TAFTA
Société

Dans la boîte noire du TAFTA, il y a …

Vous êtes un As de la fouille de terrain pluri-médiatique ? Vous avez reçu un catalogue des acronymes internationaux pour votre anniversaire ? Félicitations : la probabilité que vous ayez déjà entendu parler du TAFTA est non nulle.
Pour les autres, au risque de vous décevoir, le  »taffetas » dont nous parlons est loin d’être aussi soyeux que le tissu… Le Traité de commerce Transatlantique ou TAFTA, est un projet d’accord entre les États-Unis et l’Union Européenne, dont le but manifeste est de faciliter les échanges commerciaux entre les deux parties, notamment par le biais de l’harmonisation des normes. Ainsi dit, le projet semble promettre limpidité et efficacité. Bien loin d’être aussi franc et univoque en soi, de nombreuses dimensions de ce projet sont discutables, à la fois sur le plan démocratique, moral ou environnemental. Fort d’un double silence démocratique et médiatique, le projet évolue dans l’ombre.
Le TAFTA, Kézako ?
Le principe même du TAFTA consiste à achever la dynamique de libre-échange existant entre les Etats-Unis et l’UE, en mettant la priorité sur la facilitation du procédé de l’échange lui-même, et non sur d’autres aspects comme la qualité des biens & services échangés.
Les arguments avancés pour justifier la légitimité du TAFTA ont évolué dans le temps, l’un chassant l’autre quand celui-ci s’avérait réfuté : des retombées positives sur la croissance dans l’UE (…+0,05% du PIB européen pour la prochaine décennie), des créations d’emplois (qui seraient plutôt une « destruction massive d’emplois » selon Attac), une aubaine pour les PME (démenti par Attac entre autres)… Une communication qui peut sembler plutôt maladroite de la part de la Commission Européenne.
Les négociations devraient majoritairement aboutir au choix de lois moins contraignantes pour les multinationales et les banques. Ce faisant, les mesures de prudence prises dans l’Union Européenne concernant les effets néfastes, scientifiquement prouvés ou potentiels, de certains produits ou de certaines pratiques, pourraient désormais être abolies concernant l’agriculture intensive, les OGM, l’utilisation massive du gaz de schiste par exemple. Beaucoup de notions controversées qui pourraient pourtant devenir une réalité pour les européens dans un avenir proche.
Le silence démocratique
Un projet d’ampleur donc, illustré par le fait que le beau bébé va bientôt fêter ses 4ans. Mais si les négociations avancent sur le sujet, les enjeux démocratiques de représentativité et de justice demeurent.

Alors que les négociations se déroulent à huit-clos, la Commission européenne affiche un procédé de négociations « clair et transparent » sur Twitter, donnant ainsi un accès public à des documents… intégralement rédigés en anglais. L’occasion de se remémorer l’article 15 du traité sur le fonctionnement de l’UE, promettant « la participation de la société civile » et un « principe d’ouverture. ».
Les pays européens ont accepté en juin 2013 par mandat d’être représentés par des commissaires européens, nommés par les eurodéputés. Cependant, on peut regretter la faible ouverture du procédé à une multiplicité d’acteurs concernés par ce traité, puisque les négociants proviennent à 90% de la sphère économique. Le mystère entourant ces négociations est tel, que Julian Assange, fondateur de Wikileaks, a promis une récompense de 100 000 euros à quiconque ferait fuiter le document.
Dans le monde de l’après TAFTA, les États ont perdu toute souveraineté vis-à-vis des grandes entreprises : une clause instaure en effet le droit des entreprises à poursuivre les États s’ils estiment que certaines décisions institutionnelles constituent des obstacles à leur développement. Ce monde existe déjà : au Canada, où le NAFTA est en vigueur depuis 1994, des multinationales comme Lone Pine ou Monsanto ont obtenu gain de cause.
TAFTA : Une maille manquante au tissu médiatique
La visibilité médiatique, notamment télévisuelle, des enjeux du traité est plutôt mince. Pourquoi les effets cancérogènes de la viande ou la COP21 sont-ils préférés par les chaînes ? La faible exposition médiatique de cette cause pourrait s’expliquer par la lenteur du processus de négociation du TAFTA, inadapté aux logiques reines de buzz ou de coup médiatique.
Concernant les chaînes privées, leur dépendance vis-à-vis de grands groupes à l’activité fortement diversifiée comme Havas ou Bolloré peut avoir des répercussions sur leur programmation. Mais comment expliquer le silence des chaînes publiques ?
Nous remarquons que la chaîne Youtube « Datagueule », qui se saisit largement de problématiques actuelles comme le TAFTA, est réalisé en coproduction avec France Télévisions. Pourquoi ne pas défendre cette cause sur des chaînes grand public ? Le TAFTA est en effet majoritairement évoqué par des médias dont l’audience est restreinte et ciblée (Public Sénat, France Culture ou encore Mr.Mondialisation). La mise à l’agenda médiatique est pourtant une condition nécessaire au débat public.
Quoi qu’il en soit, le silence qui entoure le TAFTA est une aubaine pour les extrêmes de tous bords, à l’heure où l’Europe est tourmentée et remise en question par certains, à l’image de Philippe Loiseau, député européen Front National.

