Edito

FastN fait peau neuve

 
Chers lecteurs, chères lectrices, nous sommes très fières de vous annoncer la rentrée des classes chez FastNCurious !
En ce début d’année scolaire l’ancien bureau s’est attelé à sélectionner et former cette nouvelle équipe afin de lui passer – comme il se doit – le flambeau du blog. Nous les remercions pour leur confiance et pour le temps qu’ils nous ont accordé, nous ferons de notre mieux pour en être dignes.
Après deux mois d’été, la famille FastN reprend du poil de la bête et vous présente une équipe toujours plus nombreuse avec 42 rédacteurs et deux nouveaux membres au bureau, pour être encore plus aux petits soins de nos lecteurs adorés.
En prévision : Bien entendu des articles sur l’actualité de la communication toujours aussi aiguisés et pertinents, la refonte de notre site, le retour des conférences BuzzOff (mais pas que…), de nouveaux partenariats en perspective, et enfin des formats innovants avec la création d’un pôle audiovisuel pour vous livrer un contenu transmédiatique et varié !
On vous tiendra au courant des évolutions sur le blog et sur les réseaux sociaux, alors on n’hésite plus : On like la page Facebook et on follow le compte Twitter !
Stay tuned,
Le pôle présidentiel : Marion Bieysse, Marine Aubenas et Inès Fière.

Société

Passer outre les clichés sur l'Outre-Mer

Le petit écran est, comme tous les lieux de représentation, régulièrement accusé de véhiculer des stéréotypes. Des clichés de tout types (de la femme bimbo aux jeunes en passant par la banlieue) sont confortés par le « quatrième pouvoir » qu’est la télévision en rendant visible un imaginaire collectif stéréotypé. Cependant, combattre les clichés plutôt que d’y contribuer peut être un choix de ligne éditoriale. C’est en tout cas le pari que se sont lancés Sébastien Folin et toute son équipe avec l’émission C’est pas le bout du monde diffusée sur France O depuis le 7 mars 2017, et qui a pour ambition de lutter contre les clichés sur les DOM-TOM.
L’émission, C’est pas le bout du monde
Il y a comme un air de déjà vu pour le téléspectateur qui a allumé son poste de télévision le 7 mars au soir. En effet, le plateau de C’est pas le bout du monde ressemble à ceux des grands talk-shows avec sa table en triangle faite de bois et de verre, autour de laquelle on retrouve le présentateur entouré de son équipe et de ses invités. Le logo de l’émission rappelle également ceux des talk-shows de Canal+ avec un effet graphique et le rappel des initiales. Ainsi le média fait appel au familier pour déconstruire les images communes.
Programmée jusqu’en juillet à raison d’une émission par mois, C’est pas le bout du Monde entend mettre en valeur la diversité et la richesse des cultures de l’Outre-mer en allant au-delà des idées préconçues. Pour ce faire, Sébastien Folin a à ses côtés trois experts qui ont trois regards différents sur la diversité culturelle qu’offre l’Outre-Mer. On retrouve Elliot Chemlekh pour l’humour, Erika Govinda Rajen pour le sérieux et l’expertise journalistique et Fabrice d’Almeida pour le regard de l’historien.
Il s’agit de découvrir des lieux et des traditions inscrits au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, d’en savoir plus sur des chanteurs ultramarins ou encore d’aller dans les coulisses des musées des DOM-TOM, pour que les métropolitains comme les ultra-marins en sachent plus sur les diversités et les richesses des territoires d’Outre-mer.
Les invités sont choisis pour donner l’image la plus sincère possible de l’Outre-Mer. Pour la première émission, c’est Rachid Badouri qui fut invité. L’humoriste québécois aime à souligner les différences culturelles entre le Québec et la France, celles entre le Maroc, pays dont est originaire son père, et le Québec. Bref, Rachid Badouri était l’invité idéal pour aborder les différences culturelles dans le cadre détendu du talk-show puisque son approche humoristique des différences culturelles appliquée à l’Outre-Mer donne d’emblée le ton de l’émission de Sébastien Folin.
Les stéréotypes sur les DOM-TOM ont toujours le vent en poupe
L’Outre-Mer semble être l’oubliée des médias français. Lors des dernières élections régionales, aucun média n’avait diffusé les résultats des DOM-TOM. Le directeur du CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires) s’était emporté face à cet oubli et avait déclaré: « Nous en avons assez que L’Outre-mer compte pour du beurre » et avait ajouté « Ce mépris régulier constitue à la fois un déni de démocratie et une forme de racisme par omission ». A la suite de quoi, le CRAN avait saisi le CSA qui doit garantir le traitement médiatique des outremers au même titre que les territoires de l’hexagone lors de résultats d’élections. L’association « OriZon Réunion » s’en est quant à elle remise à l’Etat en lui demandant de communiquer davantage sur ces territoires. L’objectif est que les ultramarins soient des membres de la République reconnus à part entière, différents mais pas indifférenciés en tant que citoyens français et donc qu’ils soient comptabilisés dans les calculs et les statistiques électorales comme toutes les autres régions et collectivités.
Cette absence dans les médias ne se résume pas aux résultats électoraux. En effet, en 2011, Claudy Siar, délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’outre-mer, avait déjà dénoncé les « injustices concrètes » dont étaient victimes les territoires et départements d’outre-mer. A commencer par l’absence de bulletins météo dédiés à ces territoires.

