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La Corée du Nord : entre licornes et missiles nucléaires

La Corée du Nord fascine, fait rire, fait peur. Cette dictature communiste fondée en 1948 par Il-sung semble être le pays le plus isolé, le plus impénétrable au monde. Régulièrement la risée du web pour ses inventions historiques fantasques, la seule dynastie communiste de la planète fait trembler l’ONU et la diplomatie mondiale. Depuis 2006 en effet, suite à l’accès de Kim Jong-un au pouvoir, les essais nucléaires et de missiles balistiques se multiplient, avec un succès croissant — ce qui nous amène à craindre que la Corée du Nord devienne une future puissance nucléaire.
La Corée : Un conte de fées ?
La Corée du Nord, aussi appelée République populaire démocratique de Corée, n’est ni plus ni moins qu’une dictature, un des pays où les droits de l’homme sont les plus restreints. Et qui dit dictature, dit irrémédiablement propagande et culte de la personnalité. Ainsi, les exploits du dirigeant Kim Jong-un sont régulièrement contés dans de nombreux films et livres de propagande, largement diffusés sur les chaînes nationales du pays. Mais évidemment pas sur les réseaux sociaux, l’intranet étant extrêmement limité. Il aurait su conduire dès l’âge de trois ans, aurait également écrit 1500 livres, plusieurs opéras et gravi la montagne la plus haute de Corée avec ses chaussures de ville vernies. Son illustre père aurait quant à lui, inventé le hamburger. Magique. Mais pas si drôle que ça. En effet, la population, à laquelle on martèle sans cesse le même discours, y croit fermement. Leur dévotion au régime est telle qu’ils sont parfois amenés à dénoncer leur propre famille.
La propagande ne s’arrête pas là. L’histoire entière du pays est joyeusement revisitée. En témoigne la découverte à Pyongyang par des scientifiques nord-coréens d’une tanière de licornes (ou de qilin, animal légendaire en Corée). Licornes qui furent chevauchées par le roi TongMyong, fondateur du royaume dont est issue la Corée du Nord, et qui placerait ainsi la capitale actuelle de la Corée, Pyongyang, comme unique capitale de l’ancienne Corée et du royaume de Koguryo. Pourquoi une telle invention ? Un moyen de propagande afin de légitimer le régime en place, puisque ce royaume à l’origine des deux Corées a eu trois capitales, Pyongyang étant la dernière en date. Rien n’est laissé au hasard afin de valoriser la Corée du Nord et de faire valoir sa grandeur auprès du peuple.
La loi du plus fou
Mais la Corée du Nord n’est évidemment pas un pays magique peuplé de dirigeants super héros aux mille pouvoirs et à l’histoire absolument fantastique. La violence est extrême. Toute incartade est sévèrement réprimée, punie de mort ou de déportation dans des camps de travaux forcés. Cas très spectaculaire, l’exécution du ministre de la Défense, à l’aide d’un canon anti-aérien. Motif ? Il s’est rendu coupable d’assoupissement lors d’un défilé militaire et d’insubordination.

Dernièrement, une purge au plus haut niveau de l’État aurait fait un millier de morts et 20 000 déportés, l’actuel dirigeant, Kim Jong-un, cherchant à asseoir son pouvoir et à se légitimer. Les exécutions de son oncle il y a quelques mois, accusé de trahison, et de quinze hauts dirigeants en témoignent. Bien souvent, celles-ci sont rendues publiques afin de servir d’exemple et de maintenir l’emprise du régime sur le peuple. Plus récent encore, le possible assassinat ciblé du demi-frère de Kim Jong-un. Une technique très employée par le régime. Les hauts gradés et les proches du pouvoir ne sont pas les seules victimes de cette violence gratuite et démesurée. L’enfermement dans les camps de travaux forcés concernerait des dizaines de milliers de personnes, déportées sans explications et soumises ensuite à la torture et à la privation.

