Environnement, Flops

Ecotaxe : bonnets rouges et bonnets d’âne

Mercredi 8 mars, la Cour des Comptes publie son rapport annuel sur la régularité des comptes publics. Le conseil des magistrats honore ainsi annuellement son credo « S’assurer du bon emploi de l’argent public, en informer le citoyen », et comme chaque année blâme les gaspilleurs. Cette année c’est un épisode marquant du quinquennat de François Hollande qui se trouve dans son collimateur, celui d’un projet de taxe autoroutière impopulaire, d’une fronde bretonne coiffée de rouge, et d’une débandade gouvernementale.
Si l’épisode avait retenu l’attention à l’époque pour ses coups d’éclats et ses bévues médiatiques, c’est aujourd’hui l’essence économique du sujet qui revient sur la table. La cour estime les pertes à plus d’un milliard d’euros, et les pots cassés sont injustement redistribués. Un fiasco qui tient beaucoup à la gestion de crise désastreuse du gouvernement, et aux grossières lacunes de communication au sommet de l’État. Un feuilleton médiatique qui interroge aussi sur la valeur du débat démocratique en France.
Retour sur une taxe controversée et avortée

Issu du Grenelle de l’Environnement, le projet d’écotaxe est voté à l’unanimité par le Parlement en 2009. Le but est de transférer le financement de l’entretien des autoroutes du contribuable aux usagers, selon le principe du pollueur-payeur : ceux qui les usent le plus, à savoir les camions, paient le plus. Outre l’objectif de justice fiscale, les retombées doivent également être économiques pour réduire l’avantage concurrentiel des transporteurs étrangers par rapport aux routiers français, et écologiques, pour faire gagner en attrait l’alternative du fret ferroviaire.
La mise en place commence au printemps 2013, dans un contexte politique délétère. Le quinquennat de François Hollande a commencé un an plus tôt par une pression fiscale sur le contribuable qui exaspère les ménages français. L’annonce de la création de portiques de télépéages sur plus de 15 000 km d’autoroute, génère des premières protestations en Bretagne, une région particulièrement incandescente à cause de la fermeture d’usines (comme l’abattoir Gad) et la détresse des éleveurs. La mesure est perçue comme un énième matraquage envers les petites gens, en somme, la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Pendant ce temps, les syndicats de transporteurs routiers s’insurgent. Le gouvernement reporte la collecte de la taxe au 1er janvier 2014, et la fronde, loin de dissiper, s’organise en groupes d’action sur le terrain et face aux médias. Destruction de portiques, manifestation géante des « Bonnets Rouges » à Quimper le 2 novembre 2013, opérations « Escargot » des routiers sur les autoroutes… La pression finit par faire reculer le gouvernement, qui annonce le 29 octobre 2013, la suspension de l’écotaxe.
« Un gâchis patrimonial, économique, financier, industriel et social »
La formule n’est pas tendre, signe de l’ébahissement des magistrats de la Cour des Comptes devant le gaspillage. 958 millions d’euros d’abord, indemnité à verser au prestataire EcoMouv’ que l’État avait missionné pour installer le dispositif, assurer sa maintenance et collecter la taxe, et qui aurait dû être rétribué à hauteur de 2,5 milliards d’euros sur dix ans. S’y ajoutent 70 millions d’euros, déboursés pour mettre en œuvre cette taxe (investissement dans EcoMouv’, salaires de 309 douaniers) et la démanteler (démontage et destruction des portiques). Enfin, 270 millions d’euros, coût hypothétique en prévision des contentieux auxquels l’État s’expose, vis à vis des sociétés de contrats public-privé. Au final, l’ardoise s’élève potentiellement à 1,258 milliards d’euros, auxquels s’ajoute ce qu’aurait dû rapporter l’écotaxe sur dix ans (sa durée de vie initialement prévue), c’est à dire près de 10 milliards d’euros.
La faillite de l’État dans les négociations
L’État a de quoi apprendre de ses erreurs, tant les failles ont été nombreuses. D’abord comme négociateur avec les différentes parties du projet, il s’est rapidement mis en position de faiblesse. Quand il veut rassurer les transporteurs en leur annonçant qu’ils pourront répercuter le coût de cette taxe sur les commandes de leurs clients, il sait sa promesse inapplicable, en raison du principe de liberté des relations commerciales.
La colère sociale devenant trop forte malgré les concessions, le gouvernement doit alors suspendre l’écotaxe « dans la précipitation pour tenter de répondre à une situation d’urgence » selon la Cour des Comptes. Cette décision est tout aussi problématique : sans concertation avec Ecomouv’, l’État se met en difficulté dans les négociations qui l’opposeront à son prestataire, sur le montant des indemnités de résiliation à verser.
Au départ cramponné à son projet d’écotaxe, le gouvernement a refusé un véritable dialogue avec ses partenaires syndicaux et privés, en envoyant de fausses promesses aux uns pour calmer la fronde des transporteurs, et en imposant des décisions unilatérales aux autres sans porter attention à sa fiabilité commerciale.
Les atermoiements du gouvernement
Ce problème de communication avec les professionnels trouve ses origines dans les hésitations du gouvernement quant à la conduite à adopter. La dégradation du déficit budgétaire annoncée fin 2013 pousse en effet le Premier Ministre à s’emparer du dossier et défendre une posture court-termiste. Alors que le ministère de l’Ecologie souhaite aller au plus vite pour avoir des chances de collecter l’écotaxe, Manuel Valls préfère retarder le plus possible le paiement des loyers à EcoMouv’.
De cette division gouvernementale résulte une position extrêmement floue pour l’année 2014 : éviter tout paiement à EcoMouv’, et ne prendre aucune décision définitive. Ecartant une solution de secours recommandée pourtant expressément par l’Assemblée Nationale, le gouvernement s’embourbe dans l’indécision. Dans ce dossier complexe et multilatéral, le gouvernement a ainsi avancé en terrain miné, sans stratégie claire, et l’ardoise est celle que l’on connaît aujourd’hui.
Happy-ending
En réponse au rapport de la Cour, Manuel Valls souligne pourtant les bienfaits de la mesure de remplacement trouvée à l’époque : la majoration du prix du gazole, qui génère annuellement 1,139 milliard d’euros de recettes (contre 1,129 milliard estimé avec l’écotaxe).
Petit problème : cette mesure sape totalement l’ambition de justice sociale de l’écotaxe. Les grands gagnants de cet abandon sont en effet les camions étrangers, qui font le plus souvent le plein dans les pays voisins où le gazole est moins cher. Les perdants sont donc les automobilistes et ces mêmes routiers français qui protestaient contre l’écotaxe, et qui se retrouvent aujourd’hui lésés par rapport à leurs concurrents.
Autre gagnant, l’État lui-même : alors qu’il s’engageait à partager les recettes de l’écotaxe avec les collectivités territoriales, cette taxe sur le gazole lui reviendra entièrement, au détriment de collectivités qui souffrent pendant ce temps de la fonte drastique des subventions.

