Flops

Ne nous soumets pas à la tentation

Inciter à croquer la pomme sur l’arbre d’à côté ne semble pas plaire à tout le monde. Au début du mois de février les réseaux de transports Transdev et Keolis ont retiré des publicités du site de rencontres adultérines, Gleeden, à l’arrière de leurs bus qui sillonnent plusieurs communes des Yvelines. Ce retrait fait suite à la pétition d’un groupe catholique conservateur qui a récolté plus de 20 000 signatures.
Les réseaux sociaux ne sont pas en reste. La campagne publicitaire a vu poindre des commentaires outragés dans plusieurs villes d’Ile-de-France.
« Incitation au non-respect du droit civil »
C’est en ces termes que le maire UMP Marc Robert a qualifié la campagne publicitaire de la marque. Les Associations Familiales Catholiques vont plus loin dans la contestation et assignent en justice la société éditrice Black Divine, l’accusant de promouvoir l’infidélité en violation de l’article 212 du Code Civil. Rappelons par ailleurs que l’infidélité n’est plus considérée comme un délit pénal depuis 1975.
Le site quant à lui crie à la censure et à « une atteinte à la liberté d’affichage ». Il explique par ailleurs que ses publicités ont été validées par le Jury de déontologie publicitaire et Média transports, une régie publicitaire des transports. En 2013, des plaintes de même nature ont déjà été déposées auprès de l’instance indépendante mais n’ont pas donné suite, étant qualifiées de « non fondées ».

Fidèle à sa communication sulfureuse
Gleeden, créé en 2009, s’appuie sur une communication sulfureuse et provocatrice. Il est d’ailleurs fait mention sur le site qu’une de ses missions est d’«aller à l’encontre de l’hypocrisie générale et [de] faire tomber le tabou de l’infidélité. » Ce qui ne convient pas à tout le monde. « Ces publicités posaient un certain nombre de problèmes à une partie de la population, notamment des catholiques pratiquants les plus attachés aux valeurs familiales », avance la municipalité de Versailles.
Outrage encore plus prononcé du fait des références bibliques utilisées par la marque pour construire sa communication publicitaire. Tout d‘abord, l’utilisation des termes constitutifs du nom de la marque « Gleeden » : « glee », jubilation en anglais, et « eden » signifiant le paradis terrestre, le lieu de délices. Puis la pomme croquée, qui est présente sur chaque affiche publicitaire, symbole iconique de la tentation dans laquelle est tombée Eve, le péché de chair.
Toutefois il n’y a aucune représentation, aucune exposition des corps. L’insolence des propos s’appuie, comme l’explique Olivier Aïm, maître de Conférences au Celsa, sur « une mauvaise foi » non feinte. Les messages publicitaires prennent la forme de maximes faussement sages, donnant l’illusion d’arrières pensées portant vers un désir défendu dont Gleeden s’octroie le rôle d’en soulever le voile. Il est ici question de « jouissance intellectuelle ». « Il s’agit de viser la tête du passant, pour réimprimer à chaque fois le choc cognitif d’une logique paradoxale. »

L’infidélité en public
Afin d’expliquer la manifestation physique contre les affiches de Gleeden, M. Aïm avançait par ici, la première hypothèse d’une saturation du modèle énonciatif. Les concurrents directs du site ainsi que des annonceurs divers réemploient la construction «  purement verbal » de son message publicitaire au profit de leur propre communication.
De plus, les messages publicitaires de la marque s’affichent aux yeux de tous : les abribus, les quais de métro, sur les arrières de bus. L’immoral fait alors son entrée dans l’espace public.
Fait plus marquant, samedi 31 janvier Gleeden, jouant toujours sur la provocation promotionnelle, a créé la surprise en dévoilant sa présence au Salon du Mariage. Les avis ont été très controversés. Pour les plus hostiles, il s’agit d’une intrusion dans un espace symbolique. Gleeden, en restant fidèle à ses utilisateurs, a trompé le Salon du Mariage, accomplissant ainsi un sacrilège.
Gleeden fera sans doute encore parler de lui. En attendant il est cocasse de noter que Versailles, l’une des villes qui a fait retirer ces affiches publicitaires, est également l’une des « villes qui trompent le plus », d’après le nombre d’inscrits. Elle se trouve en effet en cinquième position du classement.
Hélène Hudry
Sources :
lemonde.fr
fastncurious.fr
metronews.fr
gleedentemoignages.com
jdp-pub.org
Crédits photos :
rtl.fr
gentside.com
gleeden.com
 