En outre, lorsque les médias font référence à l’Outre-mer, ils mettent en avant les images collectives que l’on se fait de ces territoires. Zouk, plage et cocotiers viennent tout de suite à l’esprit quand on parle des DOM-TOM. Les cadres paradisiaques des clips de Francky Vincent ou de la Compagnie créole diffusés sur le petit écran dans les années 80 et des séries françaises comme Meurtres au paradis font désormais partie de l’imaginaire collectif, et ont construit l’image que les téléspectateurs se font de ces lieux et participent à conforter les clichés associés aux DOM-TOM.
Branle-bas de combat chez France Ô
L’ambition première de France Ô était de répondre à ce déficit de traitement médiatique des DOM TOM dans les médias français. Il s’agissait de créer une chaîne de télévision qui puisse offrir aux Français d’outre-mer vivant en métropole une fenêtre sur leurs régions. Cependant, la chaine d’information peine à trouver une ligne éditoriale clairement définie. France Ô est tiraillée entre ses racines ultramarines et l’injonction qui lui est faite de s’adresser à toute la diversité française. Ces difficultés se traduisent par des audiences très faibles (le 25 octobre 2014, la chaîne a même réalisé 0% de part d’audience). En ce sens, c’est un échec pour France Télévision qui tente d’accorder davantage de visibilité à l’Outre-mer mais qui n’est pas suivi par l’audimat dans sa démarche d’ouverture, ce qui a amené le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à se poser la question du maintien de la chaîne au sein du groupe public. Finalement, France O fut maintenue au sein de France Télévision avec pour mission de concentrer sa programmation sur l’ultramarin dès la rentrée 2016 et depuis les audiences redécollent. Un jour en outre-mer, ou encore Génération What ? Outre-mer sont des émissions aux lignes éditoriales plus proches du terrain ultramarin. Ainsi, elles ont participé à la hausse de part d’audience ainsi qu’à rendre France O plus visible médiatiquement.

C’est pas le bout du monde vient donc compléter cette grille de programmes en ajoutant au combat pour la visibilité de l’outre-mer celui de la lutte contre les clichés que les médias font circuler à son propos et arrivera sûrement à convaincre les autres médias d’intégrer l’Outre-Mer à leur contenu.
Judith Grandcoing
Twitter
Sources:
Fabien Piliu, La métropole s’intéresse-t-elle enfin à l’Outre-Mer? La Tribune, le 12.12.2016, consulté le 16.03.2017
Les invités de Mediapart, L’absence de l’Outre-Mer, un déni d’identité? Mediapart le 21.09.2011, consulté le 17.03.2017
AFP, Le CSA saisi sur l’absence des Outre-mer dans les médias, L’expansion, le 14.12.2015, consulté le 16.03.2017
Anne Sogno, C’est pas le bout du monde, Sebastien Folin contre les clichés, Nouvel Obs, le 07.03.2017, consulté le 16.03.2017
Sebastien Folin, Haro sur les clichés de l’Outre-Mer, l’Instant M, le 06.03.2017, consulté le 06.03.2017
Crédits images:
. Pleine vie, Sebastien Folin nous parle de l’Outre-Mer pour sa nouvelle émission c’est pas le bout du monde, le 05/03/2017
. Telecaps, Anais Baydemir présente la météo sur France 2 le 29/08/2013
. L’observatoire Caledo, Génération What ? le 20/11/2016

