greenwashing
Société

Les trésors cachés de la RSE

 
Ah, la Responsabilité Sociétale des Entreprises ! Ce sujet dont on vous bassine les oreilles, soit pour vous dire combien elle est nécessaire, soit pour vous dire combien elle est négligeable pour les performances de l’entreprise. Certes, elle ne fait pas bondir le chiffre d’affaires à court terme. C’est pourquoi elle est souvent reléguée à un rang secondaire, ne faisant pas partie du core business de l’entreprise. Et pourtant…
Et pourtant-
Pourquoi Spanghero fut-elle plongée dans un tel cauchemar économique après la découverte de cheval dans vos lasagnes au bœuf ? Un problème de responsabilité vis-à-vis des consommateurs ? Et que dire vis-à-vis des employés eux-mêmes qui se sont sentis trahis ?
Pourquoi ce malaise chez Dove quand le mot Greenpeace est prononcé ? Serait-ce à cause de cette publicité détournée devenue culte sur la toile ?

Pourquoi, depuis la sortie de The Big One de Michael Moore, Nike a-t-elle fait appel à des organismes extérieurs pour contrôler les conditions de travail des salariés de ses entreprises sous-traitantes, et a promis de ne plus employer d’enfants ? Ces mots de Phil Knight, PDG de Nike jusqu’en 2004, n’y sont pas pour rien.
Enfin, pourquoi les entreprises s’investiraient-elles dans de nombreux programmes caritatifs depuis l’émergence de ces nouvelles préoccupations des consommateurs, si la question de la Responsabilité Sociale était vraiment négligeable à leurs profits ?
L’entreprise, on le sait, n’a pas vocation à la philanthropie… cependant, elle n’est jamais à l’abri du bad buzz, qui peut lui être parfois fatal. Si longue soit-elle à installer, il en faut peu pour qu’une image de marque flanche dangereusement en l’espace de quelques jours. Un phénomène encore plus rapide à l’heure des médias sociaux.
L’exercice de communication de crise revient alors à tenter tant bien que mal de recoller les morceaux, mais souvent le mal est fait.
La RSE : faire d’une vaste jungle…
La grosse difficulté en matière de RSE est de mettre en place en amont les réponses adaptées aux spécificités de l’entreprise, compte tenu de l’ampleur du sujet dont il est question : impact de l’entreprise sur l’environnement, sur la santé et le bien-être de ses salariés, de ses sous-traitants, de ses clients, prendre en compte le développement social… Aussi diverses soient-elles, l’impact sur toutes les parties prenantes est à considérer.
Le risque majeur en matière de RSE est de vouloir obtenir un effet trop rapidement. On demande un effet visible sur lequel on pourra communiquer, sauf qu’on prend alors le risque d’appliquer tel un vernis n’ayant qu’une utilité cosmétique, des politiques fragiles qui seront facilement dénoncées comme étant du greenwashing.
…un nouveau monde prometteur
Pourtant, les bénéfices d’une intégration adaptée de la RSE dans la stratégie globale sont énormes, et ce sur au moins 4 aspects :

Pour l’image de marque de l’entreprise : la confiance par la conscience. Au-delà des risques qui s’éloignent d’une attaque en règle sur le fonctionnement de l’entreprise, les clients accordent une plus grande confiance à ceux qui font preuve de responsabilité. Un exemple probant en la matière est la place d’Yves Rocher, premier incontesté du classement Pasternak/Ifop 2013 des entreprises préférées des Français (Stratégies n°1749-1750 19/12/13). A noter qu’Yves Rocher est deuxième du classement derrière Airbus, avec 78,5% d’opinion favorable auprès des détenteurs d’actions, alors qu’elle n’est pas cotée.

Pour les collaborateurs : une vision globale porteuse d’engagement et de fierté. 83% des collaborateurs souhaitent être impliqués dans la démarche RSE de leur entreprise, mais seulement 17% le sont (DDB OpinionWay 2009). Il y a donc une véritable demande de la part des employés, prêts à s’investir. Une ressource interne peu exploitée qui peut s’avérer extrêmement porteuse si elle entre en interaction dans la démarche de RSE. Quoi de plus fort qu’un réenchantement de l’objectif commun pour dynamiser ses collaborateurs ?

