VLOGGING
Médias

Une vidéo de moi, par moi, sur une idée originale de moi

Le vlogging, à l’origine, désigne un phénomène très vaste : des gens de tout type et de tout âge qui « font des vidéos » dans lesquelles ils apparaissent et parlent d’une multitude de sujets différents – cuisine, musique, culture, beauté… Depuis plusieurs années, un nouveau phénomène se développe et commence à toucher la webosphère française : des gens se filment en train de vaquer à leurs occupations ou de raconter ce qu’ils ont fait dans la journée. A titre d’exemples, allez voir la chaîne Youtube de Zoella (pour les plus bilingues anglais d’entre vous) ou celle de Marie sur EnjoyVlogging.
Créer du lien
Le vlogging a besoin de deux éléments : une caméra et une plate-forme qui servent d’interface entre le vlogger et son public. Car l’essence du vlogging reste le partage et le but, la création d’une communauté. Une grande partie des vloggers commencent leur vidéo par un « hey guys » ou son équivalent français « bonjour à tous ». Cette petite phrase introductive qui connaît autant de variations qu’il y a de vloggers a la vertu d’instaurer une relation simple, presque amicale, avec le spectateur croisé au détour de ses pérégrinations sur Internet. Elle permet également de convoquer non pas un seul mais toute une communauté de spectateurs, réunissant par cette formule magique le vlogger, la personne qui le regarde et toutes celles qui ont regardé ou vont regarder la vidéo.
Cette impression de lien est renforcée par le fait que le vlogger se montre : là où le blog permettait la distance par le biais de l’écriture, le vlog exige de s’exposer davantage pour créer l’illusion d’une conversation instantanée. C’est ainsi que s’instaure une relation plus immédiate avec une personnalité d’autant plus dense qu’on la voit, qu’elle est là. La matérialisation du lien avec le vlogger appartient ensuite au spectateur qui peut suivre activement la chaîne – donc augmenter ses vues et sa popularité –, s’abonner ou commenter. Ces actions donnant lieu à des réactions de la part du vlogger, une discussion s’installe.
Une logique spectaculaire
L’échange semble pourtant biaisé. D’une part, l’authenticité revendiquée par les vloggers est à remettre en question, d’autre part le rapport de force entre ceux-ci et leur public est déséquilibré. Les vloggers font en effet acte de création dans leurs vidéos. Ce qui apparaît comme une intervention spontanée s’obtient par un véritable travail et passe par une grande quantité de filtres. Du sujet au titre de la vidéo en passant par le texte, le cadre, les prises et le montage, un certain nombre d’éléments peuvent ainsi faire l’objet de choix qui influent sur la composition finale. Celle-ci ressemble donc moins à une prise de parole informelle et beaucoup plus à une performance, propulsant les vloggers du statut de meilleur ami virtuel à celui d’artiste. Un exemple extrême d’acte créatif assumé en tant que tel : Nothing much to do qui adapte « Beaucoup de bruit pour rien » de Shakespeare en série-vlog.
 

 
Le rapport des spectateurs à ces vidéos semble le confirmer en s’inscrivant dans une logique du spectacle. Le vlogger s’expose, le public dispose. Il peut en effet décider d’un grand nombre de paramètres dans cette discussion d’un nouveau genre. C’est lui qui choisit avec qui elle aura lieu (« j’aime pas du tout Untel, je vais regarder Untel »), quand (« je me ferais bien un épisode de Untel avant de me mettre à bosser »), combien de temps (« en fait c’est pas si intéressant, je vais fermer la vidéo alors qu’Untel est au milieu de sa phrase ») et surtout, si elle aura lieu (« finalement je vais regarder Orange is the New Black »). Pour poursuivre la métaphore du spectacle on peut dire que c’est l’adhésion du public et ses commentaires positifs qui décident de la réussite d’un vlog. Dans un second temps, lorsque le vlog est un succès, c’est l’existence-même de ce public qui impose aux vloggers un certain rythme de création. Il n’est ainsi pas rare d’entendre un vlogger promettre une vidéo pour une certaine date ou parler de son rythme de publication (en moyenne une vidéo par semaine). Le public semble donc dominer dans une relation qu’il définit par sa présence ou son absence.
Vers une nouvelle télé-réalité ?
D’une semaine à l’autre le public suit un vlogger comme il suit une série, impatient de voir ce que ce dernier lui réserve. Certains vlogs reprennent même les codes de la série en insérant, par exemple, un générique au début de la vidéo (voir theschuermanshow). Des prix ont même été créés pour récompenser les meilleurs vlogs, leur conférant une reconnaissance semblable aux contenus primés aux cérémonies du genre des Golden Globes. Ils marquent également la tendance à la professionnalisation de certains vlogs. Cette logique a atteint son sommet avec la mise en place de cérémonies spécialement dédiées aux contenus en ligne.
Mais on peut aller plus loin et inscrire le phénomène du vlog dans le cadre que la télé-réalité a imposé au paysage du divertissement. L’idée de montrer des vrais gens en guise d’« entertainment » s’est peu à peu déclinée : sont apparues des émissions de réalité scénarisée comme « Petits secrets entre voisins », des émissions de télé-réalité dont disparaissent les présentateurs et dont les commentaires sont de plus en plus pris en charge par les participants – voir « Les reines du shopping » et autres « Quatre mariages pour une lune de miel » … Le vlog semble en être une évolution logique parce qu’il montre des personnes dans leur quotidien commentant eux-mêmes ce qu’il se passe. Étant donc à la fois acteur, producteur, réalisateur et présentateur du contenu, les vloggers proposent une nouvelle forme de divertissement, plus proche d’eux et plus proche de leur public.
Sophie Mikovitch
Sources :
O’Neill, Megan. « The Top 5 Youtube Vloggers And Why People Love Them. » Social Times.  13/04/2010. Consulté le 10/11/2015. http://www.adweek.com/socialtimes/top-youtube-vloggers/11285
Samuelson, Kate. 25 « Vloggers Under 25 Who Are Owning The World Of Youtube », The Huffington Post UK. 26/12/2014. Consulté le 10/11/2015. http://www.huffingtonpost.co.uk/2014/12/17/25-vloggers-under-25-who-are-owning-the-world-of-youtube_n_6340280.html
Leloup, Damien. « Les « Family vlogs », ou la téléréalité faite maison », Le Monde.fr. 09/10/2015. Consulté le 10/11/2015. http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/10/09/les-family-vlogs-ou-la-telerealite-faite-maison_4786496_4408996.html#sZIUdBPgyzdfOtbH.99
Crédits photo :
MacEntee, Sean. Tyler Parker. Random Thoughts From My Random Mind. Consulté le 12/11/2015.
http://blog.tylerparker.ca/?cat=38