Le manque de transparence du procédé alimente les esprits conspirationnistes et nationalistes, qui jouent sur la confusion de l’UE et l’opacité des négociations du TAFTA pour promouvoir un repli sur la patrie. La mobilisation du Président du Bundestag en Allemagne souligne le silence des responsables politiques français notamment.
Dans tous les cas, qu’il s’agisse d’une frilosité politique, d’une dépendance des médias privés ou d’une résignation des médias télévisuels publics, le cas du TAFTA permet de penser le rôle majeur de la télévision dans la mise à l’ordre du jour des sujets dans l’opinion publique.
Fiona Todeschini
@FionaTodeschini
Sources :
Émission France Inter, « Le Téléphone sonne » de Nicolas Demorand. « Où en sont les négociations du TAFTA ? », jeudi 29.10.15 avec Elvire et Yannick Jannot
La Croix. Consulté le 29/11/2015 – http://www.la-croix.com/Actualite/Europe/Comment-les-commissaires-europeens-sont-ils-designes-2014-10-07-121761
Somofus, “TTIP/TAFTA et ses investisseurs tout-puissants”. https://www.youtube.com/watch?v=LLi4dej-nw
Datagueule, « TAFTA gueule à la récré – https://www.youtube.com/watch?v=zHK1HqW-FQ
Attac TV https://www.youtube.com/watch?v=-AXPpS5n_gE 
Boulevard voltaire – http://www.bvoltaire.fr/hildegardvonhessenamrhein/president-bundestag-se-rebiffe-contre-traite-transatlantique,215456
Traité sur le fonctionnement de l’UE, en ligne.
Crédits photos :
Comptes Twitter de Philippe Loiseau et de la Commission européenne
Photo de couverture : mr.mondialisation.org
Pour plus d’informations, consulter le site de la Commission Européenne, le site de Public Sénat, ou encore le site du Monde, comportant une rubrique consacrée uniquement au TAFTA.

Flops

UFC QUI PUNIR ?

