Société

Jacques a dit qu'il s'était fait prendre, lui aussi…

 
Eh oui, comme tout un chacun, Jacques a lu et vu pendant des jours les réactions concernant la une de Libération. Jacques s’est indigné ou a souri selon les cas, mais il ne pouvait pas y échapper : la vague médiatique a déferlé tel un cheval au galop, engloutissant pour un temps guerre en Syrie, crise de l’europe et incendie meurtrier à Saint Denis.
Le 10 Septembre, Libération présente en une la photo de Bernard Arnault, propriétaire du groupe de luxe LVMH, paraphée de la fameuse formule « Casse-toi riche con », déformation de la formule « Casse-toi pauvre con » prononcée par l’ancien Président de la République en 2008. A la source, une rumeur selon laquelle Mr Arnault souhaiterait se faire naturaliser belge afin d’échapper à la taxation à 75% des revenus supérieurs à 1 million d’euros, mesure prise par l’actuel Président.
Pas d’inquiétude, cet article ne prendra aucune part au débat qui divise politiques et médias sur le bien-fondé de cette une, les réactions des internautes ou la décision finale de Mr Arnault. L’intérêt est ailleurs, car en réponse à la décision du Président de LVMH d’attaquer le quotidien en justice, Libération a répondu par une autre une le lendemain, bien plus intéressante d’un point de vue sémiotique.
Au premier abord, rien d’étrange sur cette première page : une accroche polémique (qui reprend une fois encore une phrase de l’ex Président de la République), une photo en couleurs reprenant le sigle d’une grande marque de luxe, le logo habituel… Violet ?
Eh oui, violet. Le fameux logo rouge, identitaire du journal, ne se retrouve que sur la tranche comme pour dire « oui, c’est bien le bon journal, vous ne vous êtes pas trompé ». Interloqué, le lecteur saisit alors la première page, la tourne et que voit-il? Un procédé typique des journaux gratuits tels 20 Minutes ou Direct Matin, qui consiste à utiliser la première page comme support publicitaire de choix pour les annonceurs pour ne mettre la « vraie » une qu’en page 3. Typique de certains journaux, bien moins typique de Libération ! Même si le quotidien nous a habitué à des premières pages recherchées qui font partie de ses marques identitaires.
Ce système a permis plusieurs résultats positifs pour le quotidien. Il a d’abord attiré le regard sur le journal par le biais de la couleur du logo (reprenant la couleur du diamant qui surmonte la bague sur la photo), piquant la curiosité des lecteurs non initiés aussi bien que des abonnés. Cette couleur reste d’ailleurs la dominante dans les quatre pages publicitaires qui composent cette « fausse une », tandis que le rouge reprend sa place à partir de la « vraie une », en troisième page.
Voici donc un deuxième effet positif, car la « fausse une » a également permis au quotidien de réaliser trois pages pleines de publicité envers les enseignes du groupe LVMH, pour le plus grand plaisir des annonceurs mais aussi du service financier du journal. Quoi de plus attirant qu’un espace publicitaire inédit, qui attirera le regard des lecteurs, pour vendre les marques LVMH ? Une publicité tout aussi intéressante pour Libération, qui réalise un coup marketing tout en conservant sa position éditoriale d’opposition grâce à la phrase d’accroche. Cela montre aussi combien les journaux ont toujours été et sont encore aujourd’hui dépendants du bon vouloir des annonceurs pour survivre, et notamment du domaine du luxe qui est parmi les seuls en croissance malgré la crise.
Enfin, l’idée de « buzz » polémique suscité par la une de la veille est partiellement gardée même dans la une publicitaire par le biais de la photo, où l’on pourrait confondre le S avec le sigle dollar et le Y avec celui du yen, renvoyant encore une fois à l’argent de Bernard Arnault.
Cette double une en a certainement étonné plus d’un, en bien ou en mal, et a permis une jolie polémique sur les réseaux sociaux et la blogosphère. Vous vous êtes fait avoir? Eh bien Jacques aussi s’est laissé prendre…
 
