Publicité et marketing

L’indécence glorifiée

 
 American Apparel a, une fois de plus, choisi la polémique comme stratégie de communication en dévoilant il y a quelques jours sa dernière publicité :

Les mots « Made in Bangladesh » ne font pas référence à quelque chirurgie esthétique mammaire ou à des vêtements, puisque le modèle n’en porte pas, mais à la jeune femme elle-même. Maks, 22 ans, est née au Bangladesh. Le message que veut faire passer la marque, c’est celui de l’authenticité. American Apparel revendique haut et fort son « Made in Los Angeles » et son commerce équitable. Cette publicité fait écho au drame survenu l’année dernière dans une usine de textile non loin de Dacca, la capitale du Bangladesh. Le fabricant dénonce l’exploitation dans l’industrie du prêt-à-porter.
Créer la controverse à travers la publicité est devenu l’apanage de la marque. American Apparel est pour ainsi dire devenue une véritable marque-média qui s’exprime sur tout et n’importe quoi.  Aucun tabou ne lui échappe. Au début de l’année, des mannequins à la pilosité pubienne développée avaient été exposés en sous-vêtements à moitié transparents à la vue des passants. En 2012, une mère de famille avait porté plainte contre des publicités « inutilement sexuelles » de la boutique en ligne et la marque avait été accusée de « sexualiser » des mannequins mineurs. Cette même année, le fondateur Dov Charney s’était tout de même octroyé une certaine sympathie des consommateurs pour avoir lancé une campagne ayant pour modèle une vieille dame prénommée Jacky – elle aussi dénudée.

Les séniors, la nudité, les poils pubiens, la situation au Bangladesh… La marque se mêle de tout et n’importe quoi. American Apparel fait circuler des contenus médiatiques polémiques qui dépassent le champ de l’industrie textile : en quoi est-ce lié à une logique marchande ? Finalement, il semblerait que la marque produise des campagnes dans le but de faire un buzz qui lui donnerait de la visibilité sur un marché extrêmement compétitif. Si les thèmes abordés dans ses publicités sont osés, la marque parvient tout de même à vendre ses produits dans vingt pays différents. En 2012, lorsque de nombreux scandales avaient éclaté autour de ses campagnes, son chiffre d’affaires avait augmenté de 13%.
American Apparel, contrairement à de nombreuses marques – on peut penser par exemple à la publicité jugée sexiste de Numéricable, qui n’a pas profité à l’entreprise – sait doser la part de polémique dans les messages qu’elle véhicule dans ses campagnes. Non sans un certain humour, American Apparel frôle l’indécence sans jamais tomber dans l’immoralité. La marque parvient à diffuser des contenus médiatiques qui, sans réel poids idéologique, sont en lien avec des problématiques contemporaines. Le fabricant proclame que « la sexualité devrait être célébrée, pas condamnée ». En 2008, lorsque les californiens avaient voté pour Prop 8, qui interdisait le mariage entre personnes de même sexe, American Apparel avait produit et offert 50 000 t-shirts portant l’inscription « Gay O.K . » aux Etats-Unis, et avait fait de même en France pour soutenir le mariage pour tous.
Néanmoins, avec cette dernière campagne, la marque passe un nouveau cap. « Made in Bangladesh » s’aventure sur un terrain glissant, celui de la religion, voire de la politique. L’islam dans ce pays est en effet religion d’Etat, et cette jeune femme ne passera pas inaperçue. A trop jouer avec les mœurs, American Apparel risquerait de se brûler.
Camille Frilley
Sources :
Huffingtonpost.fr
Lexpress.fr
epcblog.com
Americanapparel.com

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save the children campaign
Société