NICOLAS HULOT
Environnement, Société

Nicolas Yolo Break the Internet

 
Il y a quelques semaines, Nicolas Hulot, épaulé par Golden Moustache, a publié une vidéo visant à sensibiliser les jeunes aux enjeux du climat et à l’événement que constitue la COP 21. L’objectif : que sa pétition soit au maximum agréée pour interpeler les chefs d’états. Pour faire passer son message, il convoque les codes de l’humour 2.0 et prouve par le même biais son engagement pour la planète.

La vidéo s’intitulant « Nicolas Yolo, Break the internet » n’a pas fait que nous casser de rire, puisque dès les premiers jours, le serveur de sa fondation n’a pas résisté au nombre faramineux de visiteurs. C’est ce qu’on peut appeler un coup de com’ réussi, puisqu’on recense aujourd’hui 500 000 signataires et plus de 7 millions de vues sur la page Facebook de la fondation Nicolas Hulot.
Mise en abyme
« Faire passer le message de la manière la plus efficace possible » est l’enjeu même de ce clip ; sorte de mise en abyme du brainstorming qui a du vraiment avoir lieu, lorsque  Nicolas Hulot a frappé à la porte des studios Golden Moustache. L’équipe, désireuse de soutenir cette cause s’est portée bénévole durant les trois jours de tournage (Le making-off)
Ce qui est intéressant dans cette vidéo, c’est qu’elle est construite autour de la vraie problématique rencontrée par le personnage principal Hulot/Yolo : faire passer son appel à la pétition. D’un point de vue communicationnel, même si ce procédé est assez courant, mettre en scène de faux essais, qui prennent en compte les enjeux de départ, permet de montrer l’ampleur des débats et mises en gardes à l’égard de toutes les cibles.

Transparence et références
Admettons aussi que ce genre de procédé médiatique est efficace par sa transparence apparente (comme lorsque nous sommes amenés à voir les fonds verts du tournage). Comme nous le rabâchent nos médias, notre époque est plus que jamais celle de la transparence, du « décryptage », et c’est pourquoi montrer les processus de création, l’envers du décor (même s’ils sont biaisés par la mise en récit) reste très efficace.
Aussi, ce qui provoque le rire (et le buzz) , c’est évidement le contenu en lui même. Ces cinq minutes sont saturées de références à la génération Y. Les intonations et blagues plus ou moins douteuses de Bapt et Gaël, la présence de Kyan Khojandi, le « rainbow-cat » qui surgit avec vigueur et son « nyanyanya », ou encore l’ouverture du clip avec un clin d’œil à « Norman fait des Vidéos » … autant de références qui s’adressent aux jeunes que d’arguments d’autorité. Ou d’arguments utilisant l’autodérision… Car une grande part du comique réside dans le contraste entre l’équipe de com ultra branchée, incarnant un stéréotype poussé à l’extrême, et l’authenticité de Nicolas Hulot.

Léger décalage
Ce dernier est une personnalité médiatique habituée aux caméras, puisqu’il a été candidat aux présidentielles de 2012 et présentateur d’Ushuaïa pendant 25 ans. Il incarne donc un visage familier, que nous avions l’habitude (ou pas…) de voir dans des contenus orientés planète et écologie, donc peu humoristiques, c’est le cas de le dire. Le changement de style de son discours et de cadre d’élocution sont donc aussi des clefs de voûte du succès viral de ce clip.
Ainsi, l’autre tension que nous pouvons soulever suite à un tel buzz, c’est l’écart qui sépare l’importance des questions écologiques et la difficulté à trouver un bon moyen de les communiquer, de les faire résonner avec impact. Pourquoi la cause écologique, aussi importante soit-elle, continue à être un sujet rébarbatif, qui rebute et ennuie nombre de nos concitoyens ? Comment est-il possible que l’écologie souffre encore de son image austère, « terre à terre » et peu sexy, alors qu’elle constitue un enjeu clef pour les générations à venir ? Les « sympathisants » n’auraient donc pas besoin de se faire draguer par une com’ édulcorée ? Il faut envisager que si, à en croire les chiffres énoncés précédemment. Et il faut espérer que certains continueront à être drôles et inventifs, si c’est pour la bonne com, euh… cause.
Julia Lasry
Sources : 
www.osons-agir-pour-le-climat.org
http://www.franceinter.fr/emission-linvite-nicolas-hulot-0
http://www.ladn.eu/actualites/nicolas-hulot-golden-moustache-interpellent-jeunes,article,28081.html#ixzz3phbZHasY
Crédits images : 
Libération, « quand Nicolas Yolo joue la carte virale »
Golden Moustache

Break the Internet : le making of !