Libération.fr
Flops

Libération.fr: la bombe éditoriale

Qui l’eût cru ? Le quotidien français Libération, taxé de racisme, de sexisme et d’islamophobie ! Le monde de la presse est une nouvelle fois ébranlé. Luc Le Vaillant, auteur de la chronique « La Femme voilée du métro », publiée le 7 décembre sur Libération.fr, a écorché l’aura de sa rédaction. Rien de mieux qu’une petite étincelle médiatique pour allumer un grand brasier sur les réseaux sociaux, dans un contexte social et politique particulièrement heurté.
Quand le fantasme rencontre la maladresse

Et le César de la gaffe éditoriale de l’année est décerné à … Luc Le Vaillant ! On peine à comprendre comment un journaliste expérimenté et reconnu par ses pairs a pu exprimer si maladroitement sa pensée. Dans sa chronique du 7 décembre, il raconte son anxiété délirante et contagieuse lorsqu’il croise dans une rame du métro parisien une jeune femme, vêtue d’une « abaya couleur corbeau ». Certaines phrases choquent et heurtent brutalement l’imaginaire du lecteur, quelques semaines après les attaques de Paris.
Même si Luc Le Vaillant a mentionné en tête d’article qu’il s’agit d’une « recension des craintes réelles et fantasmées comme des répulsions laïques déclenchées par une passagère en abaya, dans une rame d’après-attentats », le mal est fait : l’article provoque une polémique médiatique aussi soudaine que violente. Mais le premier problème n’est-il pas simplement rédactionnel ? En effet, force est de constater un certain manque de clarté de la part du journaliste, qui s’est défendu en expliquant qu’il ne faisait qu’inventorier des pulsions et appréhensions incontrôlables dont il se sentait lui même honteux.
Un article inapproprié dans un contexte socio-politique délétère
De cette bévue éditoriale découlent nécessairement des interprétations inattendues des propos de Le Vaillant. En parlant du voile de la jeune femme, il écrit : « Cette autre soutane monothéiste lui fait la cuisse évasive, la fesse envasée, les seins restreints. Les cheveux sont distraits à la concupiscence des abominables pervers de l’Occident décadent ». Comment ne pas dénoncer le caractère ostensiblement misogyne et sexiste d’une telle phrase ? Le Vaillant allégorise à merveille la perversité dont il voudrait pourtant se détacher. Plus loin, on peut lire « Si l’œil du voisin de strapontin se fait inquisiteur, ce n’est pas pour pincer le bourrelet charmeur mais pour palper la possibilité d’une ceinture de chasteté explosive ». De quoi en fait bondir plus d’un. Raciste, islamophobe … les qualificatifs ont abondamment circulé sur le net pour dépeindre à la fois le texte et l’auteur, de manière totalement confondue.
Pourquoi un tel débordement médiatique ? Tout d’abord, le contexte se prêtait assez peu à un article aussi subversif. Les attentats ont été, malgré eux,  la cause d’une crispation identitaire, réaffirmée à la veille des élections régionales. Les scores historiques du Front National au premier tour ont cristallisé  un sentiment d’inquiétude généralisée, que la chronique de Le Vaillant réactive à ses dépens. L’auteur mêle à ses angoisses les récentes révélations concernant la proportion de « fichés S » dans le  personnel de la RATP et de la SCNF : « [A Saint-Sulpice, le flip revient et] je me raconte que la femme voilée est en cheville avec le conducteur salafiste et que mon supplice en sous-sol est pour bientôt ».
Par ailleurs, un tel article s’oppose diamétralement à la ligne éditoriale de Libération. Quotidien social-démocrate par excellence, il n’a de cesse de prôner la tolérance et le respect mutuel, depuis sa fondation en 1973 par Jean-Paul Sartre. Chacun est en droit de se demander comment la rédaction a pu autoriser la publication de la chronique, tant elle s’éloigne de ses idéaux. Celle-ci n’a pas vocation, a priori, à réparer la fracture socio-identitaire qui pourrait s’installer dans notre pays. Bien au contraire, elle ne fait qu’alimenter une certaine forme de discours communautaire.
La colère sur les réseaux sociaux : amplification et distorsion des faits
 

