Com & Société

Stunt et caméras cachées, Carlsberg et ses compères

 

La marque de bière suédoise Carlsberg a lancé le 13 mars sa dernière campagne digitale « Carlsberg put friends to the test » sous forme, encore une fois, de caméra cachée. On se souvient en effet de leur campagne Bikers en 2011, primée aux Cannes Lions de 2012, où un couple qui venait tranquillement regarder un film au cinéma, se retrouvait dans une salle remplie de bikers à l’air féroce. Réactions mitigées de la part du couple souvent dubitatif, pour le plus grand plaisir des internautes. Cette année, Carlsberg reprend la même méthode, et la même agence Duval Guillaume Modem, pour un nouveau buzz. Le concept cette fois-ci : testez vos amitiés. L’arroseur appelle son meilleur ami au beau milieu de la nuit pour lui annoncer qu’il est retenu dans une partie de poker car il a perdu de l’argent. Il lui demande de venir avec 300 euros. De là part une série d’aventure pour celui, le plus courageux, qui aura accepté de courir à l’aide du complice.

Dans les deux campagnes, le courage est mis à l’épreuve, mais est surtout récompensé par une Carlsberg bien méritée. Car la marque a effectué un tournant dans sa stratégie en 2011, voulant se démarquer face à la concurrence mais aussi rajeunir son image. Carlsberg avait depuis sa création, en 1847, une tagline bien connue et ancrée dans les mémoires : « Probably the best beer in the world » (« Probablement la meilleure bière au monde »). Aujourd’hui elle veut mettre en avant une tendance nouvelle, accordant son héritage avec des valeurs correspondant à l’esprit plus actif et aventureux de leur cible. Ainsi la marque encourage aujourd’hui les consommateurs à « s’affirmer et faire les choses bien » en référence à leur nouveau slogan anglo-saxonn : « That calls for a Carlsberg » (« Ca mérite bien une Calsberg »).

La méthode « stunt » est souvent risquée (on se souvient du bad buzz de Cuisinella, analysé ici par Léo Fauvel) mais on peut penser que « Put friends to the test » a tous les ingrédients pour fonctionner. En effet, dans cette caméra cachée, le spectateur est mis dans la confidence et ne risque pas de se méprendre sur la blague, mais aussi et surtout, l’idée est nouvelle. Le message est cohérent, le suspense est là, les « arrosés » sont crédibles, et enfin, la clef du succès de ce genre est présente : on se demande tous « qu’est-ce que j’aurais fait à sa place ? » Bien sûr, de plus en plus d’internautes crient à la supercherie pour ce genre de vidéo virale, et accusent les piégés d’être acteurs, ce qui briserait l’authenticité des vidéos.

Et l’éthique ?

Les publicités caméra cachées, souvent conçues pour créer le buzz, ont un succès indéniables en ce moment. De nombreuses marques se sont mises à l’essai. On a vu récemment le Stress test de Nivéa, le Push to add drama pour TNT ou encore le canular de Jeff Gordon pour Pepsi.
Dans le cas de Pepsi comme souvent ailleurs, le rire provient surtout de l’état de détresse de la personne piégée. Jusqu’où peut-on aller pour donner de la visibilité à sa marque ? Les internautes animent souvent ce débat dans les commentaires en citant parfois les limites de certaines caméras cachées (parmi lesquelles, la vidéo d’une émission comique brésilienne, celle de l’ascenseur hanté, où les victimes étaient terrorisées par un de nos pires cauchemars).

Le combat de coqs

Dans le cas de Carlsberg, l’enjeu de cette campagne était aussi (surtout ?) de répondre à Heineken, son principal concurrent. En effet, depuis quelques années, on a pu observer une jouxte du meilleur stunt entre ces deux rivaux. En 2010 Heinkeken avait organisé un faux concert de musique classique en Italie, le soir d’un match de la Ligue des Champions. Une centaine de femmes avaient piégé leur compagnon et les avaient convaincus de se rendre à cet événement. De même pour quelques journalistes réquisitionnés par leur boss pour y assister. Au bout de quelques minutes musicales très longues pour certains, la marque avait révélé le but réel de cette assemblée, à savoir de regarder le fameux match avec Heineken. Le succès a été au rendez-vous. Mais L’année suivante, Carlsberg réplique avec sa caméra cachée et ses fameux bikers dans un cinéma de Bruxelles. Heineken n’en est pas resté là et a lancé, il y a quelques mois, sa campagne virale « The Candidate ». Nouveau scénario : lors du recrutement d’un nouveau responsable sponsor pour Heineken, cette dernière filme en caméra cachée des entretiens d’embauche, mais pas comme les autres. Après que le recruteur ait conduit le candidat main dans la main jusqu’à son bureau, la victime assiste à des rebondissements improbables, entre malaise vagal du recruteur, alerte à l’incendie et assistance aux pompiers. Les vidéos des trois finalistes ont ensuite été soumises à des votes en interne, et le candidat élu par l’équipe marketing a appris sa réponse lors d’un match, sur l’écran géant du stade.

The End ?

Les deux marques de bières utilisent dans leurs campagnes le consommateur qu’elles mettent dans des situations réelles pour renforcer leur engagement envers la marque et le produit. Par l’émotion et le rire, elles augmentent ainsi leur capital sympathie. Mais à force d’utiliser la caméra cachée pour faire le buzz, nous pouvons imaginer que les marques peuvent user le concept jusqu’à rendre leurs opérations inefficaces voire catastrophiques. Chaque technique de buzz est périssable par la définition même de cette notion, dont le principe est d’être innovant. Qui sera donc le dernier, le perdant, en utilisant un concept dépassé ? On voit déjà le phénomène s’essouffler puisque « Carlsberg put friends to the test » ne dépasse pas encore un seuil de vues très impressionnant au bout d’une semaine.

 
Marie-Hortense Vincent
Sources :
Publivore.fr
Adverblog.com
Beveragedaily.com
Lareclame.fr
Marketingmagazine.co.uk

Laisser un commentaire