Environnement, Société

« Dis-moi ce que tu portes, je te dirai qui tu es »

Luxe n. m. : vient du latin luxus et se définit comme étant un « plaisir relativement coûteux qu’on s’offre sans vraie nécessité », c’est-à-dire « ce que l’on se permet d’une manière exceptionnelle pour se faire plaisir ». Comme le montre cette définition du Larousse, le luxe est donc exceptionnel : à la fois rare et cher, souvent inaccessible et réservé à une élite. Vaste programme. Dix ans après la crise des subprimes dont on garde encore des séquelles, et dans un monde où le bio se substitue au consumérisme, le marché de la location de luxe bat son plein. Rent the Runway, Panoply, Instant Luxe… tout autant de sites qui nous mettent le luxe à portée de main.

Politique

Algorithme et Big Data, pour le meilleur ou pour le pire ?

De plus en plus d’entreprises et d’hommes politiques se dirigent vers le big data – désignant l’analyse de volumes de données (data) à traiter de plus en plus considérables et présentant un fort enjeu marketing – et la géolocalisation afin d’affiner leur stratégie commerciale ou d’affûter leurs stratagèmes politiques.
En outre, les algorithmes – équations complexes programmées pour s’effectuer automatiquement à l’aide d’un ordinateur pour répondre à un problème spécifique – connues uniquement de leurs propriétaires, régissent aujourd’hui le fonctionnement de la plupart des réseaux sociaux et sites d’information. Filtrant notre information, cloisonnant les électeurs dans des cases ou influençant nos comportements d’achat, il est temps de se pencher sur l’éthique et la transparence de ces pratiques.

prix sweat shop
Agora, Com & Société

"Sweatshop", quand la télé-réalité met les marques devant leurs responsabilités

« Sweatshop – Deadly Fashion » est un programme de télé-réalité norvégien produit par le journal Aftenpost et diffusé sur son site internet depuis mai 2014. On y suit trois jeunes blogueurs mode norvégiens plongés durant un mois dans l’enfer d’une usine textile à Phnom Penh au Cambodge. Les consommateurs occidentaux avaient déjà été avertis de l’existence des « ateliers de la sueur » lors du drame du Rana Plaza en avril 2013 qui avait fait 1138 morts. Des géants de la grande distribution textile comme Auchan, C&A, Zara, Primark ou encore H&M avaient été au cœur du scandale pour avoir fait fabriquer leurs produits dans des usines où la dignité humaine est sacrifiée sur l’autel du rendement.
Une télé-réalité au service de la bonne cause ?
Choc et sensationnalisme assurés : trois blogueurs mode vivant dans un des pays les plus riches de la planète, la Norvège, se retrouvent à travailler pendant un mois dans les conditions inhumaines des « sweatshops ». Dans l’usine de Phnom Penh, ils réalisent ce qu’est le travail à la chaîne, même si celui-ci n’est pas l’apanage des pays pauvres. Il s’avère rapidement que cette jeunesse dorée n’a aucune conscience de cette réalité et fait rapidement son mea culpa : « Nous sommes des enfants gâtés. J’ai honte. » déclare Anniken Jorgensen sur son compte Instagram.

Cependant, faire culpabiliser les consommateurs ne semble pas être une manière efficace de changer les comportements. En effet, le choc des images, la distance géographique et culturelle entre la Norvège et le Cambodge, risquent de placer le consommateur dans une situation d’impuissance, il va alors préférer ignorer cette réalité qui lui échappe. Il faut aussi garder à l’esprit que l’Europe subit une grave crise économique depuis 2008 et que face à la baisse du pouvoir d’achat et à une société de consommation qui crée sans cesse de nouveaux besoins, les classes pauvres et moyennes n’ont d’autres choix que de consommer à bas coût.
En revanche, un tel programme peut jouer un rôle essentiel dans la dénonciation des pratiques de grandes marques du textile. Ainsi une des participantes n’a pas hésité a dénoncer H&M menaçant de manière imminente l’image de la firme.
Le déni au péril de la réputation
Au lendemain de la catastrophe du Rana Plaza, les grandes marques européennes impliquées ont été rapidement montrées du doigt par les médias, les ONG et les différentes associations de consommateurs. Le drame humain a été tel que les marques se sont retrouvées dans une crise sans précédent. Plutôt que de choisir la transparence, elles ont préféré pour la plupart rester dans le déni, s’appuyant sur l’absence de preuve de leur participation à un tel business.

