Société

La cause animale sur le grill de la campagne présidentielle

L’homme est un animal politique… mais quid des animaux en politique ? La question se pose plus vivement que jamais depuis ces derniers mois de course à la présidentielle. Longtemps réservées à des cercles restreints de vegan marginaux, les revendications pour le bien-être animal tendent depuis peu à se démocratiser, à faire la une, et à devenir omniprésentes sur nos fils d’actualité. Elles émergent même sur la grande scène des débats présidentiels. Cette tendance, encore assez timide, fait pourtant parler à l’heure de grands scandales qui ont pu alerter l’opinion. Retour sur ce qu’on a pu entendre à ce sujet de la bouche des candidats, entre véritable prise de conscience collective et gros enjeu communicationnel…
Une cause au delà des clivages
Vous n’avez pas pu les rater, elles hantent la toile : ces vidéos souvent clandestines et sordides de poussins étouffés dans des sacs, d’exécutions interminables de vaches, de poules qui se dévorent entre elles… Ce qui devrait se passer loin de nos yeux et des assiettes apparait dans toute sa réalité morbide, à toute heure, sur notre fil d’actualité Facebook, ou à l’ouverture d’un journal. « Pas de chance, on était filmés », pouvait-on lire dans Libération la semaine dernière, où l’un des inculpés pour acte de cruauté dans le procès de l’abattoir de Vigan regrettait cyniquement la présence de caméras…
Les conditions de mise à mort des bêtes mais aussi les questions de souffrance psychologique et morale des employés d’abattoirs semblent, plus que jamais, représenter une cause propre à rassembler l’opinion. 80% des Français ont affirmé en mars 2017* que la protection animale représentait pour eux une cause importante. Le sujet gagne parallèlement la sphère politique. Entre 2002 et 2007, seulement 10 propositions de loi pour la cause animale ont été déposées au Sénat et à l’Assemblée Nationale, mais ce chiffre a plus que triplé au cours du quinquennat de François Hollande.
Le sujet est donc fédérateur, révèle un sentiment commun d’injustice et de compassion, aux résonances écologiques non négligeables. Bref, il semble taillé sur mesure pour devenir un excellent argument de campagne.
Des propositions qui manquent de sel… 
Et pourtant, force est de constater que face à cet engouement de l’opinion, les propositions sont présentes mais frileuses. On trouve certes des avant-gardistes, comme Jean-Luc Mélenchon, « bon élève » dès qu’il s’agit d’écologie. La palme de la communication habile lui revient peut-être, avec son interview « recette » pour Gala, où il livre sur fond de musique champêtre sa préparation personnelle du taboulé au quinoa, profitant de l’occasion pour glisser mine de rien son désir de réduire sa consommation de viande. Nul hasard dans cette déclaration passionnée au « quinoa », selon lui « vraiment la plante de l’année » et aux « petits bouts de concombres et puis aux petits bouts de tomates ». La stratégie, soufflée au candidat par l’agence Médiascope, est de faire subtilement entendre son engagement. Belle réussite, puisque la vidéo a fait un carton.

Mais lorsqu’il s’agit de parler plus précisément des propositions faites par les candidats, le tableau est moins joyeux. Jean-Luc Mélenchon est le seul à réclamer un changement radical dans la considération même de l’animal. Il entend mettre en place « une règle, pour toujours, comme une preuve de notre amélioration collective : la règle que les animaux ne sont pas des choses ». Le candidat va jusqu’à affirmer que « la consommation de viande n’est pas une nécessité vitale dans l’alimentation humaine ». Il prône dans ce cadre la réduction jusqu’à disparition des fermes industrielles, mais veut aussi stopper l’appauvrissement des sols et se positionne pour une règlementation plus sévère de la chasse. Moins radical et déjà plus timide, Benoît Hamon ne se prononce pas sur la question d’accorder ou non des droits aux animaux, posant à la place une seule opposition de principe à la cruauté inutile. Il entend mettre en place  un « Comité national d’éthique » qui se pencherait sur la question. Et puis il y a les candidats qui prennent l’enjeu à revers pour flatter une autre partie de l’opinion : la frange agacée par toutes ces considérations sur la souffrance animale. François Fillon n’a pas peur des contradictions, exposant sa volonté de faire de la protection animale « une cause nationale », tout en maintenant son soutien à la corrida, à la chasse, et affirmant à de multiples reprises son mépris pour les associations de protection animale, les qualifiant par exemple d’ « associations qui ne représentent qu’elles-mêmes. » lors d’un congrès de la FNSEA. Pire encore, Nicolas Dupont-Aignan qui confond allègrement cause animale et combat identitaire, ciblant exclusivement les abattoirs halal qui refusent d’étourdir les animaux avant de les abattre. Et puis il y a ceux qui ne veulent pas changer grand chose : Emmanuel Macron, au programme duquel ces préoccupations sont quasiment  inexistantes. La candidate qui se démarque aux côtés de Jean-Luc Mélenchon à ce sujet est, étonnamment (ou pas) Marine le Pen. Même si le FN marche sur des oeufs puisque le parti veut à tout prix éviter de heurter son électorat chasseur et de mouvance traditionaliste, la candidate a tout de même flairé l’enjeu de communication autour de la question de la souffrance animale et condamne en vrac les fermes à fourrure, les expériences sur les animaux, les combats de coq, l’élevage en cage… Le tout minutieusement relayé par les équipes de communication du parti, comme pour ces photos presque attendrissantes postées sur les comptes Twitter de Marine et Jean-Marie Le Pen le jour de la journée du chat.

