Médias, Politique

Raquel Garrido se défend sur le Snapchat de Jeremstar : vers une télé-réalité du politique ?

Début octobre, Le Canard Enchaîné fait de nouveau des siennes : il accuse la porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, Raquel Garrido, de n’avoir pas payé ses cotisations retraites depuis 6 ans. Cette dernière a défendu son honneur sur une plateforme on ne peut plus surprenante… le Snapchat de Jeremstar, personnage public adulé des jeunes et spécialiste de téléréalité, avec qui elle travaille chez Ardisson depuis septembre. C’est donc à l’adresse de ses « vermines » et des « jeremstarlettes » que l’avocate de La France Insoumise remet en cause ces accusations. Un procédé qui a bien évidemment fait parler de lui : pourquoi ce besoin de fuir les médias traditionnels ? Raquel Garrido gagne-t-elle en crédibilité au sein de la sphère politique en répondant aux questions de celui qui a pour habitude d’interviewer Nabilla et autres candidates de télé-réalité ?
La nouvelle logique d’audience en politique
Force est de constater la visibilité qu’apporte Jeremstar : il est aujourd’hui un des personnages publics français les plus suivis sur les réseaux sociaux avec 1,1 million d’abonnés sur YouTube, 1,7 million sur Twitter, 1,8 million sur Instagram et est le snapchatteur le plus suivi en France. Exploiter la plateforme de ses réseaux sociaux permet donc aux arguments de Raquel Garrido d’être reçus par une audience inégalable. De plus, le ton de Jeremstar est décalé et humoristique : d’emblée, l’interview tourne au divertissement et le cadre énonciatif posé par l’influenceur rend la personne interrogée sympathique. Une mine d’or pour la défense de Raquel Garrido qui s’adresse à un public qui lui construit un ethos de sympathie et de sincérité au même niveau que n’importe quelle autre figure publique paraissant dans les snaps du bloggeur. Quand il est question de se défendre auprès du plus grand nombre, de nombreux politiques se tournent vers les supports de divertissement plutôt que de répondre à l’appel des médias traditionnels : Jean Luc Mélenchon, en avril 2017, a préféré se rendre sur le plateau d’On n’est pas couché plutôt que de rejoindre un meeting à Dijon. Le nouvel d’objectif est d’élargir la portée des discours, de capter l’attention du plus grand nombre. Il devient alors logique de participer à une émission comme celle de Laurent Ruquier, qui avait réuni 1,37 millions de téléspectateurs.

Être public avant d’être politique ?
Depuis l’affirmation des médias audiovisuels, notamment l’apogée de la télévision dès les années 1960, les règles de l’énonciation du politique ont été changées. Valéry Giscard d’Estaing est un de premiers à avoir médiatisé sa vie familiale et à jouer sur ce que pouvait apporter le média audiovisuel dans la construction de son ethos politique, en dévoilant par exemple ses talents d’accordéoniste. En avril 1985, François Mitterrand dialogue sur TF1 avec Yves Mourousi pendant près de 100 minutes. Cette émission, à laquelle il participe pour se construire une nouvelle image, dépasse largement le contenu politique. Par exemple, il coupe l’herbe sous le pied du journaliste qui pensait le mettre à l’épreuve : on ne dit plus « ché-bran » mais « câblé » selon le Président de la République. Ici, la logique de se construire une image publique jeune, personnelle et plus humaine, découle d’une volonté de se rapprocher des citoyens. Finalement, c’est presque la même idée que le jeu de question réponse entre Jeremstar et Garrido (mais le support a changé) : le politique côtoie des sujets plus triviaux. En effet, Raquel Garrido passe de ses cotisations retraites à sa collection de maillot de bain sans aucune disruption. Cependant, cette tendance à la médiatisation du personnage politique s’est emballée avec l’arrivée d’Internet et c’est sans surprise que lors des campagnes présidentielles, tout le monde a pu observer les talents de Macron au bottle flip challenge et découvrir le filtre préféré des candidats, le tout via Snapchat.