Une menace grandissante
La politique intérieure n’est pas la seule à être agressive. En effet, depuis quelques années maintenant, la Corée du Nord s’est lancée dans un programme d’armement nucléaire, malgré l’application à son encontre de sanctions économiques et commerciales par la communauté internationale. Kim Jong-un n’en a cure et persiste à vouloir s’armer de missiles balistiques et de l’arme nucléaire. Les condamnations répétées de l’ONU n’y changeant rien puisque la Corée du Nord viole régulièrement les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU.
Ces essais, qui frôlent l’inconscience, semblent relever de la pure provocation : envoi de missiles en direction du Japon ou encore tir de trois nouveaux missiles lors d’un sommet du G20 en Chine. Depuis l’élection de Trump le 8 novembre dernier, la Corée du Nord n’avait pas fait reparler d’elle. C’est depuis chose faite, puisque début février, un nouvel essai a été effectué lors de la rencontre entre le chef du gouvernement japonais et le président américain. Probablement afin de tester la réaction des États-Unis, plutôt laxiste sous l’ère d’Obama. D’ailleurs, Kim Jong-un a fait fermer le dernier canal de communication diplomatique entre la Corée du Nord et les États-Unis.
La Corée du Nord, qui a annoncé avoir en sa possession 50 kilos de plutonium, indispensable pour créer des bombes nucléaires, se considère déjà comme une puissance nucléaire. Heureusement, leur technologie militaire ne permettrait pas encore l’envoi de missiles intercontinentaux pouvant alors menacer l’Europe ou les États-Unis.
Malgré tout, l’accession future de la Corée du Nord au rang de puissance nucléaire ne semble plus être un fantasme. Ces essais visent à affirmer la puissance de la Corée du Nord aussi bien à l’intérieur du pays qu’aux yeux des grandes puissances mondiales. La propagande reprend en effet largement ces essais, puisqu’ont été diffusés des films montrant la destruction de Washington par des missiles nord coréens. Alors simple arme de dissuasion et volonté d’affirmer sa force ou bientôt un moyen de pression politique dans une zone déjà très instable ?
Alexane David
Sources :
– Le Figaro. Sébastien Falletti. Publié le 04/12/12. Consulté le 13/02/17 http://www.lefigaro.fr/international/2012/12/04/01003-20121204ARTFIG00391-kim-jong-unet-le-secret-de-la-licorne.php
– Le Monde. Blaise Gauquelin. Publié le 09/09/2016. Consulté le 13/02/17 http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/09/09/coree-du-nord-un-seisme-demagnitude-5-3-attribue-a-un-essai-nucleaire_4994864_3216.html
– Le Monde. Publié le 13/02/17. Consulté le 13/02/17 http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/09/09/coree-du-nord-un-seisme-demagnitude-5-3-attribue-a-un-essai-nucleaire_4994864_3216.html
– Le Monde. Publié le 12/02/17. Onsulté le 14/02/17 http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/09/09/coree-du-nord-un-seisme-demagnitude-5-3-attribue-a-un-essai-nucleaire_4994864_3216.html
– Chroniques publiques. Publié le 26/02/14. Consulté le 11/02/17 http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/09/09/coree-du-nord-un-seisme-demagnitude-5-3-attribue-a-un-essai-nucleaire_4994864_3216.html
Crédits photos :
Photo 1 : https://la31emefranchise.wordpress.com/2014/03/11/les-dessous-de-la-missionrodman-en-coree-du-nord-episode-1/
Photo 2 : AFP KNS
Photo 3 : JUNG YEON-JE / AFP

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THE INTERVIEW : UN ACTE DE GUERRE ?

 
La nouvelle est tombée comme un couperet le 17 décembre dernier. La comédie produite par le grand studio américain Sony Pictures Entertainment, The Interview, – en français L’Interview qui tue – s’est vue refuser une sortie nationale en bonne et due forme dans les salles de cinéma américaines et mondiales. Initialement prévue pour le 25 décembre aux États-Unis et le 11 Février en France, cette production met en scène le duo d’acteurs Seth Rogen et James Franco dans une comédie franchement potache. À l’origine de cet échec cuisant, un conflit entre l’Oncle Sam et son éternel ennemi, la Corée du Nord. Retour sur une affaire à prendre avec une pincée de recul et un soupçon de dérision…