C’est le cas par exemple de la firme suédoise H&M qui a nié les faits. Alors que des étiquettes portant le logo de la marque avaient été retrouvées et photographiées dans les décombres, H&M a maintenu son absence de responsabilité. Il n’empêche qu’H&M a, au lendemain de la catastrophe, annoncé qu’elle cofinancerait, avec l’agence suédoise d’aide au développement, un projet « d’exportation du modèle social suédois dans l’industrie textile des pays asiatiques et africains ». Cela lui permettait de présenter l’image d’une entreprise responsable et touchée en sa chair par le drame survenue dans l’usine cambodgienne.
Avec l’émission du Aftenpost un nouveau scandale éclabousse la firme suite aux accusations d’une des participantes. Au lieu de faire preuve de transparence, la marque a préféré réitérer dans un communiqué son engagement pour « la mode éthique » et son appartenance au programme Better Factories Cambodia program de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).
La communication responsable : un atout pour les marques
A travers ces faits d’actualités, c’est le problème de la responsabilité sociale de l’entreprise qui est soulevée. Celles-ci ne peuvent plus se cacher derrière le succès de leurs ventes. Il en va de leur image et de leur réputation. Les médias sociaux se sont ajoutés à la pression que pouvaient avoir les ONG sur les pratiques de ces grands groupes du textile. Ils constituent un levier d’envergure alors que les enjeux de réputation sont devenus fondamentaux. Il est de plus en plus difficile pour les marques de cacher leurs pratiques alors que des réputations peuvent se défaire en quelques tweets.

L’attitude négationniste de certaines marques comme H&M sont incohérentes et suicidaires notamment lorsque la marque suédoise a lancé sa campagne « conscious » qui promeut une « mode éthique » . Les consommateurs ne sont pas dupes et la marque risque lourd en terme d’image en utilisant l’argument éthique à des fins uniquement marchandes sans le respecter dans son fonctionnement interne. Plus récemment, dans le domaine de l’agro-alimentaire, MacDonald a dévoilé dans une vidéo les ingrédients contenus dans ses frites mettant en avant l’importance de la transparence quant à la fabrication de ses produits.
La prise de conscience de ces enjeux ne semble pas encore très effective dans le domaine de la fabrication textile. Même si des accords internationaux ont été signés par les grands noms du textile (C&A, Benetton, Marks & Spencer, H&M…) les engageant à un comportement responsable, notamment à garantir un salaire minimum décent, ceux ci manquent de force coercitive et semblent ne pas avoir les effets escomptés.
Alice Rivoire 
Sources :
lemonde.fr
challenges.fr
france24.com
youphil.com
Crédits photos :
ecouterre.com
sympatico.ca
france24.com
madame.lefigaro.fr

Société

 Journalisme participatif et communication : le Club Med entre deux eaux

A l’issue de l’OPA la plus longue de l’histoire de la Bourse française (plus de dix-huit mois), le Club Méditerranée a été acheté, le 2 janvier dernier, par le conglomérat chinois Fosun. Si la décision de l’autre acheteur potentiel, l’homme d’affaires italien Andrea Bonomi, de retirer son offre a été saluée par la direction du Club et a suscité l’ire du Front National, ce sont les stratégies de communication à l’éthique douteuse mises en place à l’occasion de ce rachat qui nous intéressent ici. En effet, le Journal du Net a repéré sur plusieurs sites d’information en ligne (Challenges, Les Echos-Le Cercle, Mediapart, le Journal du Net lui-même…) des articles défavorables à l’offre de M. Bonomi, écrits non pas par des journalistes, mais par des contributeurs extérieurs à leurs rédactions sous la forme de tribunes libres.
Après enquête, le JDN a déterminé que ces tribunes étaient écrites sous de faux noms : leurs auteurs sont des prête-nom créés pour l’occasion, avec des profils LinkedIn ou Google+ et de faux diplômes. Il semble donc qu’une des parties prenantes de l’OPA ait tenté d’influencer les marchés en utilisant la désinformation. La tentative de désinformation, si elle est prouvée, pourrait faire l’objet d’un procès pour diffamation et faux et usage de faux, et d’une sanction de l’AMF qui contrôle les opérations boursières. Le propos de ce billet n’est pas d’accuser, qui plus est sans preuves, mais d’interroger à la lumière de cette affaire la pratique des espaces de libre expression sur Internet et les limites éthiques des relations publiques.