 

La victoire du politainment ?
Faut-il divertir pour être politique ? Ce qui était retenu des débats lors des dernières élections, c’était les bons mots, les répliques, la répartie, donc les « punchlines » et les « clashs », qui étaient repris par les téléspectateurs pour être détournés de façon humoristique. Il faut donc faire rire ou porter dans son discours, sa gestuelle, un potentiel humoristique. Le divertissement aurait pris le pas sur le contenu réel du débat. Il faut capter son audience par les formes du discours plus que par les idées. Il semblerait alors que les fonctions de l’énonciation politique se résument de nos jours à l’unique fonction phatique de Jakobson, fonction de mise en contact qui établit la relation, relation assurée indépendamment du message. Ce que cherche le politique désormais, c’est entrer en relation avec sa communauté. Et il semble que le lien créé par le divertissement soit de nos jours le plus efficace pour rassembler le plus d’audience.

Clémence Duval
Sources
Valeurs actuelles, consulté le 25 octobre.
RTL, consulté le 25 octobre.
Ina.fr, consulté le 24 octobre
Huffingtonpost.fr, consulté le 24 octobre
Huffingtonpost.fr, consulté le 25 octobre

Mélenchon
Flops

L'homme trop bien cadré

 
Dimanche 1er décembre, Jean-Luc Mélenchon défilait dans la rue « pour la Révolution fiscale, la taxation du capital, l’annulation de la hausse de la TVA ». Cette manifestation contre Bercy a entraîné une polémique, non sur ses revendications et son message, mais bien plus sur son relais médiatique. Deux fautes communicationnelles sont venues entacher l’image de cette manifestation et de M. Mélenchon. L’une à propos des comptages annoncés tour à tour par les organisateurs et par la place Beauvau. L’autre concerne l’habile cadrage du reportage organisé par TF1 qui dupe le spectateur en lui donnant une impression de foule immense. Coup dur pour le leader du Parti de Gauche (PdG) qui dévoile ainsi son art de la mise en scène et de la construction médiatique en opposition à son discours politique franchement hostile envers les médias « manipulateurs ».
 Le comptage déclenche la controverse. Si les chiffres des organisateurs de la « Manif’ pour tous » ont pu paraître exagérés, ceux du Front de Gauche apparaissent complètement délirants. En effet, la préfecture de police dénombre 7000 participants alors que les organisateurs en annoncent 100,000 : un rapport de 1 à 14 qui pose question sur la bonne foi des deux entités. Une photo circulant sur Twitter va dans le sens d’un maquillage des chiffres. Prise le jour même Boulevard de l’hôpital, on observe sur l’image une multitude de feux rouges. Le photographe de l’AFP dément tout trucage, la multiplication des feux de signalisation étant apparemment due à un effet d’optique. Celle-ci provoque l’amusement voire les moqueries des internautes, peu crédules.
 

 
La seconde erreur est corollaire de la première. Mélenchon comme TF1 sont soupçonnés de tentative de manipulation des téléspectateurs par l’image et le choix du cadre. En effet, filmée une demie heure avant l’heure de convocation, la vidéo montre une foule qui se presse derrière le camarade Jean-Luc qui répond aux questions de Claire Chazal. Une photo prise depuis son appartement par un journaliste néerlandais et publiée sur Twitter révèle le hors-champ. Mélenchon se trouve devant un carré d’une vingtaine de personnes. Autour, le vide. Le montage ainsi dévoilé ôte toute légitimité aux images et remet en question la déontologie de TF1, l’éthique de transparence morale du Front de Gauche et l’intelligence qu’ils confèrent au public. Ils ont eu tendance à oublier que le spectateur ne se contente plus d’avaler les informations qu’on lui sert sur un plateau. Sa défiance actuelle envers les médias et les politiques le pousse à chercher et à relayer d’autres informations via les réseaux sociaux. Ainsi en quelques clics il peut créer le « bad buzz » et ternir le blason de quiconque veut l’abuser.
 Les réponses des intéressés ne se sont pas faites attendre : le 3 décembre Mélenchon se rend au Grand Journal pour arranger ces incohérences de communication. En vain, suite à quelques contradictions. Il tente de prouver par un calcul que 100 000 personnes défilaient. Cependant une erreur dans ses données lui confirme l’exagération des chiffres annoncés. Pour sa défense, il insinue alors que la préfecture de police a divulgué ces chiffres pour que le cœur du problème ne suscite pas d’intérêt. La dénonciation est reprise par André Chassaigne, le président du groupe communiste à l’assemblée, qui pointe du doigt le Ministre de l’Intérieur : « Le piège a été tendu par Valls qui donne, lui, un chiffre déraisonnablement bas après l’annonce des 100 000 personnes. Valls atteint sa cible et ça permet de dévier le fond du débat. C’est fait intelligemment. »
 