La communication : une arme à part entière

 
Il n’est pas question ici des armes chimiques utilisées en Syrie mais d’un crime encore plus tragique, dont les ONG et l’ONU peinent à documenter tant le sujet est douloureux. Il s’agit du viol. Doublé des misérables vies endurées par les enfants, les souffrances infligées pendant la guerre civile syrienne mettent toutefois en scène d’un point de vue communicationnel le double versant de la communication.
Utilisée à bon escient, la communication peut se muer en arme efficace pour sensibiliser les publics. Mais elle peut également se faire prendre à revers et nuire aux victimes les plus sensibles, comme c’est le cas ici avec les femmes syriennes. Ces dernières deviennent alors de véritables boucliers humains et a fortiori les principaux champs de batailles d’une guerre qui dure maintenant  depuis trois ans.
Le revers de la communication : une arme destructrice
Les témoignages de ces femmes syriennes violées ont été parus dans Le Monde le mercredi 5 mars dernier et constituent l’exemple même d’une communication aux nobles intentions mais qui se fait prendre par son propre piège en allant jusqu’à menacer la vie des victimes. Malgré la honte et les représailles à la suite de ce crime d’honneur, ces femmes ont néanmoins accepté de se confier pour faire éclater au grand jour les horreurs de la guerre. Témoignages souvent insoutenables, ces derniers mettent en lumière les pratiques utilisées par le régime de Bachar Al-Assad comme arme de guerre destinée à détruire durablement le tissu social syrien.
Le viol est fondé sur l’un des tabous les mieux ancrés dans la société traditionnelle syrienne et sur le silence des victimes, convaincues de risquer le rejet par leur propre famille, voir une condamnation à mort si elles parlent. Les journalistes poussent un cri en nous rapportant ainsi les dialogues et autres détails anecdotiques pour nous faire revivre au plus près les ignominies imposées à ces femmes.
« J’ai tout eu ! Les coups, le fouet avec des câbles d’acier, les mégots de cigarette dans le cou, les lames de rasoir sur le corps, l’électricité dans le vagin. J’ai été violée – les yeux bandés – chaque jour par plusieurs hommes qui puaient l’alcool et obéissaient aux instructions de leur chef, toujours présent. Ils criaient : « Tu voulais la liberté ? Eh bien la voilà ! » s’écrit une femme de 27 ans, mère de quatre enfants, décharnée et handicapée à vie par les coups administrés sur sa colonne vertébrale par un milicien du régime avec la crosse de son fusil.
Ces campagnes de viols organisées par les milices ont touché des centaines de victimes: les viols furent réalisés dans des conditions inhumaines, dans des sous-sols remplis de rats, et parfois même devant les maris, les frères et les pères. Le climat de terreur déjà présent par la guerre ne fut qu’accru par la violence de ces agressions sexuelles et par la diffusion de ces aveux.
« Leurs corps sont des champs de torture et de bataille » dénonce l’écrivaine Samar Yazbek, réfugiée en France.
Des histoires sordides sont sorties de l’ombre, comme celle d’une petite fille désormais réfugiée aux Etats-Unis, violée par son aîné sous les ordres des soldats. Ses deux autres frères furent décapités pour avoir refusé de le faire. Mais l’aîné fut ensuite tué sur le corps de la fillette, qui fut de nouveau violée par ces monstres.
La parution de ces témoignages a permis de mettre en lumière ces initiatives barbares et ces crimes obscènes. Néanmoins, la déchirure de ce silence obstiné de la part des victimes a de lourdes conséquences : divorces, psychose sociale (désormais, la simple incarcération suffit pour faire croire que la femme a été violée), stigmate et meurtres (de bébés nés de ces viols collectifs surtout) surviennent après l’aveu.
« Elles ont si peur en sortant de détention qu’elles restent murées dans leur malheur sans pouvoir demander de l’aide » se désespère Alia Mansour, membre de la Coalition nationale syrienne.
Les bienfaits de la communication
En trois ans, la guerre civile syrienne aurait déjà emporté avec elle plus de 11 000 enfants et transformée plus d’un million de syriens en réfugiés. Pour faire prendre conscience aux publics des horreurs de cette guerre, Save the Children, une ONG de défense des droits de l’enfant a lancé un nouveau spot pour marquer les trois ans du conflit (le 15 mars) à travers une campagne de sensibilisation qui constitue un nouvel appel aux dons. Avec comme slogan « Just because it isn’t happening here, doesn’t mean it isn’t happening », la vidéo met en scène ce que serait la vie d’une petite fille londonienne si un conflit similaire venait à éclater au Royaume-Uni.

Une campagne de sensibilisation avait déjà été lancée au Norvège par l’ONG SOS-Villages fin février afin de récolter des vêtements chauds pour les enfants syriens. Une caméra cachée filmait un petit garçon sous un abris-bus, grelottant sous la neige, pour observer le comportement des individus face au tragique de la situation. Mise en ligne fin février, elle a déjà plus de 13 millions de vues.

La communication peut dès lors apparaître comme une arme efficace et poignante pour réveiller les consciences et faire changer les choses.
 