 

Le constat est donc assez amer quand on s’y penche. Les propositions réelles sont rares, en revanche les prises de position bruyantes un peu moins… Globalement, le tout demeure assez flou et peu concluant. Les politiques ne semblent pas avoir pris conscience de l’urgence pourtant indéniable de notre situation contemporaine et de notre façon de consommer les animaux.
S’il s’agit d’un sujet dans l’air du temps, et qui peut s’avérer porteur pour le capital sympathie des candidats, la cause animale est irréductible à cela. Elle porte une part émotionnelle, certes, mais n’en est pas moins une problématique indispensable voire vitale pour l’avenir. « Cette préoccupation n’est pas superficielle ; c’est un mouvement de fond », estime Corine Pelluchon, professeure en politique et éthique de l’animalité à l’Université de Marne-La-Vallée. Le sujet n’est donc pas près de disparaître de la scène politique.
Violaine Ladhuie
Sources :
* Sondage IFOP, LA SENSIBILITÉ DES FRANÇAIS À LA CAUSE ANIMALE À L’APPROCHE DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2017, 16/03/2017, consulté le 07/04/2017 http://www.ifop.com/?option=com_publication&type=poll&id=3690

Delmas « Les animaux dans la campagne politique, tous au poil », Libération 03/04/17, consulté le 07/04/17, http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/04/03/les-animaux-dans-la-campagne-politique-tous-aux-poils_1560301
Annabel Benhaiem « La cause animale arrivera-t-elle à s’imposer dans les thèmes de campagne de la présidentielle 2017 ? », Le Huffington Post, 27/12/17, consulté le 07/04/17, http://www.huffingtonpost.fr/2016/12/27/la-cause-animale-arrivera-t-elle-a-simposer-dans-les-themes-de/
Jean-Luc Mélenchon « Encore un peu de quinoa ? », L’ère du peuple, 06/09/17, consulté le 07/04/17, http://melenchon.fr/2016/09/06/encore-un-peu-de-quinoa/
Charlotte Cielzinski « Défendre la cause animale, un passage obligé dans la course à l’Elysée ? », L’Obs, 22/11/17, consulté le 07/04/17, http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20161121.OBS1510/defendre-la-cause-animale-un-passage-oblige-dans-la-course-a-l-elysee.html
Politique et animaux, consulté le 07/04/17 https://www.politique-animaux.fr/marine-le-pen

Crédit photo/vidéo :

Ouest France, 17/01/17 http://www.ouest-france.fr/bretagne/morbihan/emmanuel-macron-moustoir-remungol-dans-un-elevage-porcin-4740312
Gala, 02/09/16 http://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/video_jean-luc_melenchon_les_secrets_de_son_regime_372576
Marianne, 08/08/16 https://www.marianne.net/politique/dialogue-de-chats-dans-la-famille-le-pen

 