Un synopsis décidément trop provoquant
The Interview retrace le périple de deux journalistes américains en mission pour la CIA. Leur objectif : éliminer le leader politique nord-coréen Kim Jong Un. Âmes sensibles s’abstenir. Dans la scène de l’assassinat en question, d’une finesse cinématographique sans précédent, on pourrait voir la tête du dictateur exploser dans une effusion de sang. Il n’en fallait pas plus pour indigner Pyongyang, qui a dès lors défié Sony de diffuser son film, en l’accusant ni plus ni moins « d’acte de guerre ».
Vous l’avez compris, ni la nuance, ni la demi-mesure ne font partie de cette affaire. Cet avertissement du régime nord-coréen vient ponctuer une lutte acharnée qui dure depuis plus de quatre semaines, la dictature ne s’étant pas contentée d’un simple rappel à l’ordre. Une organisation de hackers nord-coréens nommée Guardians of Peace a détourné plus de 100 terabytes de données, dont les informations personnelles de 47 000 employés et collaborateurs de Sony Pictures Entertainment. Ils ont également menacé le studio d’attentats si le film sortait dans les salles américaines. « Rappelez vous du 11 Septembre. » Voilà ce que les employés de S.P.E pouvaient lire sur leurs ordinateurs pendant les cyber-attaques. Plusieurs médias américains d’envergure ont d’ailleurs relayé l’information, baptisant, au passage, l’affaire « Sony Leaks ». Parmi eux le New York Times, qui affirme, selon des sources gouvernementales, que la Corée du nord était « centralement impliquée » dans le piratage des données de S.P.E. La dictature nord-coréenne a immédiatement démenti toute implication dans cet acte en apportant tout de même son soutien aux auteurs. Comme ci cela ne suffisait pas, l’agence de presse gouvernementale nord-coréenne a de nouveau agité la menace de l’arsenal nucléaire du régime et conseillé à Washington de « réfléchir à deux fois à sa politique hostile » envers Pyongyang.
Hollywood capitulerait-il ?
Cette annulation forcée sonne comme une défaite pour un studio aussi puissant et influent que S.P.E. Avant que Sony ne déclare officiellement l’annulation de la sortie du film, les réseaux de distribution hollywoodiens refusaient déjà de le diffuser. Selon le Président américain : « Sony a fait une erreur ». De plus, l’excitation du corps médiatique quant aux affaires de piratage semble avoir quelques peu brouillé les enjeux inhérents à cette affaire. Le Monde, notamment, parlait déjà de « victoire sans pareille dans l’histoire de la guerre cybernétique ». Pourtant si l’on y regarde de plus près, l’aspect économique, avant tout, permet de visualiser plus clairement les obstacles auxquels Sony et tout studio américain doit faire face.
S.P.E comptait amortir un investissement de 80 millions de dollars, 35 pour la campagne de promotion et 44 pour la production, comptant sur la « seasonability » du projet. Ce terme renvoie à la rentabilité du calendrier annuel – les fêtes de Noël et les vacances scolaires sont particulièrement propices à la sortie de productions mainstream, assurant un nombre de spectateurs suffisant pour générer du bénéfice. Voilà l’embarras dans lequel se retrouve Sony : faire une croix sur la période la plus rentable de l’année. Difficile de savoir si cela relève de la stupidité ou de l’exploit, mais une chose est sûre, c’est un aveu de faiblesse vis-à-vis de ses concurrents. S.P.E sortira affaibli de cette épreuve, l’année 2014 ayant été peu reluisante au box-office. Les autres majors hollywoodiennes ont dû être particulièrement soulagées à l’annonce de l’annulation de la sortie de The Interview. C’est pour elles l’occasion inespérée de préserver le succès de leurs blockbusters de Noël. Le Hobbit pour la Warner, Exodus pour la Fox, Hunger Games pour Lions Gate notamment.
Une illustration des luttes inhérentes au Soft Power
Toutes les majors hollywoodiennes sont des ambassadrices de la culture américaine à travers le monde et incarnent un certain idéal de puissance, au-delà des forces militaires, économiques et industrielles. On voit dans cette affaire qu’une major hollywoodienne peut influencer les affaires internationales au même titre que les domaines précédemment cités. C’est parce qu’elles sont détentrices d’une forme particulière de pouvoir et d’influence, le Soft Power. Ce concept renvoie à un pouvoir vu sous le prisme de l’attraction et non pas de la coercition. Un film obéit à tout un système de signe, lui même enraciné dans une culture donnée. Le blockbuster américain, imprégné de sa propre culture, est régi par des codes particuliers et véhicule des valeurs stratégiques : la liberté, la démocratie, l’individualisme, l’économie de marché. La pression nord-coréenne, qui s’est traduite par des actes hostiles, traduit des appréhensions bien plus profondes. Ces luttes interculturelles à l’image de l’affaire Sony Leaks permettent de voir sous un nouveau jour les relations d’attraction et de répulsion que le modèle américain suscite à travers le monde, les tensions entre les affirmations identitaires, sans oublier la course à l’expansion culturelle, à l’heure où les contenus deviennent globaux.
Karina Issaouni
 
