Société

La social food ou comment fabriquer du bonheur au travail

Digitalisation, ubérisation… À l’heure de l’économie de partage et du co-working, des outils de networking et de réseautage remettent au goût du jour le partage d’un bon repas pour favoriser les rencontres et l’épanouissement, notamment professionnel. Le food devient aujourd’hui un prétexte à la rencontre et tisse du lien social. En effet, les acteurs du digital s’emparent d’un moment de la quotidienneté des individus pour en faire une condition du bien-être de chacun. Comment l’entreprise peut-elle renforcer sa puissance d’interface sociale au cœur du système sociétal ? La réponse est dans l’assiette !

La « food connexion »

Le food participe de notre récente économie de partage. La nourriture devient en effet un phénomène, omniprésent. Le sociologue Jean-Pierre Poulain explique la tendance de « politisation de la nourriture » en s’adressant au quotidien suisse Le Temps. Il y a cinquante ans, on en parlait très peu voire pas du tout dans les journaux, aujourd’hui la nourriture a une place de choix dans les médias.

Elle occupe les pages environnementales, politiques, économiques… La nourriture participe à l’ubérisation du travail en entreprise et à la construction des relations socio-professionnelles, grâce à l’économie de service et aux nouvelles technologies. Il existe même des entreprises qui donnent de la nourriture gratuitement à leurs salariés. En effet, selon un sondage du service de livraison de nourriture Peapod, les entreprises qui choisissent d’offrir des denrées gratuites ont des employés plus satisfaits que celles qui ne le font pas. Il résulte que 67% des gens qui ont droit à ces repas sont très heureux au travail contre 56% de ceux qui n’en ont pas. Le food est aussi un « connecteur business », un outil de mise en relation des collaborateurs. Le Well Building Standard, nouveau label créé en 2014 et centré sur le bien-être au travail l’a récemment intégré comme critère pour être heureux en entreprise. Ce label, décliné autour de thématiques comme la qualité de l’air, de l’eau, de la lumière ou encore de l’alimentation est le fruit de 7 ans de réflexion d’experts et de scientifiques, pour qui l’alimentation entre autres a une influence sur le bien-être et l’efficacité des salariés. Les entreprises auraient donc tort de la négliger..

Le sociologique et le digital encore une fois réunis

Manger ensemble est un acte des plus basiques mais peut-être l’un des plus importants, et qui se perd aujourd’hui. Selon France TV Info, le temps consacré au repas est passé de 1h37 dans les années 1975 à 31 minutes en 2014. Or, les performances du cerveau sont en grande partie liées à ce que nous mangeons. Les entreprises comme Google ou Facebook l’ont très bien compris, et ont choisi de créer du lien en relayant de nouvelles applications et de nouveaux sites web. Ainsi, les salariés qui souhaitent briser la monotonie du quotidien d’une journée de travail peuvent le faire via Never Eat Alone, une application créée en 2015 par Marie Schneegans. Cette application permet à des salariés de se donner rendez-vous afin d’échanger ensemble le temps d’un repas. Marie Schneegans raconte qu’un stage dans le groupe bancaire suisse UBS lui a fait prendre conscience du cloisonnement qui existe entre les différents départements d’une même entreprise, et qui contraint plus ou moins les salariés à échanger et manger avec les mêmes collaborateurs. Le principe de Never Eat Alone est donc un abonnement mensuel offert par l’entreprise à ses employés, afin que ceux-ci puissent avoir accès à la plateforme. De plus en plus de grands groupes se sont lancés dans le concept comme Danone, BNP, Carrefour ou encore Vinci. Les salariés ne sont plus des numéros mais redeviennent des personnes, des amis qui partagent un bon repas. Ces nouveaux dispositifs sont également une manière de nourrir son réseau professionnel grâce au déjeuner qui devient un prétexte à la rencontre et qui tisse le lien social. colunching.com, un site web dédié à l’organisation de repas entre salariés qui ne se connaissent pas, se décrit comme « le 1er réseau social gratuit de rencontres amicales et professionnelles autour du repas. »

Les acteurs du digital sont donc en train de réinstaurer un dispositif traditionnel de rencontre et de partage, qui témoigne de la naissance encore timide d’une culture de l’attention envers l’individu particulier et envers son épanouissement au sein du collectif.

Une « culture de l’attention »

Tout ceci met en relief un argument communicationnel de fond : l’individu replacé au cœur du système social et entrepreneurial. La notion d’attention, historiquement développée dans le domaine de la psychologie et en philosophie, est aujourd’hui réinterrogée et intégrée aux problématiques marketing et de management. Aujourd’hui, l’entreprise est de plus en plus préoccupée par des impératifs éthiques, de responsabilité sociale et d’écoute de ses salariés. La fonction purement phatique, au sens des Sciences de l’Information et de la Communication (c’est à dire la mise en contact des locuteurs), devient un des aspects les plus importants de la vie en collectivité. L’objectif est de créer une relation de communication entre les individus et par là même donner du sens à leur activité sociale et professionnelle. La culture de l’attention pourrait bien s’avérer être l’avenir de l’entreprise. Digitalisation certes, mais convivialité avant tout !

Camille Lainé
LinkedIn : @CamilleLaine

Sources:
• PARISOT Virginie, « The Social Food », Stratégies, 09/03/2017 consulté le
10/03/2017
• « Never Eat Alone : l’appli pour ne plus déjeuner seul » Sud Ouest,
24/04/2016 consulté le 10/03/2017
• BARTNIK Marie, « Un site Internet pour ne plus déjeuner seul », 09/05/2011, consulté le 10/03/2017
• Les Echos Start, Interview de Marie Schneegans, 02/08/2016 consultée le 12/03/2017
• FENOLL Marie-Amélie, « Well : un nouveau standard du bien-être au travail », Décision-Achats.fr,  le 10/12/2015 consulté le 15/03/2017
• Pages Facebook Never Eat Alone et Colunching
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