Héloïse Hamard

Société

150 € l'exemple

 
Si je vous dis « Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet », vous répondez, à juste titre : « Hadopi ! ».
Bien joué !
HADOPI a pour mission principale d’encourager l’offre d’œuvres légales sur Internet [i] et de lutter contre le « piratage ». Lorsqu’un voleur est repéré, il reçoit un courrier. S’il persiste dans cette pratique six mois plus tard, il reçoit un mail et une lettre recommandée. Enfin, si six mois après le malfrat fait encore le malin, il est convoqué par la Commission de Protection des Droits, qui décide ou non de porter le dossier devant la Justice.
La semaine dernière, un dangereux conspirateur de 39 ans a reçu une amende de 150 € pour avoir téléchargé illégalement deux titres de Rihanna sur son ordinateur. C’est la première personne condamnée pour téléchargement illégal depuis la mise en place du dispositif HADOPI en 2010. 150 € et un mal de tête causé par Rihanna, c’est beaucoup !
Faire fonctionner HADOPI, c’est cher. En apparence, ce n’est pas très efficace, puisque seulement 150 € rapportés à l’Etat en 2 ans, c’est un faible rendement. Mais pour sauver l’industrie musicale, qui souffre depuis l’avènement du numérique, force est de constater que ce « flicage » sur Internet et la peur qu’il induit chez les internautes-mélomanes-qui-ne-paient-pas-pour-ce-qu’ils-écoutent a des répercussions : en trois ans, le peer-to-peer a chuté de 35 %.
Au moment où Aurélie Filippetti, Ministre de la Culture et de la Communication, annonce que le projet de CNM [ii] ne verra pas le jour pour des raisons économiques, on a tout lieu de penser que l’application de cette première sanction est faite pour effrayer les internautes qui pensent que les mailles du filet d’HADOPI sont trop larges pour eux.
En ces temps où tant de bonnes sorties musicales approchent, nous espérons que vous ne serez pas la deuxième personne à recevoir une amende pour non-respect des droits d’auteurs sur Internet…

Thomas Millard
Plus d’information sur ce thème :

Les propos de Filippetti sur la Hadopi créent des tensions avec la filière musicale (http://www.lemonde.fr/technologies.html)

Hadopi : un premier internaute condamné (http://www.lefigaro.fr/hightech.php)

[i] http://www.hadopi.fr/hadopi-pro/labellisation-de-loffre-legale/presentation-de-la-procedure

[ii] Le Centre National de la Musique aurait eu pour but de fédérer et de soutenir la filière musicale sur le modèle du CNC (Centre National du Cinéma)

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Société

Penser la déconnexion ou ramer

 
Plus de 60% des français ont « envie de se déconnecter », c’est une des conclusions d’une étude réalisée par Metrix Lab pour Havas Media ce mois. Cela a fait du bruit. Stratégies a notamment titré cette semaine : « la France des déconnectés », expliquant : « à la précédente fracture numérique est en train de substituer un fossé entre les surconnectés est les déconnectés volontaires. » Si raisonner en typologies est souvent intéressant, ce ne nous semble cependant pas être la méthode idoine ici.
En effet, quand plus d’un français sur deux exprime la même peur ou la même envie sans que cela ait été vu auparavant, il s’agit certainement de s’interroger de manière différente, et donc d’admettre qu’il y a sans doute un problème plus large et général avec Internet. La même enquête MetrixLab informe en effet que 74,8 % de ceux qui se déconnectent le font « car ils se trouvent trop sollicités, reçoivent trop de messages, de publicités ». Cette donnée nous semble être particulièrement intéressante. Qui, en effet, ne s’est jamais senti épuisé, ou du moins fatigué, face à la déferlante d’information et de sollicitations sur la toile ? Personne, ou presque, probablement.
Les communicants et publicitaires ne sont évidement pas seuls en cause, les phénomènes de saturation se produisant très bien sans eux, sur les réseaux sociaux notamment. Toutefois, ils doivent désormais s’efforcer de la jouer fine s’ils veulent marquer des points. C’est d’ailleurs une des conclusions de Dominique Delport, PDG de Havas Media France, qui préconise une communication digitale « subtile et travaillée » pour rattraper les déconnectés volontaires. En fait, ce conseil est probablement valable pour la quasi-totalité des internautes, les déconnectés volontaires étant sans doute des pionniers, dont la réaction exprime un malaise largement ressenti, ce que tend à prouver le chiffre, déjà mentionné ci-dessus, de 60 % de français envisageant de se déconnecter.
Internet et le Web sont très jeunes, les réseaux sociaux le sont encore plus. Tout est à apprendre et tout y évolue sans cesse. Les hommes et femmes politiques le savent d’ailleurs bien. Ils se souviennent du lynchage de Frédéric Lefebvre à son arrivée sur Twitter, ou des difficultés de Cécile Duflot à construire un positionnement adéquat sur le même réseau social à ses débuts au Ministère de l’Égalité des territoires et du Logement. Il s’agit donc d’admettre en premier lieu toute la difficulté de la réussite d’une communication digitale, tant du point de vue de l’émission que de la réception. Si Internet et le Web sont des outils très excitants, il est aussi tout à fait possible d’y gâcher son temps, son argent, voire sa réputation.
D’où l’intérêt de la recherche et de l’enseignement en communication. Loin des faiseurs de How-to books en tous genres, les chercheurs tentent d’appréhender les phénomènes de communication dans toute leur complexité, notamment sur Internet. C’est clairement la seule voie crédible dans ce métier, comme dans beaucoup d’autres. Si l’on imagine mal un ingénieur ou un médecin se montrer compétent et digne de confiance sans un bagage théorique solide et une mise à jour fréquente de ses connaissances, on a également du mal à penser qu’un communicant puisse réussir durablement s’il se contente de courir après les concepts à la mode, sans connaissances ni véritable compréhension de son métier.
Cette connaissance et cette compréhension font bien voir leur nécessité dans un cas comme celui de la déconnection volontaire des internautes. Alors que sont chantées depuis plusieurs années les louanges du numérique, que l’on annonce une révolution de la communication et du marketing toutes les deux semaines, et que certains font fleurir des concepts à une vitesse inversement proportionnelle à la densité de leurs réflexions, on se trouve soudain face à un problème qui renverse le tout et rend inévitable un vrai travail intellectuel. Seuls ceux qui seront en mesure de le faire, c’est-à-dire d’affronter la complexité des choses, seront en mesure d’apporter les réponses adéquates. Les autres ? Ils peuvent d’ores et déjà se mettre en quête d’un canot de sauvetage.
Romain Pédron
 