Welcome to New York
Société

Welcome to New York : une histoire Kahnoise

 
Pendant que certains festoient la fin du Festival et la remise de la Palme d’or à Nuri Bilge Ceylan et que d’autres quittent la croisette les mains vides, déçus de ne pas avoir su trouver leur place au palmarès, il y en a qui s’en vont avec le sourire. Sont-ils satisfaits des résultats de la présentation de leur long-métrage dans la compétition ? Non… Leur film ne faisait même pas partie de la sélection, il ne sortira d’ailleurs pas au cinéma. Et pourtant, producteurs et distributeur rentrent ravis. Pari réussi.
Le buzz, entretenu depuis longtemps, était savamment orchestré autour d’un dispositif communicationnel colossal. Welcome to New York, on peut le dire, fait office d’OVNI dans le paysage cinématographique actuel – une belle occasion pour revenir sur une opération marketing sans précédent, empreinte d’un nouveau commencement dans la législation du circuit de diffusion des films en France.
Trois festivals de Cannes, trois coups de buzz
Il y a trois ans, pendant qu’Amour remportait la Palme d’or, l’affaire DSK éclatait au grand jour, donnant à Wild Bunch une bonne idée pour s’en mettre plein les poches. En quelques jours seulement, Cannes est pris d’assaut par des rumeurs indiquant le commencement de l’écriture d’un scénario s’inspirant de l’affaire.
L’année suivante, en plein tournage du film, la croisette est cette fois-ci marquée par la fuite mystérieuse d’une bande-annonce de travail. Le distributeur se défend alors d’avoir instrumenté une quelconque opération marketing, déclarant que le chef-opérateur du film ignorait tout simplement que ces images étaient confidentielles. On y croit vraiment ?
C’est toutefois cette année que le distributeur a eu l’idée de génie : présenter le long-métrage pendant le festival et sur place, sans y être invité. Le film a en effet été donné à voir en avant-première mondiale dans un cinéma de quartier, s’attirant facilement la médiatisation environnante et l’impact qui s’en suit.

Entre raisons officielles et officieuses…
L’œuvre bénéficie d’une sortie pour le moins atypique et qui demeure, aujourd’hui encore, assez obscure. En effet, Wild Bunch a délibérément fait le choix de priver Welcome to New York d’une sortie en salles en le reléguant à un direct-to-VOD. Généralement, ceci est réservé aux films ayant un très faible potentiel de succès. Ici, ce n’est pas le cas : s’inspirant d’un des scandales les plus médiatisés de cette décennie, réalisé par un réalisateur de renon, Abel Ferrara, et avec Gérard Depardieu dans le rôle-titre, Welcome to New York avait tout pour attiser la curiosité.
Le distributeur déclare avoir pris cette décision en raison de plusieurs facteurs bancals. Premièrement, avec une intrigue de cette envergure, Wild Bunch dit craindre qu’une sortie en salles n’accroisse le piratage massif du film. À ce premier argument, il suffit d’objecter que la VOD facilite la piraterie, et dans une qualité supérieure – notons que le film est disponible sur les plateformes de téléchargement illégal depuis le lendemain de sa sortie, le tout en haute définition. Puis, c’est la campagne de promotion onéreuse pour une exploitation du film en salles qui aurait posé problème au distributeur. Pourtant, qui n’a pas vu ces immenses panneaux publicitaires ventant la sortie du film ? La communication autour de Welcome to New York s’est révélée tout aussi chère que celle d’un long-métrage lambda, à la différence qu’une telle dépense n’avait jamais été organisée pour une sortie en VOD.
Il semblerait donc qu’officieusement, le distributeur ait craint que les inévitables poursuites judiciaires ne nuisent à la sortie du film, qui aurait pu être censuré s’il était sorti en salles. En effet, le direct-to-VOD présente l’avantage d’exposer un film sans que quiconque ne puisse le voir avant sa sortie. Ainsi, personne n’a été en mesure de porter plainte avant le 17 mai ; et si une plainte est déposée, cela n’affectera désormais pas le distributeur : le film est d’ores-et-déjà disponible et regardé. « S’ils veulent nous faire de la publicité, ils sont les bienvenus », déclare ironiquement Vincent Maraval, producteur.
Vers une mutation de la distribution cinématographique ?
À l’heure où de nombreux cinémas ferment leurs portes, l’alternative d’une sortie en VOD est alléchante pour les sociétés de distribution. Wild Bunch, en misant sur ce film en tant que test, a pu vérifier si ce modèle économique était viable et a cherché à répondre à une interrogation pour le moins terrifiante : un film attendu peut-il se délester d’une sortie en salles coûteuse sans que les profits n’en soient minorés ?
Malheureusement, le succès de Welcome to New York semble concluant, même s’il faut souligner que l’ampleur du projet en fait un cas à part : 48 000 locations ont été recensées en moins d’une journée, « un chiffre énorme », assure Wild Bunch. Si l’on est encore loin de la cessation de l’activité des cinémas en France, il n’empêche que le succès de cette opération remet en question la chronologie des médias telle qu’elle est appliquée. En effet, le délai de quatre mois entre la sortie d’un film en salles et son exploitation sur d’autres supports (DVD, Blu-Ray ou VOD) paraît désormais obsolète car décidée à une époque où le numérique était inexistant.
En définitive, si l’on attend avec impatience les procès palpitants de DSK et de ses comparses, il ne devrait plus manquer beaucoup de temps avant que cette rigidité législative ne soit amendée, faisant entrer le monde de la distribution cinématographique dans une nouvelle ère.
 
David Da Costa
Sources:
Franceculture.fr
Ecran Total : le quotidien des professionnels de tous les écrans, n°2260, jeudi 15 mai 2014.
LeMonde.fr
Crédits Photos :
Propriété de Wild Bunch.

