Société

TNT : « Il y en a un peu plus, je vous le mets ? »

 
Et de 21. Avec la mise en place aujourd’hui de 6 chaînes supplémentaires diffusées via la TNT, chaque téléspectateur pourra désormais avoir le choix entre 21 chaînes, sans compter les 6 chaînes généralistes traditionnelles. Un plus grand choix pour un public lui aussi grandissant : en France, ce sont 16,3 millions de foyers qui sont équipés d’un décodeur TNT. Seulement en contemplant ce choix, on peut se poser la question : une telle abondance, n’est-ce pas trop ?
Une première expérience TNT en cours
La chaîne féminine Chérie 25 (NRJ Group), la chaîne familiale 6ter (du groupe M6), la sportive L’Equipe HD 21, celle dédiée aux fictions HD1 (du groupe TF1), la chaîne de documentaires RMC Découverte HD 24 (du groupe NextRadioTV) et celle de la diversité Numéro 23 diffuseront donc prochainement via de nouveaux canaux de la TNT. Mais l’expérience TNT est évidemment plus ancienne, les premières chaînes datant de  2005  (BFMTV, Direct 8, Gulli, i-TELE, NRJ12, NT1, TMC, Direct Star et W9). Or ces chaînes, selon le rapport effectué en 2011 par le CSA ne sont elles-mêmes pas encore rentables. Michel Boyon constate : « Malgré une croissance rapide de leur audience, les nouvelles chaînes privées gratuites reposent encore sur un équilibre financier fragile. »
Les 6 nouvelles chaînes ne prévoient pas elles non plus d’être rentables avant un horizon assez lointain. En effet elles ne seront pleinement déployées sur tout l’espace métropolitain qu’en 2015, et l’abondance entraîne et entraînera une dispersion de l’audience. Les objectifs d’audience sont donc revus à la baisse : entre 0,5% et 1% pour Chérie 25, 1% pour Numéro 23 et 1,6% pour 6ter. HD1 table sur 1,9% en 2016 et RMC découverte sur 2% en 2018, alors que L’Equipe vise selon ses déclarations  « les 1,3 à 1,4% à terme. »
La mise en concurrence : un réel danger
L’arrivée de ces « nouvelles de la TNT » se fait également dans un contexte perturbé. Cela inquiète aussi bien les grandes chaînes généralistes (pourtant faisant partie pour certaines de l’aventure) que les pouvoirs publics. La plus grande peur est que la division de l’audience déclenche une division du marché publicitaire, alors que celui-ci est déjà dans un contexte difficile.
C’est pour cette raison que TF1 et M6 ainsi que le groupe France Télévision s’étaient élevés contre l’autorisation de la diffusion pour ces nouvelles chaînes (le problème du marché publicitaire est encore plus aigu pour France Télévision qui doit jongler avec l’interdiction de publicité après 20H) En effet, si tout se passe comme en 2005, cette concurrence risque de nuire progressivement une nouvelle fois aux chaînes généralistes, qui accusent le coup à la fois sur le marché de l’audience et celui des annonceurs.
L’autre grand point d’interrogation est l’effet de cette concurrence sur le contenu des programmes. Selon Aurélie Filippeti (ministre de la Culture et de la Communication), qui, en juillet, avait également critiqué le lancement de ces chaînes, le succès de ces nouvelles chaînes dépendra «de leur qualité». «Ces nouvelles chaînes [devront] contribuer à améliorer la diversité de l’offre», a-t-elle rajouté. Or force est de constater que ce n’est pas toujours le cas. Michel Boyon dans son rapport sur l’avenir de la TNT déclare même que  « l’on constate une insuffisante diversité de leur programmation, ce qui pourrait amener à dire que la concurrence n’a pas encore vraiment bénéficié aux contenus. ». Et il faut bien reconnaître qu’en regardant ne serait-ce que la programmation de la première journée de diffusion, celle-ci n’inspire pas confiance : une rediffusion de Julie Lescaut sur HD1, dès demain des rediffusions d’Une Nounou d’enfer sur 6ter…
Seules quelques chaînes proposent de l’inédit, et souvent des séries américaines à succès, certaines d’attirer du public, comme Community sur Numéro 23.
Un problème physique : la télécommande devient petite
Un autre problème que posent ces nouvelles arrivantes est leur place dans la numérotation des canaux qui leur sont accordés. En effet, la TNT étant numérotée juste après les chaînes généralistes, cela fait reculer de 6 crans supplémentaire les canaux des chaînes locales sur la télécommande. Tant et si bien qu’y accéder ne sera plus aussi simple qu’avant, le numéro dépassant à présent bien la dizaine. Et les syndicats de s’insurger : « Ce 12 décembre marque le mauvais coup porté aux télévisions locales avec le lancement d’une nouvelle numérotation injuste et pénalisante » (TLSP et Les Locales TV)
 Alors qu’elles procurent une réelle information et de proximité, ces chaînes seront en effet pénalisées par une difficulté supplémentaire à leur accès. On comprend que l’attribution de canaux plus faciles d’accès (entre 20 et 25 sur la télécommande) est un enjeu important. Cela nous rappelle également que même si l’on cherche à effacer le support physique, l’objet télévision et l’objet télécommande, ceux-ci ont toujours un grand effet sur la médiation.
Enfin, une dernière remarque peut nous conduire à associer ces nouvelles chaînes à un trop plein : celui de la réception du public. En effet,  seulement 61% des Français sont au courant de leur arrivée et 57% de ceux informés du déploiement de ces nouvelles chaînes sont incapables de citer une des six chaînes, selon un sondage réalisé sur internet par Vivaki auprès de 1.000 personnes entre les 3 et 9 décembre. Il faut donc se méfier : si la diversité et le choix sont pour beaucoup synonymes de qualité et de plus grande satisfaction du téléspectateur, celui-ci pourrait aussi se retrouver noyé par trop d’options. Peut-être que désormais, proposer sans cesse davantage de chaînes n’est plus la solution.
 