Société

JO de Londres 2012 : la communication maîtrisée des athlètes français – L’exemple Teddy Riner

 
Cette photo restera sans doute gravée dans les mémoires comme l’un des emblèmes des JO de Londres 2012. Teddy Riner, maître incontesté du judo français, rouleur-compresseur de plus de 100Kg auquel rien ne résiste. Une image, un symbole.
Mais cette photo est aussi l’illustration de la communication sans faille des athlètes français durant ces JO. Dès le début du mois de juillet, rien n’a transpiré de la part des sportifs, focalisés sur leur entraînement. Durant les trois semaines d’euphorie londonienne, les images diffusées sont celles des chaînes de télévision possédant les droits de retransmission des jeux. Vous l’aurez remarqué alors : impossible de trouver des vidéos amateurs sur Youtube ou Dailymotion. Néanmoins, qui n’a pas remarqué le comportement exemplaire, sportif, éthique, moralement sans erreur des  athlètes tricolores ? Quand les Chinois sont accusés de tricherie et les Anglais de favoritisme, un calme absolu règne dans le service « communication de crise » du stand français. Alléluia !
Pour illustrer ce propos, prenons un exemple, au hasard Teddy Riner.
Teddy Riner, 23 ans, originaire de Guadeloupe, quintuple champion du monde de judo dans la catégorie poids lourds, champion d’Europe, médaillé de bronze à Pékin en 2008, et élève à Sciences Po Paris. La tête et les jambes : un exemple de réussite « à la Française ».
Depuis 2008, il clame haut et fort son désir de revanche, sa volonté inébranlable de domination du podium. Il devient un des sportifs français les plus attendus de ces jeux. Le 3 août 2012, il est là. A 10h30, il apparaît sur France 2. Côté internet, c’est « un de ses amis proches » (termes utilisés par l’utilisateur) qui prend le contrôle de sa page Facebook pour commenter les exploits du champion. Et c’est parti pour une journée de combats, d’adrénaline, de commentaires (plus ou moins pertinents), de soutien, de posts, de cris, de larmes, entrecoupés de pages de publicité. Parlons-en de ces pages de publicités. Fin du premier combat de Teddy Riner. Jingle de France 2. Et là, Teddy réapparaît et exécute une prise de judo. Reprise des hostilités ? Que nenni ! L’athlète s’empare d’une bouteille au contenu d’un bleu suspect et s’en abreuve avant de la passer à un autre olympien. Powerade se positionne comme « la boisson pour le sport officielle des Jeux Olympiques de Londres 2012 ». Et participe par-là à la construction de l’image des athlètes qu’elle emploie. Teddy Riner, omniprésent dans et en dehors des tatamis. Dans les intervalles entre les combats sont aussi glissés des reportages sur l’intéressé : sa vie, son œuvre ? Presque ! La vision qu’en a son entourage : son entraîneur, ses camarades de douleur (surtout pour eux la douleur apparemment !), sa famille. Focus est fait sur les réactions de sa maman durant les premiers combats : entre joie et fébrilité, on tente de faire oublier qu’il manque pour l’instant les sentiments du judoka. A l’issue (heureuse, bien sûr) de la finale, c’est (enfin) la relâche pour Teddy Riner : embrassades, autographes, interviews, photos. Les médias s’en donnent à cœur joie et le sportif n’est pas en reste. En effet, dans sa tactique cette année, le jeu avec le public et les médias, dont il est si friand, n’est pas au programme. Rigueur et sobriété sont les maîtres-mots. Ils le sont tout autant pour son entraînement que pour  sa communication tout au long de ces semaines londoniennes. Et il en est de même pour l’immense majorité des athlètes français. Alors, hasard, mise au point ou requête de la commission olympique ?
Quoiqu’il en soit, cette communication à l’unisson des sportifs tricolores sera unanimement remarquée. Une communication contrôlée, qui recentre les sportifs sur leur discipline. Une communication qui cadre parfaitement avec les attentes post-coupe du monde de football. Une communication adaptée au contexte socio-économique actuel. Maîtrisée, vous disiez ?
(1) Pour plus d’informations sur les liens entre le CIO et les réseaux sociaux :
(2) Pour information, Teddy Riner fêtera son titre olympique à Levallois le 8 septembre prochain
 
