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Jacques a dit : tous mécènes !

 
Samsung, LVMH, Lagardère, Total…Tous ceux qui récemment se sont pressés au centre Pompidou pour assister à l’exposition Dali ont pu y apercevoir à l’entrée cette énumération de grands groupes, sobrement remerciés par la direction. Depuis quelques années, le mécénat d’entreprise est en plein boom. Alors quid de cette nouvelle pratique, à la fois manne financière pour les centres culturels et pain béni pour les entreprises qui cherchent à améliorer leur image ?
 
Une association tout bénef 
Le principal avantage de ce type de mécénat est qu’il profite largement aux deux parties. Les uns bénéficient d’importants financements  sans contreparties ou presque, tandis que les autres se refont une virginité éthique à grands coups de généreux dons défiscalisés à 60% depuis la loi Aillagon de 2003. Donnant-donnant donc. A demi-mot, les entreprises reconnaissent souvent que le mécénat est d’abord attrayant car il équivaut à une campagne de communication prestigieuse et relativement bon marché. Ainsi, dans une étude de L’Admical (2012), les entrepreneurs déclarent s’engager dans le mécénat culturel d’abord pour renforcer l’identité de leur entreprise et se différencier (35%), viennent ensuite la volonté de participer à l’attractivité du territoire dans lequel leurs entreprises s’inscrivent (26%), puis le goût personnel du dirigeant ou l’histoire de l’entreprise (26%).
 
Trop beau pour être honnête ?
Face à cette vision pragmatique, des voix s’élèvent parfois contre ce qui apparait comme une récupération mercantile et cynique de l’art. On crie au mélange des genres, on met en garde contre le risque de brouiller les frontières entre culture et opération marketing. Bref, on craint que le front de la Mona Lisa ne se retrouve bientôt tatoué du nom d’un des grands groupes du CAC 40. Cependant le mécénat d’entreprise reste, pour le moment, assez loin des reproches qu’on lui fait. Bizarrement, les entreprises ne communiquent pas tant que cela sur leurs actions de mécénat. Leur visibilité se limite souvent à l’association de leurs nom et logo aux supports de communication du projet soutenu. Serait-ce par peur qu’on les accuse de vouloir uniquement redorer leur blason ? De plus, à ceux qui craignent une collusion des intérêts économiques et artistiques, on rappelle que la loi interdit d’exploiter les actions de mécénat en vue de retombées commerciales, sans quoi on parle de sponsoring ou de parrainage.
Autrefois, le mécène faisait vivre l’artiste en lui commandant des tableaux. La coercition n’était-elle pas plus importante à l’époque? Désormais l’artiste a la liberté de représenter ce qu’il souhaite, et l’influence du mécène ne se manifeste guère plus que par la présence discrète d’une plaque au nom de l’entreprise  dans un coin du musée. Nuance importante : la mise en valeur ne se fait plus par l’œuvre elle-même, mais autour de ce qu’elle représente.  Le donateur ne cherche plus à bénéficier directement  de la création artistique,  mais des valeurs positives qu’elle véhicule, de l’enthousiasme qu’elle suscite, et du public qu’elle attire.
 
Marine Siguier