 

 
L’esclandre semblait donc inévitable. Plus de 6000 réactions ont été recensées sur Twitter pour condamner la chronique. Celle-ci a été si sévèrement jugée qu’elle a bénéficié  de la création du mot-clé #LibéRacisme.
Cet impair pourrait bien coûter très cher au quotidien. Plusieurs lecteurs réguliers ont annoncé leur intention de se désabonner de Libération. Ceci pourrait, à terme, représenter un immense manque à gagner pour une rédaction qui peine à rester à flots. Pour preuve, la diffusion moyenne du quotidien a très fortement baissé depuis 2001, passant de 174000 exemplaires vendus par jour à 93000. Par ailleurs, les ventes en kiosque ont reculé de 26% au cours du mois de septembre 2015, illustrant par là un phénomène récurrent.
Penchons-nous maintenant sur l’effet boule de neige que les réseaux sociaux suscitent à chaque nouvelle polémique. Il faut rester mesuré face aux buzz à répétition qui peuvent conduire à des schémas de pensée trop simplistes. Par ailleurs, la déformation et l’exagération de certains propos ciblés font l’apanage de tels phénomènes. Aujourd’hui, les internautes se laissent parfois emporter par la logique du flux continu d’informations et de la publication instantanée de ses états d’âme. Twitter, par son format interactif, alimente quiproquos et controverses.
Pour pallier ce phénomène galopant, d’autres fidèles de Libération sont montés au créneau pour défendre l’intégrité du journal, rappelant qu’un journaliste isolé était loin d’être représentatif de l’ensemble de la rédaction :
 

 

Entre dissensions internes et excuses publiques
Au sein de la rédaction, la chronique divise. Certains journalistes, outrés par des propos qu’ils jugent déplacés et indignes de Libération, affirment se désolidariser de ce contenu.
 

 

 
Et pour preuve, dans un communiqué de presse, la société des journalistes de Libération écrit : « Au sein de l’équipe, de très nombreux journalistes ont également fait part ce mardi de leur désapprobation sur un contenu qui ne reflète pas, à leurs yeux, les valeurs du journal et leurs convictions personnelles ». Certains se sentent trahis, d’autres ne comprennent pas un tel faux-pas éditorial, et pour cause. Willy Le Devin, journaliste à Libération et auteur de nombreux articles sur le terrorisme, a par exemple  affiché sa désapprobation et son désarroi sur les réseaux sociaux.
Pour remédier à cette faute journalistique, Laurent Joffrin, le directeur de Libération, a adopté la double stratégie de la défense et des excuses, un grand classique. S’appuyant sur la renommée de son chroniqueur et le sérieux de son journal, ce dernier remet en cause le bien-fondé de telles accusations dans un court billet : « L’accusation de racisme ou de sexisme qui court ici et là est évidemment ridicule quand on connaît un tant soit peu notre chroniqueur et notre journal (…). Si des lecteurs ont été blessés par ce texte, nous en sommes désolés. » 
Cette technique, à la fois simple et efficace, semble être la meilleure option que pouvait adopter le directeur de Libération dans un tel contexte. Espérons que Luc Le Vaillant  aura retenu la leçon et tournera sept fois sa plume dans l’encrier avant d’écrire et de publier à nouveau !
Céline Viegas
LinkedIn 
Sources:
Indigestion générale après une chronique de « Libération », 08/12/15, M blogs 
« Libération » accusé de racisme et de sexisme après une chronique sur une femme voilée, 08/12/15, Amandine Schmitt, L’Obs média 
« La femme voilée dans le métro » : taxé de racisme, Libération réagit, 08/12/15, Grégoire Martinez, Europe 1 
A propos d’une chronique de Luc Le Vaillant, 08/12/15, Laurent Joffrin, Libération 
Une chronique «raciste» et «sexiste» de Libération fait polémique, 08/12/15, Eugénie Bastié, Lefigaro.fr 
Crédits photo: 
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