Agora, Com & Société

France 3 tire son irrévérence

Avant même d’avoir pu être diffusé sur les antennes, le dernier spot publicitaire conçu par France 3 a été censuré. Alors que le CSA s’est engagé à œuvrer pour la réduction des inégalités hommes/femmes dans la sphère médiatique, la chaîne télévisée produit une campagne publicitaire au contenu indéniablement irrévérencieux, jugé sexiste. Cette dernière nous donne à voir les images d’un foyer délaissé : four brûlant désespérément le repas du soir, chambre d’enfant désordonnée, scène de repassage cauchemardesque. C’est le fameux titre de Patrick Juvet qui nous révèle le nom du responsable de ce remue-ménage : la femme. Ce recourt au stéréotype du genre, qui n’a fait que décrédibiliser et transfigurer le message transmis, nous pousse à questionner la place du cliché dans la stratégie communicationnelle.
Jouer le cliché, un pari risqué

 

Sarcasme, facilité, résurgence de lieux communs et de topoï du genre exploités depuis des décennies : tous les éléments du cliché destinés à faire exploser une polémique virulente sont réunis. La campagne publicitaire lancée par France 3 aurait pu faire sourire. Mieux, elle aurait pu éveiller les consciences et attirer l’attention des téléspectateurs sur la réalité effective d’une avancée sociale majeure : la représentation des femmes au sein de l’enceinte médiatique de la chaîne. Mais la déprogrammation du spot signe son échec.
A quoi cet échec tient-il ? «Affirmer ses valeurs à travers cette nouvelle campagne qui met à l’honneur les présentatrices»: l’intention première de la chaîne était louable. Mais en s’attaquant à la destruction d’un cliché, cette campagne semble en avoir construit un autre. De plus, elle met en scène un schéma étroitement lié à des problématiques sociétales encore brûlantes. L’utilisation du cliché est rejetée, certainement parce qu’il est le reflet d’une réalité qui dérange et qui n’est pas encore dépassée. S’il avait été utilisé quelques années auparavant, peut-être aurait-il pu s’introduire dans l’espace médiatique sans faire de bruit, à la manière du spot lancé en 1995 par l’Équipe pour promouvoir un PSG-Barcelone.
 

« Pour une esthétique de la réception »
L’ambiguïté de la vidéo a provoqué des réactions violentes sur les réseaux sociaux, notamment de la part de la  secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, Pascale Boistard. La stratégie communicationnelle de la chaîne s’est enlisée, sans doute du fait de la sous-évaluation du potentiel polémique du cliché exploité. Ce flop médiatique pointe du doigt la problématique de la réception qui se pose à chaque fois qu’il y a tentative de communication. Ici, le message transmis n’est plus le même que le message reçu. Le premier a été transfiguré par ceux qui en on fait une interprétation nouvelle. Mais comment croire que l’équipe de France 3 ait pu être naïve à ce point ? Comment croire que ce bad buzz ne soit pas intentionnel ? Après visionnage de la vidéo, le scepticisme est à son comble.

Pourtant, des réactions bien différentes ont émergé sur la toile. Certains déplorent l’explosion de la polémique et auraient volontiers choisi d’ironiser. Finalement, pourquoi ne pas se permettre de rire de ces représentations grotesques ? Pourquoi ne pas considérer que railler le cliché lui-même pourrait contribuer à amoindrir son ancrage réel dans la société ?
La fausse bonne idée ?
Le message véhiculé par France 3 s’impose dans un contexte où acteurs sociaux et société civile ont les moyens de se manifester et de se réunir contre toute forme d’abus de pouvoir, symbolique ou non. Grâce à la démocratisation de la parole publique étendue à l’échelle citoyenne, et suite au développement de supports médiatiques participatifs, chacun peut se rendre capable d’agir sur la déconstruction de représentations, idées reçues et clichés. Mais au-delà de son caractère polémique, le cliché semble pouvoir être un puissant moyen de se contrer lui-même. C’est par exemple avec ce regard cynique et critique que Ségolène Royal fait du stéréotype sexiste un instrument de communication politique impactant lors de sa campagne pour les primaires socialistes de 2011.

 
De part l’exercice de leur profession et leur présence active dans les coulisses de France TV, Delphine Ernotte Cunci (patronne de France TV) ou encore Dana Hastier (patronne de France 3) tendent à prouver que les femmes sont véritablement mieux représentées dans l’espace médiatique. Malgré tout, une forme de malaise demeure. Le 7 septembre dernier, l’invitation au départ de Claire Chazal ouvre une nouvelle fois le débat. La présentatrice a été conviée à « savoir passer la main ». 58 ans, il est vrai, ce n’est plus tout jeune!L’ironie nous tient quand on pense à Jean-Pierre Pernault, 65 ans, qui rayonne bucoliquement dans le 13h depuis 27 ans.
« Je pense qu’en télévision, on tolère plus les cheveux blancs des hommes que les rides des femmes », Léa Salamé a joliment résumé la situation, qui attend d’être résolue. Il est temps : révolutionnons l’usage des clichés pour les mettre au service de leur propre dénonciation, car comme l’énonce Roy Lichtenstein, ils sont « des modèles simples frappants, mémorables et faciles à communiquer. Ils peuvent signifier l’essentiel d’une idée. Ils ont la possibilité de devenir monumentaux. »
Émilie Beraud
Sources : 
INA
L’ADN
Madmoizelle
Le Monde
Crédits Photos :
Le Huffington Post