Julie Escurignan

Campagne 2012 Save the Children Break the circle of violence
Société

Jacques l’a dit, mais personne n’a remarqué

 
Tout le monde sait que les digressions sont nombreuses sur nos lieux de travail : on répond à nos mails, on organise notre soirée… Et c’est en plein travail que l’un de mes collègues m’a interpellée pour me mettre un site devant les yeux. J’ai jeté un vague regard à la page, avant de détailler avec ébahissement les images qui s’offraient à moi. Notant mentalement le site, ads-ngo.com, je me jurai d’y retourner plus tard… Pour découvrir à mon grand plaisir un site d’une richesse incroyable. Il regroupe en effet les campagnes publicitaires d’ONG du monde entier et permet aux internautes de les commenter ou simplement de les partager sur un très grand nombre de réseaux sociaux. J’ai choisi de détailler ces affiches qui m’ont réellement captivée, mais je vous invite à aller faire un tour sur leur site, qui contient de vraies merveilles de communication !
Le cercle
La première image est celle d’un homme sur le point de frapper un enfant, effrayé et se cachant derrière ses bras. Puis le reste de l’image : le cercle, l’évolution, les différents âges de la vie… Et le sens suit automatiquement : cet homme était cet enfant et cet enfant devient cet homme. Le texte n’est là qu’en soutien, au cas où le premier stade de la communication, celui qui n’a pas besoin des mots pour s’imposer, ne fonctionnerait pas. Il ajoute cependant une phrase choc, un slogan, comme un mantra de ce combat contre la violence : « break the circle »*. Le cercle de la haine qui se reproduit, et qui n’est plus seulement intellectualisé par un chiffre, « 70% des enfants battus reproduisent ce schéma à l’âge adulte » comme on le lit vaguement dans les journaux. Non, là on le voit et on le ressent dans cette image, juste sous nos yeux, et c’est toute la force de cette affiche. Le cycle de la vie passe par l’âge car le petit garçon vieillit, mais aussi par les expressions des visages qui accompagnent ces différents âges, reproduisant un scénario logique implacable qui ne prend jamais fin. Le cercle est la seule forme parfaite en géométrie, en art, en littérature ou encore en poésie : il représente l’infini et l’enfermement. C’est pourquoi il convient de tout faire pour le briser, pour le dépasser : en art comme dans la plus quotidienne des scènes, celle d’un simple enfant qui renverse son verre de lait, dans la cuisine banale de la banale maison d’une famille comme il en existe tant. Banal et choquant, donc efficace.
En faisant glisser la roulette de la souris, on voit que les femmes aussi en prennent pour leur grade (égalité des sexes oblige) et qu’une autre forme de violence est traitée avec la même subtilité… une violence sexuelle cette fois, tout aussi marquante, tout aussi agressive dans son traitement graphique. Le cercle, les gestes, les visages et la banalité de la chambre… Tout est là pour mettre mal à l’aise et s’ancrer dans les mémoires.
Personne n’a remarqué…
Puis une autre série de photos apparaît, toujours pour cette même association. L’omniprésence des chiffres cache en grande partie l’enfant au-dessous, que nous ne pouvons que deviner vaguement… Volontairement ? Vu le titre, « almost nobody noticed »**, la réponse est oui. De la bourse aux programmes télé en passant par les sudokus, qui ne se reconnaîtrait pas dans au moins l’un de ces éléments ? En revanche, connaissions-nous les chiffres donnés dans cette minuscule phrase au-dessous de l’image, à peine lisible tant elle est petite par rapport au programme télé ? Cette campagne est loin d’être la première à utiliser une forme de culpabilité, celle d’être né sous une bonne étoile, pour toucher émotionnellement. Mais la beauté de cette communication sur le média supplantant l’humain mérite d’être soulignée… Bien sûr ces images agacent la petite voix supérieure, personne n’aime s’entendre dire qu’on agit mal en regardant la télévision ! Serait-ce une autre preuve de l’efficacité de cette communication… ?
La loterie de la vie
Une autre série d’images suit alors, comme en écho : nous avons gagné le gros lot ! Nous sommes du bon côté du trait qui sépare les deux images, les deux univers, nous avons gagné la « lottery of life »*** ! Qu’y pouvons-nous… ? Les affiches ne proposent pas d’autre réponse que le petit  logo en haut à gauche (mais tout à fait visible, d’une discrétion très efficace) et qui renvoie au site de l’association : http://www.savethechildren.org. En suivant ce lien, on apprend que cette association date de 1919 et a été fondée en Angleterre par une sociologue, Eglantyne Jebb, pour aider les enfants d’une Europe ravagée par la guerre. Lors de sa création, la sociologue a déclaré : « Nous ne pouvons pas laisser des enfants sans défense, quelle que soit leur origine, face à des violences physiques ou morales. Nous ne pouvons pas courir le risque qu’ils pleurent, qu’ils soient affamés, désespérés et qu’ils meurent sans qu’aucune main ne leur soit tendue ». Lottery of life***.
Après pas mal de temps passé à me renseigner sur ce site, une question demeure : pourquoi le site « save the children » existe dans plusieurs langues mais pas en français ? Et poruquoi y a-t-il si peu d’informations disponibles sur adsngo.com ? Mais peut-être est-ce simplement parce que personne ne l’a encore remarqué…
 