Sources
Lemonde.fr 1 & 2
Fréderic Martel – MAINSTREAM, éditions stock

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L’art de la propagande

 
Nouveau chef, nouveau style. Officiellement au pouvoir depuis avril 2012, Kim Jong-Un compte aujourd’hui asseoir la Corée du Nord dans un monde où ce pays n’existe quasiment pas, en montrant à la communauté internationale qu’elle a affaire à un vrai chef de guerre. Et c’est principalement en déployant l’arsenal militaire du pays qu’il le laisse entendre. Arsenal militaire, mais pas seulement. En bonne dictature communiste, tout ce qui ressort de la Corée du Nord est parfaitement intégré à une stratégie de communication bien ficelée.
Une propagande 2.0
La Corée du Nord est experte dans l’art de la propagande. Elle se déploie assez largement sur le net, où une agence de presse officielle y diffuse des communiqués en anglais, appuyés par Uriminzokkiri, le site de propagande du gouvernement. Mais Pyongyang a également mis en place une com’ 2.0 assez importante : un compte Twitter (suivi par plus de 10 000 personnes !), une chaîne Youtube diffusant plus de 2 400 vidéos de propagande, et même un compte Flickr, où la beauté des paysages, la grandeur du dirigeant et le bonheur au travail dans les usines, sont mis en valeur. On peut en effet parler d’une propagande très moderne, avec une présence numérique forte. Une communication assez développée, mais qui marque un paradoxe puisque le pays est quasiment entièrement coupé d’internet : le web y est plutôt utilisé pour toucher l’extérieur du pays.
Kim Jong-Un, une figure atypique
L’arrivée de Kim Jong-Un sur le devant de la scène nord-coréenne a imposé le nouveau style plus « people » (toutes proportions gardées…) d’un chef d’État posant devant les médias avec sa femme, jeune élégante qui apporte une touche de modernité à l’image du pays. Un style d’ailleurs assez paradoxal : pour la première fois dans l’histoire du pays, un spectacle de Disney, pourtant représentant du grand ennemi américain ô combien honni, a eu lieu sur le sol nord-coréen. Un nouveau souffle ? En apparence. La technique de diffusion de la bonne parole nord-coréenne reste la même ; son leader est dressé au rang de héros, de chef de guerre intrépide, capable d’exploits incroyables. Ce Bob Morane des temps modernes est magnifié dans un documentaire diffusé à la télévision nord-coréenne en janvier 2012 :

Son arrivée au pouvoir a donc été nettement marquée par une rhétorique belliqueuse. Depuis quelques jours, il promet un « combat total », une « guerre nucléaire » ou encore une « mer de flammes » à ses ennemis américain et sud-coréen. En quinze jours, l’armistice de 1953 est annulé, les exercices militaires sont multipliés et les unités d’artillerie placées en position de combat. Symbole suprême de ce message belliqueux, la coupure du téléphone rouge avec la Corée du Sud, qui permettait aux deux pays de discuter la gestion du parc industriel de Kaesong, l’un de leurs rares projets de collaboration.
La belligérance, un état permanent
Cette opération de communication vise également les Nord-Coréens eux-mêmes, en cherchant à maintenir le pays dans un état de menace permanent, afin de renforcer le sentiment nationaliste, et convaincre la population que la prospérité n’existe pas au delà des frontières. Par ailleurs, le renforcement de l’image de puissance du pays contribue à construire la figure de leader de Kim Jong-Un. L’atout nucléaire apparaît comme un moyen supplémentaire d’asseoir sa puissance, et d’exercer une pression sur la communauté internationale en se donnant un pouvoir de négociation.
Entre petites ouvertures à la civilisation occidentale et renforcement de l’hostilité envers l’extérieur, les décisions de Kim Jong-Un paraissent assez paradoxales. Ses intentions réelles font débat entre les experts, mais tous s’accordent à dire que la finalité de cette agitation est le renforcement de sa figure de chef dur et intrépide. Certains, plus rares, ajoutent à cela l’hypothèse que tout ceci ne serait qu’une communication du dirigeant à l’encontre des têtes pensantes du régime, afin de se légitimer à leurs yeux et d’affirmer son leadership, dans le but à long terme d’emmener son pays dans une voie plus moderne, à laquelle il a pu prendre goût durant ses études en Suisse.
Quelles que soient ses intentions, Kim Jong-Un peut se vanter d’avoir suscité l’inquiétude dans la communauté internationale. Inquiétude, mais aussi réactions : la communication du régime a été tout récemment malmenée par le groupe Anonymous. Celui-ci, dans la veine de l’opération #OpFreeKorea, a pris le contrôle de ses comptes Twitter et Flickr et s’est emparé des mots de passe de 15 000 utilisateurs de uriminzokkiri.com.
Avant la guerre nucléaire, le régime doit d’abord s’attaquer à la guerre de communication.
 
Bénédicte Mano
Sources :
Francetvinfo.fr
HuffingtonPost
Lefigaro.Fr