Nicolas Hulot "Break the Internet: le making of de la vidéo" Merci encore une fois à Golden Moustache McFly Studio Bagel madmoiZelle.com Mcfly – David Coscas Kyan Khojandi Natoo La Ferme Jerome ! Bapt&Gael Kayane Raphaël Descraques François Descraques – Page officielle – Marjorie Le Noan Le Fat Show Justine Le Pottier FloBer Aude Gogny-Goubert Kemar Lucien Maine Adrien Ménielle Nad Rich' Hard Akim Omiri Julien Pestel Juliette Tresanini Comédienne Marion Seclin – Mady Nicolas Berno sans oublier Havas Worldwide ParisSi vous ne l'avez pas déjà fait, n'hésitez plus : signez l'appel !! C'est par ici: https://goo.gl/vPygyS#osons

Publiée par Fondation pour la Nature et l'Homme sur Mardi 13 octobre 2015

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Couteau
Com & Société

[À savoir n°34] : trois tutos pour un avortement parfait

« EnjoyPhenix a sorti une nouvelle vidéo, t’as vu son dernier tuto ? »
Cela fait quelques temps maintenant que les fameux « tutos » envahissent nos pages Youtube. Premièrement, posons une définition précise de la chose, en clair :  « un tuto, c’est quoi ? »
Un tuto, ou tutoriel, est un mot utilisé pour désigner une brochure informative destinée à enseigner des données, de quelque type que ce soit, même si le terme s’est largement développé au niveau de l’informatique.
Une vague  de tutos en tous genres a donc déferlée sur nous autres internautes: tutos cuisine, tutos coiffures, plus populaires encore les tutos beauté des fameuses « youtubeuses », mais les tutos qui suivent sont d’un tout autre genre et risquent bien de vous glacer le sang. Exit le tuto qui nous donne le secret du parfait maquillage pour l’automne qui arrive, ici sont listées les meilleures astuces pour… avorter.

Des tutos « coups de poing »
Remettons les choses dans leur contexte : ces vidéos sont diffusées depuis avril dernier au Chili, l’un des pays les plus conservateurs en terme d’avortement. L’idée originale est celle de l’ONG Miles Chile, résolument féministe et qui entend bien faire bouger les choses.
En effet, depuis 1989, sous la dictature de Pinochet, l’interruption volontaire de grossesse est interdite au Chili, comme dans six autres pays à travers le monde. Les femmes enceintes qui ont recours à cette pratique s’exposent à une peine allant jusqu’à cinq ans de prison. Seul l’avortement dit « accidentel » est dépénalisé. Rappelons, à titre indicatif, que les femmes françaises, elles, bénéficient de ce droit depuis déjà 40 ans.
Miles a donc décidé de frapper fort : sur chaque vidéo, une femme explique comment avorter soi-même en mimant un accident : se faire renverser par une voiture, s’enfoncer un talon aiguille dans le ventre ou bien encore tomber dans les escaliers, autant de façons de pratiquer un avortement maison, souvent au péril de sa vie.
Les vidéos se veulent courtes et incisives, même s’il ne faut évidemment pas les prendre au pied de la lettre. La mise en scène de l’avortement n’en reste pas moins violente et crée un contraste avec le choix du support que représente le tutoriel, habituellement objet futile et de divertissement. C’est ce contraste qui rend la campagne de Miles particulièrement originale.
Derrière ce cynisme se cache la volonté de moquer et ridiculiser un Chili trop conservateur, et donc en retard sur son époque, face à des pays tels que la France ou les Etats-Unis, où le coût de l’avortement est partiellement pris en charge par l’Etat, et à une société qui ne cesse d’aller de l’avant.
Aux grands maux, les grands remèdes
Miles se paie les services du géant de la publicité Grey Chile, et joue la carte du cynisme et de l’humour noir pour dénoncer une réalité qui l’est d’autant plus. En effet, aujourd’hui encore, elles sont plus de 150 000 chiliennes à pratiquer l’avortement maison comme dernier recours face à une grossesse non désirée.
Les vidéos sont principalement diffusées sur la Toile et sont ponctuées du hashtag, #LeyAbortoTerapéutico. Vidéos tuto, hashtag, diffusion sur Youtube… Le mouvement a largement pris pour cible principale les jeunes générations, qui se trouvent être en première ligne dans cette bataille en faveur du droit à l’avortement.
Le message très clair: le Parlement doit voter la proposition de loi pour dépénaliser l’avortement au Chili.

Miles a gagné une bataille, mais pas la guerre…
La victoire se trouverait-elle au bout du chemin pour Miles ? Le projet de loi est aujourd’hui discuté, controversé même, mais l’ONG a réussi son pari: ouvrir le débat. Le projet est appuyé par la présidente socialiste Michelle Bachelet. Il vise à dépénaliser l’avortement sous certaines conditions: la raison avancée doit être valable. L’avortement pourrait donc être légal dans les cas suivants: viol, malformation du foetus ou risque pour la vie de la mère.
Ce premier pas vers l’éveil des consciences n’est pas du goût de l’Eglise catholique chilienne, qui a exprimé son mécontentement dans la presse à pas moins de cinq reprises. Les pays hispanophones sont les plus restrictifs en terme d’avortement: en Amérique Latine, l’avortement n’est libre qu’à Cuba, en Uruguay, à Porto Rico et à Mexico. Cette politique conservatrice  s’explique par leur proximité avec l’Espagne, pays colonisateur, et donc par l’influence exercée par l’Eglise catholique, aujourd’hui toujours très importante dans ces pays.
L’écho de cette victoire en terme de communication autour de l’épineuse question de l’avortement n’atteindra pourtant pas l’autre rive de l’Atlantique, puisque la classe dirigeante espagnole, malgré la récente démission du premier ministre Mariano Rajoy, tente toujours de faire machine arrière et de limiter le droit à l’avortement à deux cas: le viol et le risque vital pour la mère.
A quand donc un tuto « être une bonne mère sans même vouloir en être une » ? À cela, Miles répondrait que « la maternité est un droit, non une obligation ».
 