Les bonnets rouges sont rangés
57% des Français jugeaient en novembre 2013 que l’État devait abandonner définitivement l’écotaxe (sondage CSA/Les Echos/Institut Montaigne). Cette affaire est une démonstration parfaite de l’impact que peut jouer l’environnement politico-médiatique sur la protestation populaire, et en bout de chaîne sur les politiques publiques : contre une mesure comme l’écotaxe, qui avait pourtant le mérite d’alléger le contribuable et de faire payer ceux qui usent directement les autoroutes, le débat a été totalement dévié de ses vrais enjeux.
Relayant largement les déboires du début de mandat de François Hollande, les médias ont offert un terreau fertile à la contestation. Sur-médiatisés, les « Bonnets Rouges » ont ainsi emporté dans leur sillage l’opinion publique, polarisée par ce grand mouvement de ras-le bol envers le pouvoir.
Toutefois, quand l’État instaure en remplacement une mesure qui pénalise l’automobiliste lambda et les collectivités de proximité, l’information est peu partagée dans les grands médias et ne suscite aucune polémique. Une lassitude médiatique pour un feuilleton qui avait trop tourné. Et un grand silence démocratique.
Hubert Boët
Sources :
• Marc Vignaud, www.lepoint.fr, rubrique « Economie », « Cour des comptes : le fiasco de l’écotaxe poids lourds », publié le 08/02/2017
• Hervé Chambonnière, www.letelegramme.fr, rubrique « France », « Abandon de l’écotaxe. Un gâchis d’un milliard d’euros », publié le 08/02/2017
Crédits :
1. http://www.letelegramme.fr
2. s1.lemde.fr
3. o.aolcdn.com
4. Fo.aolcdn.com

Société

"Un président ne devrait pas dire ça": quand la langue présidentielle se lit et se délie

12 octobre 2016. L’Obs publie un entretien avec le Président de la République. Il y délivre une parole formelle, sérieuse, qui lance (peut-être ?) sa campagne pour 2017 avec sa déclaration « Je suis prêt ». Mais, coup de théâtre : le même jour, la parution du livre Un président ne devrait pas dire ça, Les secrets d’un quinquennat de Fabrice Lhomme et Gérard Davet produit l’effet d’une bombe. Ce livre est d’un tout autre registre que l’entretien dans L’Obs, celui de la confession. Tout ce que l’entretien construisait, ce livre le déconstruit, voire l’anéantit. Alors, coup de grâce ou coup de maître communicationnel ? Tout le monde s’interroge. Un véritable coup d’éclat médiatique, ça c’est sûr.
Un président qui n’a pas sa langue dans sa poche
La parution de Un président ne devrait pas dire ça questionne l’essence même de la parole présidentielle. À la maîtrise verbale normalement attendue d’un président, François Hollande y oppose une logorrhée qui interroge. Le président a en effet un devoir de contrôle de sa parole, car celle-ci représente la parole de l’Etat. Sa fonction de président impose une maitrise absolue de ses propos pour une communication efficace, qui incarne notre pays. Or, dans ce livre, il se prononce sur tous les sujets, parle sans filtre et longuement, puisque l’ouvrage fait 600 pages environ ; autrement dit, c’est un livre fleuve. Mais gare à la crue : quand le président parle trop, on ne l’écoute plus, et sa parole est discréditée. En communication politique, le silence est d’or.
Sur Radio Notre-Dame, l’avocat Louis Soris déclare « On a l’impression que c’est un candidat de télé réalité qui va dans le confessionnal et se livre sur son aventure présidentielle ». Sa parole n’est alors plus considérée comme la parole officielle, celle qui prend les grandes décisions et dirige la France. La confession ne fait pas partie des fonctions de la parole présidentielle, et le devoir de silence pour mieux communiquer s’impose. Il avoue ainsi avoir organisé des assassinats ciblés, ce qui relève pourtant d’une opération top secrète ! C’est un véritable strip-tease médiatique où le chef de l’Etat se met à nu, et permet à tous d’observer ses failles et de les fragiliser. Car au niveau de la réception du livre, il n’y a pas non plus de maîtrise de la situation. Les citoyens sont dans l’incompréhension d’une telle démarche, les personnalités politiques récupèrent l’événement pour achever politiquement François Hollande et prendre l’aval sur lui. Son blabla incessant devient un brouhaha de réactions, de polémiques. Débandade de mots, débandade de réactions, décidément tout lui échappe. Les auteurs du livre expliquent à ce sujet : « Il était inquiet, il ne maîtrisait pas le processus. C’est exactement ce qu’on voulait, qu’il ne maitrise pas le processus, il ne nous a pas choisis, c’est nous qui l’avons choisi ». Le problème majeur est que l’on attend justement du président qu’il maitrise son action, ce qui passe avant tout par une maitrise accrue de sa parole.
« Petit traité du parfait suicide politique » ?

Se confesser à des journalistes, de nombreux présidents l’avaient fait avant lui. Valéry Giscard d’Estaing, par exemple, était coutumier de cette pratique. Dans le cas actuel, la dissonance entre ses révélations dans le livre et ses propos officiels en tant que président est problématique. Ses confessions télescopent son travail politique, et c’est là que le bât blesse. Ses propos politiques sont alors discrédités et son action en tant que président de la République perd de sa crédibilité. Par exemple, ses dires sur l’immigration «Je pense qu’il y a trop d’arrivées, d’immigration qui ne devrait pas être là », sont en décalage avec sa politique à ce sujet.
Et dans sa forme même, l’ouvrage est un ovni politique. Le président choisit une expression indirecte, qui passe par la plume des journalistes, alors qu’on attendrait du premier représentant de l’Etat une expression directe avec les citoyens français. Les règles de l’oralité avec lesquelles s’exprime François Hollande sont sujettes à la déformation. La compréhension des propos passe par plusieurs prismes : celui des journalistes, puis celui des lecteurs. À la fin de ce processus, les paroles initiales sont faussées. De la même manière, ses révélations sont sujettes à la dérive quand elles sont sorties de leur contexte, certains journaux publiant même les « bonnes feuilles ». La phrase « La femme voilée d’aujourd’hui sera la Marianne de demain » a par exemple suscité une grande polémique du fait de son ambigüité. Tout un imaginaire est créé au sujet de ses propos supposément tenus, et le résultat est désastreux.
Parler c’est bien, faire c’est mieux. Le président parle beaucoup, mais agit-il vraiment ? Peut- être veut-il, à travers la chronique de son quinquennat, donner l’illusion d’avoir accompli beaucoup ? Le dessein d’ensemble n’est pas clair et les critiques sont plutôt sombres.
Un franc parler pour parler de la France

