Environnement, Publicité, Société

Starbucks président ! Quand les marques s’engagent dans des causes d’intérêt public

En janvier dernier, juste après son élection, Donald Trump s’exprimait sur la nouvelle politique anti-immigration qu’il souhaitait mettre en place. Immédiatement, ont répondu en opposition plusieurs entreprises américaines comme Starbucks et Airbnb. L’une proposant de recruter 10 000 réfugiés d’ici 5 ans, l’autre d’héberger gratuitement les voyageurs interdits d’entrée aux Etats-Unis.
Nous avons vu se mettre en place une forme de communication de plus en plus commune, ici en réaction aux décisions de politique migratoire prises par le président. Les marques ne se privent pas de montrer leur accord ou désaccord, et de se positionner sur des causes d’intérêt public autres que l’environnement, notamment avec la création de fondation. L’année dernière, durant les élections présidentielles américaines, Ben & Jerry’s invitait d’ailleurs les Américains à voter pour la « démocratie », en cachant seulement à demi-mot leur position.

Mais pourquoi les marques prennent-elles autant de place dans l’espace public ?

Afin d’éclairer cela, il faut revenir au fondement de la définition de l’espace public. Selon le sociologue Français Dominique Wolton, précédé par Jürgen Habermas et Emmanuel Kant, l’espace public se définissait de la façon suivante : « C’est le lieu, accessible à tous les citoyens, où un public s’assemble pour formuler une opinion publique. L’échange discursif de positions raisonnables sur les problèmes d’intérêts généraux permet de dégager une opinion publique. » On pourrait donc penser une définition de l’espace public proche de celle de l’agora ou du forum, réservé à une parole citoyenne libre.
Pourtant les marques, entreprises privées, tenues par des impératifs mercantiles pénètrent de plus en plus cette sphère. Par exemple, les profils de marque sur Facebook permettent de multiples interactions : on peut devenir « ami » avec Oasis, ou encore avoir une conversation avec RedBull. Les marques créent avec leurs consommateurs une relation de proximité qui leur permet de faire peser davantage leur prise de position. On peut d’ailleurs questionner leur légitimité à faire cela, d’autant plus que leurs impératifs de rentabilité risquent de toute manière de biaiser leurs discours.

La marque dépasse sa seule fonction de marque pour se glisser dans les interstices laissés vide par l’État

Mais si cela ne venait pas d’ailleurs… L’influence systémique des marques et du consommateur a peut-être fait naître l’écoute du bruit grandissant d’une demande d’engagement fort de la part des marques. On peut notamment penser à l’exemple de Procter&Gamble, la multinationale américaine qui avait lancé sa campagne #LikeAGirl pour la marque Always et prenait alors le parti d’exprimer sa volonté de militer en faveur de l’égalité entre les sexes.

Cela fait d’ailleurs écho à une des théories développées dans Le bonheur paradoxal de Gilles Lipovestky, publié en 2006, portant sur l’état de déréliction dans lequel la société se trouve. Méfiant quant aux capacités de l’Etat à résoudre les « problèmes sociaux » et en conflit sur les grands thématiques sociales, les consommateurs cherchent des repères. Ainsi, les marques auraient tendance à vouloir montrer aux consommateurs qu’elles forment un pilier stable mais aussi qu’elles choisissent de donner et de s’engager sans y être contraintes, ce qui participe à la création de valeur de la marque et à sa notoriété.
Il semblerait donc que l’espace public devienne un espace où cohabitent sphère publique et sphère privée, un lieu où il semble toujours important de questionner l’engagement d’une marque. Leur participation à l’économie ou leur investissement dans des causes humanitaires est devenu une réalité, mais pourront-elles participer à résorber les problèmes de société profonds qui ne sont pas d’ordre matériel, comme l’égalité femmes-hommes ? Là est peut-être leur limite.
 

Priscille ATTELEYN

 

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Crédits Photo et Vidéo :

 

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