Manon DEPUISET
@manon_dep
Sources : 
Le Monde : http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/05/29/des-tutoriels-pour-avorter-afin-de-denoncer-la-loi-chilienne/
Crissementathee : http://crissementathee.com/2015/05/30/au-chili-une-ong-militant-pour-le-droit-a-livg-propose-une-campagne-choc/
Crédits images
Europe 1
Youtube
RFI.fr

Com & Société

La guerre des réseaux sociaux, ou l'éveil de Snapchat

 
Depuis une semaine, les utilisateurs de la célèbre petite application ont pu constater une nouvelle évolution dans le fonctionnement de cette dernière: en effet, il est désormais possible de parler à ses contacts Snapchat par un système de messagerie instantanée, mais aussi de les voir avec un outil de discussion vidéo en temps réel. Un pas de géant pour Snapchat, qui, jusque là, ne servait “qu’à” envoyer des photos plus ou moins intéressantes à ses amis.
Car Snapchat, au départ, c’est l’application sans prétention, qui se veut amusante et qui rentre parfaitement dans la culture de l’image que nous avons aujourd’hui: elle cumule à la fois l’attrait contemporain pour le cliché (au sens propre comme figuré: avec des applications comme Instagram, on s’est rendus compte d’abord de l’importance grandissante de la photo dans notre société, qui voit foisonner de nombreux “artistes” en herbe, armés de smartphones et de quelques filtres un peu rétro, mais aussi, et par là même, de stéréotypes et de catégorisations liés à l’image, avec des hashtags spécifiques qui rangent les photos dans des cases pré-définies et qui conditionnent le photographe) et l’éphémère. Le fait que ces photos “fantômes” disparaissent au bout de quelques secondes peut être rassurant et pousse à envoyer toutes sortes de situations mises en images plus ou moins drôles par l’application (mais gare au “Screenshot”).
En soi, Snapchat n’était donc jusqu’à présent qu’une application ludique et assez unique en son genre, qui ne faisait de l’ombre à personne. Forte de son succès, elle faisait son petit bonhomme de chemin toute seule, sans jamais vraiment menacer ses congénères. La seule exception fut peut-être l’apparition de filtres photo qui n’étaient pas sans rappeler Instagram, mais rien de bien méchant.
Et voilà que Snapchat se jette à l’eau. Après un snap vidéo envoyé par la Team Snapchat à tous ses utilisateurs en guide de teasing, où les Snapchatteurs ont pu découvrir une conversation par messagerie instantanée avec vidéo entre deux personnes, Snapchat a rendu disponible une mise à jour qui, on s’en doute, va révolutionner l’utilisation de l’application.
Car avant, Snapchat, c’était simplement raconter en images ce qu’on faisait, une excuse marrante pour prendre des selfies, une décomplexion de l’outil photographique tant utilisé mais aussi beaucoup critiqué à l’heure actuelle. On comptait sur le caractère évanescent des photos, sur la petite mention “screenshot” pour se dire que de toute manière on saurait si on avait été immortalisé.
Maintenant, avec l’apparition de cette nouvelle mise à jour, Snapchat ne sert plus uniquement à ça, mais aussi à communiquer par vidéo et par messagerie instantanée, ce qui représente un changement considérable.
Avant, le seul semblant de “discussion” mis à disposition par l’application se limitait aux 45 caractères que l’on pouvait insérer sur une image. A présent les utilisateurs peuvent réellement chatter, avec toujours cette logique de l’éphémère (les messages disparaissent si l’on n’appuie pas dessus pour les sauvegarder). Autre changement: Snapchat met une nouvelle limite à son culte de l’éphémère en rendant maintenant possible le fait de pouvoir utiliser les photos déjà présentes dans la bibliothèque photo de l’utilisateur: une option qui vient nuancer le côté “instantané” des photos échangées par le biais de l’application.
La communication par vidéo, également, est une avancée importante: si avant, l’application permettait d’envoyer des petits clips vidéo de 9 secondes maximum (un peu sur le modèle des Vines), il est désormais possible d’avoir une vraie conversation en images, comme sur Skype ou FaceTime (à la différence près qu’il faut garder le pouce maintenu sur l’écran, ce qui peut être contraignant).
Alors, comment cette avancée est-elle justifiée par l’entreprise? « Jusqu’à présent, nous avons estimé qu’il manquait à Snapchat une partie essentielle de la conversation : la présence. Il n’y a rien de mieux que de savoir que vous avez toute l’attention de votre ami lorsque vous chatez” ont posté des représentants de l’application sur un blog.
Ce qui est intéressant cependant face à ce changement, c’est qu’il survient quelques jours à peine après une importante mise à jour de Facebook[1], qui impose à ses utilisateurs de passer par l’application Messenger pour envoyer des messages privés sur la version mobile. Ladite application a à son tout tenté d’innover en mettant à disposition une « selfie cam », permettant de prendre rapidement un autoportrait et de l’envoyer directement.
Snapchat s’inscrit donc dans la lignée de Facebook en développant à son tour ses fonctionnalités. L’avenir nous dira quel sera le prochain coup dans cette guerre des réseaux sociaux, menée par l’image.
 
 Camille Gross
Sources
LePoint
LeMonde
 

 

[1] http://tempsreel.nouvelobs.com/vu-sur-le-web/20140429.OBS5539/pourquoi-facebook-vous-demande-d-installer-messenger.html

Les Fast

Le ridicule : arme fatale contre le sexisme ?

 

A l’occasion de la journée mondiale de l’égalité salariale du 18 mars, l’agence Mortierbrigade a réalisé deux vidéos « ridicules » pour le compte du parti politique belge Zij-kant. Dans la lignée des Femmes Socialistes, ce parti souhaitait sensibiliser le public à propos d’une réalité peu reluisante : en moyenne, les femmes belges gagnent 21% de moins que les hommes.
La campagne s’appuie sur des clichés aberrants, non pas sexistes mais racistes ou intolérants de manière générale. Le point central de cette campagne est en effet de dénoncer le « ridicule » par la comparaison. La démonstration se veut simple : on met en scène à l’écran un cliché grotesque avec une voix off complaisante pour expliciter les choses. Rires ou malaise – du moins on l’espère, le spectateur constate le ridicule de la chose. La première vidéo reprend des clichés racistes tels que « les noirs ne savent pas conduire », « les noirs sont fainéants » tandis que la deuxième s’en prend aux personnes obèses, avec toujours pour conclusion de la voix off : « et c’est pour ça qu’ils devraient être moins payés. »
Apparait alors le message final : « Ridicule ? Pas plus que de payer les femmes 21% de moins que les hommes. »