Mais cet exemple n’est-il pas la preuve d’une nouvelle communication en politique, d’un nouveau mode d’expression ? Le dessein des deux auteurs était de lutter contre la langue de bois politique. Pari réussi. Le temps d’un parler vrai des politiques a sonné, et François Hollande en est peut-être le pionnier. Ce livre donne à voir une nouvelle parole politique, portée par la recherche de la vérité.
Le chef de l’Etat se livre avec une franchise troublante. Cet ouvrage issu de longues discussions sur une durée de cinq ans permet à François Hollande de s’exprimer plus librement, et surtout plus profusément que dans une interview classique. Le discours n’est pas formaté, le président s’exprime sans filtre, sans contrainte, sans préparation antérieure. La longueur du livre permet de resituer l’action du président dans une chronologie, et dès lors de voir la cohérence – ou l’incohérence – de son action politique.
Alors, suicide politique ou avènement d’une nouvelle ère de communication politique ? La côte de popularité en baisse du chef de l’Etat a peut-être déjà tranché.
Diane Nivoley
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Sources:
« Pour la première fois, c’est sur sa personnalité que François Hollande désespère même ses proches », Le Huffington Post, 14/10/2016, Romain Herreros
«Un président ne devrait pas dire ça» : ce livre empêchera-t-il François Hollande de se pré- senter ? », RT, 14/10/2016
« « Un président ne devrait pas dire ça » : « la veille de la publication, François Hollande était inquiet » », Non stop politique, 13/10/2016, Ambre Lefeivre
« L’opération mea culpa de François Hollande (et ses limites) », Le Huffington Post, 12/10/2016, Geoffroy Clavel
« Les confessions de Hollande navrent ses amis », Le Monde, 14/10/2016, Cédric Pietralunga et Bastien Bonnefous
« Hollande se permet encore de carboniser les lambeaux de popularité qui lui restent », Le Monde, 15/10/2016
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Europe Israël News
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Dessin de Cambon pour Urtikan.net

Flops

Rohani: persona non grata ?

Il est des rencontres au sommet qui engendrent à la fois malaise généralisé et indignation transfrontalière. La visite officielle du Président iranien Hassan Rohani en Italie puis en France du 25 au 28 janvier aura marqué les esprits, tant l’opposition au régime des mollahs a été intense. Retour sur les principaux points de crispation et les débats soulevés par un voyage qui devait initialement profiter l’ouverture économique de l’Iran afin de signer de juteux contrats pour les industriels Européens.
Malaise dans la communication interculturelle
Le bal des couacs politiques et diplomatiques a été ouvert à Rome, lorsque les autorités italiennes ont décidé d’enfermer d’inestimables statues antiques féminines dénudées du Musée du Capitole dans des boîtes. Cette véritable « opération de com‘ » avait pour but de ne surtout pas bouleverser les habitudes visuelles et artistiques du Président iranien. Bien entendu, les réactions ont été immédiates et sans appel : des figures de l’opposition italienne au Ministre de la Culture Dario Franceschini, la mesure a été jugée « incompréhensible » et d’ « une totale idiotie et un sacrilège culturel », dixit Francesco Rutelli, ancien maire de Rome et ministre de la Culture. Plus dur encore, Luca Squeri, député du parti de droite Forza Italia, estime que « respecter les autres cultures, cela ne veut pas dire renier la nôtre ». Comme quoi, entre bienveillance diplomatique et raté interculturel, il n’y a qu’un pas.

Mises en scène macabres pour le respect des droits de l’Homme

Dès son arrivé à Paris, Hassan Rohani a du essuyer les plus vives critiques, tant de la société civile que de la classe politique. Principal sujet d’indignation en France : le non-respect des droits de l’Homme en Iran et la recrudescence des violations des libertés individuelles élémentaires. Pour protester contre la venue de Rohani et montrer leur dégoût, plusieurs centaines de personnes ont manifesté dans la capitale, place Denfert-Rochereau. Au delà des clivages partisans et des opinions individuelles, il convient de souligner l’ingéniosité et l’originalité des opposants à mettre en scène leur mécontentement. Dans une remorque spécialement conçue à cet effet, plusieurs personnes, toutes de jaune vêtues, paradaient la corde au cou, pour symboliser l’augmentation du nombre d’exécutions depuis l’arrivée au pouvoir de Hassan Rohani. A ce cortège pour le moins hétéroclite se sont joints plusieurs représentants charismatiques venus lutter contre la présence de Rohani dans le Pays des Droits de l’Homme : parmi eux, l’avocat Henri Leclerc, ex-président de la Ligue française pour la défense des droits de l’Homme et du Citoyen, l’ancienne secrétaire d’Etat Rama Yade ou encore le député européen d’EELV, José Bové.

De leur côté, les Femen, fidèles à leur réputation sulfureuse, ont mis en scène la fausse pendaison d’une militante sous un pont près de la Tour Eiffel mercredi 27 janvier, à l’occasion du passage du convoi du Président iranien dans les rues de la capitale. Connu pour ses opérations provocantes, le groupe d’activistes féministes s’en est donné à cœur joie pour dénoncer ces pratiques d’exécution moyenâgeuses. Pour parfaire cette esthétisation de la mise à mort, les Femen ont ajouté à leur scène de théâtre éphémère une large banderole professant : « Bienvenue Rohani, bourreau de la liberté ». Enfin, Inna Schevchenko, la leader du mouvement, a publié sur son compte Twitter : « We just wanted #Rouhani to feel like home #paris #iran #femen #freedom » (« Nous souhaitions simplement que Rohani se sente comme chez lui »).