Sur la question de la machination, l’ex-candidat à la présidentielle dément toute intention de la part de TF1. Il affirme que la masse qui apparaît sur l’interview émane d’une volonté propre des participants et ne relève pas d’une construction imposée destinée à améliorer son image ni manipuler l’opinion. Puis, à un autre moment de l’entrevue, il explique le désir du Parti de donner aux images une allure « militante » ; il finit alors par se contredire. Ces propos sont appuyés par Alexis Corbière, secrétaire général du PdG : « Les images ont une dimension politique, nous le savons bien. Pour présenter une manifestation, on n’allait pas faire l’interview dans une rue déserte. » Ceci implique donc le recours aux artifices médiatiques et à une construction qui s’oppose à la prétendue spontanéité du rassemblement.
 L’art de la mise en scène médiatique se pose donc comme inévitable et nécessaire à tout processus de communication politique. Subtilement dosée, un jeu presque théâtral contribue à l’amélioration et à la gestion d’une image. Mais gare à l’abus qui se solde souvent par une douche froide de la part de l’opinion publique.
 
 Caroline Dusanter
Sources :
Le Point
Le MOnde
AFP
Le Parisien
Placeaupeuple.fr
Partidegauche.fr
Le Blog d’Alexis Corbière
TF1
Le Grand Journal – émission du 3 décembre
Crédits photos :
Image de Une : Tweet du Front de gauche (1er Décembre)
Image 1 : AFP
Image 2 : Stephan de Vries

Campagne Homoparentalité Lepen
Archives

Jacques a dit « Eva aussi aurait pu avoir deux papas gays »