Laura de Carne
Sources
SavetheChildren
LeMonde

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Canal+
Société

Canal+, Studio Bagel : une histoire de gourmandise

 
 C’est telle une traînée de poudre que la nouvelle s’est répandue et que les jeux de mots ont fusé : « Canal+ « croque » 60% de Studio Bagel. »
Studio Bagel est la jeune start-up derrière des programmes courts comme le Dézapping du Before ou les Tutos du Grand Journal sur Canal+. De la même manière, sur le web, Studio Bagel est tout aussi débordant de créativité à travers sa chaîne Youtube, et ce  grâce à des formats voulus courts, drôles et efficaces.
La chaîne totalise plus d’1 million d’abonnés et plus de 40 millions de vidéos vues. Autant dire que la start-up du rire 2.0 décolle et rassemble !
Pour Le groupe Canal, c’est une acquisition qui représente un pas de plus dans l’univers de l’OTT (Over-the-top-television,  pour dire d’une manière générale la télévision distribuée sur internet), notamment après le lancement de 16 chaines Youtube destinées à relayer le contenu de ses différents programmes diffusés en clair. Ce rachat s’inscrit donc naturellement dans la stratégie plurimédia du groupe et son envie d’accroître sa présence sur le web.
Le succès que connaît le collectif du même genre, Golden Moustache (lancé par le groupe M6), a certainement conforté cette décision.
Par ailleurs, acquérir Studio Bagel permet à la chaine de cibler très spécifiquement un public assez jeune, friand de ce genre de formats facile à partager et lui assure en outre un vivier non négligeable d’artistes et d’animateurs potentiels. Dans ce sens, Maxime Musqua, ancien membre de la start up, a depuis Septembre dernier rejoint le petit journal de Yann Barthès.
Studio Bagel de son côté se réjouit : la petite équipe se voit assurée d’avoir plus de moyens et encore plus de diffusion par le biais de l’audiovisuel.
Salma Bouazza
Sources :
Nouvelobs.com
Lesechos.fr
Telerama.fr

Fastncurious
Société

Cross-média et transmédia par FastNCurious

 
Introduction
Dans sa rubrique spéciale Dossiers, FastNCurious propose une troisième édition qui analysera les thèmes du cross-média et du transmédia sous différents angles d’approches spécifiques à l’enseignement du CELSA.
Notre consommation des médias aujourd’hui semble s’effectuer sur les modes de la convergence et de l’interactivité : dans quelle mesure médias traditionnels et nouveaux s’imbriquent-ils, se complètent-ils voire s’excluent-ils ?
Sommes-nous entrés dans une ère de consommation multi-écrans ? Les contenus s’additionnent, se superposent, s’imbriquent voire se délinéarisent sur des supports additionnels. Avec en guest stars, tablettes et Smartphones, des supports promus comme symboles d’une utilisation contemporaine des médias  qui favoriserait une expérience interactive, voire immersive pour leurs utilisateurs.
C’est au travers des notions de cross-média et de transmédia que nous allons étudier la question de l’utilisation des médias, leur appropriation et les stratégies mises en place par les professionnels de la communication, qui manient au quotidien ces outils médiatiques.
D’emblée, on constate une récurrence des discours sur les pratiques liées au transmédia, qui aurait remplacé son ancêtre conceptuel, le cross-média. Il convient d’éclaircir ces deux notions, qui sont souvent confondues : tandis que le cross-média serait ce qui met en jeu la superposition de messages sur différents supports, le transmédia aurait davantage à voir avec une expérience immersive, un storytellling déployé sur ces différents supports. Le transmédia contiendrait une valeur ajoutée qui enrichirait le contenu médiatique – bref, il serait question de prolonger une expérience médiatique (cf. la campagne transmédiatique de Lost  à travers « The Lost Experience », un jeu interactif conçu pour maintenir l’intérêt du public pendant l’intersaison de la série).

C’est cette « tendance » du transmédia qui va être analysée cette semaine par nos rédacteurs. Elle semble être l’une des dernières pratiques des éditeurs de contenu audiovisuel, et elle rejoint la question cross-médiatique de l’interactivité : interactivité des contenus médiatiques signifie-t-elle pour autant interaction et échange ?
Nos Curieux vont vous faire partager leurs analyses sur les questions de nos pratiques médiatiques qu’ils ont traitées de manière transversale. Lundi, nous analyserons sous l’angle marketing les stratégies cross-média et transmédia. Mardi, c’est via l’aspect symbolico-culturel que nous aborderons le thème du transmédia. Mercredi, nous verrons en détail les enjeux qui se cachent derrière les pratiques et les stratégies transmédiatiques. Jeudi, ce sera l’exemple Coca-Cola qui sera analysé à titre d’illustration. Enfin, vendredi, nous vous ferons part d’une analyse issue du travail de recherche de nos rédacteurs.
Bonne lecture !
Alexandra Ducrot
Pour La Rédaction

