Société

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités

Apple s’est lancée le 22 mai, face au congrès américain, dans un exercice périlleux : défendre ses choix en matière de fiscalité. Le constructeur est en effet régulièrement soupçonné d’optimisation fiscale, une pratique de plus en plus critiquée maintenant que les États, en pleine tourmente budgétaire, s’y intéressent. Dans la pratique, Apple a recours à plusieurs dispositifs lui permettant de payer un minimum d’impôts à l’étranger, grâce à des filiales en Irlande notamment. La société possède des liquidités colossales en dehors des frontières américaines, de l’ordre de 140 milliards de dollars, qu’elle se refuse à rapatrier sous peine d’en reverser plus d’un tiers sous forme d’impôts. Comble de l’absurdité du système, cela lui coûte moins cher d’emprunter de l’argent pour financer une opération de rachat d’actions que de rapatrier ces fonds.
Mais Apple n’est pas seule dans ce cas : Google, Amazon, Facebook comme d’autres ont recours à ces méthodes. Le problème est qu’en l’état, elles ne sont pas réellement illégales, elles profitent plutôt de failles dans la législation numérique, et notamment la législation internationale. Dès lors deux conceptions s’affrontent sur un plan moral : les géants de l’Internet arguent de la légalité des dispositifs mis en place, mais aussi de leur contribution déjà importante à l’économie, en impôts divers et par les emplois qu’elles créent. En face, les États constatent l’iniquité de la situation mais reprochent aussi à ces sociétés de ne pas respecter l’esprit de la loi.
On se situe donc au-delà du simple différend juridique puisque cette question engage une réflexion à la fois idéologique et morale.
C’est aussi un problème de communication. Ces différentes entreprises, en dépit des valeurs qui les distinguent, se veulent toute à la pointe de la technologie et font preuve de progressisme par ailleurs : Google offre à ses salariés des conditions de travail inégalées, avec de nombreuses commodités, tandis qu’Apple œuvre à réduire l’empreinte écologique de ses produits notamment par l’utilisation de métal et de verre, plus faciles à recycler que le plastique. De même, des efforts sont faits pour alléger le coût énergétique des installations chez Apple, comme chez Facebook ou Google.
Il y aurait ainsi une éthique à deux vitesses chez les géants du net. Jusqu’à il y a peu de temps, les pratiques fiscales des grandes compagnies demeuraient opaques mais surtout inconnues du grand public. On peut alors soupçonner que les pratiques de ces compagnies évoluent en fonction de l’image qu’elles renvoient au consommateur. De là on peut tirer un double constat : le soupçon d’une morale de façade est présent, morale orientée seulement dans le sens de la communication vers les consommateurs. Et surtout le pouvoir est, comme souvent, entre les mains des consommateurs. Le jour où ils exigeront plus de moralité dans les pratiques fiscales, les géants du net feront des efforts ; à l’image d’Apple dont l’image a été écornée par les multiples scandales touchant à ses fournisseurs asiatiques, au premier chef desquels se trouve Foxconn, et qui conduit aujourd’hui régulièrement des études évaluant les conditions de travail des ouvriers dans ses usines.
Il est malgré tout regrettable que de tels changements n’interviennent que sous la pression de l’image et des consommateurs. N’est-il pas ironique que Starbucks, qui ne vend plus que du café issu du commerce équitable,partenaire du label Max Havelaar, se voie aujourd’hui accusée d’évasion fiscale au Royaume-Uni ?
Ironique, oui.
Google, Amazon, Apple et Facebook totalisent à elles quatre plus de 250 milliards de dollars de chiffre d’affaires et un effectif de plus de 170 000 personnes, sans compter les différents sous-traitants qu’elles font vivre. À elles quatre, elles génèrent un chiffre d’affaires plus important que le PIB du Portugal ou de l’Irlande, équivalent à celui de la Finlande, et supérieur aux PIB du Luxembourg, de la Nouvelle-Zélande et de la Tunisie réunis.
Comme le disait l’oncle de Peter Parker au jeune homme qui s’apprêtait à devenir Spider Man : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».
Cinq fois le PIB du Luxembourg, c’est un grand pouvoir.
Oscar Dassetto

Société

Ils auraient mieux fait de tourner 7 fois leur pouce avant de tweeter !

 
Vieil adage inscrit dans la Bible, il est dit à propos de Salomon que “le sage tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler”. A l’heure où la communication des entreprises, des politiques et des individus se fait instantanée et passe par les réseaux sociaux, l’idée reste la même mais version 2.0. Lorsque l’on est une personnalité publique, on ne peut s’exprimer impunément. Petit florilège d’exemples de ceux qui auraient mieux fait de tourner 7 fois leur pouce avant de tweeter.
Christine Boutin
En matière de buzz sur Twitter, cette dernière gagne peut-être haut la main. Dernier dérapage en date, sa “blague” à l’encontre d’Angélina Jolie, qui a décidé de médiatiser la mastectomie qu’elle a récemment subie.