Ridicule VS Choc ?
Le ressort du ridicule est de rendre risible une personne ou une situation et, à ce titre, ces deux courtes vidéos sont efficaces. Pour autant, le ridicule n’est pas choquant, contrairement aux usages courants de « Vidéos Choc anti X » de campagnes de sensibilisation qui ont recours à cette méthode dans le but de faire réagir toujours plus de monde. C’est là un bon moyen de faire le buzz et de créer une communication virale autour du message que l’on a à faire passer via les réseaux sociaux. Tant que le but reste de sensibiliser l’opinion publique à un enjeu important, le choquant peut aller loin. Nous pouvons penser par exemple à la très dérangeante et donc assez efficace vidéo 14 millions de cris, avec notamment Alexandre Astier et Julie Gayet en acteurs principaux, contre le mariage forcé de jeunes enfants.
Ceci nous amène à interroger l’impact de ces deux vidéos sur la perception de l’écart salarial hommes-femmes, mais aussi à questionner la banalisation des contenus « choc » des campagnes de sensibilisation. Les clichés exposés à l’écran font sourire ou provoquent tout au plus un sévère froncement de sourcil. Il semble que la réaction provoquée chez le spectateur ne soit pas l’indignation souhaitée à la hauteur de l’injustice dénoncée. Mais aborder le plafond de verre et trouver des solutions concrètes est difficile tant que l’ampleur de la situation n’est pas révélée au grand public. On observe justement un mouvement de protestation contre ces inégalités dont on ne peut que louer la démarche. Néanmoins, l’impact apparaît faible tant l’aspect « ridicule » et comique prend le pas sur l’indignation. A titre de comparaison, la précédente vidéo de Mortierbrigade sur ce sujet a rencontré un franc succès et jouait davantage sur l’aspect « choc » pour faire passer le message.

Une question demeure alors : avons-nous absolument besoin d’images « CHOC !» pour réveiller notre conscience et nous engager dans la lutte contre les inégalités ?
 
Rimond Leïla
Sources
LaRéclame
CreativeCriminals

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Société

Veni, Vidi, Vine

Il se regarde plus vite qu’il ne s’explique. Un Vine est une vidéo de l’application mobile du même nom, qui permet de filmer et partager des vidéos de 7 secondes, pas plus. Trois mois après sa sortie en Janvier 2013, elle était déjà la plus téléchargée de l’Apple store. La naissance et la belle carrière de Vine, parmi la multitude d’applications qui existent déjà, avait quelque chose de prévisible. Cet outil est comme un concentré de certains traits de notre société : self-expression, technologie, internationalité, immédiateté, viralité, mobilité, et autres mots en –té…
Un terrain fertile
La montée de l’usage des smartphones et des applications rendent le destin d’outils comme Vine prometeur. De plus en plus de vidéos sont visionnées sur mobile et durant des durées limitées (le temps d’un trajet par exemple). La réalisation et la publication de ces micro vidéos sont facilitées grâce notamment à la 3G, la 4G, et à la réduction du nombre d’images par seconde. Vine surfe sur la mode du gif et sur la tendance à faire passer un message, souvent humouristique, de façon rapide et répétitive. Ce n’est pas pour rien qu’elle a été rachetée par son grand frère Twitter avant même d’être lancée. La vitesse et l’instantanéité sont les maîtres mots de cette fraterie. On est passé tout naturellement du phénomène de « la petite phrase » à celui de la « petite vidéo ».
Comme dans tout champ prospère, la concurrence existe. Instagram propose un système similaire, mais avec des vidéos plus longues de 15 secondes et des filtres pour l’indémodable effet vintage. Mais Vine a un potentiel bien plus comique qu’esthétique.
Le plein de viralité 
Ce qui fait la force de Vine c’est aussi son fort pouvoir viral. Une fois la vidéo finalisée, on a ainsi la possibilité de la publier simultannément sur Vine, Twitter et Facebook. Les vidéos peuvent ensuite être postées sur d’autres sites ou blog. Sur Youtube, il existe ainsi des compilations longues d’une dizaines de minutes réunissant les meilleurs Vines du net (attention ça rend un peu fou). L’humour en image a l’avantage de pouvoir être partagé par le plus grand nombre. Des pages facebook « Best Vines » rassemblent des vidéos bien souvent anglo-saxonnes, à l’humour universel. La vidéo devient aussi simple à partager qu’une image. Il se créé ensuite une réaction en chaîne : on commence par regarder des vines, puis on se dit pourquoi pas moi ? C’est un peu comme sur Twitter, quand on commence par follower avant de se mettre à tweeter soi même.

L’expression sous contrainte
Vine est comme l’évolution d’un format très court d’une vidéo Youtube, avec ce qu’elle implique : la possibilité de s’exprimer pour un grand nombre de personnes. Les utilisateurs deviennent les réalisateurs de micro films. Comme dans tout exercice, on peut penser que la contrainte fait naître la créativité. L’exercice peut sembler simple, et pourtant il nécéssite un mini scénario, une idée simple qui doit surgir en six secondes. On ne peut pas non plus tricher : la vidéo peut se faire en plusieurs prises, mais rapprochées, et la réalisation peut demander une certaine organisation. L’outil est donc facile d’accès, mais sa maîtrise et les chances d’en faire quelque chose de bien ne sont pas si évidentes. Certains poussent l’exercice encore plus loin en créant des séries, comme ce père de famille BatDad dont les vines sont réunis sur un blog.
En instaurant un format de 7 secondes, les créateurs de Vine on répandu une certaine vision du monde. Vine devient un format classique pour faire de la vidéo rapide et la diffuser, un cadre dans lequel on peut construire son message. Comme toute invention, son usage a d’ailleurs déjà échappé à ses créateurs. La profusion de vidéos Vine pornographiques à sa sortie n’est pas sans rappeler les débuts du minitel rose dans les années 90.
Les marques se sont naturellement mises à utiliser Vine elles aussi (Mac do, Orange, Gap, Calvin Klein…). Le concept est séduisant et peu onéreux. L’effet zapping n’est alors plus un problème : on peut être sûr que le consommateur regardera la vidéo en entier.
A noter : pour être vu et entendu, il est préférable de faire court.
Agathe Laurent
Sources :
Vine
Maxime, ingénieur multimédia
http://www.theverge.com/2013/4/9/4204396/vine-number-one-us-app-store-free-apps-char
http://pro.clubic.com/webmarketing/actualite-575894-pierre-laromiguiere-armstrong-vine.html
http://www.journaldunet.com/ebusiness/marques-sites/vine-campagnes-marques/