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Rennes FN
Politique

Antifasciste tu perds ton sang froid

 
A Rennes, une manifestation anti-FN a dégénéré. Profitable à la communication du FN, mais défavorable à l’égard de l’image des antifascistes.
Un message contradictoire
Gérard de Mellon est candidat FN aux prochaines élections municipales à Rennes. Le 8 février il organise un meeting. Les antifascistes préparent alors un rassemblement. Malheureusement, la manifestation dérape.
La Bretagne est une terre hostile au FN, et par conséquent un territoire important pour ce parti qui cherche à s’y implanter durablement. Comme l’illustre cet article de Rue 89, depuis 2002, sur les 20 villes françaises qui votent le moins FN, 13 sont bretonnes et sont situées majoritairement dans la banlieue de Rennes. Que ce soit le FN ou les antifascistes, des deux côtés l’objectif était de faire passer un message fort. Ainsi, le lieu où se déroule le meeting de Gérard de Mellon est la salle de la Cité, considérée comme « la Maison du Peuple, symbole du mouvement ouvrier », le but étant d’inscrire le FN dans l’histoire de la ville de Rennes. Dans un communiqué de presse diffusé le 9 février, le maire PS de Rennes, Daniel Delaveau, qualifiera ce choix de lieu comme une « provocation ».
Le FN touche alors au symbole de trop pour des antifascistes échaudés par une forte présence médiatique de l’extrême droite. La peur que le FN s’implante en Bretagne et peut-être le ressenti d’une percée des idéaux de ce parti ont conduit les antifascistes à répliquer par un message fort.
Cependant, cela n’explique en rien leur comportement violent qui a entraîné des affrontements avec les forces de l’ordre et des dégâts matériels. Pourquoi ne pas avoir manifesté dans le calme pour communiquer en opposition de la violence morale des idées du FN dénoncée par les antifascistes ? Cette manifestation violente a été couverte localement… et nationalement (notamment sur les sites web des grands médias). De plus, les images diffusées sont celles de personnes cagoulées, avec des barres de fer, des pavés, brisant des vitres, brûlant une voiture, caillassant un commissariat, se battant avec des CRS dans un nuage de lacrymogènes. Certes, on parle de leur action mais tout ceci écorne l’image des antifascistes.

Le message est alors contradictoire : où se situe la différence entre la violence des groupuscules d’extrême droite dénoncée par les antifascistes, et les méthodes de ces derniers ?
Des dérapages qui servent la communication du FN
Ainsi, le grand bénéficiaire de ces dérapages semble être Gérard de Mellon, qui se félicite dans 20 minutes.fr, le 12 février dernier, d’avoir profité sans efforts d’une communication nationale : « Lundi, j’ai vu mon nom dans tous les journaux de France, sans rien demander ». Un communiqué du candidat, diffusé le lendemain des incidents, dénonce « des manifestants professionnels (sic) ultra violents ». Ce dernier en profite pour lancer une pique aux antifascistes en réaffirmant son « plus grand respect à la démocratie » ; sous-entendu que les manifestants eux ne la respectent pas. Stratégie de communication pertinente. Ce candidat milite pour un parti reconnu légalement, et les antifascistes empêchent sa campagne à travers l’intimidation. Communiquer sur les valeurs de la démocratie et de la République apparaît logique, et les arguments sont recevables.
Toutefois, des partis politiques communiquent à leur tour pour péricliter les messages du FN, comme l’illustrent les propos de Daniel Delaveau, maire PS de Rennes : « Le Front National, qui n’est pas un parti comme les autres, a choisi de tenir un meeting salle de la Cité, avec le sens de la provocation dont il est coutumier. Ses mensonges et son esprit polémique ne sauraient duper personne. (…) Si les idées d’extrême droite doivent être combattues sans relâche, ce combat ne saurait être mené en-dehors du cadre démocratique et du débat d’idées ».
Enfin, le FN clôt sa communication par un message de soutien aux citoyens rennais. Gérard de Mellon exprime ainsi « sa plus sincère compassion aux riverains et commerçants victimes de ces agissements et les forces de police de sa sympathie devant leur détermination ». Un message pour montrer que le parti veille aux intérêts et au bien-être des Rennais, et qui attaque les antifascistes en sous-entendant qu’eux n’agiraient qu’à travers des actes égoïstes et ne se soucieraient pas, par conséquent, de la population rennaise. Une communication logique au vu des dégâts matériels provoqués par la manifestation.
Un retour de bâton douloureux pour les antifascistes qui, à travers leurs actions, ont finalement servi la communication du FN.
 