Clément Francfort

Société

« Téléfoot », une tentative de réhabilitation des Bleus qui tourne au bad buzz

 
Depuis le marasme sportif et moral de Knysna en 2010, un climat délétère entoure l’équipe de France de football. Tour à tour « caïds de banlieue » ou « traîtres à la nation », les Bleus souffrent depuis deux ans d’une image déclinante dans la presse et les médias : alors qu’ils furent proclamés héros d’une nation unie au lendemain de la victoire de 1998 par la doxa politique et intellectuelle, les voici cloués au piloris par cette intelligentsia, pour des raisons sportives et extra sportives, engendrant une défiance envers les Bleus de la part du public. Une recrudescence de discours condamnant les footballeurs se profuse dans les médias, que ce soit pour dénoncer le salaire, l’attitude, le regard voire l’absence de sourire des footballeurs. Pire, certains médias n’hésitent pas à brosser un portrait au vitriol de l’équipe de France de football durant une retransmission d’un autre sport, afin de bâtir une stratégie de communication du « Tout sauf du football » pour valoriser ses droits sportifs. Dernier exemple en date : France Télévisions, avec le traitement du handball durant les Jeux Olympiques, ou du rugby où les larmes d’un Yannick Nyanga durant La Marseillaise furent prétexte à un discours visant en creux nos footballeurs.
Pour TF1, qui a acquis les droits des matchs de l’équipe de France de football jusqu’en 2014 pour 45 millions d’euros par an, la problématique est de taille. Dans ce contexte, TF1 a tout intérêt à participer à la réhabilitation des Bleus auprès du public, afin d’attirer une audience les soirs de match susceptible d’appâter les annonceurs. En somme, l’enjeu est de taille pour la première chaîne afin de ne pas perdre d’argent.
Afin de servir cet objectif financier en améliorant l’image générale de l’équipe de France de football, TF1 peut compter sur « Téléfoot », son navire amiral hebdomadaire en termes de football. En absence d’images du championnat de France et de droits de diffusion la Ligue des Champions, la ligne éditoriale du magazine capitalise sur l’équipe de France : aux reportages en immersion succèdent des interviews exclusives, tout ceci concourant à construire une image des Bleus positive.
Dans cette logique éditoriale, « Téléfoot » innove, et propose depuis le 25 novembre son « Quizz 2012 » : sous le format du jeu télévisé, plusieurs footballeurs de l’équipe de France s’opposent sur des questions de culture générale et de culture foot, afin d’accéder aux manches suivantes. Alors que dans son intitulé même ce « Quizz 2012 » célèbre la connaissance – et donne l’occasion à TF1 de construire une image positive des Bleus à l’aune culturelle – l’effet inverse est provoqué.
Alors que l’an passé le « Quizz » ne portait que sur des questions de culture foot – où nos footballeurs jouissent d’une connaissance encyclopédique – , des questions de culture générale sont dorénavant posées aux Bleus. Oui, de culture générale. C’est là – hélas – que le bât blesse.
En effet, d’aucuns se sont dit atterrés de la diffusion de l’émission du 25 novembre dernier : sur neuf joueurs de l’équipe de France interrogés, seul un reconnaît le premier ministre Jean-Marc Ayrault sur une photo qui leur est présentée. De la même manière, le 2 décembre dernier, le défenseur du PSG, Mamadou Sakho, n’a pas réussi à dire le nom de son président, Nasser Al-Khelaïfi, devant une photo de ce dernier. Ces différentes séquences n’ont pas manqué d’être reprises sur le Web et sur les réseaux sociaux, tournant en ridicule l’équipe de France et nourrissant le discours ambiant de défiance vis-à-vis des Bleus. Dès lors, alors que TF1 visait à une restauration de l’image des Bleus auprès du public, l’inverse se produit. Un effet pervers en forme de bad buzz, aussi bien néfaste à l’équipe de France qu’à l’équilibre financier de TF1.
Par son format de « Quizz 2012 » et en tournant en dérision l’inculture des Bleus, TF1 participe à l’aversion du public vis-à-vis de l’équipe de France, favorisant une chute d’audience en cas de match des Bleus, ce qui nuit à terme à la manne financière issue des annonceurs. S’il partait d’une bonne intention éditoriale et marketing, le « Quizz 2012 » n’a pas eu l’effet escompté. Pire, TF1 se tire une balle dans le pied.
 
Nicolas Docao
Cet article est une adaptation de l’article original paru sur le site Internet d’Effeuillage, la revue qui met les médias à nu. Effeuillage est une revue de vulgarisation scientifique orchestrée par le Master 2 Communication, Marketing et Management des Médias, où interviennent des enseignants chercheurs du CELSA, des professionnels des médias et des étudiants. Elle vient de lancer son site Internet, que vous pouvez retrouver ici. Si vous souhaitez contribuer à Effeuillage, c’est ici que ça se passe.

