Flops

They tried to make me go to rehab but I said no, no, no¹

Pour promouvoir le lancement du service à table chez McDonalds, la chaîne de fast food nous propose ce spot publicitaire qui fera plaisir aux fans des 80s (cover de Bonnie Tyler à l’appui). Ce dernier met en scène des technologies qui se lamentent d’avoir été délaissées par leurs usagers, joyeusement rassemblés autour d’un big mac. Le brave hamburger semble leur faire oublier l’existence de Snapchat, et du wifi gratuit à McDo. Surfant sur la tendance de la digital detox, la marque présente maintenant ses restaurants comme des lieux déconnectés, où les portables restent sagement dans les poches et les conversations vont bon train. Ces dernières années, les appels à la purification digitale sont de plus en plus nombreux, mais ont un succès assez faible et marginal, fonctionnant comme une mode face à laquelle la majeure partie de la population reste réticente.

Société

Téléréalité : business, influences, idoles

Que nous aimions ou non la téléréalité, il y a forcément un moment où nous y avons été confrontés : en zappant, pendant les vacances, par simple curiosité, ou bien par habitude, même si certains parfois ne l’avouent pas. Comme l’affirme le journaliste Jeremstar dans sa récente autobiographie, la téléréalité a pris un tournant grâce à l’avènement de Snapchat, Instagram et Twitter. Les candidats ne prennent plus part à la télé-réalité pour l’expérience, mais pour l’argent, le business.
Métier : candidat de téléréalité. Vraiment ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, être candidat de téléréalité est devenu un métier à temps plein. Bronzer autour d’une piscine, faire la fête en boîte de nuit, se mettre en couple à l’écran, voire être trompé sont des activités très lucratives. Les réseaux sociaux deviennent de véritables extensions des programmes qui nous sont proposés. Chaque candidat utilise son Snapchat, son Instagram pour recréer une sorte de nouvelle téléréalité. Il en est le réalisateur et évidemment, le principal acteur. En ouvrant leurs stories, nous pouvons découvrir un format semblable aux émissions. Un processus communicationnel narcissique et divertissant, mais plaisant pour le spectateur, qui se sent plus proche de la personnalité qu’il a pu apprécier à l’écran. Il se sent invité à vivre son quotidien avec lui, en dehors des programmes. On assiste alors à une scénarisation de leur vie (ou du moins la partie qu’ils veulent bien montrer) qui est rythmée par leurs sorties en clubs, leurs règlements de compte truffés de grossièretés avec d’autres candidats, ou encore leurs vacances dans des lieux bucoliques.

Puis, comme dans un média traditionnel finalement, les vidéos éphémères sont entrecoupées de nombreuses pauses publicitaires. Sont présentés avec des codes promotionnels, des kits de blanchiments dentaires, des thés détox, des produits et accessoires de beauté en tout genre. Mais tout ceci est loin d’être du bénévolat : les candidats sont rémunérés pour leurs placements de produits, et très grassement selon leur notoriété. Nous entrons ici dans une logique de course aux followers : plus le candidat « buzz » et fait parler de lui dans un programme, plus il est suivi sur ses réseaux sociaux, plus les marques veulent établir de juteux partenariats avec lui, et ainsi de suite… Certains évidemment, « coûtent » plus cher que d’autres et ont réussi à se faire un nom dans le monde de l’entreprise. C’est le cas de Julien Tanti, qui a sa propre marque de vêtements, une pizzeria, un salon de coiffure et de tatouages… Ou encore sa comparse des « Marseillais », Jessica Thivenin, qui a son propre salon de beauté. Ces candidats très populaires se sont hissés au sommet de cet empire du vide. Ils font de leur propre personne un véritable commerce, une marque à part entière, et gagnent de 3000 à 50 000€ par mois. Astronomique pour des personnes qui sont surtout connues pour leurs perles dans les zappings tv, n’est-ce pas ? Dès lors, nous pourrions les considérer comme des self-made men, des artisans de leur propre réussite à partir de presque rien, à la vue de leur ascension fulgurante en seulement quelques années.