Pierre Halin

Sources :
Le Monde
Atlantico
Rennes TV
Rue89
Francetvinfo.fr
Rennes.fr
Crédits photos :
Rennes TV
Le Télégramme

Facebook
Société

Facebook, notre meilleur « ami »

 
Depuis début février, Facebook convie ses quelques 1,2 milliards d’usagers actifs à son dixième anniversaire, et le réseau social numéro un ne ménage pas ses efforts pour intégrer ses invités à la fête. La nouvelle activité phare de cette période de célébration ? La possibilité de visionner une petite vidéo rétrospective, retraçant le parcours de chacun sur le site.
Le principe est simple, attractif et permet la mise en place d’une stratégie de communication des plus efficaces. Sur fond de musique émouvante, Facebook nous permet à nous, simples utilisateurs généralement anonymes, de nous remémorer nos « premiers moments », nos « publications préférées » et autres « photos que [nous avons] partagées. » Et justement, c’est là tout l’intérêt d’une telle démarche. Le rythme de la vidéo, la succession d’images et le zoom final sur notre photo de profil actuelle nous donnent l’agréable impression d’être quelqu’un d’important, d’unique au milieu de la masse d’usagers inscrits sur le réseau social. Chacun peut, le temps d’une minute, se rêver une vie palpitante, pleine de rebondissements et de bonheurs quotidiens.
Mais surtout, Facebook réussit à s’accorder une place non négligeable dans ce conte de fée que ses usagers sont censés vivre. Toujours présent, il serait là pour les accompagner à chaque moment clé de leur vie. Ce nouveau tournant communicationnel est d’ailleurs cohérent avec les efforts précédents visant à faire de Facebook un véritable journal intime (pensons à la mise en place de la Timeline en 2009 par exemple). Une telle stratégie de communication joue ainsi sur l’émotion et cette méthode semble s’avérer judicieuse, notamment pour un site dont le succès s’appuie sur les relations sociales, la fonction « like » ou encore le « partage » de photos et d’informations.
Plus qu’un réseau social, Facebook serait donc un « ami » qui nous accompagnerait et nous épaulerait tout au long de notre vie. Une stratégie que l’on « like », sur le papier du moins.
Margaux Putavy

Call Of Duty
Publicité et marketing

Call of Duty « kidnappe » ses joueurs !

 

Après la sortie du DLC Libération d’Assassin’s Creed 4 Black Flag, c’est au tour de la franchise Call Of Duty de lancer son année 2014, et elle y met les moyens.
Pour promouvoir son pack de contenus additionnels Onslaught de Call of Duty : Ghosts sorti ce mardi 28 janvier 2014, le géant américain Activision s’est offert un trailer live-action coûteux comme il en a le secret. « Codnapped », la publicité de trois minutes en forme de superproduction américaine réalisée par l’agence 72andSunny, était diffusée en vidéo 1080p une semaine avant la sortie du pack.
Pour rappel, l’éditeur américain annonçait un milliard de dollars de recettes le premier jour de vente de ce dernier épisode de la série Call of Duty et la barre symbolique du milliard de dollars était passée 3 jours plus tard. Cependant, ce n’est un secret pour personne, Call of Duty : Ghosts n’est l’opus préféré ni des joueurs ni de la presse.
La campagne prend appui sur un jeu de mot évocateur : entendez Call of Duty pour COD et « kidnapped » pour napped. Elle met en scène des joueurs prisonniers du train-train de leur vie quotidienne « kidnappés » les uns après les autres par une escouade du Ghosts pour se retrouver dans un entrepôt aménagé en salle de jeu tout confort avec, bien sûr, le DLC Onslaught sur Xbox One à disposition. Pour l’occasion, le célèbre acteur britannique Stephen Graham a été engagé. Son visage vous sera peut-être familier si vous regardez Snatch ou Boardwalk Empire par exemple.