Eddy Bellegueule
Agora, Com & Société

En finir avec Eddy Bellegueule : petit aperçu d’une littérature polémique

 
Tel est le titre du premier roman d’Edouard Louis, paru aux Editions du Seuil en février 2014.
Qui est Eddy Bellegueule ? Comment en finir ?
Âgé de 21 ans lorsqu’il fait paraître ce premier titre, Edouard Louis, étudiant à l’Ecole Normale Supérieure, ne pense guère au succès. Ce dernier, victime de nombreuses injustices, ainsi qu’il le décrit dans son roman, ne semble d’abord écrire que pour figer et enterrer définitivement la vie qui l’a précédé. Et le titre, à cet égard, apparait révélateur. Qui est, originellement, cet Eddy Bellegueule, sinon Edouard Louis lui-même ? L’infinitif du verbe « finir » n’est pas sans dévoiler la finalité de l’ouvrage, à savoir confiner au passé l’identité d’Eddy Bellegueule. Car Eddy Bellegueule n’est plus. A présent, il est Edouard Louis. En témoigne l’épigraphe de l’ouvrage, tiré d’un roman de Marguerite Duras, Lol V Stein : « Pour la première fois mon nom prononcé ne nomme pas ». Le jeune écrivain peut alors s’exprimer ainsi : « Eddy Bellegueule, c’était moi. Je l’ai tué. » Le roman en ce sens a une visée performative bien que nous ne soyons plus tout à fait dans le « quand dire c’est faire » de Austin, mais dans le « quand écrire c’est faire ». En effet, ici, écrire c’est faire mourir. Ecrire, c’est tuer.
La question qui se pose alors est la suivante : si Edouard Louis enterre, par l’écriture, son passé, quelle en est la raison ? Quelle est cette injustice subie ?
Tensions
Certes, le sujet de l’ouvrage peut sembler polémique (récit d’une enfance malheureuse, d’une sexualité reniée et moquée avant d’être affirmée). Néanmoins, c’est plus la réception de l’ouvrage qui semble problématique. Et précisément, la réception du livre par la famille de l’écrivain. Le jeune Edouard Louis, bien qu’il n’ait plus de lien fort avec les membres de sa famille, ne fut pas sans susciter l’indignation et la tristesse de ses proches, et notamment celle de son petit frère : « Je n’ai pas pu lire jusqu’au bout », raconte Andy. « Mon frère, c’était mon héros, mon exemple, je ne comprends pas pourquoi il nous a fait ça. » A cet égard, deux faits semblent pour le moins importants : d’une part, la correspondance entre la famille Bellegueule et le courrier Picard, qui n’est pas sans exposer la colère et le désarroi de la famille face à un ouvrage jugé « mensonger » ; d’autre part la venue de Madame Bellegueule à Paris, lors de la dédicace de l’ouvrage par Edouard Louis à la Fnac Montparnasse. Voyant sa mère se dresser dans l’assistance, le jeune homme prend peur. Après avoir quitté la salle, l’écrivain accepte finalement de rencontrer sa mère en privé. Sans surprise, sa mère l’accuse d’avoir ridiculisé sa famille et refuse d’accepter l’idée que cet ouvrage soit un roman, le percevant davantage comme un témoignage mensonger.
Entre roman et témoignage : une communication polémique
Si l’ouvrage n’est pas sans susciter la colère familiale, c’est bien parce qu’il se situe à la charnière entre le roman et le témoignage. L’individu écrivain communique en tant que sujet mais également en tant que représentant d’une enfance difficile. Dès lors que l’on perçoit le texte comme un témoignage, l’on peut penser qu’Edouard Louis révèle les travers de son existence personnelle, les travers d’un individu en tant que sujet distinct des autres individus. A contrario, dès lors que l’on considère le texte comme un roman, l’on peut affirmer qu’Edouard Louis communique sur l’universel par le biais du particulier. En effet, son histoire personnelle ne peut que contribuer à la dénonciation d’injustices plus générales. Ici, le genre littéraire qu’est le roman devient un outil de communication presque public. Il sert à mettre au jour une réalité partagée par de nombreux individus. Cette dichotomie, entre roman et témoignage, conduit à poser une question : à quoi sert ici l’écriture ? Est-elle un moyen de communiquer, puis par là-même de dévoiler et, plus encore, d’alerter ? Est-elle un outil de performativité, agissant sur l’individu lui-même, enterrant une identité pour en façonner une autre, tuant Eddy Bellegueule pour faire naître Edouard Louis ?
Autant de questions qui peuvent trouver réponse grâce à la lecture de ce roman, En finir avec Eddy Bellegueule.
 
Juliette Courtillé
Sources :
Courrier-picard.fr
Bibliobs.Nouvelobs.com
www.seuil.com/livre-9782021117707.html
LePoint.fr
Crédit photo :
« En finir avec Eddy Bellegueule », aux éditions du Seuil. © John Foley/Éditions du Seuil / Montage Le Point.fr

Sexisme pub
Les Fast

Sexiste ou non ?