L’une des tribunes incriminées
L’expression libre, pour le meilleur et pour le pire
Pour les médias en ligne, les tribunes libres et autres blogs participatifs répondent à plusieurs objectifs : proposer des contenus plus nombreux et plus variés face à une concurrence pléthorique, donner la parole à des contributeurs experts sur des sujets pointus, intéresser leur lectorat par l’effet de proximité ou encore expérimenter des formes de journalisme citoyen. Comme l’illustre l’affaire du Club Med, ces formes d’expression sont plus vulnérables à la manipulation que les articles publiés par des journalistes, dont les auteurs sont connus, les sources vérifiées et qui mettent directement en jeu la crédibilité du média qui les publie. Mais pour l’usager des médias en ligne, il n’est pas toujours évident de différencier les deux types d’articles : Les Echos-Le Cercle ou les blogs du Journal du Net utilisent par exemple la même charte graphique que les articles de la rédaction de ces médias. En conséquence, les contributeurs invités profitent de la réputation du média qui les accueille, sans être soumis aux mêmes contraintes.
En outre, il est manifestement difficile pour les rédactions de contrôler l’ensemble des articles publiés sur leurs plates-formes participatives : la subjectivité de leurs auteurs est assumée, elle fait notamment partie intégrante de la forme éditoriale du blog. Dans ces conditions, et en particulier lorsqu’un article traite d’un sujet complexe, comment déterminer s’il est volontairement manipulateur ou seulement l’expression d’une opinion tranchée ? On peut supposer que dans l’hypothèse d’une manipulation, les rédacteurs, conseillers en communication rompus au style journalistique, soient habiles à camoufler leur intention trompeuse.
Relations publiques contre journalisme ?
La deuxième question soulevée par cette affaire concerne justement le rôle des relations publiques dans la production de l’information. Tout comme la publicité, pour capter l’attention et l’intérêt de ses cibles, cherche à adopter l’apparence de l’information ou du divertissement (le publi-rédactionnel en est un exemple), les relations publiques, qui promeuvent des intérêts politiques ou économiques, agissent avec davantage d’efficacité si les prises de positions qu’elles défendent sont relayées par des sources non intéressées, comme des journalistes, des blogueurs ou des experts. L’anonymat et l’identité virtuelle caractéristiques d’Internet permettent donc à des professionnels peu scrupuleux, comme le montrait une série d’articles du Journal du Net parue en 2013, de créer des experts fictifs qui bénéficient d’une présomption d’objectivité.
Mais cette pratique, outre sa légalité douteuse, est doublement néfaste sur le long terme aux professionnels de la communication. D’abord parce qu’elle nuit à la confiance des usagers dans les médias sur Internet, alors que ceux-ci souffrent encore d’un déficit de crédibilité notamment face à la presse papier ; mais aussi parce qu’elle court-circuite les journalistes, interlocuteurs privilégiés des relations publiques, accroissant leur méfiance vis-à-vis des métiers de la communication.
Emmanuel Bommelaer
 
Sources :
Challenges.fr 1 & 2
Journaldunet.com 1, 2, 3 & 4
bfmbusiness.bfmtv.com
Lemonde.fr
Tns-sofres.com
Lefigaro.fr

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Communication humanitaire - médecin du monde
Agora, Com & Société

Mea Culpa et course aux likes : les nouveaux ressorts de la communication humanitaire