Héloïse Hamard
 Crédits photo : Ads-ngo.com & ©Save the children
*Brisez le cercle
**Personne n’a remarqué
***La loterie de la vie

Cher Voisin de Transport - page d'accueil
Société

Le retour du défouloir des urbains !

 
Si tout comme moi vous êtes sortis des transports en commun ce matin avec de fortes envies de meurtre, ce site créé par la RATP est pour vous… Après un large succès l’année dernière, la plateforme « Cher Voisin de Transport » revient pour le plus grand plaisir de ces coups de gueule qui se sont tus. Il semblerait que l’ambition de notre transporteur adoré (Rentre Avec Tes Pieds pour les intimes) fut celle de mettre à disposition de ses voyageurs un espace pour exprimer aussi bien ses prises de têtes que ses coups de cœur. On voit aisément de quel côté penche la balance. De quoi faire évoluer le discours sur les incivilités dans les transports ? Et peut-être même dans la vie quotidienne ? La RATP n’en est pas à sa première campagne sur le sujet comme nous avions pu le voir, ici, dans l’article d’Héloïse Hamard en novembre dernier. Pourtant qui peut prétendre avoir vu de véritables changements depuis ? Peut-on vraiment espérer faire évoluer les comportements avec une campagne de communication ? Hélas, c’est là le grand dilemme des campagnes sociales. En attendant ce renversement surprenant, cela nous donne tout de même à voir de belles campagnes.
Si la campagne d’affichage (très réussie à mon humble avis) n’a pas eu l’effet escompté, le site « Cher Voisin de Transport » aura, lui, fait beaucoup d’heureux. Le concept était très simple : les voyageurs frustrés de ne pas avoir pu exprimer leur joie ou leur mécontentement pouvaient enfin se lâcher sous la forme d’un billet joliment tourné. Celui-ci était ensuite publié sur la page d’accueil du site qui s’apparentait alors plus à un blog. Les internautes se prêtaient ensuite au jeu des likes et des commentaires pour élire les pamphlets les plus populaires.
Cette année, le procédé a évolué vers des « mèmes » ou, plus simplement, vers des photographies représentant les situations les plus communes d’incivilités sur lesquelles les internautes peuvent inscrire le message de leur choix, le tout avec humour s’il vous plait !
Voici les trois plus populaires à ce jour :

Si ces mèmes sont plutôt comiques, il reste qu’ils ne sont pas tout à fait conformes à l’intention première du dispositif. Le coup de gueule comme le coup de cœur sont absents mais le détournement est, lui, bien présent. Maintenant vous savez où vous défouler,  n’hésitez pas à nous faire partager vos œuvres en commentaires.
 