 
L’association de consommateurs UFC Que Choisir a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris Facebook, Twitter et Google+ pour clauses jugées « abusives ». L’association s’est attaquée aux plus grands et pointe du doigt leur manque de transparence quant à la gestion des données personnelles des internautes.
L’association avait déjà mis en demeure ces géants de l’internet en juin 2013, et déplore l’avancement des discussions depuis l’année dernière : « Après plusieurs mois de discussions, malgré nos avertissements, ils s’entêtent à maintenir des clauses que l’association juge abusives ou illicites, et ont fait le choix de maintenir les clauses problématiques de leurs conditions générales d’utilisation ».
En effet, il n’y a eu aucun progrès concernant la transparence des accusés. « Les conditions sont toujours aussi inaccessibles, illisibles, remplies de liens hypertextes – entre 40 et 100 liens hypertextes – renvoyant parfois à des pages en langue anglaise », « Pire, les réseaux persistent à s’autoriser très largement la collecte, la modification, la conservation et l’exploitation des données des utilisateurs et même de leur entourage. Ils s’octroient toujours, sans l’accord particulier des utilisateurs, une licence mondiale, illimitée et sans rémunération, d’exploitation et de communication des données à des partenaires économiques » déplore l’UFC.
Alors que des millions d’internautes partagent des messages, des photos ou des vidéos, l’association demande à Facebook, Twitter et Google+ de respecter le code de la consommation ainsi que la loi Informatique et des libertés. La politique de ces derniers permettrait une utilisation tentaculaire et à l’infini de nos données personnelles, un véritable enjeu et une vraie problématique à l’heure où l’information est devenue une véritable monnaie d’échange.
Selon Alain Bazot, patron de l’UFC, l’assignation en justice est justifiée par le fait que le plus souvent les internautes ignorent que ces réseaux peuvent utiliser leurs informations, les transmettre ou les vendre. L’UFC prend l’exemple de l’icône de partage d’un message ou d’un article via Twitter, Facebook ou Google+. « Ce sont des icônes espions qui permettent de savoir que vous avez visité la page et qui suivent votre comportement sur Internet ». Le but serait de favoriser la publicité ciblée. Vous savez, cette fameuse publicité qui mettent en avant un appareil photo ou des chaussures devant lesquelles vous bavez depuis des mois, et qui apparait innocemment sur votre compte Facebook, cette publicité qui enrage et qui nous alerte sur la disponibilité de nos informations personnelles.
Certains bugs informatiques, comme les messages privés qui apparaissent sur les murs Facebook de chacun, nous rappellent que ces informations sont stockées et utilisables sans que l’on puisse avoir une quelconque emprise sur celles-ci. C’est pourquoi les internautes – de moins en moins dupes – se posent de réelles questions sur la protection de leurs informations personnelles. Selon un récent sondage de CSA pour Orange, 42 % des Français pensent que la protection s’est détériorée et 85 % déclarent être dans l’impossibilité d’effacer d’Internet des informations les concernant.
L’association a donc mis en ligne une pétition intitulée « Je garde la main sur mes données » illustrée par des vidéos « Sur les réseaux vous êtes vite à poil » :

L’association française n’est pas la première à faire état du manque de transparence des réseaux sociaux. Le 31 décembre 2013, Techbrunch a publié un article révélant le piratage de l’application Snapchat par le site SnapchatDB.info. Les informations de 4,6 millions d’usagers de Snapchat ont alors été rendues publiques. Le but premier de ce piratage était de pointer du doigt la faible protection des informations des usagers de l’application. Snapchat a immédiatement réagi en annonçant une nouvelle version sécurisée afin de rassurer ses usagers. Le piratage de cet outil de communication a fait ressurgir bien évidemment des débats sur la limite de la vie privée sur les réseaux sociaux.
Le signal d’alarme a été enclenché : il serait temps que les géants commencent à faire preuve de plus de transparence.
Sibylle de la Marandais

Sources :
Lemonde.fr
Leparisien.fr
Quechoisir.org

Cristina
Com & Société

Il était une fois une princesse, qui fit tomber la couronne

 
Ce sont des temps difficiles qu’est en train de vivre la couronne espagnole : l’Infante Cristina, fille cadette du roi Juan Carlos, duchesse de Palma de Majorque, septième dans l’ordre de succession au trône d’Espagne, est invitée à comparaître le 8 mars prochain devant la justice de son pays, soupçonnée, entre autres, d’avoir blanchi de l’argent. Qu’une princesse soit ainsi suspectée de malversations financière, c’est bien une première dans l’Histoire de la Péninsule, qui pourrait bien coûter son titre à son père, dont la couronne est déjà vacillante et souffrant d’un gros déficit de popularité.
L’ancienne star du handball espagnol, Iñaki Urdangarin, co-fondateur d’une société patrimoniale spécialisée dans l’organisation de congrès sur le sponsoring sportif, et accessoirement époux de l’Infante, est en prise avec la justice espagnole depuis près de trois ans. Il est accusé d’avoir réussi à réunir près de six millions d’euros grâce à l’institut Noos, détenu en moitié par sa royale épouse. En novembre dernier, le juge Majorque en charge de l’affaire avait saisi le « petit palais » des époux princiers, une sobre maison de 2 000m2 située dans le très chic quartier de Pedralbas à Barcelone. Après neuf mois d’une enquête minutieuse, l’Infante va devoir justifier  sa position et son implication dans les affaires illégales de son mari. Le juge la soupçonne d’avoir blanchi et géré l’argent obtenu illégalement par ce cher Iñaki et il est certain d’avoir entre les mains les preuves nécessaires pour mettre la duchesse dans ses geôles.
Les médias espagnols sont eux aussi convaincus de l’implication de l’héritière, désignant l’amour comme motif de cette trahison. Quant aux Espagnols, ils attendent avec impatience que le couple royal s’explique, et notamment sur le train de vie des époux, rendu public par l’enquête, que l’on pourrait qualifier de scandaleux en ces temps de crise économique. Amoureuse ou non, l’implication de la princesse héritière dans de louches transactions financières et la façon dont elle semble en profiter si allègrement porte quoiqu’il en soit préjudice à l’image de la famille royale et devrait mobiliser une armée de communicants. Mais celle-ci est déjà bien entachée par ailleurs et la communication du palais semble ne se limiter qu’à de rares coups de com sans logique d’ensemble.

