de susciter chez celui-ci une émotion bien particulière : celle de se sentir unique, impliqué et surtout évadé. Secret Location a compris le désir du consommateur actuel, ce désir de s’élever du quotidien, et d’accéder au rêve, même lorsqu’il fait un simple acte de consommation. Le client d’aujourd’hui ne veut plus uniquement acheter, il veut être transporté, appartenir à une communauté et vivre une EXPERIENCE à part entière.
Hélène Carrera
Sources
Kesakoleblog
Thesecretlocation
Fasttocreate
Glossyinc

Société

Le bad buzz médiatique des « 343 salauds »

 
Quelques semaines avant qu’une proposition de loi sur la prostitution ne soit examinée à l’Assemblée Nationale, deux bad buzz médiatiques sont venus secouer la Toile.
Tout d’abord, c’est le magazine pourtant autoproclamé féministe Causette qui a provoqué un tollé notamment sur Twitter, avec son dossier de novembre qui propose « 55 raisons de résister à la tentation » du genre : « Parce que quitte à se taper une fille qui n’a pas envie, autant la violer, c’est moins cher (mollo, on déconne). »
C’est ensuite, et en adoptant la posture inverse, le magazine Causeur qui a provoqué les ires des féministes (et des autres). Les signataires pensaient sans doute connaître la recette d’une bonne campagne de pub en réutilisant des expressions historiques connues. Or ils se sont attaqués à deux symboles forts : le « Manifeste des 343 salopes » initié par Simone de Beauvoir en 1971 et le slogan de SOS Racisme « Touche pas à mon pote ».
Tandis que le syndicat des travailleurs sexuels (STRASS) et la sociologue Françoise Picq déclarent leur écœurement, le site propose aux simples internautes un droit de réponse avec l’injonction suivante : « Réponds à ton connard ! », il suffit pour cela de cliquer sur la photo dudit personnage pour lui « tweeter un mot doux ».
A la suite de ce malaise, certains de ces « salauds » sont déjà revenus sur leurs déclarations, comme Nicolas Bedos sur Twitter. Ces deux échecs de communication sont certes le signe qu’il y a un débat de fond à avoir sur la prostitution, mais aussi et surtout la preuve – s’il le fallait – qu’en matière de communication, il vaut mieux bien méditer à ce qu’on publie, que ce soit dans la presse ou sur Internet.
 
Lucie Detrain
Sources:
Le manifeste
Les tweets malheureux de Nicolas Bedos