Les nouvelles idoles des jeunes ?
Certains articles sur ce sujet affirment que la tranche d’âge concernée par la téléréalité serait les 15-30 ans. C’est là qu’ils se fourvoient. Les personnes ayant entre 20 et 30 ans actuellement ont, certes, grandi avec la téléréalité : des programmes comme Secret Story ou la Star Academy ont agrémenté leur enfance ou leur adolescence. Mais les idoles de l’époque étaient plus Lady Gaga, Pitbull ou encore les héros de High School Musical, que les candidats de téléréalité.
En revanche, dans la nouvelle téléréalité, qui est devenue un business et non plus un simple jeu, ce sont les 10-18 ans qui sont le plus concernés. Nous pouvons le constater tout simplement en regardant les réseaux sociaux des candidats : les commentaires et les réactions sont ceux des plus jeunes. Le plus souvent, ceux qui font le déplacement lors de rencontres, de meet-up, sont des préadolescents, des adolescents, voire parfois des plus petits.
Que nous le voulions ou non, la téléréalité fait parler d’elle et fait partie des mœurs. Ce n’est pas un succès éphémère comme certains l’avaient prédit. Cela va bientôt faire 17 ans, depuis avril 2001, date de la première diffusion du Loft Story sur M6, que des programmes en tout genre rythment nos vies et exercent une certaine influence. Des candidats, voire des « personnages » se sont démarqués, ils font désormais partie intégrante de la culture populaire. Les téléspectateurs, quant à eux, ne semblent pas se lasser d’un concept qui est pourtant lassant, tant il reprend sans cesse les mêmes thèmes, schémas et structures. Le déclin de l’empire financier et culturel du vide va-t-il être provoqué par un manque de renouveau ?

Florence Arnaud
LinkedIn : Florence Arnaud
 
Sources :

Jeremy Gisclon. Jeremstar par Jeremy Gisclon, ma biographie officielle. Éditions Hugo Doc, 2017. ISBN : 9782755632057.
Mustapha Kessou. Star de la télé-réalité, un métier en or, Le Monde, publié le 10/06/2017. Consulté le 31/10/17.
Agnès Chauveau. La téléréalité, l’opium des jeunes ?, Huffington Post, publié le 24/10/2013. Consulté le 31/10/2017.
Jean-Baptiste Duval. Les Marseillais vs le Reste du monde : le vrai business des stars de l’émission de télé-réalité, Huffington Post, publié le 04/09/2017. Consulté le 31/10/17.
Amandine Pointel. Le placement de produits, nouveau business pour les candidats de télé réalité, Le Parisien, publié le 22/02/17. Consulté le 31/10/17.

 
Crédits photos :
N°1 : Fanch Drougard / W9
N°2 : Capture d’écran de la chaîne YouTube « Snapchat Red » qui recense les vidéos Snapchat polémiques des candidats.
N°3 : Capture d’écran d’une photo provenant du compte Instagram de Jessica Thivenin.
N°4 : France 3 Champagne-Ardenne / A.Blanchard
 

Société

The school of life: la philosophie est un business, le business une philosophie !

Dans le genre « on ne vous l’apprend pas (ou mal) à l’école », de nombreuses chaînes Youtube ont trouvé leur créneau : certains d’entre vous ont déjà cliqué sur une des vidéos du Nerdwriter, de Wisecrack, ou encore Crashcourse, mais connaissez-vous le concurrent le plus novateur en la matière, The School of Life ?