La colère de la classe politique
Au delà d’une contestation sociale internationale, l’objectif de ces mobilisations hétérogènes était d’inciter François Hollande à aborder avec son homologue iranien les épineuses questions des libertés individuelles, de culte, d’orientation sexuelle ou encore des libertés de la presse, afin d’infléchir une situation jugée calamiteuse par les organismes internationaux. Dans son rapport annuel sur la situation du pays, Amnesty International dénonce, entre autre, des cas de torture, des procès inéquitables ou encore des discriminations ethniques ou religieuses en constante augmentation dans le pays.

Et la classe politique n’est pas en reste de ces contestations publiques. 65 parlementaires se sont emparés de leur plume afin de dénoncer publiquement, dans une lettre ouverte à François Hollande, l’accueil en grande pompe de Hassan Rohani. Il est ironique de constater que le Président iranien a réussi à faire s’entendre des députés issus de la majorité et des rangs de l’opposition, bien malgré lui. La lettre commence par un flamboyant « La théocratie iranienne est l’un des régimes les plus liberticides de la planète ». De quoi interpeller à la fois le Président de la République Française, mais aussi (et surtout ?) les citoyens français dans leur ensemble. Dans le contexte de prolongation de l’état d’urgence et d’une défiance d’une partie de la population face à une diminution des libertés individuelles depuis les attentats de novembre, la venue de Rohani était l’occasion idéale pour ces parlementaires de défendre leur conception de l’état de droit.
Un mal pour un bien ?
Si la visite diplomatique en Europe de Hassan Rohani a provoqué un mouvement d’indignation repris à la fois par les associations internationales, les membres de la société civile et les politiques, il ne faut cependant pas oublier que celle-ci avait avant tout un but purement économique. Les plus grands groupes industriels français, Airbus, Bouygues et Total en tête, ont largement bénéficié de cette venue quasi providentielle. La France se retrouve donc une nouvelle fois dans l’impasse : favoriser son développement économique ralenti par la crise, ou rester fidèle à ses idéaux séculaires ?
La force de la mobilisation contestataire

Des manifestations militantes, des simulacres de pendaisons, des parlementaires et des associations en colère… et pourtant, on ne peut que constater un traitement médiatique relativement mesuré de cette visite historique. En effet, malgré quelques levées de boucliers sur Twitter et certains articles accusateurs, ce sont en premier lieu les expressions physiques de la dénonciation qui constituent le principal canal de communication de l’exaspération et du rejet. Cette communication concrète et manifeste se révèle finalement bien plus efficace, car elle n’a pas eu besoin des biais traditionnels de médiatisation pour démontrer sa force. Ceci nous rappelle que parfois, l’engagement citoyen à lui seul permet de faire entendre sa voix, dans un contexte de surproduction de l’information par les médias traditionnels ou en ligne.
Céline Viegas
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Sources:
France Info, Visite de Rohani: la question des droits de l’homme en Iran reste en filigrane, Anne Patinec, 28/01/16
L’obs, Hassan Rohani en visite en France: n’oublions pas la répression des chrétiens en Iran, Donya Jam, 24/01/16
Le Monde, Cachons ces statutes qu’Hassan Rohani ne saurait voir, Philippe Ridet, 27/01/16
Swiss Info, Haro sur Matteo Renzi pour les statutes antiques, 27/01/16
Le Figaro, Visite du président iranien Hassan Rohani: lettre de 50 députés à François Hollande, 27/01/16
Le Point, Rohani à Paris: la fausse pendaison des Femen, 28/01/16
Crédits images:
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http://lemonde.fr
 
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Europe
Société

« L’Europe, l’Europe, l’Europe ! »

 
Alors que les élections européennes du 25 mai prochain approchent à grand pas, une seule question semble encore dominer les débats : celle de l’intérêt qu’y portent les Français. Car même si selon un récent sondage 62 % d’entre eux se déclarent prêts à aller voter, les motivations exprimées restent dans le détail beaucoup moins rassurantes.
Le sacre de l’euroscepticisme ?
Il semble en effet que ces élections annoncent le triomphe d’un repli national déjà bien engagé depuis la crise économique. Ainsi, ce sont seulement 25 % des électeurs qui pensent que ce scrutin changera quelque chose à la situation de la France.
La montée en puissance du Front national en témoigne, avec en particulier le paradoxe de voir que c’est le parti le plus anti-européen qui, avec plus de 20% des intentions de vote, va certainement être la première force politique de ces élections.
Pourtant, à y regarder de plus près, cet euroscepticisme n’est le fait que d’une poignée de pays (France, Royaume-Uni, République tchèque, Pologne ou Danemark) seulement, et c’est bien l’alliance des partis de gauche et des écologistes qui devrait rester majoritaire en nombre de sièges au Parlement.
Plus qu’une approbation aux idées eurosceptiques, il semblerait donc que le discrédit des élections européennes vienne d’ailleurs.
Une communication particulièrement défaillante
 En effet, si la nationalisation des votes est une des raisons principales de ce désamour vis-à-vis de l’Union européenne, il faut aussi noter qu’elle se nourrit d’une communication des partis politiques particulièrement défaillante.
 Cela est spécialement vrai pour le Parti socialiste qui pâtit avant tout des mauvais résultats de François Hollande, 21 % des français annonçant ainsi que leur vote aux élections européennes servirait avant tout à sanctionner le gouvernement. Gouvernement qui avait d’ailleurs lui-même bien mal préparé le terrain lors du dernier remaniement, avec la nomination très contestée du « cancre » Harlem Désir comme Secrétaire d’État aux affaires européennes.
 De son côté, l’UMP souffre de divisions récurrentes, Laurent Wauquiez et Henri Guaino ayant eu la bonne idée de publier dans le Figaro, au lendemain du lancement de la campagne par le Parti, une tribune signée par 40 parlementaires pour « tout changer » en Europe. Une initiative traduisant les amertumes nées de la constitution des listes, et notamment de la nomination d’Alain Lamassoure comme tête de liste d’Île-de-France. Ces problèmes venant d’ailleurs s’ajouter à l’affaire Bygmalion, qui resurgit au plus mauvais moment, jetant un peu plus le discrédit sur le parti, par l’intermédiaire d’un de ses chefs, Jean-François Copé.
 Enfin, et c’est peut-être plus inquiétant, même l’UDI et EELV pourtant connus pour être les plus européens des partis français, ne semblent pas parvenir à gagner la confiance des électeurs. Dans le premier cas, cela est dû à un semblant de désorganisation que focalise la maladie et le retrait récent de Jean-Louis Borloo, tandis que dans le deuxième cas, ce sont des choix de communication peu judicieux qui portent tort au parti (voir article précédent: ).
Le rôle des médias : les dangers de l’effet loupe
Mais si ces difficultés existent, on peut toutefois questionner in fine le rôle décisif que semblent jouer les médias. On peut ainsi se demander dans quelle mesure leur focalisation sur des querelles nationales, doublée d’un désintérêt assez marqué pour les élections européennes, n’est pas ce qui conditionne en grande partie la vision négative des électeurs.
Il apparaît en effet très difficile pour les électeurs d’appréhender le rôle et les enjeux réels de l’UE, quand France Télévisions ne diffuse même pas le débat du 15 mai dernier pour la Présidence du Parlement. De même, il est certainement tout aussi difficile d’accorder du crédit à nos élus, alors que les chaînes de télévisions nous rappellent à loisirs le taux d’abstention de certains d’entre eux.
Enfin, et c’est là que l’effet loupe est le plus pervers, il semble très compliqué de se rendre compte que l’euroscepticisme est loin d’être dominant, alors que la montée du Front national monopolise l’attention et les débats.
Bizarrement, ces élections présentent donc le dangereux paradoxe de ne pas être très médiatiques, tout en étant le pur fruit de la communication ; une communication malheureusement centrée sur la forme et le cadre national, et qui tend à oublier le fond et les enjeux européens.
Il serait alors peut-être temps de se souvenir de la célèbre phrase du Général de Gaulle, pour se rappeler que l’Europe n’est pas une abstraction mais bien un débat d’idées à même de conditionner notre avenir :
« On ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l’Europe, l’Europe, l’Europe », mais ça n’aboutit à rien, et ça ne signifie rien. »
Grégoire Larrieu
Sources :
Latribune.fr
Lesechos.fr