com montebourg
Agora, Com & Société

Montebourg 2.0

 
Mardi 2 juillet de 18h à 19h, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif, a tenu une conférence vidéo sur le thème « la localisation et la relocalisation d’activités industrielles en France » via Google Hangouts et retransmise sur Youtube. Avec cette communication politique d’un nouveau genre, initiée le 6 juin dernier par Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des Femmes et Porte-Parole du Gouvernement, Arnaud Montebourg entend donner aux citoyens les moyens d’ « interroger le pouvoir, ses choix, ses décisions ». Cette vidéo-conférence, organisée par le ministère mais réalisée dans les locaux de Cap Digital (grand pôle de compétitivité, pas un hasard donc) se veut donc comme le prolongement logique des compte-rendus de terrain que le ministre réalise régulièrement sur le terrain, comme cette semaine à Montpellier.
Un dispositif verrouillé
Ce que l’on retient de ce petit chat improvisé, c’est tout de même la prise de risque zéro du ministre. Les huit internautes qui ont pu interroger Arnaud Montebourg par webcams interposées avaient été soigneusement sélectionnés à l’avance par le cabinet du ministre. En outre, il s’agissait pour la plupart de jeunes entrepreneurs de starts-ups qui au bout du compte ont les moyens et la volonté de privilégier la fabrication française. D’ailleurs, les questions au ministre ne sont ni très pertinentes ni très cinglantes : le ministre peut donc développer à l’envie les différents pans de sa politique, vantant au passage les bienfaits de son logiciel Colbert 2.0, qui est censé aider les chefs d’entreprises français à relocaliser leur production. Aucun des intervenants ne lui pose des questions dérangeantes ou réellement profondes. Une communication qui n’a donc rien de symétrique, et qui s’apparente davantage à un exercice de légitimation de la politique de redressement productif du ministre Montebourg, qui brasse en effet beaucoup de dossiers (parfois avec du résultat) mais se voit réduit, contre son gré, à faire le moulin. Il en va de même pour les questions posées par tweets, via le hastag #MRPnum, que l’équipe sélectionne et écrit sur le paperboard en face du ministre.
Auj à 18h, débat numérique avec @montebourg, en direct sur http://t.co/jcRs4ePUsk Posez déjà vos questions #MRPnum pic.twitter.com/odjjR8qIdO
— Ministère RP (@redressement) July 2, 2013
Le tweet de présentation de la vidéo-conférence, via le compte du Ministère

@montebourg @redressement #MRPnum trouvez-vous normal de protéger nos artistes (protectionnisme) et pas notre industrie ? — Taf Séb (@Subtaf) June 30, 2013

Un exemple de question : pas de quoi effrayer Montebourg, qui connaît bien ses dossiers.
On peut remarquer que les chiffres et certains éléments de réponse à des questions sont également préparés à l’avance et écrit sur le paperboard ; ainsi Montebourg n’a qu’à tourner légèrement la tête pour lire ce qui y est inscrit. Un premier exercice bien cadré donc, mais légitimité dans sa forme par la contrainte technique. Dans l’avenir, le cabinet assure que le ministre souhaite réitérer l’action mais dialoguer cette fois-ci avec des internautes non sélectionnés. Toutefois cela apparaît techniquement plus complexe, car il faudrait alors valider la connexion de chaque internaute tout en conservant une certaine fluidité malgré le direct.
Plus proche des citoyens
Après la forme, penchons-nous un peu sur le fond. D’après Montebourg, sa démarche s’inscrit dans ce qu’il appelle un « colbertisme participatif ». « Colbertisme » en référence à Colbert, contrôleur général des finances de Louis XIV : celui-ci a en effet participé à la construction de l’État français tel que nous le connaissons aujourd’hui mais a aussi impulsé son industrialisation. « Participatif » évidemment pour désigner la volonté d’établir un lien de proximité entre dirigeants et citoyens. Montebourg introduit son « chat vidéo » en exprimant son « besoin de discuter avec la société toute entière ». Il a le souci d’expliquer sa politique de manière directe, sans passer par les médias tels que le journal de 20h ou la presse écrite qui jouissent encore d’importantes audiences mais qui laissent de côté de nombreux citoyens. Par ailleurs, la nouvelle génération de citoyens connectée au web 2.0 s’informe, communique et échange directement sur Internet via les réseaux sociaux. « Il m’a paru nécessaire d’aller sur le lieu où se rassemble le plus grand nombre de citoyens » explique-t-il. Un discours rassurant, une initiative participative qui marque l’intérêt de Montebourg pour la politique de proximité, lui qui fait chaque année sa traditionnelle ascension du Mont Beuvray dans son fief de Bourgogne. Cette année, Le Petit Journal s’était rendu sur les lieux pour railler le « ministre des Champs » et sa politique enracinée, qui joue du patois local et ironise gentiment sur l’attitude « parisienne » des journalistes présents. Sans remettre en cause la bonne foi d’Arnaud Montebourg ni même sa vocation à pérenniser la démocratie participative, on enfoncera des portes ouvertes en avançant que cet événement s’inscrit surtout dans une stratégie de construction d’une identité politique forte. Je vois davantage ici le futur candidat Montebourg en 2017, qui élabore soigneusement et patiemment une image d’homme politique enraciné et à l’écoute de tous les Français, dans la diversité de leurs conditions. Sans critiquer le volontarisme et les compétences du ministre Montebourg, force est de constater son habilité à échafauder soigneusement son écrin de « représentation » (que d’autres appelleraient un peu banalement « storytelling ») tout en jouant l’équilibriste avec le gouvernement (on connaît ses mauvais rapports avec le Premier Ministre) et sa politique (qu’il a critiquée plus ou moins ouvertement et qu’il digère sûrement difficilement).
Et Dailymotion ?
Finalement, ce qui a peut-être le plus retenu l’attention, c’est le choix de Youtube pour héberger la vidéo conférence. C’est qu’en avril dernier, le ministre du Redressement Productif avait déclenché la controverse en posant son veto au rachat de la plateforme française par le géant américain Yahoo. Selon le service presse, ce choix se justifie par des raisons purement techniques : « Depuis janvier, le ministre effectue des compte-rendus de mandat ministériel lors de déplacements en province. Il a voulu élargir l’audience au-delà des 300-400 personnes habituellement présentes à ces réunions, d’où l’idée du chat vidéo. (…) Il n’y avait pas de solution numérique en France équivalente à Google Hangouts, c’est pour ça que nous avons retenu Youtube. » Avant de quitter les lieux, Arnaud Montebourg n’hésite pas à lancer à l’équipe de Google : « Hé les gars ! Quand est-ce que vous payez vos impôts ? » Dommage que ce ne soit que pour la beauté du geste.
 