L’existentialisme à l’heure du web 2.0
Avec plus d’un million et demi d’abonnés, la chaîne publie avec succès une à trois vidéos par semaine en suivant le même concept : répondre à des Pourquoi et des Comment de grands enfants, depuis «Pourquoi vous vous marierez avec la mauvaise personne» jusqu’à «Comment trouver le job de sa vie». Cela vous rappelle sûrement les TedX et en effet, la chaîne en est ouvertement inspirée : c’est un peu comme ça qu’elle a commencé d’ailleurs, avant de se métamorphoser en vulgarisatrice de grands penseurs tels que Confucius, Sartre, ou Rawls, puis de se concentrer sur un recyclage plus « pop » des produits intellectuels de ces derniers siècles. Le tout est conté par la voix du fondateur lui-même, le suisse Alain de Botton, et illustré par différents artistes qui ajoutent une nette plus-value à la chaîne.
Cours de rattrapage (de vie) pour adultes
Là où The School of Life dépasse de loin ses concurrentes, c’est par sa stratégie de marque : la chaîne Youtube n’est qu’une extension d’un projet bien plus ambitieux, qui trouve sa réalisation concrète dans des boutiques disséminées aux quatre coins du monde : Sao Paulo, Melbourne, Séoul… et depuis mai 2014, Paris. Entre papèterie design et lieu de conférences intimistes, les « Schools of Life » prônent, voire prêchent un réapprentissage de l’intelligence émotionnel.
Et le concept fonctionne : à Paris, une quarantaine de personnes suivent trois ou quatre cours dispensés par semaine, et plus de 200 se réunissent pour un « Sunday Talk » un dimanche par mois. Les bases du programme sont élaborées à Londres, à la School of Life originelle, et adaptées « localement » pour mieux répondre à la demande culturelle. Sur place, les cours sont donnés par des « slasheurs », des personnalités dites atypiques ayant eu, à défaut de plusieurs vies, de multiples expériences professionnelles. Alors certes, le public y est homogène (plutôt féminin, entre 30 et 40 ans) mais à Londres, il s’est déjà diversifié et couvre jusqu’au monde entrepreneurial (« comment storytelliser une marque »).
Petites questions idéologiques
Ambitieuse donc, The School of Life risque pourtant de se faire « McDo de la pensée » comme le dénonçaient les magazines GQ ou Silverstripe. Des prêt-à- penser globaux, des importations intellectuelles où vulgarisation se confond avec simplification… la problématique n’est pas nouvelle.
Ce qui devrait interroger un peu plus, c’est l’ambivalence avec laquelle la marque assume son dogmatisme : bien qu’on vous assure que les vidéos comme les conférences n’apportent pas de réponses toutes faites mais sont au contraire les déclencheurs d’une réflexion personnelle, il suffit de quelques clics sur le site pour tomber sur la section « what we believe in ». Et à la lecture, difficile d’échapper au champ lexical du religieux qui sous-tend la pensée de cette faculté de la vie : croyances, sermons, foi… Alain de Botton lui-même a repris l’expression attribuée par les médias d’une « Église pour athéistes », une formule qui floute la frontière entre enseignement et propagande.
Et malgré cette assurance institutionnelle, The School of Life n’est pas à l’abri d’erreurs de communication : c’est ainsi que fin octobre, après plusieurs re-posts, une vidéo sur les « dick pics » (clichés pour la plupart non-sollicités des parties intimes de ces messieurs) a été définitivement retirée. Ayant tenté une approche associant exhibition et vulnérabilité, The School of Life s’était vue reprochée de défendre une pratique plutôt dénoncée comme du harcèlement. Un ratage passé – presque – inaperçu mais qui en dit long sur l’équilibre fin que doit garder la chaîne pour être à la fois innovante en terme de points de vue, sans perdre son public traditionnel.
De leçons en équations : un art de vivre irrésolu
Finalement, ce que nous montre l’histoire marketing de The School of Life, c’est l’opportunité commerciale notable qui réside dans le vide laissé par des institutions comme l’Eglise, l’Ecole, la Famille ou l’Etat, et toutes ces institutions aux grandes majuscules qui s’adaptent tant bien que mal au 21ème siècle.
Tandis que le web offre de nouvelles possibilités dans le domaine du capitalisme cognitif et revalorise les approches de développement personnel, on observe un net mouvement de réhabilitation de l’intelligence émotionnelle. Celle-ci s’oppose à la fois à un hyper-rationalisme qui n’a pas su résoudre la dure équation du sens de la vie, mais aussi à un certain sentimentalisme à l’eau de rose qui nie la complexité des émotions humaines et qui, selon Alain de Botton, continue d’imprégner la plupart des stratégies de communication.
Mais il reste présomptueux de juger de qui possède la légitimité d’enseigner cet art de vivre, surtout lorsque philosophie et business sont confondus.
Mélanie Brisard
Sources :
Le site de The School of Life (en français lorsque vous sélectionnez la localisation parisienne, mais moins fourni que la version londonienne)
La philosophie écrite de The School of Life, ses choix d’enseignements
Ruby Schwartz, doctorante sur le genre et la nature du cyber-harcèlement, analyse l’épisode des « dick pics » de The School of Life pour le Sunday Morning Herald
Alain De Botton fait le parallèle entre le sentimentalisme en stratégie marketing et le style victorien en peinture
Vincent Coquebert pointe dans GQ l’engouement renouvelé pour les conférences à l’échelle mondiale 
Un article pétillant quoiqu’un peu acide de Silverstripe sur la boutique parisienne de The School of Life
Crédits images :
weekendnotes.com
Capture d’écran de la chaîne youtube The School of Life
Devanture de la boutique The School of Life à Paris
Extrait photo de la vidéo en question, issu du Sunday Morning Herald
Carte postale de chez Plonk & Replonk