 
“Sexisme (nm): attitude de discrimination fondée sur le sexe.” Trouvez-vous cette publicité pour un match de football sexiste ?
Je ne la considère pas comme telle. Pourtant, sur le blog Stéréopub, 76,8% des internautes pensent le contraire…
Aïe ! Suis-je « macho » ? Créé par 6 étudiants en journalisme de Sciences Po, Stéréopub nous montre plusieurs publicités de 1960 à nos jours. Face à elles, 3 choix s’offrent à nous : soit nous considérons la pub « sexiste », « non sexiste », ou cliquons sur le bouton « sans avis ».
Ainsi, il peut arriver que notre avis ne soit pas partagé par la majorité. Le sexisme serait donc une question de perception et d’interprétation. Et ces dernières ne sont pas dues à une question de genre puisque les publicités catégorisées comme sexistes sont l’avis autant des femmes que des hommes. Les internautes qui ont trouvé la publicité du Stade Rennais « sexiste » sont composés à 53,7% de femmes, et à 46,3% d’hommes. Ce qui est également intéressant, c’est l’évolution de la publicité de 1960 à nos jours. Même si les mœurs de la société ont considérablement évoluées, certains codes publicitaires d’antan subsistent encore aujourd’hui.
Ce blog permet aussi de faire un constat : il est aujourd’hui devenu extrêmement complexe pour les annonceurs de communiquer. Chaque mot, chaque insinuation peut très vite aboutir à une polémique. Toute publicité peut se retrouver accusée (à tort ?) de sexisme. Alors, discriminante la pub du Stade Rennais ?
 
Pierre Halin
Sources :
Stéréopub
Libération

Rémi Gaillard
Agora, Com & Société

Est-ce en riant de tout qu’on fait n’importe quoi ?

 
La nouvelle vidéo de Rémi Gaillard, intitulée « Free Sex », fait partie des derniers bad buzz en date sur la toile. Cependant, le concept de la vidéo en question, somme toute assez simple, fait débat : par un jeu visuel de perspective dont il a le secret, l’humoriste montpelliérain du web mime l’acte sexuel avec des inconnues qui ne savent pas de quoi il en retourne.

Si au vendredi 28 mars la vidéo a déjà enregistré 1,8 millions de vues sur YouTube, elle est loin de faire l’unanimité. En témoignent les articles sur le site de Libération Next ou du Plus du Nouvel Obs, mais aussi les commentaires très partagés, et souvent cinglants, des internautes, dans un français certes pas toujours très correct, sur la vidéo et les réseaux sociaux. Sur YouTube, la vidéo a même été interdite au moins de 18 ans.
Deux types de polémiques concernant la vidéo, relativement distinctes et totalement liées, peuvent ici être identifiées.
D’abord, une polémique qui rejoint en bien des points le « slut-shaming » déjà traitée par FastNCurious la semaine dernière. Elle oppose celles et ceux qui voient dans cette vidéo une énième provocation sexiste et une culture du viol à ceux qui y voient un nouveau pied de nez de l’humoriste anticonformiste et une blague franchement drôle.
Le deuxième type de polémique qui ressort des articles et commentaires semble plus essentielle à la nature même de la grande majorité des buzz et clashs sur le web et tient dans la question suivante : peut-on rire de tout ? Les partisans du oui se réclament souvent d’un Desproges et s’en prennent de façon véhémente sur le web à celui et ou celle qui osera critiquer la vidéo, en lançant un absurde quoiqu’efficace « tu n’as qu’à aller voir ailleurs si ça ne te plait pas ». A l’inverse, les partisans du non, qui sont ici, pour la plupart, des partisanes mais pas seulement, se réclament de principes dits supérieurs en rapport avec la dignité humaine et la libération de la femme, et s’en prennent avec dédain à ceux dont l’humour est affublé du qualificatif d’écervelé. Des exemples ci-dessous – parmi tant d’autres :

Il ne s’agit pas ici de dire qui a tort ou a raison, pas plus que de dire si oui ou non on peut rire de tout. Nous ne pourrons tout au plus que vous renvoyer à une vidéo de Minute Papillon qui apporte quelques éléments de réponse intéressants à cette dernière question.
Car ce qu’il faut peut-être vraiment voir dans cette vidéo, c’est le virtuose de Rémi Gaillard, non pas tellement dans son humour, mais dans son utilisation et dans sa compréhension de la nature du web 2.0, sur lequel il a fondé tout son succès. Moqueur des plateaux télé et autres émissions, l’humoriste s’est toujours tenu à distance du petit écran, plus à l’aise sur son terrain de jeu initial dont il maitrise les ressorts.
Celui-ci ne semble en effet pas du tout s’émouvoir des réactions négatives, et semble même désireux d’alimenter la polémique :

En effet, le web 2.0 se focalise sur la relation et les utilisateurs. C’est le principe même des réseaux sociaux et de l’user-generated-content, qui sont les clés de voute de l’humoriste, mais aussi de toutes les autres stars actuelles du web. Mais avec la relation vient toujours sa dégénérescence, et c’est souvent le conflit et sa mise en spectacle qui prennent le pas sur le partage. Pas étonnant que fleurissent sur Internet des commentaires injurieux dans des clashs collectifs en tout genre, qui s’éloignent souvent toujours un peu plus des thèmes de départ.
Or, peut-être faut-il rappeler ici que l’humoriste a récemment sorti un film, « N’importe-qui », qui n’a malheureusement fait que 130.000 entrées. Un échec commercial qui n’a rien d’étonnant si l’on considère la nature de la notoriété de Rémi Gaillard, consubstantielle de l’avènement de cette nouvelle ère du Web.
Alors, l’humoriste en mal de popularité, qui maitrise largement les arcanes de ce vaste espace médiatique, aurait-il volontairement orchestré le Bad buzz ?
Mais plus important encore : l’avènement du web 2.0 se conjuguerait-il avec celui d’une interactivité essentiellement conflictuelle ?
 
Clarisse Roussel
Sources :
Leplus.Nouvelobs.com
Next.liberation.fr
Leparisien.fr
Unejeuneidiote.tumblr.com
Cinetelerevue.be

Dieudonné faisant la quenelle
Société

Une quenelle indigeste ?