Société

Manger du Nutella c'est pas bien

 
La commission des Affaires sociales du Sénat a adopté le 7 Novembre dernier un « amendement Nutella », présenté dans le cadre du projet sur la sécurité sociale. Cet amendement vise à taxer à 300 % l’huile de palme. L’argument écologique est avancé pour justifier les 40 millions d’euros qui entreraient dans les caisses de l’Etat. Ferrero, inventeur et distributeur de la fameuse pâte à tartiner, monte alors très vite une cellule de crise. Le 16 Novembre, il publie dans divers journaux un communiqué de presse sous le titre « Nutella, parlons-en » accompagné d’un site internet. Le 21 Novembre, on apprend que l’amendement est  refusé mais qu’il sera réexaminé dans le cadre d’un projet de loi sur la santé en 2013. Pourtant la campagne papier de Ferrero continue. Un compte Twitter est ouvert le 2 Décembre. Le communiqué continue d’être publié, comme dans le Libération du 3 Décembre augmenté d’un lien vers le compte Twitter.
Le fait que l’entreprise continue sa campagne alors que l’amendement a été refusé intrigue. Comment expliquer la réaction de Ferrero à un bad buzz relativement faible comparé aux moyens mis en œuvre pour le contenir ? Le danger est là : à force de vouloir le contenir, la marque attire l’attention du consommateur occasionnel qui aurait pu passer à côté du débat.
Il sera ici question d’analyser cette campagne pour soulever un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur : le lobbying orchestré directement vers les consommateurs.
Le publi-communiqué
Ce communiqué semble s’adresser aux consommateurs, qui seraient directement touchés par la taxe. Sur le ton de la transparence, Ferrero clarifie la situation en répondant point par point au débat « injuste et opportuniste » dont il se clame victime.
En somme, la marque rassure les consommateurs autour d’un communiqué qui se veut simple, explicatif, transparent (ce qui est d’autant plus surprenant de la part de Ferrero, entreprise réputée pour son opacité) et scientifique, comme le prouvent les deux renvois en bas de page et le graphique nutritionnel. Le tout rédigé sur un ton bienveillant : le consommateur est rassuré. Et Ferrero se positionne en tant que victime d’un débat illégitime. Il est curieux de voir que la marque décide de se tourner vers les consommateurs au lieu de toucher directement le gouvernement. Au-delà de la volonté de rassurer les consommateurs, nous assistons ici à une véritable campagne de lobbying d’un nouveau genre, tournée vers les clients.
Un lobbying d’un nouveau genre
Par lobbying, j’entends une action visant à se positionner comme victime et à appeler un groupe de personnes à créer un collectif de soutien à la marque. Dans notre cas, le groupe est le client. Et la victime Ferrero. Dans le communiqué, les mots « injuste », « idées reçues », « opportuniste » et « communication opportuniste » sont employés. Les écologistes et dans une certaine mesure l’Etat Français feraient un abus de pouvoir, illégitime et infondé face à une marque transparente contre laquelle on ne peut alors plus adresser de reproches.
Ainsi, au-delà des arguments visant à redorer l’image de la marque, Ferrero joue la carte du digital. Grâce à ce communiqué et à sa stratégie digitale, la marque tente de créer un lien direct avec les consommateurs. Cela entre dans la stratégie plus globale de transparence caractérisant cette gestion de crise.  Est-ce que ça marche ?
Le résultat est contrasté. Quatre jours après la création du fil Twitter on compte 195 Followers. En revanche sur Facebook, un groupe de clients s’est formé sous le nom « touche pas à mon pot ». Ce groupe, très actif, reprend systématiquement l’actualité relative au Nutella, en France et en Belgique. On y trouve des débats entre les « pro »-Nutella et ses détracteurs. Le groupe compte 1 984 fans. Cependant, l’argument central n’est pas une préoccupation environnementale ni nutritionnelle, mais budgétaire. C’est contre l’augmentation en elle même que ce groupe se positionne. L’approche du groupe Facebook est clairement ego-centrée : ce qui compte c’est le prix en augmentation de ce produit tant chéri, ce n’est pas la marque ni son image. Même si elle ne sera que de 5 centimes pour un pot familial de 850 grammes.
On peut cependant discerner une seconde cible : les journalistes. Le publi-communiqué insère des informations facilement réutilisables par les journalistes. Le fil Twitter, lui, semble être exclusivement dirigé vers eux. Il suit des comptes de grands journaux et tweet à chaque fois qu’un article est publié sur ce sujet. Ainsi, Ferrero montre qu’il est actif dans le débat, prêt à répondre à toutes accusations. Cette présence réduit fortement les critiques des journalistes dans la mesure où ils savent qu’ils devront nécessairement répondre de leurs publications.
On assiste donc à une forme de double lobbying, de plus en plus fréquente. Séphora et son communiqué à propos de l’heure de fermeture de son magasin des Champs Élysée en est le plus récent exemple. Dans notre cas, Ferrero tisse un lien ténu avec les consommateurs qu’il touche directement grâce à une logique fondée sur la bienveillance. Cependant l’effort de transformer le bad buzz en quelque chose de positif semble vain : il y a une certaine passivité chez les clients, uniquement concernés par l’augmentation du prix. La marque touche aussi les journalistes, auxquels elle fournit une ligne d’informations et un suivi systématique des articles, leur laissant peu de marge de manœuvre pour répondre.
 
Arthur Guillôme
Sources :
Rue89
Paroles De Géographes – Le Monde
Huffington Post
France TV Info
 

Société

En grève !