Marion Mons
Sources & Crédits photo :
RATP.fr
CherVoisindeTransport.fr

Société

Jacques a dit chut !

 
Les élections présidentielles sont enfin terminées, après presque un an de campagne – un répit bien mérité. Sans vouloir répéter ce qui a déjà été dit ni commenter les commentaires des commentateurs, qui se sont plaints en continu des bavardages incessants autour des débats et des chiffres – ces fameux sondages –, je souhaitais simplement vous inviter à savourer ce silence – enfin, ce silence tout relatif, maintenant que les législatives approchent…
Outre les enjeux politiques – le « outre » est de taille, je vous l’accorde –, cette campagne aura permis d’interroger la pertinence d’un certain nombre de règles médiatiques. On a beaucoup critiqué les obligations auxquelles le CSA avait soumises les chaînes de télévision et les radios : l’équité, suivie de l’égalité du temps de parole et des conditions de programmation, et enfin l’interdiction de diffuser pendant le weekend électoral des commentaires ou des propos engagés, qui risqueraient potentiellement de perturber les votants juste avant leur choix.
Je voudrais revenir sur cette dernière règle, qui a conduit les télés et les radios à exécuter de spectaculaires exercices de gymnastique médiatique, souvent cocasses, parfois un peu pathétiques – pirouettes habiles ou pitreries, destinées à combler le temps de parole jusqu’à ce que sonne 20h…
Car samedi et dimanche, impossible pour les journalistes de parler du programme des candidats ; alors même que les élections occupaient la plupart des esprits, il leur était interdit de faire un sujet de fond sur la campagne. Les émissions épluchant, décortiquant les propositions, n’ont certes pas manqué durant les semaines et les mois précédents : les électeurs ne peuvent pas se plaindre sans faire preuve de mauvaise foi d’avoir manqué d’informations pour faire leur choix en toute connaissance de cause… Ce qui est en revanche plus singulier, et qu’il faut noter, c’est que cette interdiction du CSA a forcé les média à proscrire le nom même des deux candidats : ils n’avaient plus le droit, à l’antenne, de prononcer « François Hollande » ou « Nicolas Sarkozy ». La raison : cela aurait pu influencer le vote – et les télés et radios auraient pu se voir accusés d’être partisans…
Un bon nombre de journalistes s’en sont amusés, notamment sur les ondes radio : je retiens la chronique d’un humoriste d’Europe 1, qui se demandait justement quel sujet il pourrait traiter et comment il parviendrait à combler son temps d’antenne – mise en abîme, métadiscours ! Et ne trouvant d’autre matière que les présidentielles pour alimenter sa chronique, il choisit le parti pris d’utiliser des surnoms tel que le fameux « Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom », que l’on doit à Harry Potter, pour évoquer les candidats, ou encore de se servir de métaphores cardinales – est, ouest – pour parler de la droite et de la gauche. Tout cela, bien évidemment, pour souligner la gêne à laquelle était confronté l’ensemble des télés et des radios, alors qu’un bon nombre d’entre elles avait justement et paradoxalement bâti leur programme éditorial du weekend autour des élections… Reprenons l’exemple d’Europe 1, qui avait prévu une spéciale « 40h non-stop » – « Coulisses, réactions, premiers résultats. Pendant 40 heures, Europe 1, ses envoyés spéciaux et ses correspondants vous livreront toutes les informations sur le scrutin » –, créant même pour l’occasion le hashtag « #40h »…
Résultat ? Les média ont été réduit au commentaire du dispositif électoral sans pouvoir traiter des élections elles-mêmes – les idées, les dernières tendances de vote, etc. On a vu les journalistes se rendre aux bureaux de vote stratégiques pour filmer les électeurs – les citoyens ! –, et espérer recueillir des images des électeurs un peu spéciaux – candidats et anciens candidats éliminés au premier tour… Ont été également retransmis des « reportages » sur la préparation et l’attente fébrile au sein des QG de campagne – reportages qui n’ont sans doute du reportage que le nom…
On a comblé le « silence » imposé par le CSA aussi bien que l’on a pu.
Faut-il donc remettre en question les règles imposées par l’organisme ? Car si d’un côté la parole médiatique tenait davantage de la communication phatique – ne pas rompre le contact avec les téléspectateurs/auditeurs jusqu’aux 20h – que de l’information, on peut trouver du bon à cette prescription. Elle forcerait en effet les électeurs à se poser et à prendre le temps de réfléchir par eux-mêmes, pour faire le tri entre les messages émis en continu et par l’intermédiaire de tous les types de canaux par les journalistes, analystes, commentateurs, etc. de tous bords politiques… Eviter que l’électeur ne se décide au dernier moment, sur un coup de tête, parce qu’il aurait entendu une remarque qui lui aurait particulièrement plu ou déplu.
Faire en sorte que le choix ne soit pas soumis au zapping.
 