Claude Sérillon
Les Fast

« Les bonnes idées n’ont pas d’âge, elles ont seulement de l’avenir » ?*

 
Depuis le 10 février, l’ancien présentateur du 20h, Claude Sérillon, considéré comme l’un des « Spin Doctor » du Président François Hollande, s’occupe de la communication web de l’Elysée. L’annonce par Le Monde de son accession à la tête de la stratégie Internet fait beaucoup rire sur Twitter.
Qu’en disent les professionnels ? En nommant Claude Sérillon à ce poste clé, François Hollande montre son ambition de mieux contrôler sa communication. Cependant cette volonté semble se heurter au fait que Claude Sérillon n’est ni expert, ni même utilisateur des réseaux sociaux.
Le principal reproche auquel Claude Sérillon est confronté, c’est son âge. Journaliste du temps de l’ORTF en 1973, il n’est pas de bon goût pour les internautes qu’une personne d’une soixantaine d’années représente la communication Internet de l’Elysée.
Sur la forme, si la nomination de Claude Sérillon avait pour but une meilleure maitrise de la communication Internet, elle est apparue au contraire comme un délaissement voire un mépris de la communication web, poussant certains à aller jusqu’à considérer qu’il s’agit d’une mise au placard. De quoi ravir les internautes…
Cependant, sur le fond, il est bien trop tôt pour mettre en cause cette décision de manière factuelle. D’autant plus que Claude Sérillon a, à sa disposition, une équipe de jeunes militants ayant œuvré durant la campagne présidentielle, de quoi sûrement apporter un peu de sagesse et de recul à un médium de l’instantané et de l’hyper réactivité.
 
Romain Souchois
Sources : 
LCP.fr
*Robert Mallet

Société

Enfants ou gouvernement : qui faut-il sensibiliser aux usages d’internet ?

 
Depuis que l’espionnage à grande échelle mené par la NSA a été révélé au grand public par un scandale sans précédent, les peurs liées à la protection de la vie privée sur internet semblent s’être aggravées. Cela explique peut-être pourquoi la journée consacrée à l’internet sûr à fait parler d’elle sur beaucoup de médias cette année. Cette journée aussi appelée « Safer internet Day », a eu lieu le 11 février et comme son nom l’indique, il s’agit d’une journée consacrée à la protection des internautes.

L’objectif principal de cette initiative, approuvée par la consommation européenne, est la sensibilisation des enfants aux dangers du cyber-harcèlement et à la nécessité de protéger les données personnelles. Toutefois, ces deux points relèvent de l’initiative personnelle, et il ne faut pas oublier que la question de la sûreté d’internet s’insère dans une problématique plus large où les gouvernements ont un rôle à jouer. Les législateurs réussissent-ils à s’adapter à ces nouveaux enjeux ? Rien n’est moins sûr.
Des magistrats perdus
Il semble en tout cas qu’en France les tribunaux aient du mal à s’adapter – ou même à comprendre – la révolution numérique. En effet, le 5 février un blogueur a été condamné à 3 000 euros d’amende pour vol de documents après avoir téléchargé des documents non protégés accès qu’il avait trouvé en utilisant le moteur de recherche Google.
Ces documents de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) auraient dû être confidentiels mais étaient en libre accès sur le site de l’agence susnommée qui n’a d’ailleurs pas souhaité se porter partie civile. La condamnation d’Olivier Laurelli, plus connu sous le pseudonyme de Bluetouff, semble ainsi résulter d’un quiproquos avec le parquet dont le représentant avoue qu’il n’a « même pas compris la moitié des termes qu[’il a] entendus aujourd’hui ».
Des débuts difficiles pour la CNIL
C’est sans doute pour pallier aux lacunes de ces tribunaux ordinaires, dépassés par l’avènement d’un média qu’ils ne comprennent pas, qu’une autorité judiciaire indépendante spécialisée dans l’application de la loi informatique et libertés a été fondée. La Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a pourtant elle aussi ses failles comme l’a montré récemment le cas Google.

