Lady Gaga Versace
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Les maisons de luxe toutes « gaga » des chanteuses

 
« Rihanna incarne ma vision de Balmain […]. Devant l’objectif, elle donne l’impression d’être la seule femme sur terre* » affirme Olivier Rousteing. C’est par ces mots que le directeur artistique de la maison parisienne de luxe parle de son amie et muse Rihanna, icône de toute une génération.
Depuis quelques semaines, nos comptes Instagram sont en effet inondés de photos du duo, en backstage du dernier défilé Balmain ou encore assistant à un spectacle du Crazy Horse.
Il faut reconnaître que l’image de la star du R’n’B colle parfaitement aux codes de la maison de couture: sulfureuse et sexy, au style vestimentaire aussi audacieux que bling-bling. Sa tenue très provocante à l’after-show organisé par la marque a d’ailleurs beaucoup fait parler d’elle, autant de publicité gratuite pour Balmain… Olivier Rousteing le sait pertinemment, lui qui explique « c’est la fille que tout le monde connaît […] elle est très puissante, très forte […]. Elle sait mêler mode et musique et je pense que ma collection est justement construite autour de ça ».

Captures d’écran des comptes Instagram de Rihanna (à gauche) et d’Olivier Rousteing (à droite).
Mais alors, quel intérêt pour les entreprises ?
Un mariage puissant…
Collaborer avec un musicien, c’est d’abord l’assurance d’une couverture maximum. Il faut rappeler que les artistes de l’industrie musicale sont les plus suivis sur les réseaux sociaux : Katy Perry comptabilise plus de 51 millions de followers sur Twitter, Rihanna plus de 86 millions de « J’aime » sur Facebook, les clips de Justin Bieber et Psy ont été vus plus d’un milliard de fois chacun sur Youtube… Un musicien est donc forcément beaucoup plus puissant qu’un acteur : tandis que ce dernier incarne des personnages fictifs, qui sont parfois à l’opposé de leur vraie personnalité, le musicien ne joue (en principe) pas de rôle, c’est lui qui choisit ses textes, ses tenues vestimentaires, l’image qu’il veut renvoyer au média, son style de vie… Il crée un véritable univers autour de lui et de sa personnalité favorisant l’identification par ses fans, autant de cibles potentielles pour les annonceurs…
Car s’associer à un artiste, c’est aussi l’occasion pour des maisons souvent inaccessibles au commun des mortels de sortir des sentiers battus et d’atteindre des cibles moins aisées, ce qui entraîne alors une démocratisation de la marque. Ce n’est pas le but recherché par certaines maisons de couture qui, au contraire, préfèrent se démarquer : c’est le cas de Givenchy, qui a choisi comme égérie la chanteuse Erykah Badu, peu connue du grand public, renforçant au passage son image d’entreprise élitiste.

…et très lucratif…
Mais les retombées positives ne sont pas uniquement pour la marque… Depuis la sortie de son dernier album Artpop, Lady Gaga multiplie les frasques pour faire parler d’elle (elle s’est fait récemment vomir dessus au festival SXSW). Pour Lady Gaga, être égérie Versace c’est autant de couverture médiatique, d’apparitions publiques et d’occasions de prendre la parole. Pour certains artistes, devenir égérie est donc avant toute une façon de se rappeler au bon vouloir du public tout en restant associés à une maison prestigieuse.

…mais un mariage d’amour avant tout.
Un point commun à toutes ces collaborations : l’artiste et le créateur sont des inspirations mutuelles, même si la musique inspire plus la mode que le contraire. Ainsi, Miley Cyrus ne tarit pas d’éloges sur Marc Jacobs, dont elle a porté une création au dernier Met Gala de New-York, pratiques courantes entre chanteurs et couturiers. Il avoue quant à lui ne trouver aucun défaut à la chanteuse : « elle a son franc-parler, elle agit comme bon lui semble, elle est talentueuse et n’a pas peur de prendre des risques ».

De manière plus globale, musique et mode ont des liens très étroits : on achète souvent du merchandising à l’effigie d’un artiste et ces derniers se produisent souvent en live lors des défilés (Taylor Swift ou Rihanna pour Victoria’s Secret, Lily Allen, Rita Ora, M.I.A, Sellah Sue et Likky Li pour Etam, Woodkid pour Jean-Charles De Castelbajac…). Des pans entiers de styles vestimentaires sont aussi liés à un style de musique spécifique (rap, gothique, hippie, grunge…).
Bien ancré dans les mœurs communicationnelles, ce phénomène ne touche pas uniquement les maisons de luxe. D’autres marques plus populaires comme H&M avaient déjà sauté le pas en choisissant de collaborer avec Lana Del Rey, Beyoncé ou encore une certaine Madonna… Et on parie que le phénomène n’est pas prêt de s’arrêter.

Elsa Mahouche
*En référence au single de Rihanna intitulé « Only Girl in the World »

Mauboussin
Société

Un Noël de luxe (pour tous) !