Elodie Dureu

Société

Feel Me Tender !

 
Il semblerait que nous soyons de plus en plus connectés et pourtant de moins en moins proches. C’est le constat de Marco Triverio, l’inventeur d’une nouvelle application pour le moins surprenante nommée Feel Me*. Le concept est simple : en plus d’une interface de Live Chat similaire à celle des textos sur Iphone ou à Whatsapp, l’utilisateur peut également signaler à son destinataire qu’il touche l’écran, où il le touche et de quelle ‘ »façon ». Alors que les nouvelles applications tendent majoritairement à faire appel aux sens de la vue et de l’ouïe, celle -ci se concentre sur le toucher.
Quand l’émetteur appose son doigt sur l’écran du smartphone, son récepteur peut voir s’inscrire sur le sien un cercle à l’endroit choisi lui signifiant un contact tout autre qui se veut plus émotionnel, plus tactile que jamais. Sans compter que le téléphone émet lui aussi une vibration qui décuple la sensation. Tout cela associé au Chat Video pourrait sonner le glas de l’afterwork au profit de la soirée « canapé téléphonée ».
Découvrez la video d’une application à surveiller :

Plus d’infos sur le site…
 
Marion Mons
*Ressent mon toucher
Sources : psfk.com
Crédits photo : ©Marco Triverio

Campagne Homoparentalité Lepen
Société

Jacques a dit « Eva aussi aurait pu avoir deux papas gays »

 
Bon d’accord, ce n’est pas Jacques qui l’a dit. On vous explique :
Période électorale oblige, les candidats à l’élection présidentielle ont  été vus partout, dans tous les médias et dans toutes les situations, plus ou moins réelles. Après avoir vu François Bayrou ou Nicolas Sarkozy à l’agonie dans une campagne en faveur de la légalisation de l’euthanasie, on retrouve six des dix candidats dans la peau, pour le moins surprenante, d’enfants et adolescents épanouis.
Cette idée peut prêter à sourire (ou au contraire être plutôt effrayante) mais elle traite un sujet bel et bien sérieux. Ces images ont en effet été réalisées dans le cadre d’une campagne web lancée par SOS homophobie pour défendre les droits des familles homoparentales.
François Bayrou, François Hollande, Eva Joly, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Sarkozy auraient pu, comme le répète la campagne, être eux aussi élevés dans des familles homoparentales et être heureux. Voilà le message simple véhiculée par l’association qui se bat depuis 18 ans pour l’égalité des droits des couples.
Le recours aux candidats pour cette campagne relève d’un double intérêt : tout d’abord, certains électeurs, ou du moins ceux qui n’ont pas fait une overdose, ont été à l’affût de toute apparition des aspirants présidents. Dans un tel contexte, la visibilité de leur message est assurée auprès d’un large public. Public dont faisaient à coup sûr partie les principaux concernés par cette campagne : les candidats.
SOS Homophobie avait auparavant sollicité chaque candidat sur douze de leurs revendications essentielles (mariage homosexuel, don du sang, sensibilisation à la diversité des relations amoureuses dans les programmes scolaires…) et mené plusieurs actions pour médiatiser ses problématiques. Et c’est cette campagne, relayée également par Le Monde, qui constitue le point d’orgue de la mobilisation. Ces images à la fois choquantes et drôles devaient interpeller les candidats sur un thème particulièrement discret, voire absent de cette (longue) campagne, bien qu’il divise très clairement les différents candidats. Liberté et ouverture pour les uns, respect des traditions pour les autres, la question des droits des lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT) a été relayée au second plan lors des débats mais gagne de l’importance grâce à cette nouvelle campagne bien ancrée dans l’actualité.
Même si les candidats se voient interpelés par cette campagne, ils peuvent également en bénéficier. Après tout, qui résisterait à un bébé Eva ou teenager François ? L’image des candidats devient de plus en plus importante. Le futur président se doit d’être présentable, souriant et d’être un citoyen lambda. Mathieu de Martignac, photographe pour Le Parisien, l’a bien compris, en proposant même aux candidats d’être pris en photo par… eux-même ! Quoi de mieux pour maîtriser sa propre image ?
La vidéo à voir ici >> laparisien.fr
En bref  l’ancrage dans l’actualité du message de SOS homophobie, qui lui reste intemporel, augmente l’impact de la campagne et vise directement les premières cibles visées. Mais le recours à l’image des candidats est-il une nouvelle tendance ou est-il amené à retomber dans l’oubli (et avec lui les thèmes abordés) dès la fin de la campagne et de sa couverture médiatique ? Les médias montrent ici une fois de plus leur pouvoir en s’adressant, quasiment sans intermédiaire aux candidats de l’élection.  Les enseignements à tirer de ce type de campagne publicitaire sont nombreux.  Et quel que soit son avis sur la question, on ne peut qu’apprécier de voir enfin des candidats souriants !
 