Dans cette affaire, le problème n’était pas tant la condamnation mais l’application de celle-ci, car en obligeant le célèbre moteur de recherche à afficher sur sa page d’accueil le verdict du procès, la Cnil n’avait pas prévu que son site serait saturé par les visites d’utilisateurs de Google, intrigués par l’encart inhabituel. Le site de la commission est alors resté inaccessible pendant plusieurs heures, prouvant par-là que même l’organisme judiciaire le plus spécialisé de France avait encore beaucoup à apprendre.
Malgré les problèmes rencontrés par la Cnil, sa création montre qu’il y a quand même de la part de l’Etat un effort d’adaptation. Cependant, la compréhension du problème par le gouvernement et en particulier par le chef de l’Etat reste relative comme le prouvent les propos plutôt stéréotypés de ce dernier lors de son voyage dans la Silicon Valley. Il se focalise en effet sur les aspects négatifs du média à qui il reproche notamment d’être un grand vecteur de rumeurs et d’attaques personnelles – ce qui est assez étonnant au vu de ses récents démêlés avec la presse papier. Finalement, on en vient à se demander qui des enfants nés à l’heure d’internet ou du gouvernement a le plus besoin de sensibilisation à ce média.
Alexia Maynart
Sources :
Safeinternet.fr
Numerama.com
Cnil.fr
Lemonde.fr
Crédits photos :
Huffingtonpost.fr
Saferinternet.org.uk

Flops

LE GAYETGATE

 
L’idylle entre notre président et la jolie Julie Gayet jouit d’une notoriété nationale et les Français connaissent tous désormais l’actrice française, mais cette notoriété a largement dépassé nos frontières, et les médias  étrangers se font une joie d’en faire leurs Unes. Tentons de décrypter le « Gayetgate » et les raisons d’une telle résonnance médiatique.
K.O !
« Le charisme d’un toast sans beurre » (ABC), « François Hollande, la Nabilla de la Vème République » (Le temps), « La France a faim de croissance. Pas de croissants » (Le soir),
« Le président français a été pris la main dans le sac avec son pantalon sur ses chevilles joufflues, trompant non pas la mère de ses enfants, mais la maîtresse avec qui il l’a quittée » (Le Telegraph).
Qu’ils soient Américains, Suisses, Belges ou même Italiens, les journalistes du monde entier ne voient pas d’un très bon œil la prétendue liaison et ne manquent pas de blâmer celle-ci. Pourquoi ce soudain intérêt pour les affaires françaises ? Tout le monde a toujours raffolé des rumeurs et des ragots, d’autant plus quand cela concerne des chefs d’Etat. Kennedy et Marilyn Monroe, Bill Clinton et Monica Lewinsky, ou encore Silvio Berlusconi et ses innombrables maîtresses…
Bill Clinton a fait face à une procédure d’impeachment à cause d’une malheureuse liaison avec une stagiaire, tandis que le Président français est la cible de railleries, moqueries et jugements à l’étranger, qui déteignent sur la vision de notre chef d’Etat, visage de la France durant son mandat. A peu près 80 % des Français déclarent que cette affaire ne va pas changer leur vision du Président, mais les actes de François Hollande désacralisent à l’international la vision de la fonction de chef d’Etat français, en se faisant prendre la main dans le sac comme un enfant.
L’écho du « Gayetgate » a même atteint la Chine, et il ne semble pas s’être adouci avec la distance. Les internautes chinois expliquent les actes du Président par des clichés qui nous collent à la peau : « Si les présidents français n’ont pas de maîtresses, les Français ne seront pas d’accord, c’est la tradition » ou d’autres idées reçues comme : « Il faut s’y attendre avec les Français… En France, même la politique  est très romantique ». L’actrice française est qualifiée de « quatrième femme » venue perturber un ménage à trois préexistant, composé de Ségolène Royal et du couple présidentiel. Monsieur Hollande ne nous aide visiblement pas à enrailler les stéréotypes, nous resterons donc peut être éternellement, des amoureux transis, fana de croissants et qui surfent sur Gleeden comme ils trainent sur Facebook.
Au vu des derniers scandales concernant de hauts dignitaires chinois et des sex tapes , le « Gayetgate » sert peut être à cacher un malaise national. Une technique pour rassurer un peuple sur la « bonne conduite » de ses dirigeants. Une stratégie qui a amené les Italiens à comparer François à Silvio.

Un long silence
Après un long silence de l’Elysée décrit par La Stampa comme « le plus long no comment de l’histoire », les journalistes s’excitent et s’emballent, et les rumeurs pointent le bout de leur nez. On peut lire dans la presse que Julie Gayet serait enceinte de 4 mois, que Valérie Trierweiler aurait tenté de se suicider après la révélation de l’idylle, qui selon Closer durerait depuis plus de deux ans.
Le b.a.-ba de la communication de crise – et on peut considérer cela comme une crise – est de prendre la parole. Si plus personne ne veut entendre parler des lasagnes de Findus c’est bien parce qu’ils sont restés silencieux, les médias se sont donc déchainés sur l’affaire sans aucun cadre de discussion, qui aurait pu être donné par la marque de surgelés. Et l’on retient simplement aujourd’hui la dimension équestre de leurs plats.
François Hollande ne s’est pas exprimé sur le sujet, on a simplement eu le droit à un « c’est d’ordre privé ». La première dame non plus, et l’amante seulement par voie judiciaire, en portant plainte contre le magazine Closer.
Les journalistes français comme étrangers se sont donc fait une joie de remplir ce silence médiatique pesant. Si l’Elysée avait mieux géré cette crise, les journalistes s’en seraient tenus à de simples commentaires. De plus, même si la limite entre vie privée et vie publique d’une personne aussi importante qu’un Chef d’Etat est très compliquée à délimiter, il me semble qu’il est tenu de répondre de ses actes, surtout quand ceux-ci nuisent à l’image de la France. Il est évident que la Présidence aurait dû s’exprimer et contenir alors le scandale.
Sinon, la prochaine fois Monsieur le Président, évitez le scooter.

 
Sibylle Pichot de la Marandais
Sources :
L’Express : Comment la presse étrangère se moque de l’affaire
Le Parisien : L’affaire Gayet – Hollande vu de l’étranger
Le Monde : L’affaire Hollande Gayet électrise les médias étrangers
RTL / Gayet : Hollande, la presse étrangère s’empare de l’affaire révélée par Closer.
Nouvel Obs : Hollande – Gayet les italiens se sentent moins seuls.
Crédits photos :
New York Post
L’Express
FocuSur

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BFM TV vs François Hollande
Agora, Com & Société

Hollande, « média-tueur » ?