Laura Garnier

Société

Et si Yahoo! avait racheté Dailymotion…

 

Aujourd’hui, le 6 mai 2013, la France est en deuil. Un an jour pour jour après l’élection de François Hollande, la page Wikipédia de Dailymotion a disparu. Et lui avec.
L’aigle, ou plutôt la Pygargue à tête blanche, a dévoré le coq gaulois. Voilà que la charmante petite église d’un village français que représentait (presque) le logo de Dailymotion se transforme, bien malgré nous, en gratte-ciel de Wall Street ! Le rachat de Dailymotion par Yahoo! signe la fin de la culture française chuchote-t-on.
Adieu les Matinales de RTL rediffusées avec la tendre voix de Stephane Bern , notre monarque radiophonique préféré ?
Adieu les interventions d’Alain Duhamel dans sa rubrique « Fait Politique » ?
Adieu l’humour français « démocratisé » dans les retransmissions des sketches de nos meilleurs (ou pas) humoristes ?
Adieu les témoignages pertinents de jeunes adolescents (ou pas) à propos de leur libido, comme dans cette vidéo publiée cette semaine « C’est marrant la vie presque puceau » ?

Mais heureusement, nous ne sommes plus « la risée mondiale de l’Internet », comme avait pu le déclarer Pierre Kosciusko-Morizet, le frère de Nathalie et le cofondateur de Price Minister, au moment où les négociations entre le gouvernement et Yahoo se révélaient un peu tendues. Grâce au rachat par le géant américain de la plateforme française de vidéos en ligne, il est désormais possible d’envisager la « croissance mondiale » de la start-up française (enfin, nord-américaine, ce qui pour beaucoup semble être la même chose). « La notion de “France” n’est plus économiquement pertinente. Les capitaux sont mondiaux aujourd’hui », revendiquait l’auto-entrepreneur avec un optimisme patriotique incroyable. Mais n’ayez crainte, Pierre Kosciusko-Morizet sera bientôt le prochain ministre du redressement productif, et remplacera Monsieur Montebourg, idéaliste socio-démocrate qui a foi en un dynamisme économique national anachronique.
A Bercy, comme dans la Rue de Vallois, on ne parle plus de « défense de l’exception culturelle ». La rhétorique de la croissance a fini par triompher. Désormais, Deezer reste le seul site tricolore qui s’est fait une place en dehors du web hexagonal. Arnaud Montebourg, après avoir figuré en première de couverture du Parisien pour défendre le « Made in France », ne pouvait que s’opposer au rachat de Dailymotion, vecteur majeur de l’influence culturelle et numérique française dans le monde. Mais il n’a visiblement pas été insensible à l’ambition de la charmante patronne américaine de Yahoo! Marissa Mayer qu’il a préférée à la préservation de « l’intérêt de la France ». Le rachat de Dailymotion par Yahoo! signe la défaite du « Made in France », avant qu’il n’ait pu atteindre sa maturité.
Yahoo! a rapidement changé le nom de l’entreprise française pour « Mouvement Quotidien », traduction littérale de Dailymotion pour séduire un public étranger sensible aux sonorités francophones. Chacun saura apprécier la portée humoristique de ce choix.
Rien de mieux pour illustrer ce rapport de force « politico-économico-numérique » que les fables du conteur français Jean de la Fontaine. Dans Le Renard et la Chèvre, le lecteur assiste à la défaite de cette dernière face à l’espièglerie du renard, qui répond à la chèvre bien embêtée :
« Tâche de t’en tirer, et fais tous tes efforts :
Car pour moi, j’ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d’arrêter en chemin.
En toute chose il faut considérer la fin. »
 
Margaux le Joubioux
Sources :
-France Culture : Dailymotion devrait rester Français…. Pour le moment
-Rue 89 : Pierre Kosciusko- Morizet : « Dailymotion va mourir »
-Le Figaro : Yahoo! repart à l’offensive et lorgne Dailymotion
-Les Fables Jean de La Fontaine

Com & Société

Le Canada se refait une beauté

 
On oublie souvent que le Québec est une province à part, et distincte à bien des égards, du Canada. Hasard ou volonté de se distinguer, le Québec et le Canada ont chacun lancé une campagne de communication territoriale ce mois-ci, visant à redorer le blason de leur destination touristique. Polyphonie ou cacophonie ? Les voix du Canada s’élèvent. Mais reconnaissons-le,  la période de novembre, prémices de l’hiver, n’est pas si anodine quand on sait que le Canada réalise la majorité de ses bénéfices touristiques sous la neige.
 