Cherchez dans le dictionnaire et vous verrez que la quenelle est « une boulette légèrement allongée. » Cherchez dans l’actualité et vous verrez que cette boulette est un dérapage à la mode qui ne cesse de grossir.
Un arrière-goût amer
La quenelle est le plat du moment, sans que l’on sache vraiment de quoi il s’agit.
Créée il y a une dizaine d’années par l’humoriste Dieudonné, elle serait une sorte de bras d’honneur contre les médias et les gens de pouvoir qui lui ont peu à peu tourné le dos. Plus largement, il s’agirait donc d’un signe de contestation antisystème très imagé, visant à dire : « Voyez ce qu’on vous met dans le c**. » Mais au-delà de cette simple marque de protestation, la paternité de ce geste nourrit beaucoup d’autres interprétations, certains y voyant un véritable salut hitlérien inversé. Car si l’humoriste se garde bien d’en donner le sens précis, on ne peut oublier que la critique du système qu’il développe dans ses spectacles se fonde essentiellement sur une dénonciation d’un prétendu lobby juif au pouvoir. Par ailleurs, la quenelle qu’il réalise lui-même en 2009 sur l’affiche du parti antisioniste pour les élections Européennes, comme celle faite par Bruno Gollnisch et Jean-Marie Le Pen en octobre dernier, sont autant d’éléments qui ajoutent à l’ambiguïté du geste.
Et c’est justement cette ambiguïté qui en fait l’inquiétant succès.
Les ingrédients du succès
Comme en témoigne tout dernièrement la quenelle faite par Nicolas Anelka lors de la célébration d’un but en Premier League anglaise, le succès médiatique de ce geste est en grande partie dû au fait que de nombreuses personnalités le réalisent.  Mais si certains, à l’image du footballeur, l’assument pleinement comme geste de soutien à Dieudonné et comme critique du système, beaucoup semblent bien être victimes d’une manipulation. C’est justement là que joue à plein le côté pernicieux de l’ambiguïté de ce geste. Difficile en effet de penser que des garçons comme Teddy Riner ou Tony Parker aient pu le réaliser en ayant à l’esprit ses relents antisémites. Pourtant, les exemples se multiplient et les photos réapparaissent en nombre sur la toile, touchant bien souvent, et de manière très habile, des personnalités très appréciées des Français, telles qu’Omar Sy ou Jean-Marie Bigard. Yann Barthès lui-même vient d’en être victime, et a dû s’empresser de stipuler qu’il avait réalisé ce geste en juillet 2012 à la demande d’un inconnu, sans en comprendre le sens.
Un plat populaire ou populiste ?
C’est justement le rôle de ces « inconnus », citoyens lambda, qui constitue la deuxième clé essentielle du succès de la quenelle. Peu à peu, et controverse faisant, le geste est en effet devenu un véritable effet de mode au sein d’une frange toujours plus élargie de la population. On a ainsi vu des quenelles faites par des employés du parc Astérix, des pompiers, des militaires, ou encore des étudiants, lors de nombreuses photos de classe. Ce dernier exemple est le plus inquiétant, puisqu’il semble que ce phénomène soit devenu une sorte de jeu, de défi à l’autorité, chez les populations les plus jeunes. La quenelle faite par des adolescents lors d’une photo avec Manuel Valls montre d’ailleurs que l’on assiste désormais à une sorte de concours, dont la mise en place des quenelles d’or par Dieudonné et les  félicitations sur sa page Facebook sont les récompenses.
Plus largement, cela n’est pas sans rappeler des gestes analogues, comme le W des rappeurs de la côte ouest américaine qui a souvent été repris comme effet de style, sans penser qu’il était en même temps le signe d’une vraie guerre de gangs. C’est donc bien la diffusion massive de la quenelle, souvent par simple mimétisme, qui est aujourd’hui problématique ; car là encore, il demeure très difficile de différencier ceux qui en font un signe de ralliement idéologique, de ceux qui la voient comme une provocation souvent potache. Cette tendance, et les amalgames qu’elle draine se nourrissent alors d’une contestation forte à l’égard du pouvoir, conjointement à la montée des partis extrémistes.
Une recette atypique
Ce qui est sûr c’est que cette histoire représente un phénomène communicationnel tout à fait atypique car en apparence totalement contradictoire. Celui-ci joue en effet à la fois sur une opacité quasi-totale quant à la signification du geste, et sur une diffusion parfaitement maîtrisée, grâce notamment à l’usage des réseaux sociaux et du très actif blog Dieudosphère. Le maître mot de cette communication est donc l’ambiguïté, sous-tendue par un fort imaginaire nourri de clichés divers et souvent flous. L’effet de mode et l’attrait pour un geste à la fois simple à effectuer et synonyme de provocation masquée viennent compléter la recette de ce succès.
C’est pourquoi, même si le Gouvernement tente d’interdire les spectacles de Dieudonné, le phénomène sera très dur à endiguer, car il se nourrit précisément du rejet des dirigeants, de leurs mesures, et d’un prétendu « système » en place.
Ce qui est sûr, c’est que d’une quenelle à l’autre, il s’agit toujours d’un plat dont on ne connaît pas vraiment la composition, mais dont les odeurs sont souvent dérangeantes.
 