Pour la crédibilité politique de l’entreprise : avec la crise, les regards se sont tournés plus encore vers l’entreprise pour lui demander d’apporter des réponses aux problèmes économiques, sociaux et sociétaux. L’entreprise possède incontestablement un poids politique, à la fois international, national et local. Faire preuve de responsabilité sur les questions sociétales à l’heure où les citoyens désinvestissent leur confiance des pouvoirs politiques classiques, n’est-ce pas un bon moyen de capitaliser sur l’avenir dans une période où les repères traditionnels sont en pleine mutation ?

Pour la pérennité de l’entreprise : s’adapter pour survivre. La pérennité de l’entreprise est le point de convergence de l’ensemble des parties prenantes. L’investissement en matière de RSE n’est pas une réponse à court terme, mais un moyen de capitaliser sur l’avenir en anticipant les changements qui seront de toute façon nécessaires à la survie de l’entreprise. Tenir compte de la diversité des acteurs et de la complexité des enjeux et faire preuve de courage en prenant les décisions non pas au plus vite, mais au plus tôt, peut s’avérer salvateur pour demain.

Lorraine de Montenay
Sources :
Stratégies n°1749-1750 19/12/13
Lemonde.fr
Dailymotion.com
Opinion-way.com
Pour en savoir plus :
Jean-Marc Le Gall, L’entreprise irréprochable, Réciprocité, Responsabilité, Démocratie, Desclée de Brouwer, Paris, 2011
Iso.org

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Jacques a dit : tous mécènes !

 
Samsung, LVMH, Lagardère, Total…Tous ceux qui récemment se sont pressés au centre Pompidou pour assister à l’exposition Dali ont pu y apercevoir à l’entrée cette énumération de grands groupes, sobrement remerciés par la direction. Depuis quelques années, le mécénat d’entreprise est en plein boom. Alors quid de cette nouvelle pratique, à la fois manne financière pour les centres culturels et pain béni pour les entreprises qui cherchent à améliorer leur image ?
 
Une association tout bénef 
Le principal avantage de ce type de mécénat est qu’il profite largement aux deux parties. Les uns bénéficient d’importants financements  sans contreparties ou presque, tandis que les autres se refont une virginité éthique à grands coups de généreux dons défiscalisés à 60% depuis la loi Aillagon de 2003. Donnant-donnant donc. A demi-mot, les entreprises reconnaissent souvent que le mécénat est d’abord attrayant car il équivaut à une campagne de communication prestigieuse et relativement bon marché. Ainsi, dans une étude de L’Admical (2012), les entrepreneurs déclarent s’engager dans le mécénat culturel d’abord pour renforcer l’identité de leur entreprise et se différencier (35%), viennent ensuite la volonté de participer à l’attractivité du territoire dans lequel leurs entreprises s’inscrivent (26%), puis le goût personnel du dirigeant ou l’histoire de l’entreprise (26%).
 
Trop beau pour être honnête ?
Face à cette vision pragmatique, des voix s’élèvent parfois contre ce qui apparait comme une récupération mercantile et cynique de l’art. On crie au mélange des genres, on met en garde contre le risque de brouiller les frontières entre culture et opération marketing. Bref, on craint que le front de la Mona Lisa ne se retrouve bientôt tatoué du nom d’un des grands groupes du CAC 40. Cependant le mécénat d’entreprise reste, pour le moment, assez loin des reproches qu’on lui fait. Bizarrement, les entreprises ne communiquent pas tant que cela sur leurs actions de mécénat. Leur visibilité se limite souvent à l’association de leurs nom et logo aux supports de communication du projet soutenu. Serait-ce par peur qu’on les accuse de vouloir uniquement redorer leur blason ? De plus, à ceux qui craignent une collusion des intérêts économiques et artistiques, on rappelle que la loi interdit d’exploiter les actions de mécénat en vue de retombées commerciales, sans quoi on parle de sponsoring ou de parrainage.
Autrefois, le mécène faisait vivre l’artiste en lui commandant des tableaux. La coercition n’était-elle pas plus importante à l’époque? Désormais l’artiste a la liberté de représenter ce qu’il souhaite, et l’influence du mécène ne se manifeste guère plus que par la présence discrète d’une plaque au nom de l’entreprise  dans un coin du musée. Nuance importante : la mise en valeur ne se fait plus par l’œuvre elle-même, mais autour de ce qu’elle représente.  Le donateur ne cherche plus à bénéficier directement  de la création artistique,  mais des valeurs positives qu’elle véhicule, de l’enthousiasme qu’elle suscite, et du public qu’elle attire.
 
Marine Siguier