 
Deux regards noirs, presque accusateurs. Voilà comment Médecins du monde s’associe à l’agence Meanings pour sa nouvelle campagne de communication lancée début décembre 2013. Des yeux qui nous fixent et un slogan évocateur – « Médecins du monde, médecins de tout le monde » – qui permettent d’interpeller le public, de l’inclure, de le faire se sentir concerné. Les ONG l’ont bien compris : la période des fêtes est un moment clé pour faire appel à la générosité des gens, en témoigne la présence massive des bénévoles les plus convaincants à la sortie des magasins dans lesquels on vient de se ruiner en cadeaux. Se servir de « la magie de Noël » pour stimuler les dons, une pratique certes efficace, mais aussi dérangeante.
A qui la faute ?
Dans le cas de la campagne de Médecins du Monde, il semble surtout que l’on cherche à nous rappeler à l’ordre, voire à nous faire culpabiliser. Or cette culpabilisation des publics paraît être un levier de mobilisation de plus en plus utilisé par les ONG, seul moyen d’escompter une réaction suffisante. Face à un public extrêmement sollicité, presque blasé, et pour répondre à des prérogatives financières de taille, on n’hésite plus à tomber dans le pathos quitte à perdre de vue l’objectif d’information sur l’action menée. De plus en plus minimaliste, cette partie purement indicative qui permet de comprendre le champ d’action d’une organisation est délaissée au profit de slogans laconiques sur fond d’images choc. C’est d’abord d’un point de vue éthique qu’il faut interroger ces méthodes de sensibilisation qui font d’un citoyen un acteur cynique transformé en « juge pénitent » à l’image de J.-B. Clamence (cf. La Chute, de Camus).
Cette question est d’autant plus délicate qu’elle amène à parler conjointement d’humanitaire et de « stratégie » marketing et communicationnelle, des termes qu’il semble malsain d’associer. Diabolisée et assimilée à de la manipulation pure, la communication est pourtant centrale pour les ONG qui existent grâce aux dons et qui sont donc tributaires de leur image. Nombreuses à intervenir dans l’urgence, elles sont obligées d’être réactives pour mobiliser rapidement (on pense à Haïti ou aux Philippines cette année).
L’humanitaire 2.0
Heureusement, les avancées technologiques font bien les choses, et les réseaux sociaux représentent aujourd’hui un terrain privilégié pour sensibiliser l’opinion publique. Ils permettent à la fois de donner une voix aux organisations dans l’instant, pour le cas des catastrophes naturelles par exemple, et de maintenir un lien permanent avec les utilisateurs qui « suivent » ou « aiment » leur page. Les ONG prouvent par là qu’elles sont dans l’air du temps et leur approche les rend plus susceptibles de capter un large panel de personnes, lesquelles sont par là très accessibles. En un simple « like », chacun peut affirmer son soutien, voire parfois même « donner » un euro à une cause. L’emploi des guillemets est bien de circonstance puisqu’on ne donne pas directement d’argent à titre individuel, comme on le voit pour le partenariat entre la Fondation de France et l’entreprise américaine de médicaments Vicks. Ici, à chaque « like », l’entreprise s’engage à verser un euro à la Fondation de France. On se doute que le geste du citoyen n’a pas de réelle incidence et que le partenariat financier est déjà scellé entre les deux protagonistes, qui se sont accordés sur la somme maximale de 30 000 euros (cf. en bas à droite de l’affiche). Cette campagne « participative » sert simplement de vitrine à ce mariage de courte durée (nous n’avons qu’un mois et demi pour cliquer !).

De l’activisme désengagé
Si elle permet de fédérer un plus grand nombre de personnes pour une cause, cette pratique achève aussi de dématérialiser l’action humanitaire. On en vient à réduire l’engagement à un simple « like », purement fictif donc quelque part futile. Ce militantisme exclusivement virtuel est désigné sous le nom de slacktivisme, contraction de « slacker » – comprenez « fainéant » en anglais – et d’activisme. Par le simple fait de publier une photo, de signer une pétition en ligne ou de re-tweeter, on peut se donner bonne conscience en se satisfaisant d’avoir fait un geste soi-disant solidaire. Déculpabilisé, l’internaute peut donc s’en retourner à sa vie réelle sans scrupules après avoir effectué sa BA du jour.
Le grand expert en la matière, c’est le site avaaz.org, ONG cybermilitantiste qui « permet aux citoyens de peser sur les décisions politiques » par le biais notamment de pétitions. Si la méthode peut effectivement se montrer efficace (Amnesty International l’a prouvé maintes fois), elle n’offre pas de réponse concrète aux populations en détresse, ce qui est peut-être la véritable priorité.
Cette course aux likes fait dévier les campagnes de sensibilisation vers une communication du vide, qui, passée l’émulation des débuts, pourrait finalement nuire aux ONG.
 