Grégoire Larrieu
Sources
L’internaute
PagefacebookdeDieudonné

Scroogled
Com & Société

KEEP CALM WHILE WE STEAL YOUR DATA

 
« Don’t get Scroogled » (comprenez: ne vous faites pas arnaquer par Google): voici ce que les chargés de communication de Microsoft ont décidé d’écrire sur de nombreux produits dérivés en vente sur l’e-shop de la marque depuis mercredi 21 novembre. En effet, le géant américain de l’informatique a décidé de ne pas y aller de main morte dans sa campagne anti-Google, qu’il avait déjà amorcée cet été.
C’est donc à grands renforts de mugs, de T-shirts ou encore de casquettes où l’on peut lire des catch phrases plutôt savoureuses – du type « Google is watching you » ou encore « Step into our web » – que la firme s’inscrit dans une opération de communication plutôt risquée, entre humour et agressivité. Ce qui tend à nous laisser plus que perplexes… Alors, pari communicationnel plutôt gagné ou perdu pour Microsoft?
Reprenons depuis le début. L’origine de la controverse est connue de tout le monde: en juillet dernier, le scandale qui avait eu lieu après la révélation par Edward Snowden du programme nord-américain PRISM, dont le rôle est d’espionner le Web (y compris en Europe), avait déclenché une vague d’inquiétudes et de protestations de la part des gouvernements comme des particuliers, hostiles à l’idée de voir leurs données récoltées sans leur consentement. Sur le papier, rien de bien méchant pour le célèbre moteur de recherche. Mais en réalité, cela avait permis à Microsoft de saisir une opportunité plutôt intéressante et de surfer sur la vague de l’espionnage informatique pour accuser son grand concurrent de se servir des données personnelles des utilisateurs pour gagner de l’argent, notamment en cernant les mots-clés récurrents employés sur Gmail par les particuliers pour mieux cibler les publicités leur étant destinées.
Au mois de mai, c’est donc plutôt gentiment que Microsoft avait entamé sa critique vivace de Google et de son moteur de recherche Google Chrome, qui n’en finit plus de séduire les internautes, largement préféré à Internet Explorer, en publiant des parodies des publicités faites par Google. Mais depuis quelques semaines, la firme a décidé de reprendre l’offensive. Après avoir lancé au début du mois de novembre une pétition priant Google d’arrêter de tirer profit de ses utilisateurs, Microsoft reprend donc de plus belle avec le lancement de ces nombreux goodies.

Cependant, cette campagne de dénonciation n’est-elle pas un peu osée? Il faut dire que tant d’acharnement de la part d’un géant de l’informatique censé être infaillible suscite de nombreuses réactions de la part des internautes. Si certains sont enthousiasmés par cette opération marketing à l’humour noir, il se trouve que beaucoup demeurent indécis, et n’hésitent pas à y voir un geste désespéré de la part de Microsoft, qui s’acharnerait à descendre son concurrent principal pour mieux se valoriser. Ce qui n’est pas toujours du goût de tous…
Cela se voit encore plus lorsqu’il s’agit de s’intéresser à ce que pourrait cacher ce marketing « humoristique ».
Ainsi, beaucoup ne voient en cette campagne qu’un ultime moyen de diversion de la part de Microsoft, qui, par ces produits dérivés et par la campagne « Scroogled » en général, tenterait simplement de faire oublier le fait que Google le devance très largement au niveau du capital sympathie généré chez les internautes, mais également sur le plan des avancées techniques. N’oublions pas qu’un événement technologique de taille à venir dans les prochains temps est la sortie des Google Glasses, qui constitueront à elles seules un élément capable de nous faire faire un bond en avant dans l’univers du high-tech.
Du coup, forcément, les tasses à café de Microsoft font difficilement mouche… Pire encore, elles fournissent de l’eau au moulin des détracteurs de la firme, qui s’amusent beaucoup de cette situation. On pourrait même se demander si ce merchandising anti-Google acharné ne rendrait pas l’image de ce dernier plus sympathique. D’autant plus que Microsoft, qui se veut grand dénonciateur des pratiques douteuses de son concurrent, n’est pas non plus tout blanc dans le scandale d’utilisation des données personnelles d’utilisateurs, et est lui aussi soupçonné d’avoir recours à de telles pratiques, même si cela reste à vérifier.
Ironie de l’histoire: il paraît chez les mugs « Keep calm while we steal your data » remportent un franc succès… Auprès des employés de Google.
 