En effet, cette nouvelle, parue le 7 janvier dernier dans la presse, tombe comme un couperet sur la tête du roi, et prolonge « l’annus horribilis » de Juan Carlos, déjà en disgrâce auprès de son peuple et roi maudit depuis de longs mois : le sceptre avait failli lui glisser des mains lorsqu’il s’était rendu en avril dernier au Botswana pour aller chasser l’éléphant, safari au cours duquel il s’était fracturé la hanche. Si des excuses publiques, encore une première dans l’histoire de la royauté, avaient un peu réussi à redorer son image, la balle que son petit-fils de 13 ans s’était tirée dans le pied avait douloureusement rebondit médiatiquement dans le sien et trainé derrière lui comme un boulet. Par ailleurs, l’auto-proclamation d’enfants naturels et ses frasques amoureuses possibles qui avaient fait couler beaucoup d’encre à la parution d’une biographie de son épouse, la reine Sofia, ont concouru à entacher, peut-être définitivement, sa crédibilité auprès de ses sujets.
Aussi, le roi qui ne peut plus marcher sans béquille, s’était appuyé sur une communication politique en apparence solide mais qui n’est pas parvenu à endiguer sa chute dans les sondages, peut-être à cause de son caractère trop épisodique: seuls 50,1% des Espagnols ont une bonne image de leurs suzerain contre 76,4% il y a moins d’un an. Ce n’est pas en multipliant ses déplacements dans le pays et à l’étranger ou par à la création d’un site internet en 2012 ou encore d’une nouvelle émission hebdomadaire rendant compte chaque semaine des activités des Bourbons, que sa Majesté a réussi à établir un nouveau contact avec son peuple, et notamment avec les plus jeunes : 57,8% des moins de trente ans estiment qu’un meilleur système politique pourrait être mis en place. C’est dire si les quelques actions de com du palais ont payé.
Mais avant qu’un nouveau régime soit inauguré, c’est le peuple qu’il conviendrait de fédérer à nouveau et c’est la tête du roi que 45% des Espagnols demandent pour mettre sur le trône son fils Felipe. Une étude parue en début d’année dans le quotidien El Mundo révèle que près de 60% des Espagnols estiment qu’il est temps pour le roi de se retirer.
Ainsi, après 37 ans de règne et de services rendus à la nation, c’est bien l’abdication qui menace le souverain aujourd’hui. Malgré son rôle décisif dans la transition démocratique après Franco, les Espagnols ne soutiennent plus un roi aujourd’hui vieillissant et malade, l’invitant à prendre exemple sur la reine Beatrix des Pays-Bas qui a laissé sa couronne le 30 avril dernier à son fils, ou sur Albert II, roi de Belgique, qui le 21 juillet a pris sa retraite, ou bien sûr, sur le Pape Benoît XVI.
De là, on peut se demander si l’opinion publique n’est pas la nouvelle autorité divine des puissants. On pourrait tirer de ces abdications en série l’enseignement suivant : alors que leurs illustres prédécesseurs jouissaient d’un droit divin séculaire, les monarques de notre ère doivent désormais répondre de leurs actes devant la sphère publique et tirent aujourd’hui leur légitimité de leur cote de de popularité et de l’amour de la foule. La communication politique, nouvelle épée dont doivent s’armer les rois modernes ? Quoi qu’il en soit, celle de Juan Carlos semble coincée dans son fourreau, au moment même où il devrait déjà être en croisade !
 
Inès Garmon
Sources
LeMonde
HuffingtonPost
CourrierInternational
Crédits photos
Esmatouristic
GHI

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