face à la bande logo
Flops

Face à la bande : le défi de France 2

 
Top ! Nouveau jeu de culture générale créé le 28 juillet 2014, je suis diffusé quotidiennement sur France 2… Production originale de la Grosse équipe je suis présenté par Jérémy Michalak… Me plaçant dans l’horaire pré-access, mon objectif est d’obtenir une moyenne d’audience d’environ 10%… Objectif jusqu’à présent non atteint… Je suis-je suis ?

Face à la bande.
Un concept réellement innovant ?
Vous l’avez compris, Face à la bande est le dernier jeu de culture générale de France 2 ayant comme principal objectif de redonner des couleurs à la case horaire de pre-access, une case qui a connu bien des difficultés avec ses programmes précédents comme On n’demande qu’à en rire. Son concept est, à première vue, plutôt innovant notamment par son interactivité avec les internautes de la chaîne : ils s’inscrivent sur le site france2.fr et proposent des questions qui seront alors sélectionnées par la production. Ces questions sont ensuite posées au hasard à une bande de personnalités réputées incollables présentes en plateau. Si l’internaute parvient à coller la bande, il gagne 300 euros, dans le cas contraire, cette somme s’accumule dans une cagnotte qui sera peut-être remportée par un téléspectateur en fin d’émission. Un concept qui parait original dans la forme mais dont le fond est assez proche des jeux déjà existants, à tel point que Julien Lepers, interviewé sur le plateau du Buzz TV, critiquait les ressemblances avec Questions pour un champion en proclamant : « On préfère l’originale à l’imitation ! »
Le pari risqué de l’after-school
Rémy Pflimlin, président de France Télévisions, avait promis lors de sa nomination de rajeunir en moyenne de 10 ans l’audience de France 2. Un défi ambitieux qui en 2014 ne s’est toujours pas fait sentir. Le pré-access, aussi nommé after-school (case s’étendant de 17h à 18h30) et l’access représentent des enjeux de taille pour France Télévisions, deux tranches où le groupe peut engranger de la publicité en cas de programme à succès. Pour se donner le plus de chances possible, France 2 a donc fait appel à la Grosse équipe, société de production ayant fait ses preuves sur plusieurs chaines avec des programmes « jeunes », les plus marquants étant Les Anges de la téléréalité ou Allô Nabilla sur NRJ 12. Malheureusement, dès son lancement Face à la bande ne rencontre pas le même succès, son format jeune ne se mariant pas avec le fond qui demeure un sujet davantage destiné à un public âgé. Le verdict tombe : ni le public jeune ni les personnes âgées ne se sentent concernés par cette émission qui ne parvient donc pas à relever les audiences en déclin. D’une moyenne de 8,5% de part de marché à son lancement, l’émission descend à 5% en fin novembre. Une véritable contre-performance puisque Face à la bande fait deux fois moins d’audience en part de marché que l’émission qui la précède comme celle qui lui succède.
La patience est l’art d’espérer
Le 22 novembre, malgré une nouvelle dynamique de l’émission, est annoncé l’arrêt de Face à la Bande pour cause d’audiences inférieures à celles escomptées. Si le programme sera remplacé par le Joker, nouveau concept de jeu télévisé, l’hypothèse du retour de la bande n’est pas à écarter. Là où des chaines privées comme NRJ 12 ou D8 ne prendraient pas le risque de continuer une diffusion, France 2 pourrait réitérer sa stratégie souvent payante de la continuité. En effet, même si l’émission ne marchait pas à ses débuts, celle-ci pourrait rencontrer son public au fur et à mesure des mois, gagnant peu à peu son audience. C’est ce que précisait en août dernier Nathalie André, directrice des divertissements de France 2, laissant une chance à Face à la bande. Une stratégie du « lentement mais sûrement » qui s’est notamment fait sentir sur certains des programmes phares de France Télévisions. Le meilleur exemple demeure Plus Belle la vie qui aura pris un an pour trouver son public et qui rassemble aujourd’hui 4,5 millions de téléspectateurs. Comme quoi, parfois, tout vient à point à qui sait attendre.
Félix Régnier
Sources :
lefigaro.fr
Europe 1, Le Grand Direct des Médias
ozap.com
bfmtv.com
Crédits photos :
purepeople.com
img.tvmag.lefigaro.fr