Camille Gross
Sources
L’express
01net
Scroogled

Alain Finkielkraut
Les Fast

Alain Finkielkraut : entre identité et modernité

 
Ce serait peu de dire que L’Identité malheureuse, le nouveau livre d’Alain Finkielkraut, suscite la polémique – conduisant même un individu à entarter le philosophe lors de son discours d’adieu à Polytechnique où il fut professeur.
 Si l’on en croit les médias dont le philosophe ne cesse de déchaîner les passions,  ce récent ouvrage n’est autre qu’un ramassis de propos racistes anti-immigration… Surprenant pour un membre de la LICRA (Ligue Internationale Contre le Racisme et l’Antisémitisme).
 Dès lors, peut-être faut-il dépasser les discours médiatiques enflammés pour tenter de comprendre l’une des problématiques posées par Finkielkraut dans cet ouvrage. En tant que philosophe, ce dernier propose avant tout une réflexion sur les concepts d’identité et de diversité. À l’heure où la question de l’immigration semble de plus en plus importante,  Finkielkraut s’interroge sur la possibilité d’appartenir ou non à une nation, définie par une identité nationale. Or, cette problématique peut prendre sens lorsque l’auteur pose les questions de l’évolution technique et de la consommation au chapitre intitulé « Une chose belle, précieuse, fragile et périssable ».
 Pour Alain Finkielkraut, s’est perdu le contact avec le passé et avec ce qui faisait l’identité française, aujourd’hui attaquée par la technique et la consommation. En effet, comme pour ce dernier l’identité se définit par l’héritage, et que l’héritage est ruiné par le présentisme dans lequel nous vivons du fait même de l’interconnexion et de la technicisation, alors l’identité n’est plus. Malgré la polémique qu’un tel discours peut susciter, l’ouvrage a au moins un mérite : il permet de poser la questions du lien entre identité et médiatisation, héritage et technicisation.
 Ainsi, peut-on toujours parler d’identité nationale alors que les nouveaux médias sont vecteurs d’instantanéité et d’interactivité et ruinent par là-même le passé et l’héritage communs à la nation ? Jusqu’où y a-t-il un impact des médias et de la communication sur la question aussi bien philosophique que sociétale de l’identité et de l’appartenance à un groupe ? Enfin, comment accueillir lucidement les transformations du monde actuel ?

 
Juliette Courtillé

Agora, Com & Société

GTA leur fait perdre la tête

 
Avec une sortie tumultueuse, le cinquième opus de la saga GTA aura fait couler beaucoup d’encre cette année. Depuis le premier épisode déjà, les discordes vont bon train entre les pros et les antis GTA, mais elles atteignent réellement leur paroxysme en cette rentrée 2013. En couverture du Parisien, comme sujet de Des Clics et Des Claques sur Europe 1, dans la chronique de Jean Zeid sur France Inter, sur RTL, dans Libération, Le Figaro, Le Monde etc. GTA 5 est partout ; imaginé, produit, vendu et débattu comme un vrai blockbuster. Nous éviterons d’entrer dans le débat réducteur consistant à prouver que GTA est un jeu violent où prostitution, meurtre et banditisme sont les maîtres mots. Et nous ne feront pas non plus l’apologie de cette violence fictivement réelle. Cependant il est important de revenir sur ce qui se cache tout de même derrière cette violence afin de comprendre les enjeux médiatiques et communicationnels du jeu vidéo, particulièrement de GTA 4 et 5.
Plus qu’un jeu vidéo où la violence, la prostitution, le meurtre et le vol ne seraient que des réponses aux pulsions humaines, GTA porterait un regard critique sur notre société contemporaine ; sur le rêve américain, les médias et la promesse du tout possible, un récit critique du self-made man (comme l’explique Olivier Mauco, auteur de GTA IV : l’envers du rêve américain). En ce sens on peut parler du jeu vidéo comme une œuvre culturelle. Le jeu renoue ainsi avec les grandes fresques sociales de la littérature et du cinéma en proposant de vivre les errances d’un jeune voyou, d’un père de famille ex-taulard ou d’un marginal alcoolique relativement instable. Le jeu vidéo, et en particulier GTA, devient un média à part entière capable de tenir des discours socio-critiques sur les grands mythes fondateurs contemporains des sociétés occidentales. Il devient un média à la fois en tant que support et que message. Il semble évident qu’enjeux commerciaux et satyres trouvent finalement bien leurs comptes et font plutôt bon ménage puisque GTA 5 qui aura coûté environ 200 millions d’euros est déjà prévu à la vente à plus de 75 millions d’exemplaires et 1 milliard de dollars en un mois. Le jeu le plus cher de tous les temps, plus qu’un blockbuster américain, presque aussi cher que Pirates de Caraïbes, et le plus contesté aussi. Ce qui ne fait qu’attiser la flamme. Tant de superlatifs que l’on retrouve dans tous les articles et émissions en ce moment au sujet de GTA 5.
GTA fascine, c’est la force de cet objet culturel moderne. C’est la promesse d’un monde libre où tout devient possible, où l’on peut tout faire et donc faire n’importe quoi ; dans le spectaculaire et la violence, dans des graphismes poussés et dans la satyre. Tellement réaliste que pour ce cinquième opus des policiers, sociologues, historiens et d’anciens membres de gangs ont apportés leur contribution à la construction de la carte de la ville du jeu (Los Santos, double fictif de Los Angeles et de ses environs). Le réalisme du jeu est également un point qui le différencie d’autres jeux de science-fiction ou de guerre (par exemple) qui n’en sont pas moins violents. En effet, il s’avère que ces jeux ne sont pas moins une reproduction du réel et de notre évolution, toujours dans des schémas et des algorithmes prédéfinis. Un peu comme le cinéma, les jeux vidéo retracent ou reproduisent nos angoisses, notre histoire et les idéaux qui les accompagnent. De l’idéal démocratique, républicain ou anarchique à la peur du communisme. GTA quant à lui a fait passer le jeu vidéo dans un nouveau rapport au jeu et à la réalité, paradoxal au premier abord, mais qui nous permet de vivre une vie parallèle avec tout ce qu’elle comporte d’immoral. « On ne devient pas plus psychopathe en jouant à GTA qu’en regardant un Tarantino » Vanessa Lalo, psychologue des médias numériques.
De plus, on peut tout à fait le comparer à un blockbuster américain, porteur d’un (plusieurs) véritable(s) scénario(s), mais aussi dans la communication qui accompagne l’objet culturel : affiches dans le métro, annonces dans la presse, articles dédiés, trailer diffusé sur le web et même dans les cinémas !
GTA 5 est un blockbuster tant sur le plan économique que scénaristique et communicationnel. On attend d’ailleurs beaucoup plus d’un jeu vidéo une bonne écriture scénaristique, que de la bagarre et du sexe. Elle est devenue un point essentiel du succès et de la qualité d’un jeu. GTA a contribué à accentuer ce positionnement avec GTA 4 et l’histoire de son héros, un immigré débarquant à Liberty City (comprenez New York) pour rejoindre son cousin qui trempe dans des affaires peu claires avec pour but de se faire une place au soleil des malfrats.
Mais avant de s’imaginer que le jeu vidéo pourrait devenir le nouvel Hollywood il ne faut pas oublier que le secteur reste encore considéré comme une sous culture ou du moins un culture parallèle, pas encore tout à fait assumée en tant que telle dans les médias, notamment dans la presse et les grands médias télévisuels et radiophoniques. Rares sont les chroniques ou émissions dédiées à la culture des jeux vidéo, pourtant riche de mythes et symboles de notre société actuelle (pour voir plus en détails ce qui se cache derrière l’écriture et l’impact des jeux vidéo : L’imaginaire des jeux vidéo par John Crowley). Jean Zeid, seul journaliste à tenir une chronique quotidienne consacrée aux jeux vidéo dans un média généraliste national (sur France info), en fait le constat :
  » Il y a un profond manque de compréhension du phénomène de la part de ceux qui sont à la tête des médias. Ils sont de la génération du cinéma qui est très largement traité chaque semaine dans chaque média. Mais beaucoup voient encore les jeux vidéo comme une activité pour ados introvertis, pas du tout un sujet sérieux qui mérite d’être traité journalistiquement… Et lorsqu’ils acceptent, du bout des lèvres, de traiter un peu la question, le jeu vidéo est presque systématiquement intégré aux rubriques « multimédia » ou « technos » et non pas culture, alors même qu’il s’agit du premier bien culturel . »
GTA 5 nous offre une nouvelle fois un fascinant récit fictif et médiatique empreint de violence, d’immoralité et de débats qui nous permettent de nous arrêter un instant sur ces objets culturels, leur évolution et leur place dans les médias.
 