 
Des campagnes de publicité affichant le prix, des partenariats avec des marques de grande distribution bon marchés, le lancement de gammes accessibles… Le luxe et son élitisme traditionnel serait-il aujourd’hui paradoxalement à la portée de tous ?
Rappelons d’abord que le luxe n’a cessé de se rapprocher du plus grand nombre : dans les années 1970 avec le passage au prêt-à-porter et aux accessoires, puis dans les années 1980/1990 avec la démocratisation du luxe et la recherche de cibles plus larges et diversifiées. Aujourd’hui, c’est autant de guests designer pour H&M que de magasins Zara. Stella McCartney, Lanvin, Versace, Marni, Jimmy Choo, Maison Martin Margiela et plus récemment Isabelle Marant, y sont passés, rendant leurs produits accessibles au consommateur moyen. Si les avantages pour la marque ne se comptent bien évidemment pas en termes de chiffre d’affaire, ce genre de partenariat permet un gain en termes d’image de marque et de notoriété, sous le thème du « accessible à tous » démocratique et tendance.

Cependant, un luxe accessible n’est-il pas justement impossible, le luxe étant par définition rare et réservé à une sorte d’élite économique ? Même si la qualité et la marque demeurent, le luxe se base encore sur des prix élevés et la promesse d’une certaine singularité du produit à l’inverse des fabrications en série. C’est le standing du « pas comme tout le monde » et de la série limitée qui attire tant dans une société de plus en plus uniformisée aux membres en quête d’affirmation individuelle. En outre, dans cette démocratisation du luxe, l’autre prise de risque des marques semble se situer au niveau de ces consommateurs de la première heure : ces classes supérieures vebleniennes à la consommation ostentatoire visant la différenciation par rapport au « reste » de la société. Quels pourraient alors être les arguments faisant pencher la balance vers un tel choix marketing ?
L’idée d’un luxe investi dans une cause sociale, celle égalitaire démocratique, ne colle pas. Le luxe a depuis longtemps fait le choix marketing du haut de gamme et surtout du haut revenu. Cette tendance d’accessibilité, même ponctuelle et éphémère, doit se comprendre autrement. La réalité est telle que ces collections capsules citées précédemment permettent davantage de donner envie au consommateur lambda d’avoir plus, de lui mettre « l’eau à la bouche » afin d’orienter ses futurs choix de consommation vers une « grande » marque, quitte à ce que l’achat du produit de luxe se fasse au détriment d’autres consommations. C’est le choix classique du « quantitativement moins  pour du qualitativement mieux ». C’est également un moyen de faire découvrir une marque par des prix d’entrée accessibles pour ensuite attirer le consommateur vers des produits plus chers. « Il faut au luxe une entrée de gamme et un haut de gamme… C’est de la « tension » entre les deux que naît le désir. » écrit Michel Gutsatz. Que cette entrée se fasse via un partenariat avec H&M pour Jimmy Choo ou la mise en vente de bagues Mauboussin en série limitée à 500€ l’unité, elle passe par un payement facilité. « La modernité du luxe, c’est le partage. » écrivait en 2010 Alain Némarq, président de la célèbre marque de joaillerie de la Place Vendôme.

C’est qu’en terme de luxe accessible, Mauboussin domine : que ce soit en vitrine ou sur ses affiches publicitaires, le prix est toujours renseigné, et ce depuis 2004. Cette pratique de mass-market, renforcée par des lieux privilégiés de diffusion de masse, à savoir le métro parisien et plus récemment la radio RTL, permet ainsi d’éviter au client d’avoir à subir le moment délicat de la demande et de l’annonce du prix, surtout si celui est au-dessus de ses moyens. Si cette pratique demeure très contestée, autant par les professionnels que par les consommateurs (qui aurait envie d’offrir une bague dont tout le monde connaît le prix ?), une autre stratégie d’accessibilité envahit aujourd’hui le marché du luxe pour attirer de nouveaux clients moins fortunés : celle du fameux « payable en x fois sans frais ». Chez le joaillier Mauboussin, on peut ainsi se payer une bague à 2 000 euros en 12 fois sans frais. Chez Porsche, on peut repartir au volant d’un bolide avec un crédit spécial « sans engagement ». Et la dernière tendance c’est la montre pour homme à 8 000 euros en crédit-bail.
Autant de pratiques destinées à agrandir le marché des enseignes du luxe en cette période de crise économique. Car si les riches ne suffisent plus à remplir les objectifs de chiffre d’affaire, les classes moyennes (supérieures), elles, n’y manquent pas. Tout le monde semble alors y trouver son compte. La question reste cependant la même : se rendre accessible à un plus grand nombre ne va-t-il pas à l’encontre même de la définition du mot luxe ? Comme le rappelle Michel Gutsatz l’étymologie du mot vient de « luxus » signifiant « qui ne pousse pas droit », « déviant ». Le luxe renverrait alors à un comportement du consommateur qui ne consommerait pas comme tout le monde, qui dévierait de la norme du plus grand nombre…
Eugénie Mentré
Sources :
Michelgutsatz.typepad.com
Webandluxe.com
Influencia.net
M6.fr