 
Perturbations du trafic, mouvements sociaux, revendications,  grève des contrôleurs, des conducteurs de TER, des salariés etc. Ces mots résonnent en chacun de nous aujourd’hui, on aurait presque tendance à les entendre avant même qu’ils ne viennent frapper à nos tympans.
C’est un sombre mois de décembre qui a commencé pour les usagers de la SNCF. On est pourtant rodés, en France la grève c’est presque comme la baguette et le camembert, bien frenchy ! Alors le savoureux mélange du mouvement de grève avec les cheminots c’est un peu la consécration de la tradition, un bout de camembert normand délicatement déposé sur un bout de pain tout juste sorti du four à bois. Seulement voilà, après plusieurs décennies de grèves, le pain commence à rassir… Les revendications sont nombreuses, les injustices et les problèmes de conditions ainsi que de droits du travail sont encore prégnants. Mais cette fois-ci le problème est ailleurs.
La SNCF maîtrise parfaitement son image, sa communication. Pour le coup, la communication de crise est inévitablement liée à la SNCF, une société des transports ne peut évidemment pas négliger la prévoyance des incidents et la réaction face à leurs conséquences. La SNCF choisit la transparence, la rapidité, la prise de parole. Malheureusement lorsque les causes des incidents proviennent de la société, la réaction se fait difficile. Les grèves sont difficiles à gérer, surtout sur le long terme, surtout lorsqu’il s’agit de crises récurrentes et sans réponses réelles, et surtout lorsque cette réponse oublie que les usagers risquent un jour de faire grève à leur tour… Ou bien de monter à bord d’un autre train, ce qui pourrait arriver prochainement avec l’ouverture du réseau à la concurrence.
Sur le net, c’est avec son site Voyages-SNCF.com qu’elle fait un véritable tabac et son directeur de la communication, Patrick Ropert n’est pas le dernier à le faire savoir, on le comprend bien. L’entreprise septuagénaire n’en est pas à son coup d’essai, sur internet elle gère. La plateforme Voyages-SNCF illustre bien la capacité d’adaptation dont elle peut faire preuve. Créée en 2000 elle devient rapidement le premier site de e-commerce en France, en 2011 elle représente environ 10% du volume d’affaires de l’e-commerce français ! Sur le plan digital la firme ne cesse de se développer depuis le début des années 2000. Plus récemment elle a pris le temps de refondre son site internet, repensé comme un « hub », afin de faciliter accès et navigation aux usagers. Mais il est aussi l’heure selon Patrick Ropert de passer à une nouvelle relation digitale via le « open data ». Le but : rendre publique certaines données et devenir ainsi une plate-forme dont la force serait l’ « open » pour être capable de répondre aux besoins des clients. Selon le directeur de la communication du groupe il s’agit d’une « information individualisable en temps réel, pour dix millions de passagers quotidiens dans le monde ». Cette approche nouvelle de la donnée devrait faciliter l’accès aux informations et aux services, un peu comme le faisait déjà l’application du Transilien. De plus, la SNCF est également présente sur tous nos écrans, smartphones, tablettes… Pas de problème pour acheter un e-billet, connaître les horaires et tarifs. En revanche il reste des zones d’ombres  qui ne sont toujours pas éclaircies par cette palette d’outils numériques.
Alors oui sur internet la navigation est fluide. Sur le réseau ferroviaire c’est une toute autre histoire. Et c’est précisément ce qui risque de poser problème à la société de transports française. Cette dimension digitale est selon Patrick Ropert un élément essentiel « de la mobilité et transforme simultanément le service, la production, les modèles économiques, l’information et, bien sûr la culture d’entreprise ». On peut s’interroger sur la validité de quelques uns de ces points : La culture d’entreprise et inévitablement le service, tous deux intimement liés. La cohérence qui existe entre l’image développée par la SNCF et sa maîtrise de l’espace digital, risque d’être mise à mal par les incessantes grèves qui ne suscitent plus du tout l’émoi ou la solidarité des usagers. Des prix trop élevés, des heures d’attentes, des retards, des dégradations et bien évidemment le problème cyclique des grèves, suscitent l’agacement. Les usagers ont le droit de se sentir biaisés, la fluidité du réseau ne semble que virtuelle, purement digitale.
 
Margot Franquet
Sources :
Stratégies N° 1701 p. 16 « Open Data : la relation digitale »
Le Monde.fr
 

Société

Les TED et la victoire du storytelling

 
Elles arrivent petit à petit en France, et commencent doucement à se faire reconnaître du grand public : les conférences TED n’ont pas fini de fasciner, en témoigne la littérature prolixe qui fleurit sur le web à leur sujet. Fondées d’abord aux Etats-Unis en 1984, les TED (Technology, Entertainment, Design) avaient un objectif simple et loin d’être révolutionnaire : partager des points de vue nouveaux (leur slogan est “ideas worth spreading”) en faisant intervenir des spécialistes dans des conférences ouvertes au grand public. L’avènement et la démocratisation d’Internet a évidemment dopé leur développement puisque toutes les conférences (1400 à ce jour) sont publiées sur leur site, parfois même sous titrées par des volontaires, le tout gratuitement. Le succès fut sans précédent. TED a réussi à créer une véritable communauté sans être taxé d’élitisme, à intéresser un public qui dépasse celui des seuls habitués aux conférences. Communauté qui  d’ailleurs ne cesse de s’agrandir, TED se disséminant peu à peu dans d’autres pays ; son arrivée en France date de 2009, et depuis septembre 2012, ce ne sont pas moins de trois TEDx (nom donné aux évènements TED) qui ont occupé de grands lieux de Paris, tels que la Gaîté Lyrique ou le Panthéon de la Sorbonne.
 