En clair, le reproche courant « tu es accroc au jeu, décroche un peu » est renversé : c’est le jeu qui vous kidnappe, laissez-vous faire et vous retournerez en héros auprès de ceux que vous aimez. Call of Duty, ou le happy kidnapping en somme.
Contrairement au trailer du dixième opus de Call of Duty qui laissait une petite place à la féminité dans le monde des gamers (pour rappel, Megan Fox descend un drone), cette vidéo semble s’adresser au public cible de COD, soit les jeunes hommes qui entrent dans la vie active. Mais cette vision est quelque peu caricaturale : les joueurs passent pour de grands enfants qui se plaignent du quotidien d’un adulte et sont incapables d’assumer des responsabilités. Une telle image convient mieux aux adolescents qui, avouons-le, constituent une bonne part des clients d’Activision pour la licence Call Of Duty. Certains joueurs peuvent tout de même se sentir insultés face à un reflet si infantilisant, et l’absence de femme joueuse dans la vidéo accentue la caricature.
D’un autre côté, Activision continue de valoriser la figure du joueur de FPS : on ne voit pas d’adolescents retardés, de nolife repoussants ou encore de fous furieux violents mais un jeune cadre, un homme de bonne famille, un père de famille respectable ou encore le petit ami attentionné et patient. Nous sommes donc bien loin du stéréotype habituel du joueur de FPS en brute assoiffée de sang rendue violente par le jeu-même. Là, on va même jusqu’à proposer des cacahuètes et boissons (et d’autres douceurs pour les allergiques aux arachides) aux joueurs confortablement installés, le sourire aux lèvres, heureux de vivre cette expérience en groupe.
Je ne sais pas si vous jouez, mais il est assez difficile de garder le sourire quand on se fait oneshot en chaîne. Passons.
L’image d’un tel service premium est peut-être développée pour faire passer la pilule du prix du DLC. En effet, le contenu téléchargeable coûte 15 € pour qui souhaite prolonger l’expérience de COD : Ghosts. 15 € donc pour quatre maps, une arme qui passe du mode Rifle au mode Sniper et le fameux premier épisode du mode extinction où les joueurs doivent anéantir une menace Alien. Cela reste assez cher quand on sait que le jeu initial est vendu 45 € en France. Beaucoup de joueurs commencent à se lasser de la mode des « jeux en kit ». Comprenez qu’après avoir acheté le jeu, il vous faut acheter plusieurs DLC si vous voulez prolonger le temps de jeu ou avoir accès à des séries de quêtes, ou même à des personnages nouveaux. Ajoutons que seuls les joueurs de Xbox One peuvent profiter à l’heure actuelle du DLC, les joueurs d’autres plateformes devront patienter encore un peu.
 La série Call of Duty est par ailleurs fortement concurrencée par l’autre célèbre série de jeu de guerre FPS Battlefield, qui lancera aussi prochainement un DLC pour 2014. Certaines critiques du jeu reviennent souvent dans les discours des joueurs de Call of Duty : manque d’innovation dans le gameplay, un moteur graphique qui n’évolue pas assez, bref une série de jeux qui se repose sur ses acquis plutôt que de chercher à se renouveler. Si le « Codnapping » est une façon originale de communiquer, il n’est pas certain que cela suffise pour séduire à nouveau tout le monde.
Derrière l’aspect ludique du Codnapping, Activision ne chercherait-il pas à envoyer un message subliminal à ses joueurs lassés ?
Rimond Leïla
Sources :
Lareclame.fr
Businessinsider.com
Slashgear.com
Huffingtonpost.fr
Crédits photos :
Tirées de la vidéo
 

Société

De l’usage du stéréotype en communication

Lancée il y a quelques jours, la campagne d’affichage du mouvement de La Manif pour Tous a fait l’objet d’un amusant détournement sur les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter. Des internautes ont en effet parodié les nouveaux visuels de la campagne, habillés aux couleurs d’un message stéréotypé (« Pas touche à nos stéréotypes de genre »), pour le moins déconcertant. À tel point qu’il devient même difficile de distinguer les affiches officielles de celles qui ont été parodiées…
Retour sur un dispositif communicationnel au slogan volontairement provocateur.
Stéréotypes et communication : à utiliser à bon escient

Jouer sur les stéréotypes peut être un moyen efficace de communiquer, puisqu’il s’agit de jouer sur des cadres de référence communs pour garantir la transmission rapide d’un message. Les clichés utilisés comme leviers de communication permettent ainsi d’entrer en résonnance avec des représentations socialement partagées et culturellement ancrées. Mais fonder une campagne entière de communication sur les seuls stéréotypes, en les affirmant comme vérité établie et en l’absence de ton décalé, s’avère une démarche périlleuse. Et encore plus quand celle-ci prend part à un débat social houleux.
La Manif pour Tous justifie sa campagne d’affichage comme se voulant provocante avec pour objectif de susciter l’intérêt autour de la question du genre et des modèles familiaux. Il est clair que s’appuyer sur de tels stéréotypes est un moyen affiché de provoquer, mais jusqu’à quel point est-ce une stratégie efficace de provoquer pour diffuser son message et faire parler de soi ? Peut-on aujourd’hui « provoquer pour provoquer » ? Sans nul doute que la provocation gratuite peine à faire sens et se révèle vite creuse.
Il apparaît aussi que le ton de cette campagne manque de subtilité, comme en témoignent les amusantes parodies qui ont surgi sur Twitter (cf. Bannière) dès la révélation des affiches par la Manif pour Tous. Appliqués aux adultes, les « stéréotypes de genre » prennent un tout autre sens, se révélant profondément drôles et absurdes : la femme est montrée comme affairée aux tâches ménagères, en contraste avec une figure masculine assise voire avachie – ou encore, l’homme promenant sa femme en laisse, traduisant la domination masculine sur une prétendue faiblesse du sexe féminin. Ce jeu de détournement des visuels par les internautes souligne le caractère quasi absurde des affiches de LMPT, faisant apparaître leur potentiel parodique intrinsèque.

