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Marques et greenwashing : quand la fast fashion verdit ses discours

L’industrie de la mode pollue plus que les vols internationaux et le transport de marchandises cumulés. C’est ce que conclue un rapport de la fondation Ellen MacArthur publié en 2017. Deux ans plus tard, 32 entreprises de mode signent le Fashion Pact : un engagement pour réduire leur impact environnemental. Fort enjeu de communication pour les marques que de « se mettre au vert ». Mais qu’en est-il vraiment derrière ces discours green des industries de mode ? Et si le Fashion Pact n’était qu’une vaste opération de greenwashing ?
Consommation collaborative
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Jacques a dit : du green et du Sharing !

 
Un désir à l’initiative des consommateurs… qui n’est pas si nouveau
Le désir d’une consommation renouvelée chez le consommateur – qui obéirait à de nouveaux codes à la fois dans ses objets et dans ses modes – n’est pas une nouveauté : le commerce équitable et le développement du bio sont des phénomènes bien ancrés chez le consommateur depuis les années 2000. La rentrée 2013 est toutefois riche en expériences innovantes pour répondre à ces nouvelles requêtes que sont le décloisonnement et la ré-humanisation de la consommation, la recherche d’une consommation plus locale (les « locavores », les SEL…), plus engagée et qualitative. Il s’agirait en même temps de faire respirer ces lieux de grande consommation que sont les centres commerciaux, grands magasins, grandes surfaces… considérés comme « anxiogènes » par les Français.
La « Sharing economy » et le consommateur-vendeur
Et la réponse doit être rapide. En pratique, la vente à domicile, le recyclage, et particulièrement le « sharing » (économie du partage) sont des modes de consommation bien installés, les consommateurs n’ayant pas attendu les marques pour organiser une consommation collaborative d’ampleur. Loin d’être un phénomène de mode, ce nouveau type de consommation est au contraire voué à se développer dans les prochaines années.  Définie comme une « une pratique qui augmente l’usage d’un bien ou d’un service, par le partage, l’échange, le troc, la vente ou la location de celui-ci, avec et entre particuliers » par l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie (ADEME), la consommation collaborative est bien le corollaire de la crise économique qui favorise la recherche de produits moins coûteux. En parallèle, la consommation responsable explique aussi  la montée des préoccupations écologiques dans l’acte d’achat. Pour reprendre l’économiste américain Jeremy Rifkin, le principe de l’économie de « l’accès » expliquerait ce nouvel engouement : la notion de propriété dans l’univers des consommateurs s’efface au profit de la notion « d’accès », en lui-même, aux biens et aux services. Dans ce contexte, la consommation collaborative s’érige comme une tendance sociétale importante, créatrice de lien social, que les entreprises se doivent alors de prendre en considération.

Quelles réponses du côté des plateformes communautaires et des marques ?
Mais quelles sont les conséquences pour les entreprises en mal de digital ?
La consommation collaborative constitue une niche formidable en termes d’opportunités et de business. Des plateformes digitales l’ont vite compris et se sont déjà multipliées pour permettre au consommateur de s’improviser vendeur. Les exemples sont nombreux et il serait inutile de développer l’exemple du déjà célèbre site Covoiturage.fr devenu Blablacar.fr. Mais le concept ne s’arrête pas au covoiturage : l’économie du partage s’installe dans toutes nos habitudes. Citons à ce titre Airbnb qui permetde louer une de ses chambres, ou encore Walmart qui propose à ses clients de livrer eux-mêmes les commandes réalisées par leurs voisins, en échange de bons de réductions et de cadeaux.
Mais qu’en est il des marques non dédiées au digital ? Celles-ci se sont attelées, pour certaines, à leur propre « recyclage ». Dans les faits, cela se traduit par la « végétalisation » des lieux de consommation, la sacralisation du « rooftop » comme le lieu dédié au carré de verdure dans l’espace urbain. L’exemple récent du centre commercial Beaugrenelle, ouvert le 23 octobre dernier, atteste bien de la prise en compte de cet impératif : du vert (7000m2 de toits végétalisés) et des lieux de partage, de sociabilité, spécialement dédiés au consommateur au sein du centre. Le BHV Marais, qui a fait entièrement peau neuve, propose de réinventer la quincaillerie en abandonnant ses rayons du multimédia pour des espaces dédiés au bricolage, art créatif et cuisine, afin de rassembler les adeptes (de plus en plus nombreux) de l’écologie et du « Do It Yourself ». Ainsi, le consommateur récupère, répare, fabrique, grâce à des ateliers à sa portée. Ikea ou encore H&M sont d’autres exemples de ce désir d’afficher une bonne conscience citoyenne chez la marque, en récupérant des meubles (« Donnez une seconde vie à vos meubles ») ou des vieux vêtements. Fait étonnant enfin, le moteur de recherche Ecosia lancé en 2009 à Berlin, qui reverse 80% de ses revenus publicitaires pour la protection de la forêt tropicale : ses remaniements et sa version française sont censés lui permettre, à terme, de planter 1 million d’arbres en 2014… Pas bête.
Que penser finalement de ces innovations « green », dédiées au renforcement du lien social, mais un peu fourre-tout ? Un risque d’essoufflement est à craindre du côté des entreprises : pour survivre et continuer à se développer, elles devront être en capacité de créer encore et toujours des expériences productrices de lien social. Attention enfin, ce n’est pas en instituant une « ville verte » de façade que l’on sauvera l’écologie. Là encore, l’entreprise de demain doit travailler au service de la ville et innover en terme de trio « végétal/social/urbain ».
 