Comment expliquer cet engouement ?
Les TED ont parfaitement su s’adapter au nouveau régime de la consommation du savoir mis en place par l’arrivée d’Internet. Lorsqu’un internaute navigue sur le web, chacune de ses fenêtres affiche un contenu  différent, il peut, en un clic, passer d’un diaporama sur des photos édifiantes à un article scientifique surprenant, en passant par une chronique amusante ou touchante. C’est un peu ce que proposent ces conférences. En « live », une dizaine d’intervenants se relaient, en ne dépassant que rarement les vingt minutes de parole. Il en va de même lorsque l’on se rend sur le site où l’on nous dit « browse by subject, length, or rating (inspiring, jaw-dropping, funny…) » : tout est à la demande, et si l’on ne créé pas la vidéo qu’on veut voir, on n’en a jamais été aussi près, puisque nous sommes les seuls décideurs de sa durée, son sujet, son ambiance, sa qualité. Les TED sont en quelque sorte le microcosme d’Internet, ou du moins de l’image idéalisée que l’on peut s’en faire : un lieu où l’éclectisme, comme le savoir, est à portée de main.
Mais proposer du contenu intelligent ne suffit pas à soulever l’enthousiasme, et il serait quelque peu ingénu de croire qu’il a alimenté à lui seul la gloire de TED.

En effet l’autre clef de la réussite de TED, la différenciant des traditionnelles conférences, est l’utilisation du fameux concept de  storytelling. Regardez ne serait-ce que trois vidéos et vous verrez que le commencement est toujours le même : des applaudissements, les saluts de l’invité, puis une brève narration de sa vie et de l’élément qui l’a bouleversée et explique sa présence ce soir. Tous ces gens ont une histoire à raconter, bien spécifique, dont ils ont tiré des conséquences, un certain savoir ainsi que des règles qui désormais dictent leur vie et qu’ils se doivent de nous transmettre. Rien n’est plus efficace que ce procédé. Raconter un fait personnel et parvenir à le lier à un propos abstrait le rend palpable et humain, ainsi qu’intéressant, car il mobilise nos émotions voire crée un processus d’identification. Tout le monde aime les gens qui « ont une histoire ».
C’est ainsi que TED a institutionnalisé ce moyen de communication qui se retrouve désormais dans tous les discours de marques : on se souvient de ceux de Steve Jobs, on écoute encore ceux de Marc Zuckerberg. Les TED sont cet intermédiaire entre la conférence scolaire et la communication d’une marque : ses intervenants sont souvent des entrepreneurs, les conférences sont parrainées par de grandes marques (Canal + et Orange sponsorisent la prochaine). Le storytelling devient même une pratique à part entière ; à la dernière TEDxSorbonne, un des intervenants a parlé pendant 20 minutes de rencontres qu’il avait faites au cours de sa vie, et je dois avouer que j’étais très perplexe sur le fond de sa pensée, jusqu’à ce que je voie un tweet disant qu’il faisait une superbe démonstration de storytelling.
Le storytelling, pilier de TED et de la communication désormais, est donc à double tranchant. Il a l’avantage de pouvoir nous intéresser à presque tout et n’importe quoi, mais ne risque-t-il pas de réduire le discours a un simple exercice rhétorique, que, finalement, nous oublions dès que l’émotion qu’il a nous a procurée est passée ? (Ne finit-il pas par desservir le partage du savoir ?)  C’est en tout cas ce qu’illustrent les flops de l’opération Kony 2012 ou de la publicité pour Facebook, les deux vidéos commençant presque par les mêmes images et le même texte, leur message étant pourtant totalement différent.
Virginie Béjot
Sources :
TED : http://www.ted.com/pages/about
TEDxParis : http://tedxparis.com/
Retrouvez également le live tweet de la dernière conférence TED à la Sorbonne sur le fil twitter de @FastNCurious_

Société

Quand la mode descend dans la rue

 
Germanophone et féru-e de mode, peut-être avez-vous eu la chance de feuilleter l’édition allemande de Vogue du mois dernier. Si oui, vous avez sûrement remarqué certaines photographies d’un goût douteux. Si non, ce qui est parfaitement compréhensible, voici de quoi vous mettre à la page.

On retrouve donc dans cette édition d’octobre 2012 une série de photographies prises dans les rues de New York par Sebastian Kim. Sur le papier glacé, les mannequins posent de manière volontairement négligée devant les enseignes les plus luxueuses. Les magasins Prada et Céline servent alors d’arrière-plan à une mise en scène de la précarité de sans domiciles fixes. Fort heureusement pour la sensibilité des lecteurs, elles restent très bien habillées. Une mannequin fait la manche en lançant un regard glamour et mystérieux. Une autre exhibe ses sacs haute-couture en s’appuyant sur un caddie rempli de canettes de Coca Cola recyclées. Pauvres, mais élégantes d’abord !
L’extrême pauvreté est un sujet tabou. Et la mêler au luxe, ça fait parler. La campagne est de mauvais goût, certes. Mais la démarche artistique aurait pu être intéressante, si elle avait servi à dénoncer la précarité… Mais non. Il semble que Vogue, et le luxe en général, préfèrent jouer la carte de la légèreté et profiter du buzz créé par la mode version SDF.
Les magazines français n’échappent pas à cette tendance. Prenons le magazine de mode Antidote qui, l’an dernier, publiait une série de photos du même genre. Seulement, dans ce cas, le cadre se veut beaucoup plus réaliste.

Cheveux crêpés, cartons en guise de lit, tous les éléments de la caricature sont là. La ligne du politiquement correct est allègrement franchie ; il faut savoir choquer et  faire parler de soi. Peu importe que les critiques soient positives ou non, l’essentiel est de faire du bruit.
Au delà du simple shooting photo, la précarité inspire aussi les créateurs. En2009, l’allemand Patrick Mohr faisait défiler des sans domiciles fixes aux côtés des mannequins professionnels. Un an plus tard, Vivienne Westwood dévoilait la collection « Homeless chic ». Voyez par vous mêmes :

La mode sait être drôle, elle sait aussi être vulgaire et choquante. Peut-être devrait-elle apprendre à trouver le juste milieu entre créativité et respect de l’autre.
 