Société

La guerre de l’access prime time

R.I.P #Morandini. Le PAF est en deuil depuis l’arrêt de l’émission « #Morandini – Télé, people, buzz » sur NRJ 12. Avec moins de 1% de part d’audience, l’émission n’aura pas même tenu le cap du mois de septembre et aura été la 1ère victime de la bataille qui fait actuellement rage sur la tranche du 19h 21h. Pourquoi cette case du 18h – 20h, appelée access prime-time est-elle si stratégique pour les chaînes de télévision? FastNCurious vous livre les quelques éléments nécessaires à la compréhension des enjeux au cœur de cette bataille cathodique.
Pourquoi l’access prime time est si important ?
L’access prime-time est une case particulièrement stratégique dans la mesure où il s’agit d’une des plages horaires les plus regardées. C’est donc sur cette case qu’il est possible d’attirer les annonceurs et ainsi d’augmenter le prix de vente de l’espace publicitaire à la seconde. Or, en 2005, lorsque les chaînes de la TNT ont fait leur apparition sur nos écrans, ces dernières ont décidé de casser les prix de leur espace publicitaire afin d’attirer les annonceurs. Face au succès de cette stratégie, les autres chaînes n’ont eu d’autres choix que de s’aligner sur ces nouveaux tarifs. Si cette politique a été favorable aux annonceurs, elle a créé un réel manque à gagner pour l’ensemble du panorama télévisuel français. Aujourd’hui, plus que jamais, il est donc primordial pour les chaînes d’asseoir leur audience sur la case de l’access prime-time afin de continuer à attirer les annonceurs et assurer ainsi une source de revenu cruciale en temps de crise[1].

La « Grande Famille » Canal
Jean-Marc Morandini écarté[2], deux groupes restent dans la bataille. D’un côté Canal+, de l’autre France Télévisions. Le Grand Journal –émission phare de Canal+- a été au cœur des discussions estivales. Tout le monde y est allé de sa critique sur le retour d’Antoine De Caunes y compris Cyril Hanouna -animateur vedette de l’émission Touche pas à mon poste et concurrent frontal du Grand Journal – qui estimait que cette décision était « très très mauvaise [3]». Si Touche pas à mon poste réalise de bons scores d’audience depuis la rentrée (autour de 6%), la nouvelle formule du Grand Journal peine, quant à elle, à trouver son public. Malgré les différents qui les opposent, Hanouna et De Caunes œuvrent au succès du même camp puisque la chaîne D8, sur laquelle est diffusée Touche pas à mon poste, appartient au groupe Canal+.

France Télévisions passe à l’attaque
Face à ces deux émissions on retrouve sur France 5, C à vous présentée depuis début septembre par Anne-Sophie Lapix[4]. Le pari était risqué tant Alexandra Sublet était parvenue à apposer, au cours des six saisons précédentes, sa marque de fabrique à cette émission. Bien qu’elle doive encore trouver ses marques, Anne-Sophie Lapix réalise de bons scores (autour de 4% de part d’audience) et s’inscrit dans la continuité de la stratégie mise en place par Sublet dont les maître-mots étaient convivialité et complicité.
Avec cette émission, France 5 en profite pour affirmer les bases posées par sa dernière campagne de communication lancée en juillet dernier et qui rompt avec une image jugée parfois « intello » et froide, afin d’affirmer le ton décalé de la chaîne[5]. Par effet ricochet, ce positionnement a pour but de dynamiser l’ensemble du groupe France Télévision. Et les débuts victorieux d’Anne-Sophie Lapix sont de bon augure pour l’arrivée de Sophia Aram, sur France 2, avec son émission Jusqu’ici tout va bien, à 18h00, sur une case jugée particulièrement compliquée à faire décoller.
L’ambition de C à Vous est de parvenir à chasser sur les terres de Canal+. Et lorsqu’Anne-Sophie Lapix interroge Michel Denisot sur la concurrence entre Hanouna et De Caunes, ce dernier lui répond que « comparer Touche pas à mon poste au Grand Journal, c’est comme comparer Rires et Chansons à France Inter ». Heureux hasard puisque Patrick Cohen, animateur star de la matinale de France Inter est également intervieweur sur le plateau de C à vous et qu’entouré d’Anne-Sophie Lapix, ils semblent bien prêts à récupérer les téléspectateurs déçus de Canal+.

 Angelina Pineau

[1] Source de revenu d’autant plus cruciale pour France Televisions qui ne peut plus gagner d’argent grâce à la publicité après 20h.

[2] Rassurez-vous quand même, il reviendra sur NRJ 12 pour présenter l’émission « Crimes ».

[3] #espritdefamille http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2013/06/18/hanouna-de-caunes-au-grand-journal-une-tres-tres-mauvaise-idee_3432250_3236.html

[4] Ancienne de Canal + et actuellement en procès contre le groupe suite à son départ de France 5 pour non-respect de son contrat d’exclusivité

[5] Ladite campagne, à mon sens particulièrement réussie http://www.ozap.com/actu/france-5-lance-une-campagne-de-pub-a-l-occasion-de-sa-nouvelle-signature/447960/m1#scrolldown