Céline Repoux
Sources :
Influencia.net
Lesechos.fr
Lefigaro.fr
Ecocitoyens.ademe.fr
Pour aller plus loin :
La vie share – mode d’emploi, d’Anne-Sophie Novel

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Environnement, Société

Web et écologie : une communication (au mieux) absente

 
Bons citoyens éco-responsables que vous êtes, vous avez probablement tous été déjà sensibles à cette petite ritournelle qui occupe la fin de vos factures et autres relevés de comptes, vous invitant, en misant sur votre bonne conscience et sentiment de culpabilité, à demander vos factures en lignes plutôt que par papier pour réduire la consommation de CO2. Que ce transfert soit moins coûteux pour les entreprises, c’est prouvé. Moins polluant… ce n’est pas si évident.
 
Immatérialité, immatérialité chérie           
Si on doit dégager quelques spécificités propres à Internet, la plus évidente serait sans doute la masse de fantasmes, métaphores, mythes qui l’enveloppent et nourrissent nos imaginaires. Et l’un des plus forts est cette notion d’immatérialité. Notion qui, avouons le, par sa seule évocation, mobilise en nous une sorte de crainte, au sens religieux du terme, mêlée d’une douce rêverie de science fiction. Or, on le sait, toucher notre inconscient et nos émotions est la recette d’une communication réussie. Le concept d’« immatérialité », un peu comme celui de « transparence », vaut de l’or.
Mais qu’en est-il réellement ? Bien sur que non, Internet n’est pas dématérialisé. On y accède par un support, quel qu’il soit. S’il faut se connecter, l’utilisateur a également besoin d’un objet assurant la transmission du réseau, qui lui même est amené par d’autres infrastructures… Quant au transfert et au stockage d’information, il est assuré par la présence des serveurs, et je vous invite à jeter un œil sur ceux de Google, assez impressionnants.

Tout cela relève de l’évidence. Mais c’est pourtant dessus que se joue toute la communication des diverses entreprises, qui ont , elles, plutôt intégré les valeurs économiques qu’écologiques de cette « révolution numérique ».
 
Quels enjeux pour le développement durable ?
Brosser un portrait complet de la multitude d’enjeux que sous tend ce changement serait hélas trop long, complexe et confus pour tenir dans un seul article. Mais l’on peut tout de même mettre en exergue quelques points clefs qui seront sans nul doute au cœur des réflexions très bientôt.
On peut d’abord songer au e-commerce, souvent encensé pour ses vertus écologiques : il serait moins polluant de commander un livre plutôt que d’aller l’acheter en magasin. En fait, il est quasiment impossible de faire un tel calcul, car il faut prendre en compte une multitude de facteurs : à quelle distance est le magasin ? Comment s’y rend-on ? Si l’on achète un livre sur Internet, d’où vient-il ? Ou se fait-on livrer ? Un article de Slate détaille ces questions, et, contre les idées reçues, conclut que, pour le moment, on ne sait pas grand chose.
Se pose ensuite la question, très vaste, des objets technologiques, avec au cœur le problème de l’obsolescence programmée (techniques permettant de réduire la longévité des appareils afin que les utilisateurs s’en rachètent), ainsi que l’habitude de renouveler ses téléphones par exemple, beaucoup trop souvent (tous les 2 ans en France) alors que les métaux les composants, en plus d’être de plus en plus rares, sont extrêmement nocifs (cf l’article du Courier International :  « Un poison radioactif dans nos smartphones ») Place de la toile a récemment consacré une émission à la question de l’écologie, « Les faces cachés de l’immatérialité », référence au livre Impacts écologiques des Technologies de l’Information et de la Communication du groupe EcoInfo, où elle aborde cette question, mais aussi la plus importante certainement : celle des TIC. Il est vrai que l’usage intensif des mails est de plus en plus critiqué. Mais rarement d’un point de vue écologique. Or, un mail de plus d’1Mo a un impact de 19 grammes de CO2, et 247 milliards de mails sont envoyés par jour. Quant aux recherches, « deux requêtes sur Google généreraient 14g d’émission de carbone, soit quasiment l’empreinte d’une bouilloire électrique (15g) » selon Le Monde.
Bien sur, il ne faut pas être trop alarmiste, et voir que le web permet aussi de réduire certains coûts environnementaux, ne serait-ce qu’en propulsant des pratiques telles que le covoiturage ou les téléconférences par exemple. Mais rien ne peut expliquer cette absence quasi totale de vraie communication, assez étrange d’un point de vue économique, quand l’écologie est partout ailleurs (même dans le secteur textile, comme l’avait montré Clémentine Malgras jeudi dernier) utilisée comme un argument de vente, mais aussi d’un point de vue éthique quand on pense qu’en France, les marques ont pour obligation de nous dire qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour et que le tabac et l’alcool sont dangereux. Et cette absence se fait sentir : selon Ipsos (2011), 45% des Français sont écolo-sceptiques, soit… 15% de plus qu’en 2008.
 
Virginie Béjot
 
Pour aller plus loin :
Le documentaire et dossier du Vinvinteur : Web et développement durable
Le compte rendu de L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie)
Photo : espaces de stockage d’Amazon, crédits : Slate.fr