Manon Levavasseur
Sources :
Sos-homophobie
Lemonde.fr

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Danseuse Opération Stop the Traffick Amsterdam
Société

Dans le port d'Amsterdam, il n'y a pas que les marins qui dansent.

 
Si Amsterdam est aussi connue et visitée par les touristes du monde entier, c’est en partie pour son Quartier rouge, ou Red Light District (qui a même inspiré un dialogue culte de Pulp Fiction sur le « Royal with Cheese »). Quartier historique d’Amsterdam, la législation des Pays-Bas concernant le cannabis et la prostitution a fait de ses coffee shops et de ses vitrines, de véritables attractions touristiques. Le Red Light District attire donc de nombreux visiteurs, clients de ces établissements atypiques ou simple curieux trouvant, dans ces vitrines où l’on expose l’interdit, le dépaysement, l’étrange, l’insolite.
Parmi les 8000 prostituées que compte la ville, 3000 travaillent dans les vitrines aux néons rouges qui ont inspiré le nom du Quartier Rouge. Si s’exposer en petite tenue derrière la vitre constitue un appât pour les clients potentiels, cela attire également des masses de touristes intrigués. Malheureusement, l’étrangeté de la pratique aux yeux des curieux fait souvent oublier la réalité qui se trouve derrière. Dans cette étendue de coffee shops, de smart shops et de « live sex show », où tout semble autorisé, on s’imagine que chacun fait ce qu’il veut, en oubliant que trop de femmes dans le quartier n’ont pas voulu ce qu’elles font. La vitrine, en agissant comme un écran, donne aux travailleuses du sexe un statut de comédiennes, et conforte le passant dans un rôle de spectateur passif.
L’association Stop the Traffik a donc choisi d’utiliser la « scène » que sont les vitrines du Quartier Rouge pour exposer son message de la meilleure façon possible. Imaginez le Red Light District et ses touristes. Soudain dans une vitrine, les prostituées se mettent à danser, créant le spectacle. Amusés par le show, les curieux commencent à se rassembler autour du bâtiment, à applaudir avec entrain… Jusqu’à ce que s’affiche un message, la raison d’être de cette opération : « Chaque année, des milliers de femmes sont promises à une carrière de danseuse en Europe de l’Ouest. Malheureusement, elles se retrouvent ici. ». Les comportements changent alors brutalement. Les passants sont soudainement arrachés à leur passivité, et mis face à l’histoire de filles qu’ils observaient uniquement à travers le prisme de la vitrine, et des apparences de liberté totale du Quartier Rouge.

Cette opération de street marketing, signée par l’agence belge Duval Guillaume, utilise plus qu’efficacement l’effet de surprise et le retournement de situation, pour lutter contre l’exploitation sexuelle des femmes. Elle souligne le fossé qui existe entre la légalisation de la prostitution, et le libre choix de la part des femmes de se prostituer. En effet, une majorité de prostituées indique encore être dans ce milieu sous la contrainte. Les touristes touchés par l’opération sont ainsi pris en faute, de même que les internautes regardant la vidéo intitulée « Girls going wild in red light district » sans connaître le message que la fin dévoilera, et la soudaineté de la prise de conscience en accentue la portée. Un flagrant délit relayé sur Youtube, et qui fait un outil de communication sûrement plus efficace pour atteindre les consciences qu’une distribution de tracts dans les ruelles du Quartier Rouge.
 
Esther Pamart
Crédits :
* Agence Duval Guillaume
* http://nuwave-marketing.com

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