Après que des utilisateurs s’en soient pris à sa page Facebook, la présidente du Parti Chrétien-Démocrate s’est justifiée dans un communiqué.
Si le tweet était maladroit, la justification l’est d’autant plus. Se permettre de critiquer une opération chirurgicale pratiquée sans que la personne soit malade, c’est limite, mais soit. Mais venant de quelqu’un qui défend la vie contre vents et marées, critiquer une personne qui a voulu préserver sa santé et la cohésion de sa famille ; balayer d’une phrase toute la souffrance physique et – surtout – psychologique de subir une ablation de la poitrine, cet attribut si profondément lié à la construction de notre identité féminine, tout ça pour habilement basculer vers le pseudo-débat d’une médecine à deux vitesses, belle prouesse, vraiment !
Le tweet, prétexte à une critique de la mondialisation
En juillet 2012, le Community Manager de Starbucks tweet ses excuses aux consommateurs argentins : les mugs et tasses classiques “Starbucks” sont temporairement indisponibles, “certains magasins utilisent des tasses et des manchons nationaux”.

Le Community Manager voulait simplement informer les clients de la situation. Rien de choquant jusque-là. Au contraire, Starbucks semble faire ainsi preuve de prévenance et de respect envers ses consommateurs. Pourtant, les réactions sur Twitter fusent via le hashtag #pedimosdisculpas (#nousdemandonspardon). Entre second degré et véritables rancœurs contre la marque qui semble dire selon certains : “A défaut de vous donner le meilleur, nous mettrons à votre disposition des produits argentins”. L’un de ses tweets est particulièrement évocateur des tensions nationales vis-à-vis des entreprises étrangères : « #nousdemandonspardon aux enfants qui consomment Starbucks parce qu’ils ne peuvent pas prendre leur café dans une tasse faite par un esclave chinois de 12 ans”.
Il est difficile de soutenir un parti plus que l’autre. Nous serions tentés de reprocher aux twittos argentins une certaine mauvaise foi, car le geste du CM relevait de l’information plus que de la critique sous-jacente des produits nationaux. Pourtant, il est clair que les chargés de communication d’une entreprise étrangère doivent porter une attention particulière à ne pas froisser la fierté nationale, et ceci doit passer par une adaptation permanente des messages au lieu d’implantation de l’entreprise.
Quand Pedobear a pris le contrôle du site La Redoute
Souvenez-vous, début 2012, tout le web avait ri de l’homme nu en arrière-plan d’une photo mode enfant sur le site de La Redoute. Erreur malencontreuse, “l’homme nu” est devenu un “même” repris à toute les sauces. Le concurrent Les 3 Suisses avait également récupéré l’évènement à son avantage.

Une fois le gros du buzz passé, La Redoute était retombé sur ses pattes en organisant un jeu-concours qui enjoignait les utilisateurs à retrouver 14 images volontairement trafiquées. A la clef : la promesse de se faire rhabiller gratuitement des pieds à la tête.
Viens sur mon compte public, je tweet à une copine
Il nous est arrivé, à tous, de se tromper de destinataire pour un message. Imaginez alors que cela concerne un homme politique et que le message soit TRÈS privé.
Le résultat:

Anthony Weiner, démocrate américain aurait dû mieux vérifier son tweet avant de montrer les contours de son sexe au monde entier.
Les conséquences : une carrière politique gâchée, un mariage en danger mais un avenir prometteur dans l’industrie du porno, puisque Larry Flint, maître du genre, lui promet un beau salaire de compensation et affirme la sincérité de son offre.
Dominée par la satisfaction client et les ambassadeurs de marque, la stratégie des entreprises répond au désir d’une relation BtoC exclusive. Sur un web où chacun a la possibilité de s’exprimer, les réseaux sociaux sont la nouvelle ligne directe du service consommateur.
Pourquoi ces affaires prennent-elles des dimensions si disproportionnées quand on sait bien que la plupart sont sans importance ? Comment un tweet de Valérie Trierweiler peut-il alimenter la chronique pendant deux mois et faire trembler la République ? A l’inverse, comment des tweets diffamants et insultants, comme ceux du footballeur anglais Joey Barton traitant Thiago Da Silva de « transsexuel en surpoids », peuvent-ils rester impunis, dans cette toile dont les contours juridiques sont parfois très difficiles à déterminer ?
Entre messages provocateurs, dérapages, malentendus volontaires pour mieux envenimer la situation, le web 2.0 est bien à l’image d’une agora contemporaine, pleine de débats plus ou moins futiles où chacun veut et peut faire entendre sa voix. Mais pas plus haut que celle de son voisin.
 