Nouveau slogan de #manifpourtous ! « Pas touche à nos stéréotypes de genre » J’apporte ma contribution à leur combat ! pic.twitter.com/mD8GpJZPbm
— Allan BARTE (@AllanBARTE) 14 Janvier 2014

Cette appropriation parodique par les internautes révèle un certain rejet du message véhiculé par la campagne de LMPT. En effet, on peut analyser ces tweets jouant sur la parodie et l’humour comme des manières d’affirmer une opinion de désaccord, à l’image de La Fontaine qui utilisait le procédé de la métonymie animalière pour se moquer et dénoncer certains comportements de la Cour sous Louis XIV.
 
Le stéréotype : une fonction rassurante mais désuète ?
Jusqu’où l’usage des stéréotypes est-il pertinent dans une campagne de communication ? Ceux-ci peuvent en effet apparaître comme des archaïsmes communicationnels s’ils ne sont pas traités avec un second degré, lequel leur permettrait de revêtir une dimension contemporaine et moderne. L’argument du stéréotype de genre apparaît comme désuet, dans la mesure où il évoque un certain repli communicationnel, qui va à l’encontre de la « société ouverte » dans laquelle nous vivons (1). K. Popper avait bien analysé cet aspect de notre monde contemporain globalisé, caractérisé par le changement ainsi qu’un mouvement continu d’ouverture communicationnelle. Dans un contexte de dispersion et de discontinuité, se poser comme défenseur des « stéréotypes de genre » traduirait alors une volonté de retour à des valeurs originelles.
La campagne de LMPT peut se comprendre à l’aune de la pensée de D. Bougnoux (2) : le mouvement de LMPT aurait l’impression d’une perte de repères du fait des caprices d’une économie-monde qui n’est plus encadrée par l’Etat protecteur. La Manif pour Tous pourrait s’analyser comme l’une de ces communautés « aux identités manifestes » qui ressent le besoin de réaffirmer des valeurs qui s’inscrivent dans un mythe des origines du genre homme/femme, face à la dévastation des valeurs traditionnelles et aux désordres individualistes causés par le marché capitaliste mondial. La revendication de « stéréotypes de genre » semble exprimer comme une peur du changement, de la confrontation culturelle, des différences (ici sexuallo-identitaires).
Si la campagne de La Manif pour Tous a été parodiée aussi rapidement, c’est sans nul doute parce qu’elle brandit des stéréotypes socialement catégorisants qui s’opposent aux valeurs d’ouverture que prône notre société globalisée et ouverte au changement. D’un point de vue communicationnel, ce qui avait pour but d’être une campagne encourageant une lutte claire et affirmée, s’est mué en une campagne en contradiction avec son époque.
S’il est d’abord question dans cette campagne de légitimité des identités sexuelles/sexuées, il est aussi question de légitimité des identités mêmes qui nous fondent en tant qu’êtres particuliers.
 
Alexandra Ducrot
(1) La société ouverte et ses ennemis, Karl Popper (1945) : il y défend l’idée d’une société qui ne se tient pas à des connaissances établies mais reste ouverte à la réactualisation des connaissances avec l’idée d’un possible changement de la réalité qui nous entoure. En effet se revendiquer de vérité unique ou immuable dénierait le caractère profondément pluraliste et multiculturel de toute société démocratique.
(2) Introduction aux sciences de l’information et de la communication, Daniel Bougnoux (1993)
 
Sources :
Il était une pub : « Affiches Manif pour Tous : A peine dévoilées déjà parodiées »
Yagg : « Stéréotypes et escargots géants : Les affiches de la «Manif pour tous» parodiées »
Crédits photos :
Bannière : Il était une pub
 

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les inconnus
Culture

Les inconnus les plus célèbres : le retour

 
Surfant sur la vague de la nostalgie, les Inconnus reviennent à l’occasion de la sortie du deuxième volet de ce qui fut l’un de leurs succès les plus marquants : Les Trois Frères.
 Bien que le film ne sorte que le 12 février, la promotion a débuté il y a maintenant deux mois. Fin décembre sur France 2, un prime time consacré aux trois comiques marquait le coup d’envoi d’une grande campagne de communication. S’en est suivi l’affichage massif dans la capitale de « portraits » de Bernard Campan, Pascal Légitimus et Didier Bourdon sur lesquels n’apparaît même pas le titre du film.
 Si ces affiches sont originales, les réactions du public à leur découverte ne le sont pas moins. Alors que les fans reconnaissent leurs comiques préférés et s’exclament : « ce sont les Inconnus ! », ceux qui au contraire n’ont jamais entendu parler du trio se demandent : « mais qui sont ces inconnus ? ». Dans les deux cas, l’affiche participe au développement d’un buzz autour de ce retour que l’on peut d’ores et déjà qualifier de gagnant.