Elsa Becquart
Sources :
AVAAZ.org
Owni.fr – Gladwell, réseaux sociaux et slacktivisme
Cassandria.wordpress.com – Quand la com des ONG dessert les humanitaires
Meanings.fr
Crédits photos :
Campagne d’affichage Meanings (Nicolas Moulard)
Campagne Vicks « Soigner, soulager et accompagner les nouveau-nés, les enfants et les adolescents gravement malades ou en fin de vie »

La circoncision chez les nourrissons
Agora, Com & Société

Une affaire de (cir)concision

 
Avec 78 voix pour, 13 contre, et 15 abstentions, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a tranché – c’est le cas de le dire – en faveur d’une résolution invitant les pays membres à prendre des mesures contre les « violations de l’intégrité physique des enfants ».
La circoncision sur les nourrissons se retrouve ainsi dans l’œil du viseur à l’heure où la stigmatisation religieuse bat son plein. En assimilant cette pratique à une mutilation sexuelle, le Conseil de l’Europe a suscité de fortes réactions au sein des communautés juives et musulmanes, de quoi animer des débats houleux autour des traditions religieuses.
Suite à cette annonce, le Président israélien Shimon Peres est immédiatement monté au créneau. Il s’est insurgé contre cette mesure et a appelé le secrétaire général de l’APCE (L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe) à user de son influence morale pour modifier la décision interdisant la circoncision.
Plus discrètes furent les réactions au sein du monde musulman, non moins indigné cependant par l’amalgame fait entre circoncision et excision, et par ce qui est considéré comme une attaque islamophobe et antisémite, susceptible d’alimenter les tendances racistes et haineuses dans une Europe décidément peu exemplaire ces temps-ci en matière de tolérance…
Alors, doit-on voir une mesure discriminatoire se profiler derrière cette belle devanture de protection des droits de l’enfance ? Difficile de juger pour le moment, les parlementaires européens étant actuellement surtout désireux d’éclaircir les conditions médicales et sanitaires à respecter pour cette pratique. Selon l’OMS, celle-ci a d’ailleurs fait ses preuves en Afrique subsaharienne pour réduire les risques d’infection du SIDA.

Si l’on est encore loin d’une interdiction complète de la pratique, à terme, celle-ci pourrait s’imposer, repoussant éventuellement l’acte à un âge où le principal intéressé serait à même de donner son accord (du moins autrement que par un gazouillis que l’on aurait effectivement tort de sur-interpréter).
C’est là que le bât blesse cependant, car l’on remettrait ainsi en cause la tradition qui veut que chez les juifs, l’enfant est circoncis le 8ème jour après sa naissance, moment où sa filiation indéfectible à Dieu est scellée. Retarder cette échéance reviendrait à bafouer des siècles de tradition, et accessoirement écourter, plus qu’un certain organe, le temps passé en pleine communion avec Dieu. Face à la question de la liberté de choix se pose donc celle de la remise en cause des principes ancestraux qui fondent le culte.
Si cette résolution est passée inaperçue dans le brouhaha médiatique, elle mérite pourtant bien que l’on s’y intéresse un instant. En plus de susciter ces questionnements éthiques et religieux, elle témoigne une nouvelle fois de l’entrée dans la sphère publique d’un débat purement religieux, faisant écho aux polémiques autour du casher et du halal, ou du travail le dimanche. Elle amène à interroger la légitimité d’instances publiques européennes lorsqu’elles embrassent des problématiques internes à certaines religions, sous couvert d’une lutte de santé publique ou de protection de l’enfance.
Derrière ce décloisonnement se dessine en filigrane le problème de la laïcité, trop souvent envisagé sous un seul de ses aspects, celui de l’ingérence de la religion dans la société, et peut être pas assez sous l’autre, celui qui assure la neutralité de l’Etat à l’égard du culte religieux.
Mais après tout, si l’on prend le problème par le bon bout, on réalise vite que la circoncision en France et en Europe inquiète moins en termes de santé que de plaisir sexuel !
 
Elsa Becquart
Sources :
France Inter – Service Public – Pour ou contre la circoncision ?
Le Figaro – Polémique autour de la circoncision
Le Courrier de l’Atlas – Une décision européenne suscite la polémique
Le Parisien – L’Europe remet en cause la circoncision, juifs et musulmans s’indignent
Crédits photos :
Photo de Une (tableau) : « La Circoncision » du Maître à l’œillet de Baden
Image 1 : Benjamin Barda/ CIRIC. (Avant une circoncision: le mohel (dont le métier est de circoncire) montre le bébé aux fidèles. Synagogue de Neuilly-sur-Seine (92))