Margot Franquet
Sources :
Libération
Le Monde
Le Monde, Serge Tisseron
RageMag
France Info
Europe 1
The New York Times

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Les Fast

700 mots de polémique

 
En à peine plus de 700 mots, tout y passe : l’économie, la politique, la société, la psychologie…
700 mots d’un article du Point avec un certain retentissement, sobrement intitulé : « Jeux vidéo : permis de tuer ». Au moins la couleur est annoncée.
Si l’on analyse l’article, on observe qu’en 700 mots sont abordés pléthore de sujets polémiques autour du thème de la violence vidéoludique. Et, heureuse coïncidence, les joueurs sont aussi souvent une population jeune, au fait des nouvelles technologies, active sur les réseaux, et prompte à réagir pour se défendre.
Cet article, moins qu’une charge violente, est en réalité un excellent buzz, puisque les mécontents relaient l’information bien plus vite et avec bien plus de force que des lecteurs satisfaits. Au bout du compte, Le Point fait parler de lui et amasse une quantité étonnante de commentaires sous l’article en question (120 en quelques heures, pour la plupart longs et appliqués). Autant de commentaires c’est autant de temps passé sur le site du Point, autant de clics, autant d’arguments convaincants pour les annonceurs.
La polémique : générateur de trafic, et ça, c’est tout bon.
À l’heure où les médias pâtissent d’une méfiance grandissante des publics, à l’heure où leur crédit est en berne, peut-on se permettre de torpiller ainsi la fameuse éthique journalistique ? Quid des recherches, des analyses, du sérieux, de l’objectivité ?
Distinguons les conséquences à long terme et à court terme. Dans le cas présent, l’immédiat s’avèrera sûrement rémunérateur, et le bénéfice d’audience peut-être non négligeable. Mais au temps long, les choses semblent moins évidentes : c’est tout un contrat tacite qui vole en éclat ; et gageons que ce ne soit pas un pari gagnant par les temps qui courent.
Le mélange des genres n’est pas toujours bénéfique ; en l’occurrence il est catastrophique parce qu’il contribue à décrédibiliser le travail d’analyse que sont supposés faire les medias. On ne se lassera pas de répéter que la plupart d’entre eux ont besoin des annonceurs pour vivre et continuer à produire du contenu, que l’achat au numéro ou les abonnements ne suffisent pas, que les annonceurs sont souvent vitaux ; mais si le lectorat, seul, n’est pas toujours suffisant pour attirer des annonceurs, il est certain que l’absence de lectorat n’en attire aucun.
Cet article, loin d’être le seul de son espèce, est symptomatique des maux du modèle économique des médias traditionnels. Il marque, comme d’autres avant lui, un processus lent de déclin d’un système qui survit  sans parvenir à se réinventer.
Informer et attirer des annonceurs ne sont pas inconciliables, pourvu que l’un ne se fasse pas aux dépends de l’autre.
 
Oscar Dassetto
Crédits photo : © DR

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