 
« Priorité au direct », ce slogan bien connu de BFM TV n’est visiblement pas du goût de l’exécutif. Aux dernières nouvelles, le chef de l’État n’aurait guère apprécié la façon dont les médias ont donné la parole à Leonarda. Ainsi avait-on appris la colère du Président à l’égard des chaînes d’information ; et notamment BFM TV qui avait donné la parole à l’adolescente juste après l’intervention présidentielle en octobre dernier.
Les faits
À la suite de l’intervention de Monsieur Hollande à la télévision à la mi-octobre, lors de laquelle il autorisait Leonarda à revenir seule en France poursuivre sa scolarité, BFM TV avait donné la parole en direct à la jeune fille qui, depuis le Kosovo, avait violemment rejeté la proposition du Président.
Si Caroline Roux, éditorialiste politique sur Europe 1, précisait que « l’Élysée n’avait pas anticipé la réponse en direct de la collégienne », Hollande, lui, estimait avoir été « planté » par les médias.
François Hollande qui ne s’attendait probablement pas à une réponse aussi virulente de la part de Leonarda, choisissait d’accuser BFM TV afin de se défier de toute responsabilité quant au scandale politique qu’il faisait surgir suite à ses décisions quelque peu nébuleuses concernant cette affaire. Selon Le Point, qui se dit citer des propos tenus par le chef de l’État, ce dernier serait même allé jusqu’à exprimer nettement son mécontentement du traitement de l’information par la chaîne BFM TV et lui aurait opposé un traitement plus professionnel de la part de LCl.
Néanmoins, le 29 novembre, l’Élysée démentait catégoriquement : une telle accusation ne correspondrait ni à sa pensée ni à sa façon de s’exprimer, comme l’expliquait un conseiller à l’Élysée. Preuve en est : le 18 novembre, lors de son déplacement en Israël, François Hollande a accordé une interview à Ruth Elkriefsur sur BFM TV. Selon l’Élysée, le Président aurait choisi un autre média s’il était mécontent de la chaîne d’information.

Les conséquences : médiatiques et politiques
L’accusation portée par le chef de l’État à l’égard de la chaîne d’information BFM TV déclencha de nombreuses critiques de la part de certains hommes politiques. En effet, au mécontentement de François Hollande s’est ajoutée une dramatisation de la part des socialistes : lorsqu’Arnaud Montebourg parle d’une bfm-isation de la vie politique française, Bruno Leroux, lui, ironise en feintant le lapsus suivant : « Fox news … pardon BFM » – référence peu flatteuse à la chaîne conservatrice et populiste américaine. D’autres renomment la chaîne « BFN TV », en référence à l’accusation lancée contre BFM de jouer dans la cour du parti d’extrême droite.
En outre, le dialogue, par médias interposés, entre un Président de la République et une adolescente de 15 ans, Leonarda, ainsi que le scandale politico-médiatique qui en surgit, résument l’urgence de doter enfin François Hollande d’une communication à la hauteur de sa fonction. Quand tout va mal, la tentative de trouver un bouc-émissaire est forte. Accuser les médias de tous les maux quand rien ne va : le procédé est classique.
Si François Hollande, dès le début de sa campagne présidentielle, se définissait comme un président normal – refusant d’abord d’habiter à l’Élysée, puis de se déplacer dans la voiture de fonction qui lui était attribuée – et invoquait par là-même une stratégie de communication que l’on pourrait qualifier de « normale », il semblerait que cette perspective soit abandonnée dès lors que les médias salissent sa fonction en le plaçant à la même hauteur que Leonarda.
Monsieur Hollande récolterait-il aujourd’hui les fruits de la désacralisation de la fonction présidentielle qu’il prônait à l’origine de sa campagne ?
 
Juliette Courtillé
Sources :
Europe 1
L’Express
Le Figaro
Le Plus du Nouvel Observateur
Crédits photos :
BFM TV

François Hollande
Agora, Com & Société

L’Homme sans com’

 
La popularité de François Hollande est au plus mal. Il est récemment tombé à 26 % d’opinions favorables, un record d’impopularité pour un président de la Ve République dans l’histoire des sondages BVA. Le franchissement de cet énième seuil est le symbole du désamour entre le Président et les français. Et si le problème était surtout communicationnel ?
DÉROUTE
Il faut dire que depuis cet été les couacs et polémiques s’enchaînent dans les médias, donnant l’impression d’une véritable cacophonie au gouvernement. Entre la déconvenue de François Hollande sur la pause fiscale, le bug des résultats du chômage en août causé par SFR, le conflit Duflot-Valls et la polémique sur les Roms, celle sur Léonarda, la révolte bretonne et la reculade du Premier Ministre sur l’écotaxe, l’exécutif se noie dans une parole qui tend à réagir dans l’urgence.
Concernant l’affaire Léonarda, la maladresse de François Hollande n’a pas seulement été le choix d’un entre-deux douteux, mais surtout de s’être directement adressé à la jeune adolescente devant les caméras, établissant un dialogue surréaliste rythmé par les chaînes d’information en continu, abîmant au passage son statut de chef d’Etat.
Quant à la reculade concernant l’écotaxe en Bretagne, toutes les tentatives d’en minimiser les conséquences ne parviendront pas à stopper les procès de la droite en indécision et en manque d’autorité. Elle risque par ailleurs de compromettre toute tentative de réforme d’ici les municipales.
Enfin, même la libération des otages français au Niger n’a pas profité à François Hollande dans les sondages et ce malgré tout le dispositif communicationnel engagé. Selon Le Parisien, plus de la moitié des Français (54%) estiment que François Hollande a joué un rôle qui n’est « pas important » dans cette libération.
Finalement, ces affaires successives donnent l’impression d’un « exécutif girouette » et rendent la politique gouvernementale inaudible et sans visibilité.
Sans oublier le reproche majeur que l’on fait à François Hollande, hautement communicationnel : son soi-disant problème d’autorité. Le fait est qu’il a rarement recadré fermement ses ministres devant les caméras. Mais il est loin de manquer d’autorité. Libération a d’ailleurs rapporté les propos d’un ministre :
« Hollande est sur notre dos en permanence. Qui, au gouvernement, n’a pas pris un SMS sur la gueule ? (…) Il sait aussi être très méchant. »
La vraie question est donc la suivante : peut-il vraiment se passer de la mise en scène de son pouvoir, et donc de son autorité ? François Hollande a choisi une autorité plus moderne , mais il doit convaincre qu’à terme, elle sera plus efficace.