Khady So
Sources :
Le site du Spiegel
Buzzfeed.com

Société

L’Impossible.fr, une autre presse

 
En mars 2012, un nouveau venu s’installe dans nos kiosques à journaux. Il ressemble à ces anciens feuillets que l’on cachait sous le manteau. Son nom, L’Impossible, son fondateur, Michel Butel. Et déjà, tout est dit. Vingt ans jour pour jour après la disparition de L’Autre Journal, ce « mook » mensuel singulier reprend de son prédécesseur cette conviction que la presse peut être une œuvre d’art, c’est à dire un espace de liberté et de création. Ainsi, Michel Butel fait appel dans L’Impossible à des écrivains, des poètes, des photographes et des dessinateurs. Des amis et des passionnés, qui s’imposent non pas comme des journalistes, mais comme des artistes dont les idées et les combats s’illustrent par un ton en marge des formulations étriquées de la presse française.

Attaché au papier, seul véritable véhicule de l’émotion de la lecture, Michel Butel et sa rédaction revoient pourtant leur position et lancent le 23 novembre 2012 le site internet (nouvelle version) du journal. On y retrouve certains articles des précédents numéros, des textes de Michel Butel, et bien sûr, la possibilité de s’abonner ou de recevoir en pdf le journal, pour 3 euros. Dans ses billets, la rédaction n’hésite pas à dévoiler les logiques marchandes qui entourent la production du journal, à l’inverse de nombreuses publications qui préfèrent régler dans l’ombre leurs différents. Le combat de L’Impossible contre Presstalis est dévoilé au grand jour: David se dresse contre Goliath et réclame son gain. Et pour cause, le distributeur en crise n’a tout simplement pas distribué à la date prévue le premier numéro, engrangeant de fortes pertes pour un journal indépendant qui bénéficiait d’une forte médiatisation pour sa naissance. Pire, la première messagerie de presse française retient encore une partie du capital de la vente des premiers numéros, une prise en otage désespérée pour un réseau qui connaît en ce moment la fuite de nombreux éditeurs. Michel Butel évoque cette affaire dans son appel aux dons, justifiant par l’indépendance (face aux régies) du journal le recours au mécénat et à la vente de parts de son capital.
Contrairement à sa lecture papier, assez indigeste pour des yeux amateurs, le site de L’Impossible brille par sa clarté. Nouveau rendez-vous d’une communauté peut-être moins parisienne et plus diversifiée, L’Impossible se découvre aussi sur Facebook, dont la page témoigne fièrement de plus de 7000 fans à ce jour. Il se crée un sentiment particulier à la lecture de ce journal, un instant poétique. À la fois un acte subversif envers notre presse si homogène et protocolaire, et l’impression de renouer avec un modèle ancien, celui des écrivains-journalistes.
Une belle preuve que l’utopie peut parfois coïncider avec la réalité, qu’un projet éditorial peut se dresser comme un pont entre le monde littéraire et intellectuel de ses contributeurs, et la vie numérique et connectée d’une bonne partie de ses lecteurs.
Fort de son succès, L’Impossible annonce la création d’un hebdomadaire nommé Encore, plus proche de l’actualité, et qui verra le jour à la fin du mois de janvier.
 
Clémentine Malgras
Sources
Interview Michel Butel et Laeticia Bianchi pour Télérama : http://www.telerama.fr/medias/michel-butel-l-impossible-et-laetitia-bianchi-le-tigre-tant-que-le-desir-existe-nos-journaux-survivront,87363.php
Site du journal : http://www.limpossible.fr/
Pour suivre le fondateur sur Twitter : @michelbutel
Et le journal sur Facebook : https://www.facebook.com/limpossible.journal?fref=ts

Société

Twitter, land of the dead ?