 
Bon d’accord, ce n’est pas Jacques qui l’a dit. On vous explique :
Période électorale oblige, les candidats à l’élection présidentielle ont  été vus partout, dans tous les médias et dans toutes les situations, plus ou moins réelles. Après avoir vu François Bayrou ou Nicolas Sarkozy à l’agonie dans une campagne en faveur de la légalisation de l’euthanasie, on retrouve six des dix candidats dans la peau, pour le moins surprenante, d’enfants et adolescents épanouis.
Cette idée peut prêter à sourire (ou au contraire être plutôt effrayante) mais elle traite un sujet bel et bien sérieux. Ces images ont en effet été réalisées dans le cadre d’une campagne web lancée par SOS homophobie pour défendre les droits des familles homoparentales.
François Bayrou, François Hollande, Eva Joly, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Sarkozy auraient pu, comme le répète la campagne, être eux aussi élevés dans des familles homoparentales et être heureux. Voilà le message simple véhiculée par l’association qui se bat depuis 18 ans pour l’égalité des droits des couples.
Le recours aux candidats pour cette campagne relève d’un double intérêt : tout d’abord, certains électeurs, ou du moins ceux qui n’ont pas fait une overdose, ont été à l’affût de toute apparition des aspirants présidents. Dans un tel contexte, la visibilité de leur message est assurée auprès d’un large public. Public dont faisaient à coup sûr partie les principaux concernés par cette campagne : les candidats.
SOS Homophobie avait auparavant sollicité chaque candidat sur douze de leurs revendications essentielles (mariage homosexuel, don du sang, sensibilisation à la diversité des relations amoureuses dans les programmes scolaires…) et mené plusieurs actions pour médiatiser ses problématiques. Et c’est cette campagne, relayée également par Le Monde, qui constitue le point d’orgue de la mobilisation. Ces images à la fois choquantes et drôles devaient interpeller les candidats sur un thème particulièrement discret, voire absent de cette (longue) campagne, bien qu’il divise très clairement les différents candidats. Liberté et ouverture pour les uns, respect des traditions pour les autres, la question des droits des lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT) a été relayée au second plan lors des débats mais gagne de l’importance grâce à cette nouvelle campagne bien ancrée dans l’actualité.
Même si les candidats se voient interpelés par cette campagne, ils peuvent également en bénéficier. Après tout, qui résisterait à un bébé Eva ou teenager François ? L’image des candidats devient de plus en plus importante. Le futur président se doit d’être présentable, souriant et d’être un citoyen lambda. Mathieu de Martignac, photographe pour Le Parisien, l’a bien compris, en proposant même aux candidats d’être pris en photo par… eux-même ! Quoi de mieux pour maîtriser sa propre image ?
La vidéo à voir ici >> laparisien.fr
En bref  l’ancrage dans l’actualité du message de SOS homophobie, qui lui reste intemporel, augmente l’impact de la campagne et vise directement les premières cibles visées. Mais le recours à l’image des candidats est-il une nouvelle tendance ou est-il amené à retomber dans l’oubli (et avec lui les thèmes abordés) dès la fin de la campagne et de sa couverture médiatique ? Les médias montrent ici une fois de plus leur pouvoir en s’adressant, quasiment sans intermédiaire aux candidats de l’élection.  Les enseignements à tirer de ce type de campagne publicitaire sont nombreux.  Et quel que soit son avis sur la question, on ne peut qu’apprécier de voir enfin des candidats souriants !
 
Manon Levavasseur
Sources :
Sos-homophobie
Lemonde.fr

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Oiseaux pris en photo en contre-plongée volant tous ensemble
Société

Twitter, la parole qui fourmille

Jeudi soir, Marine Le Pen était invitée de l’émission politique de France 2 orchestrée par David Pujadas et intitulée « des Paroles et des Actes ». Cette émission a pour but de faire passer les candidats face aux mêmes chroniqueurs pour qu’ils puissent expliquer et défendre leurs propositions de manière équitable. Ainsi, comme c’est l’usage dans cette émission, la candidate du Front National a fait face aux différents chroniqueurs (Nathalie St Cricq, François Lenglet et Fabien Namias) et à deux contradicteurs (Henri Guaino et Jean-Luc Mélenchon). Jusqu’à 5,9 millions de téléspectateurs[1] ont assisté à cette somme d’échanges plus ou moins instructifs.
Parallèlement, sur Twitter, le hashtag[2] « #dpda » a été très employé. Plus de 11.000 twittos sévissaient sur la toile et plus de 42.000 tweets avec le hashtag de l’émission ont ainsi été postés. Ces Tweets étaient de natures très diverses. Certains étaient émis par des journaux et renvoyaient à des articles en ligne relatifs à ce que disaient les protagonistes du débat pour permettre de mieux comprendre ce qui se disait. D’autres étaient émis par des journalistes ou des acteurs politiques et apportaient une analyse sur le fond ou sur la forme du débat. Enfin, une bonne quantité de tweets provenaient de simples téléspectateurs à la culture politique plus ou moins fine qui regardaient le débat en attendant l’arrivée de Mélenchon avec une excitation pareille à celle que l’on ressent quand on attend le début d’un match de foot. A cause du petit nombre de caractères possibles pour chaque message (140), certains sonnaient comme des maximes politiques ne pouvant souffrir d’aucune objection. Il y avait aussi beaucoup de messages pour commenter la prestation de David Pujadas ou la chemise à carreaux d’une fille dans le public.
Twitter s’est ainsi présenté comme un prolongement de l’émission. Une plateforme interactive où chacun peut donner son avis immédiatement à tout le monde. Pas de hiérarchie ni d’encadrement des twittos, juste un fourmillement de paroles. Mais tellement de tweets qu’on ne peut en aucun cas tous les voir. Quelqu’un suggérait de faire comme dans l’émission qu’animait Marc Olivier Fogiel sur France 3 il y a quelques années : mettre en place un bandeau en bas de l’écran de France 2 pour diffuser les tweets à tous les téléspectateurs. Imaginez la vitesse de défilement des tweets ! Et si on sélectionnait les meilleurs ? C’est contraire à l’idée de Twitter qui consiste à réduire les asymétries de parole… Et d’ailleurs cela poserait des problèmes de réalisation.
 