L’AXE HOLLANDE-VALLS
Au chapitre des choix communicationnels douteux du Président, l’axe Hollande-Valls est incontournable. Ce choix est stratégique : c’est de leurs différences, de leur « complémentarité » que vient la nécessité de leur « mariage » (Libération).
La rigidité de Valls sur les questions d’intégration et d’immigration sert de rempart contre les critiques de la droite sur le laxisme. Là ou Hollande cherche à incarner l’apaisement et l’espoir en faisant toujours preuve de prudence, Valls va « affronter frontalement ses positions », selon un ministre. Sa virtuosité en communication compense les lacunes du Président.
On peut néanmoins s’interroger sur la pertinence de ce choix. La popularité de Valls est loin d’avoir l’effet contagieux escompté sur celle de Hollande, sans doute car l’impression est donnée que c’est François Hollande qui s’aligne sur Manuel Valls, et non l’inverse. Hollande aurait même confié, selon Le Canard Enchaîné : « Ça me fait de la peine de constater à quel point Manuel ne pense qu’à lui ».
Par ailleurs, le tandem que forme Hollande avec Manuel Valls escamote celui qu’il devrait former avec Jean-Marc Ayrault. Cela n’a rien d’étonnant : le premier ministre joue son rôle de fusible en assumant seul la ligne sociale-démocrate.
PERSPECTIVES
Il semblerait finalement que François Hollande paye toujours le prix de son pari risqué d’une présidence normale, qui comme on le constate aujourd’hui, ne désignait pas un retour à la figure présidentielle gaullienne que les français ont toujours aimé admirer.
François Hollande a fait le pari d’un renouveau de la culture démocratique : puisque la société française évolue vers une organisation sociale horizontale plutôt que pyramidale, la monarchie républicaine à la française devait être abolie.
Ce pari était risqué, la majorité des français n’étant pas prêts, en période de crise économique et sociale, à renoncer au mythe de l’homme providentiel. Il aurait sans doute été avisé que François Hollande choisisse d’incarner ce rôle.
Denis Pingaud, dans son récent ouvrage L’Homme sans com’, analyse la politique communicationnelle du président :
« En se débarrassant volontiers de tous les colifichets trop voyant de la communication, le Président remet la politique au centre. Mais, ce faisant, l’homme sans com’ oublie que la communication n’est pas un don mais un métier ».

François Hollande veut privilégier la politique sur le spectacle, mais il oublie que la politique aujourd’hui est du spectacle. Electorale, la politique est image. C’est ici peut-être son erreur la plus fondamentale.
Elle peut lui être fatale, le risque étant que l’impopularité du Président devienne le marqueur de sa personnalité politique. Mais L’Homme sans Com’ se défend.
« J’essaie de trouver l’équilibre, qui n’est pas facile, entre l’expression franche de qui je suis, de ce que je pense, et la représentation symbolisée qu’impose la présidence de la République ».
Si Aristote faisait de la tempérance une vertu, dans le monde politique d’aujourd’hui, un tel positionnement risque néanmoins de manquer de force communicationnelle.
 
Clarisse Roussel
Sources :
Libération – Hollande Valls mairage de raison
Libération – Manuel Valls les coups de force permanents
Libération – Le président recadre de l’intérieur
Libération – Hollande un chef qui ne dit pas son nom
Libération – Le président comme si de rien n’était
Le JDD – Sondages
Le Monde – François Hollande le président le plus impopulaire de la Ve
Le Monde – La méthode Hollande critiquée
La Croix – Le recul de l’écotaxe fragilise encore François Hollande
Le Parisien – La libération des otages ne profite pas à Hollande
Photos :
Une – AFP
François Hollande – Lnt.ma
Caricature – Dessin de Mis et Remix paru dans l’Hebdo, Lausanne

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Archives

Jacques a dit : « le silence est d’or »

 
Combler le vide
Le 2 mai 2012, les quinze « moi président » prononcés en trois minutes et vingt-et-une secondes ont rendu célèbre son orateur. Le 28 mars 2013, le candidat, devenu président,  reprenant la même recette qui avait fait ses preuves, parsème son discours de dix « je suis le président. »
Jeudi dernier, en effet, François Hollande a décidé de faire une intervention télévisée afin de rassurer les Français… et se rassurer lui-même après la baisse inquiétante de sa cote de popularité. Il est venu chercher les Français afin leur expliquer son action et ainsi regagner leur confiance. Un beau projet de communication qui ne se résume pas à cette seule intervention sur France 2. En effet, il semblerait bien que le président de la République veuille occuper la scène médiatique pour quelques semaines encore. Selon son entourage, « le président sera amené à s’exprimer dans les prochaines semaines, avant sa conférence de presse du 15 mai. »
(Cette soudaine volonté d’occuper l’espace médiatique ne serait-elle pas, en outre, un moyen de centraliser les regards, les pensées des Français ? Les détourner d’autres luttes qui ébranlent la société ?)
Un dialogue inexistant
Toutefois, même si Monsieur Hollande souhaite parler jusqu’à être entendu, je doute que des paroles suffisent à regagner la confiance, l’estime du peuple qui l’a élu. Notons que, parce que David Pujadas interroge François Hollande, il y a, de prime abord, un dialogue. Mais il s’agit en réalité d’un dialogue mis en scène, factice donc. Hollande ne quitte guère Pujadas des yeux… lui qui est pourtant venu parler aux Français. Le visage de biais, jamais il ne se retrouve de face. Fuite ? À moins que David Pujadas ne soit censé incarner l’ensemble du peuple français, tout dans le dispositif médiatique indique comme un refus d’entrer en relation avec les téléspectateurs.
En outre, les « je suis le président » semblent montrer que François Hollande a conscience de la charge qui lui incombe. Pourtant, la prédominance des pronoms personnels de la première personne souligne aussi une focalisation du président sur lui-même. Rassurer les Français devient synonyme de défendre sa fonction.
L’invitation au dialogue devient monologue.
Un rendez-vous mondain
Le président avait pourtant choisi un beau créneau horaire : il est venu au journal télévisé de France 2 et a réussi à rassembler huit millions de téléspectateurs (moins nombreux qu’en septembre dernier tout de même). Une belle réussite semble-t-il. On peut d’ailleurs se demander s’ils sont tous restés jusqu’au bout : 1h15 d’intervention, c’est long, surtout pour un public habitué au zapping.
Au-delà de la quantité, intéressons-nous à la qualité de l’auditoire : selon un sondage BVA, 66% des téléspectateurs n’ont pas été convaincus. Chiffre à prendre avec distance bien sûr… surtout lorsque l’on sait que les Français sont râleurs ! L’auditoire, qui connaît désormais François Hollande depuis un an, était plus critique, plus méfiant. Il connait déjà les belles paroles, la mise en scène simple voulue par un président, qui se définit comme un « homme normal » avant tout. Il lui faut quelque chose de plus percutant… Hollande, à vous de jouer !
En France, cette intervention ne fut finalement positive qu’aux yeux des socialistes. Dans ce contexte difficile, rester solidaire est une nécessité. Que ce soit de la part de François Copé (UMP) ou de Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche), les critiques sont nombreuses et se retrouvent même à l’étranger (notamment en Allemagne).
Clothilde Varenne
 
Source :