 
Lisa Brunet
Crédit photo :
Cinemotions.com

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Publicité et marketing

Numericable : bad buzz for good business ?

 
Il est là, le tout premier buzz de cette jeune année 2014. C’est l’opérateur et fournisseur d’accès Numericable qui l’a créé en présentant le lundi 6 janvier dans le quotidien 20 Minutes sa nouvelle campagne de publicité à l’humour douteux et qui, surtout, flirte avec le sexisme.
Pour commencer l’année… une pub aux frais des femmes !
Afin d’inciter ses consommateurs (qu’apparemment Numericable ne jugerait qu’être masculins) à choisir sa fibre optique de haut débit, le câble-opérateur joue d’une manière osée sur les clichés de genre. En effet, en adoptant la fibre optique (fournie par le leader du marché auto-proclamé) Numericable promet : « Téléchargez aussi vite que votre femme change d’avis ». Un énoncé périlleux qui a immédiatement déclenché une vague d’indignations et qui s’est vu fortement discuté sur Twitter.

Même Le Petit Journal s’est emparé de l’actualité pour railler à sa manière les créateurs de cette pub à caractère misogyne.
Le basculement: les hommes « soudainement » mis à l’honneur
Plus tard dans la journée, Numericable présente sur son compte Twitter « en avant-première » la suite de la campagne « que vous pourrez retrouver en version papier dès mercredi ». Cette fois-ci, la fibre Numericable permettra de « télécharge(r) aussi vite que votre mari oublie ses promesses » et ce sont donc maintenant les hommes dont on se sert pour tenter de faire rire.

Pourquoi une publicité en deux temps ?
Pourquoi Numericable n’a-t-il pas publié ces deux annonces en mêmes temps ? On peut y voir deux théories : si l’on en croit l’opérateur, cette campagne serait le fruit d’une stratégie de communication réfléchie, misant sur le buzz et l’indignation de sa première pub pour pouvoir ensuite lancer la deuxième contre-affiche, cette fois-ci en se moquant des hommes. En agissant ainsi, Numericable a de toute évidence cru bien faire bien faire et être équitable. Sauf que la parité dans le sexisme, ce n’est pas mieux que le sexisme en soi, mais le même principe : l’un comme l’autre reste dégradant, terriblement stéréotypé et surtout ennuyeux. Car faire de la publicité en jouant sur les clichés hommes-femmes n’est pas vraiment novateur, c’est avant tout un concept publicitaire archaïque et dépassé… surtout en 2014.
C’est en cela que l’autre théorie, celle du rattrapage de dernière minute, reste pour beaucoup la plus plausible comme en témoigne ce tweet :

Cela paraît surtout suspect du fait que Numericable ait prétendu auprès de la presse que « ce deuxième volet était prévu », mais sans pour autant vouloir en apporter la preuve ni fournir davantage d’explications.
Un véritable « bad buzz » ?
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette polémique a été inefficace pour le fournisseur d’accès à Internet. Au contraire, Numericable a réussi à faire (beaucoup) parler de lui et cela sans grand renfort d’investissements publicitaires (se cantonnant seulement à une annonce dans le 20 Minutes et une deuxième sur Internet). Tous les médias ont voulu sauter sur l’occasion pour informer leurs lecteurs de cette publicité révoltante, et ils se sont même quasiment trouvés « contraints » de continuer de publier des articles à propos de la suite que prenait cette campagne. Comme l’illustre cette accroche commerciale « deux articles pour le prix d’un », Numericable aura donc à la fois profité du buzz ainsi que de la réinterprétation de son message. Des points de vue communicationnel et économique, une tactique plutôt maline, même si celle-ci n’était probablement pas réfléchie.
Morale de cette histoire ?
Cette communication est sans doute osée mais elle l’est surtout dans un contexte où le Gouvernement français a comme objectif de lutter contre le sexisme sur le Web et où l’Assemblée Nationale travaille sur l’égalité hommes-femmes dans la société. Eventuellement aussi une raison pour laquelle cette campagne fait tant parler d’elle.
Quoiqu’on en dise, une chose est sûre : si l’objectif de toute campagne est de faire parler d’une marque, celle-ci risque d’être une nette réussite pour Numericable. En revanche, si on en parle bien, c’est une autre question.
Teresa Spurr
Sources :
Leplus.nouvelobs.com
L’Express
Le Point
Le Huffington Post
Numerama.com
Canalplus.fr
assemblee-nationale.fr