Thomas Millard

[1] Francetv.fr

[2] Thème du tweet précédé du symbole « # » pour en faire un mot clé. Ainsi, en un clic, on peut consulter tous les messages émis par les twittos du monde entier qui se rapportant à ce thème.

Affichette du front de gauche Janvier 2012
Société

2012 : Année du papier

Campagne des réseaux sociaux ! Génération Y à conquérir ! Election 3.0 ! Nadine Morano accro à Twitter ! Quelle mouche a donc piqué Jean-Luc Mélenchon pour qu’il décide de faire publier son programme aux éditions Librio ?
Oui, vous avez bien lu, le programme du Front de Gauche est disponible en librairie, imprimé sur de vraies feuilles, par de vraies imprimantes industrielles avec en prime une mignonne couverture en papier glacé toute pleine de rouge. Une erreur sûrement ! Même pas. Il s’en est déjà vendu 320 000 exemplaires. De quoi faire au moins sourciller le plus convaincu des technologistes, qui doit d’ailleurs commencer à voir apparaître quelques rides sur son front. L’engouement pour l’Indignez-vous de Stéphane Hessel, ses multiples traductions, son influence sur les manifestants de la Puerta del Sol ou de la City avaient dû en effet lui faire passer déjà quelques nuits difficiles.
Simple nostalgie révolutionnaire se rassure-t-il peut-être. L’imprimé a été le médium privilégié du socialisme du dix-neuvième siècle, une des conditions nécessaires à son développement. Ainsi, à ses arrières petits-enfants qui de nouveau se lèvent, le papier fournirait le sentiment d’une légitimité innée et un peu de l’aura des glorieux anciens. Il y a probablement de cela mais, cette explication suffit-elle ?
Probablement pas. Ce qui se joue ici, c’est sûrement autre chose aussi. Afin de l’apercevoir, intéressons-nous un peu à l’écrit d’écran, c’est-à-dire à la forme sous laquelle apparaît l’écrit en tant que signes et textes sur les écrans de nos ordinateurs. Sur ces supports nouveaux, l’écriture, si elle ne perd son intemporel aspect d’image, la retrouve sur un mode intangible. Elle n’est plus à portée de main mais à portée de clic, insaisissable et disparue une fois la lecture terminée. Ainsi du programme du Parti Socialiste, où dans sa rubrique du site internet les thématiques se chassent sans cesse et successivement l’une l’autre dans un bandeau vertical.
Mais, qu’importe peut-être tant que le récepteur-électeur a reçu tous les messages qu’on voulait lui destiner ? C’est un peu court. C’est surtout oublier l’importance de la matérialité du texte, de sa géographie notamment, atomisée et fugace ici. Si l’écrit doit donner à voir le monde, cela passe par sa forme. Si cette forme s’échappe à tout instant alors c’est la représentation d’un réel saisissable qui nous échappe tout bonnement. Le contraire du livre en somme.
De poche ou de collection, il est en effet cet objet qui renferme en lui une représentation tangible et inamovible de ce réel, une représentation stable et rassurante et donc une représentation d’où faire démarrer une action, un engagement. On ne mène pas de bataille sans carte, l’idée semble conserver quelque actualité.
 
Romain Pédron
Source : Emmanuël Souchier, « L’écrit d’écran, pratiques d’écriture et informatique », Communications et langages n° 107 [ www.persee.fr ]