Les Canadiens s’expriment 
L’office du tourisme du Canada a lancé ces derniers jours sa campagne intitulée  « les Canadiens invitent le monde entier chez eux ! », aboutissement du projet de la Commission Canadienne du Tourisme (CCT), 35 millions de regards. Cet été, la CCT a confié aux Canadiens la mission de promouvoir leur pays en envoyant des photos et des vidéos de leur endroit préféré, de leur plat gastronomique favori, ou d’un autre sujet faisant foi de leur amour pour leur pays. Le résultat a été concluant, puisque plus de 6000 participants ont répondu à l’appel. Les 65 heures de vidéos reçues ont donné lieu à la création d’un spot de deux minutes.
Ces quelques minutes condensent toutes les régions touristiques du Canada, de magnifiques paysages, de nombreuses expériences sportives qui montrent la diversité du pays. Mais elles dévoilent aussi des images de montagnes russes, de plans divers sur des pieds humains, de glaces italiennes et de hot-dogs, ou encore de chiens, chevaux et autres animaux qui sembleraient faire l’originalité du Canada…
Est-ce à l’agence DDB ou à la Commission canadienne du tourisme qu’a été confiée la tâche de sélectionner les vidéos des participants ? Lorsque l’on sait, après avoir lu le communiqué de la CCT, que  « cette vidéo, présentée autour du globe dans des campagnes et autres initiatives de marketing, est également diffusée à grande échelle dans les médias sociaux, notamment par les Canadiens qui ont contribué au projet », on comprend mieux que ce projet a nécessité des compromis. En effet, on suppose, pour que la viralité et la diffusion sur les réseaux sociaux soient efficaces, que les Canadiens doivent se reconnaître et apprécier la vidéo.
L’originalité est donc formelle, et réside dans le principe, comme le souligne Greg Klassen, vice-président de la CCT : « Personne ne saurait mieux mettre notre pays en valeur que les Canadiens ». Mais, selon le rapport sommaire de la Veille Touristique Mondiale de 2011,  cette campagne de communication participative survient après l’absence de campagne publicitaire touristique en 2011 au sein du Canada. Et cette absence de toute publicité a fait chuter sensiblement la notoriété spontanée des Canadiens pour les voyages « intra-muros ». Ainsi à la recherche de viralité et d’efficacité, la campagne a l’air de viser deux cibles, l’international et le national, et ce à moindre coût. Finalement le résultat  donne plus le sentiment d’un éparpillement qu’il n’engendre un buzz.
De plus, même si la volonté démocratique est visible, elle n’en reste pas moins maladroite.  On se rappelle les campagnes de Swedish Institute et Visit Sweden en 2011, dans lesquelles  les deux institutions avaient mis en place le compte Twitter de la Suède, @Sweden, et laissaient la place aux internautes chaque semaine pour qu’ils s’expriment sur leur pays. La grande différence ? Les tweets ne sont ni censurés ni « choisis » ; on pouvait alors lire des avis déconseillant tel restaurant ou tel bar. La sélection détruit ici l’authenticité proclamée dans la campagne canadienne.

Le Québec joue sur les mots 
Le même mois, Tourisme Québec lance une vidéo publicitaire intitulée « Raconter le Québec » promouvant la région seulement.  Lorsque «  Les Canadiens invitent le monde entier chez eux » sur fond musical, « Raconter le Québec » se fait en français, du moins en québécois traduit en français.
Et pour le coup, leur cible est bien définie, et plutôt stratégique. La Veille Touristique Mondiale de 2011 publie des chiffres démontrant que le Canada jouit d’une forte notoriété dans les marchés européens, et c’est la France qui enregistre les meilleurs résultats. Mieux encore, lorsqu’on demande aux Français quelle est la région qu’ils préféreraient visiter s’ils allaient au Canada, 89% d’entre eux répondent le Québec. Ainsi, Tourisme Québec a décidé de moderniser son image de marque par un nouveau logo-slogan : Québecoriginal, choix simple et judicieux puisque le mot original est compris en français et dans une dizaine de langues.
Le spot vidéo de cette campagne touristique a su tirer parti des recommandations de la CCT qui préconisait une perception  « plus près des traits de personnalité que le Canada souhaite associer à sa marque, en particulier des caractéristiques les plus dynamiques (sûr de lui, fascinant, jeune et plein d’esprit) et insistant davantage pour communiquer des impressions amusantes, énergiques et fascinantes ».
Dans la vidéo « Raconter le Québec »,  la narratrice évoque, non sans le fameux accent, les particularités du Québec et ses anecdotes. Ainsi les Québécois sont « tellement de bonne humeur dans la vie qu’ils ont le seul nom de ville avec deux points d’exclamation, Saint-Louis du Ha ! Ha ! » et autres incongruités de langage qui font rire tant de Français. L’autodérision prime donc dans la première partie du spot, mais, après un ultime trait d’humour, défilent sur un ton poétique les images du Québec que l’on connaît et affectionne.
 La réussite de cette campagne est de pouvoir capter l’attention des Français par un jeu subtil de stéréotypes dans la première partie (les anecdotes racontées ne sont pas les plus connues), tout en montrant de l’originalité dans la seconde. En effet, là où on s’attendait à voir (seulement) les énièmes images de montagnes enneigées, on découvre aussi la vie nocturne et les événements du Québec, en simplicité : «  Chez nous, on crie dehors, on trip dehors, on fait du sport dehors, on joue dehors, on dort dehors, et puis on danse dehors ». Finalement, ça change des publicités touristiques qui ne nous montrent que des paysages sur fond musical. Le pari est réussi, c’est plutôt énergique, du moins ça ne nous endort pas.

Avec ces deux campagnes simultanées, le Canada s’offre une visibilité internationale manifeste. Mais, lorsque l’on s’intéresse aux communications régionales du pays, on n’est pas non plus en reste. Il s’agit d’un phénomène prolixe au Canada, et qui a du succès. Les Français sont donc cordialement invités outre-Atlantique, bien qu’ils n’invitent pas beaucoup en retour…
Marie-Hortense Vincent
 
Sources
http://fredericgonzalo.com/2012/06/18/nouvelle-image-de-marque-de-tourisme-quebec-original/
http://lareclame.fr/46459+canada »http://lareclame.fr/46459+canada
http://fr-corporate.canada.travel/content/news_release/35-million-directors-video
http://fr-corporate.canada.travel/sites/default/files/pdf/Research/Market-knowledge/global_summary_gtw_yr5_2011_fr.pdf