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Jacques a dit : restons civils !

 
« Restons civils ! » La RATP a lancé une nouvelle campagne publicitaire depuis quelques jours. Nouvelle, parce que nouvelles images et nouveaux slogans, mais pas innovante, parce que la thématique et le format ont été repris de l’année précédente.
Le slogan
Le présent utilisé dans le slogan l’ancre dans notre réalité : ce mode l’actualise sans cesse. En effet, les panneaux traitent d’une banalité quotidienne que chacun endure dans les transports en commun, tout particulièrement lors des heures de pointe. Qui n’a jamais eu les pieds écrasés ? Qui ne s’est jamais fait bousculer ? Lorsque l’on sait que de nombreux parisiens passent 1 h par jour minimum dans les transports en commun, on comprend bien à quelle point cette campagne s’adresse à tous.
Plus qu’un présent, ce slogan est un impératif présent : le slogan ne dit pas, mais il invite, voire exige. La RATP ne lance pas une campagne publicitaire mais bien une campagne de sensibilisation, de civilisation. En effet, il ne s’agit pas de vendre un produit mais bien d’inviter les usagers à adapter leurs comportement aux lieux qu’ils fréquentent.
Ce slogan est à la troisième personne du pluriel : il ne s’agit pas de toi, de lui, d’eux mais bien de NOUS. Si l’on râle parce que l’un parle trop fort, il faut bien se rappeler de ce jour où l’on téléphonait dans le métro… Tout cela n’est pas sans rappeler le fameux : « la sécurité, c’est l’affaire de tous ».
Enfin, le slogan repose sur des rimes et un jeu de mot: un jeu s’établit avec le destinataire et peut quelquefois amener un sourire sur les lèvres. « Restons civils sur toute la ligne » c’est rester civils jusqu’au bout mais aussi rester civils dans la ligne de métro/bus/tram.
L’auteur : la RATP
« Restons civils » est un slogan large qui pourrait s’appliquer à de nombreuses situations et qui devrait être exigé dans tous les espaces publics : dans la rue, dans les magasins, avec ses collègues, il faut savoir se tenir et être civil. Notons d’ailleurs, que civil vient de civitas, c’est-à-dire la cité en latin. Rester civil c’est savoir se comporter en ville, entouré de personnes.
Ce slogan toutefois s’applique à un espace précis et bien délimité : celui des transports en commun gérés par la RATP. Tout rappelle qui est l’auteur de ces campagnes. En effet, chaque slogan reprend un numéro de ligne de métro : ce numéro est entouré d’un rond de couleur. Le rond rappelle les stations sur les plans, la couleur est associée à une ligne bien particulière. De plus, les scènes se passent dans le monde souterrain : métro, bus et escalator sont les témoins de bien des incivilités
Le voyageur-bête ?
Nous l’avons dit ci-dessus, les voyageurs sont tous impliqués par le slogan. Cependant, sur les images, celui qui dérange est toujours un animal : les perroquets bloquent les escalators, le buffle brusque les autres en entrant, la tortue donne un coup avec son sac à dos…
Ce sont donc les animaux qui posent problèmes aux humains : on invite le voyageur à rester civil mais de manière indirecte, comme si on cherchait à ne pas l’accuser trop explicitement. Passer par des animaux a un autre atout : parce que l’on n’associe pas de visage humain à celui qui gêne, on peut appliquer le message à tous types de situations. Les perroquets peuvent aussi bien être un couple de collégiens que des personnes âgées.
Tout cela n’est pas sans rappeler les Fables de Jean de la Fontaine : grâce aux animaux, la critique est mieux perçue et acceptée, car on ne se sent pas agressé ou accusé. Les animaux donnent aussi une dimension universelle, qui transcende temps et lieux, pour atteindre chaque personne.
Ainsi, cette campagne, assez réussie, s’inscrit bien dans le contexte actuel où la tolérance est prônée en tout. Reste à savoir si cette invitation civile s’avérera suffisante pour améliorer les comportements des voyageurs. Une campagne plus énergique sera-t-elle nécessaire ?
 
Clothilde Varenne