Le temps où l’on croyait naïvement que Twitter allait révolutionner nos pratiques numériques et sociales semble désormais révolu.
Quand la plateforme de microblogging a entamé son ascendance populaire auprès du commun des mortels, les retours étaient assez dithyrambiques. D’un côté, il y avait ceux, pragmatiques, qui considéraient Twitter comme un nouveau joujou à la mode, un concept sympathique mais un service finalement assez futile ; de l’autre, ceux qui ne tarissaient pas d’éloge sur ce nouveau média révolutionnaire, prêt à déboulonner les statues des tyrans et à porter la réflexion et la raison 2.0. au firmament du vingt et unième siècle.
Souvenez-vous, c’était en 2010, et Biz Stone, le directeur créatif de Twitter, déclarait lors d’une conférence à San Francisco: «Twitter ce n’est pas le triomphe de la technologie. C’est le triomphe de l’humanité.» Rien que ça.
On ne peut pas reprocher aux créateurs de Twitter d’avoir vu les choses en grand ; après tout, Steve Jobs et Mark Zuckerberg avaient aussi à leur façon l’intention de révolutionner le monde. Cependant, il y a une chose pour laquelle ils sont à blâmer : leur attentisme face à l’irruption – certes progressive –  de la sphère marchande dans le petit monde des gazouillis.
Et quand je parle de sphère marchande, je ne parle pas que de ces bots insupportables qui vous « follow » parce que ça leur fait de la pub : en effet, le fait que les entreprises intègrent dorénavant les médias numériques dans leur communication n’est pas si terrifiant, et, d’un point de vue économique et stratégique, c’est tout à fait compréhensible.
Non, ce qui est réellement révoltant dans tout cela, c’est que le fameux adage « avec de l’argent, tout s’achète » s’applique aussi à nos échanges de gazouillis. Qu’on se mette bien d’accord, pour moi, pauvre hère, la tentation de la célébrité n’existe quasiment pas. Mais je dois bien reconnaître que même moi je ne peux m’empêcher de tiquer quand je vois que l’un de mes followers, roturier de la célébrité numérique lui aussi, affiche une centaine d’abonnés de plus que moi.
 Ainsi, Twitter apparaît aussi comme un espace de compétition, où le personnal branding atteint des sommets de virtuosité. Et dans le cas de vraies personnalités, le constat n’est que plus criant. Dans le but d’atteindre des résultats mirifiques (mais surtout très virtuels) ils sont nombreux à recourir à des pratiques peu scrupuleuses via le marché noir du Web : journalistes, stars de la chanson, hommes politiques, nouvelles start-ups et même personnalités de la télé-réalité, tous achètent auprès de revendeurs spéciaux des followers, humains ou non.
Comme l’explique Seth Stevenson dans son article sur le site de Slate[1], il existe deux types d’abonnés que l’on peut acheter : ceux que l’on appelle les « abonnés cibles », qui sont de vraies personnes et que les sociétés de marketing s’évertuent à identifier par leurs intérêts pour qu’ils vous suivent ; ceux qui posent vraiment problème sont les « abonnés fantômes », qui en réalité sont de faux comptes créés gérés par des machines, et qui ont d’ailleurs l’intelligence de machines, à savoir qu’ils ne sont efficaces que dans la limite des actions pour lesquelles ils ont été programmés. Ces comptes fantômes, ces zombies virtuels, ne servent en réalité qu’à gonfler le nombre de followers affichés sur le profil : si vous comptiez vous faire plus d’amis et vous voir retweeté toute la journée, c’est râpé. Ce sont des fantômes au sens premier du terme : ils sont transparents et inactifs, donc inintéressants si l’on considère l’utilité première de Twitter, qui est de promouvoir l’interaction et l’interactivité.
On peut se procurer plusieurs milliers de nouveaux abonnés pour une somme tout à fait modique. Mais on l’a bien vu, cette stratégie n’est utile que pour venir gonfler des statistiques somme toute assez superficiels. Superficiels, pas tant que ça en fait…Twitter le reconnaît plus ou moins ouvertement, mais le nombre de followers fait partie des critères qui font que certains comptes vous sont suggérés dans un cadre à gauche de votre écran.
Et c’est là que le bât blesse : la réaction de l’équipe de direction du réseau social est pour le moins étonnante. Bien que le développement d’un tel marché noir soit en totale contradiction avec les règles d’utilisations du média, Twitter laisse couler et se montre plutôt indulgent envers ces comptes fantômes qui pourrissent le réseau. Les comptes sont peu souvent repérés et supprimés, et d’ailleurs on parle officiellement de « comptes inactifs ». Les vendeurs d’abonnés, pas inquiétés le moins du monde, continuent leur business ouvertement, et même, comble du comble, en s’affichant sur Twitter.
Résultat, Twitter se transforme peu à peu en un combat de coqs géant pour qui aura le plus d’abonnés. Dans la continuité d’un éternel débat entre l’être et le paraître, il semble que les aspirations de ce pauvre Biz et de ses comparses soient devenues trop utopiques pour une société comme la notre.
 
Laura Garnier

[1]   « Je me suis acheté 27.000 followers sur Twitter », publié le 17/10/2012

Société

Bonjour Madame, quelle est votre fleur préférée ?

 
Torses nus, souriants et enjôleurs, cinq jeunes Apollons interpellent la passante : « Bonjour Madame, quelle est votre fleur préférée ? »
Surprenante et malicieuse, la nouvelle campagne de l’Office Hollandais des Fleurs met à l’honneur une large sélection de mâles – pardon, de fleurs – à offrir ou se faire offrir. C’est dans un jardin édénique que les séduisants garçons se font un plaisir de vous guider à travers des allées fleuries et ensoleillées. Il y en a pour tous les goûts : du blondinet frisé au grand musclor  à la peau d’ébène en passant par le beau gosse à la barbe de trois jours –sans oublier bien sûr l’incontournable brun aux yeux bleus. Accessoirement, cinq bouquets sont à l’affiche, qui mettent à l’honneur le Gerbera, la rose, le Freesia, la Gloriosa, le Lisianthus et l’Amaryllis.
Contre la morosité ambiante, c’est au moyen d’importants investissements médias que l’Office Hollandais des Fleurs compte remettre ces dernières au goût du jour. Du 8 au 21 octobre, au Royaume-Uni comme en France, des millions de voyageurs ont croisé quotidiennement dans le métro les affiches publicitaires déclinées en cinq visuels colorés et gais.
Horticulture et séduction
La campagne invite chacun à se rendre sur la page www.lajoiedesfleurs.fr afin de choisir sa fleur préférée. Là, avec de charmants gazouillis d’oiseaux en fond sonore, la cliente se voit chaleureusement accueillie par les fameux « gars », plus avenants et charmeurs que jamais. Dans une ambiance joyeuse et humoristique, ces derniers l’accompagnent étape par étape dans le choix de sa fleur préférée, avec force clins d’œil et moues aguicheuses. L’idée est de donner le sentiment d’un accueil personnalisé et unique : le client-roi pénétrant dans l’univers de la serre est reçu avec moult empressement : « Bonjour très chère, et bienvenue dans ma serre où je cultive quelques-unes des fleurs vedettes de la saison. »
Il s’agit d’assurer une visibilité maximum de la campagne aussi bien par affichage que via internet. Les réseaux sociaux, notamment Facebook, sont mis à contribution par le biais d’un jeu-concours, où les participants sont invités à trouver la fleur préférée de leurs proches, pour peut-être gagner un bouquet de ces fameuses fleurs. Et afin d’accroitre l’impact de la campagne, de nombreux fleuristes sont invités à participer à l’opération et sont fournis en matériel promotionnel dans le but d’attirer le public. De fait, l’opération « Ma fleur préférée » s’illustre avant tout comme une campagne de notoriété et d’image, l’objectif étant à terme de faire vendre des fleurs.
Mais cette campagne se distingue par son originalité, laquelle s’exprime dans le décalage entre l’univers traditionnellement plus conventionnel des fleurs et l’aspect sexy de la mise en scène des « gars ». Habituellement, les fleuristes tendent à communiquer sur des messages plus convenus ou pratiques, mettant en avant la facilité de la commande « en 2 clics », la rapidité de la livraison ou encore l’idée-cadeau pour la fête des grands-mères. Ici, la campagne s’adresse d’abord à celle qui désire des fleurs – et seulement de manière indirecte à celui/celle qui offre : pour une fois, ce n’est pas l’aspect commercial qui est mis en avant. En outre, la campagne met l’accent sur l’originalité : composer un bouquet, ce n’est plus simplement acheter un ensemble pré-fait et anonyme, c’est exprimer sa créativité et sa personnalité ! Car comme le susurre la voix de la vidéo, « leur beauté [celle des fleurs, pas seulement celle des « gars »] est originale et unique » – et donc la cliente aussi. CQFD.
Des fleurs pour illuminer le quotidien
A l’arrivée de l’automne donc, les fleurs deviennent le centre des intérêts et des sujets de conversation. Contre le temps maussade et la grisaille environnante, rien de tel qu’une bouffée de bonne humeur agrémentée d’une dose d’humour, servie par cette opération « Ma fleur préférée », dont la tonalité colorée et enjouée égaie les murs gris du métro.
Bon à savoir pour ceux qui projettent d’offrir un bouquet : à chaque fleur est rattachée une symbolique particulière liée aux couleurs notamment – gare donc aux choix de composition ! Plus une couleur est pâle et plus le sentiment se veut léger et discret, tandis que les couleurs vives traduisent au contraire l’intensité de l’émotion. Les messages et les significations varient aussi en fonction des types de fleur : une rose rouge exprime une passion ardente et un désir charnel, quand la violette exprime un amour pudique et timide. A bon entendeur…
 
Clara de Sorbay
Sources :
Agora Floris
Le Monde
Wikipedia
Lien :
LaJoieDesFleurs

Société

700 mots de polémique

 
En à peine plus de 700 mots, tout y passe : l’économie, la politique, la société, la psychologie…
700 mots d’un article du Point avec un certain retentissement, sobrement intitulé : « Jeux vidéo : permis de tuer ». Au moins la couleur est annoncée.
Si l’on analyse l’article, on observe qu’en 700 mots sont abordés pléthore de sujets polémiques autour du thème de la violence vidéoludique. Et, heureuse coïncidence, les joueurs sont aussi souvent une population jeune, au fait des nouvelles technologies, active sur les réseaux, et prompte à réagir pour se défendre.
Cet article, moins qu’une charge violente, est en réalité un excellent buzz, puisque les mécontents relaient l’information bien plus vite et avec bien plus de force que des lecteurs satisfaits. Au bout du compte, Le Point fait parler de lui et amasse une quantité étonnante de commentaires sous l’article en question (120 en quelques heures, pour la plupart longs et appliqués). Autant de commentaires c’est autant de temps passé sur le site du Point, autant de clics, autant d’arguments convaincants pour les annonceurs.
La polémique : générateur de trafic, et ça, c’est tout bon.
À l’heure où les médias pâtissent d’une méfiance grandissante des publics, à l’heure où leur crédit est en berne, peut-on se permettre de torpiller ainsi la fameuse éthique journalistique ? Quid des recherches, des analyses, du sérieux, de l’objectivité ?
Distinguons les conséquences à long terme et à court terme. Dans le cas présent, l’immédiat s’avèrera sûrement rémunérateur, et le bénéfice d’audience peut-être non négligeable. Mais au temps long, les choses semblent moins évidentes : c’est tout un contrat tacite qui vole en éclat ; et gageons que ce ne soit pas un pari gagnant par les temps qui courent.
Le mélange des genres n’est pas toujours bénéfique ; en l’occurrence il est catastrophique parce qu’il contribue à décrédibiliser le travail d’analyse que sont supposés faire les medias. On ne se lassera pas de répéter que la plupart d’entre eux ont besoin des annonceurs pour vivre et continuer à produire du contenu, que l’achat au numéro ou les abonnements ne suffisent pas, que les annonceurs sont souvent vitaux ; mais si le lectorat, seul, n’est pas toujours suffisant pour attirer des annonceurs, il est certain que l’absence de lectorat n’en attire aucun.
Cet article, loin d’être le seul de son espèce, est symptomatique des maux du modèle économique des médias traditionnels. Il marque, comme d’autres avant lui, un processus lent de déclin d’un système qui survit  sans parvenir à se réinventer.
Informer et attirer des annonceurs ne sont pas inconciliables, pourvu que l’un ne se fasse pas aux dépends de l’autre.
 
Oscar Dassetto
Crédits photo : © DR

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