Pauline St Macary et Sophie Pottier
Sources :
http://news.fr.msn.com/hightech/petits-tweets-grosses-cons%C3%A9quences#image=3
Les dérapages de Christine Boutin : http://www.francetvinfo.fr/christine-boutin-derape-sur-twitter-au-sujet-de-la-mastectomie-d-angelina-jolie_324156.html
Anthony Weiner et sa photo compromettante : http://en.wikipedia.org/wiki/Anthony_Weiner_sexting_scandal
La Redoute : http://www.lefigaro.fr/societes/2012/01/04/04015-20120104ARTFIG00484-la-redoute-fait-le-buzz-avec-un-homme-nu-sur-une-photo.php?cmtpage=0
Le cas du Starbucks argentin :

Bad buzz : Starbucks boit la tasse sur Twitter


Pour aller plus loin sur le cas Barton :
http://www.leparisien.fr/sports/football/foot-twitter-barton-s-excuse-avant-d-en-rajouter-sur-thiago-silva-03-04-2013-2693565.php

Joey Barton sur Twitter : quelles responsabilités, quelles conséquences ?

Publicité et marketing

Consommation, publicité et NBA : passage au Verizon Center de Washington

 
L’Amérique est la terre du marketing tout-puissant. Lors de la rencontre entre les Washington Wizards et les Chicago Bulls, nous avons été impressionnés par l’enrobage publicitaire du match de basketball. Tout l’espace, spatial et temporel est occupé par la publicité et rien n’est laissé au hasard. Chaque seconde est calculée, chaque portion de terrain et de gradin possède un potentiel marketing à exploiter tout au long du match.
 
Lancés francs et sandwichs au poulet
Le complexe sportif est étudié pour faire du moindre espace un mini-évènement marketing. Une fois passées les portes du Verizon Center, nous devons traverser une boutique aux couleurs des Wizards avec tout l’attirail habituel : casquettes, maillots de l’équipe, drapeaux, calendriers, gants ; tous les articles possibles et imaginables, à condition de contenir le symbole de l’équipe – l’aigle – ainsi que le logo et les couleurs de l’équipe qui joue à domicile. Avant d’arriver à nos sièges, nous croisons au moins une quinzaine de mini-stands vendant d’énormes bretzels, des sandwiches, des frites, des sodas, et puis à nouveau des bretzels, et des frites et des sodas. En abondance. Le parcours du spectateur est criblé/jonché d’obstacles marketing qui l’incitent à mettre la main à la poche. Pour assister au match, le spectateur a donc le choix entre un ticket et un « all you can eat ticket » qui comprend de la nourriture à volonté pendant toute la rencontre. Quand bien même le spectateur ne serait pas conquis par toutes ces douceurs, il se fait bombarder de burritos Chipotle à la mi-temps ! Un match de basket, c’est bien, un match de basket avec nourriture et drapeaux, c’est mieux. Tout est fait pour nous le rappeler. Partout.

Nous sommes enfin à l’intérieur, assis à nos places. L’occupation de l’espace est impressionnante. Il y a bien évidemment le terrain au centre mais au-dessus, c’est l’avalanche de couleurs, un raz-de-marée d’animations en tout genre. Quatre énormes écrans publicitaires surplombent le terrain de manière à être visuellement accessibles depuis n’importe quel siège. Le contenu des programmes mêle publicité et contenu sportif. Avant le match, les écrans diffusent des pubs pour les produits proposés à l’intérieur de l’enceinte. Pendant la rencontre, chaque panier déclenche un court spot pré-enregistré du joueur qui vient de marquer en même temps que le speaker crie son nom, ils encouragent les supporters à crier (« Make some noise ! »). Et soudain, la magie : le speaker annonce au public que si un joueur de l’équipe adverse manque trois lancés francs d’affilée, c’est sandwich au poulet pour tout le monde ! Ainsi, plus aucune séparation entre jeu et consommation, le déroulement du match influant directement sur la consommation du public. Résultat des courses : le joueur des Bulls a manqué trois lancées et tout le monde s’est rué sur les stands après le coup de sifflet final. Société de consommation et consommation en société.
 
Temps morts et pom-pom girls !
Au basketball, chaque entraineur peut demander plusieurs « temps morts » lors de la rencontre pour recadrer ses troupes, casser la dynamique de l’équipe adverse ou simplement par stratégie. Ces temps morts sont utilisés à merveille pour communiquer sur l’équipe à domicile et en montrer une image positive : au programme, des spots mettant en scène les joueurs (« Les Wizards à la Maison Blanche », « les Wizards au ski », « les Wizards à la plage », etc), des animations (pom-pom girls, mascottes, challenges plus débiles que les autres : « amuse-toi à manger un Oréo sans t’aider des mains ». L’animation la plus utilisée est la « Cam » qui consiste à filmer des personnes dans le public et leur demander un bisou, une danse ou une grimace).

 
Evidemment, une équipe de basketball n’est rien sans ses pom-pom girls qui se tiennent au bord du terrain en effectuant des chorégraphies qui rythment les célèbres sons d’orgue destinés à déstabiliser l’adversaire ou à encourager son équipe. Chaque minute possède une finalité marketing, il n’y a justement jamais de « temps morts ». Une rencontre de NBA est un exemple parfait de « sportainment » à destination d’un public familial : on vient au Verizon Center pour voir un show qui dépasse le sport. Tout est mis en place pour détourner le spectateur du jeu, tant et si bien que la marketisation du basketball tend à casser ce que le sport nous offre de mieux : l’imprévu.
 
Steven Clerima

Publicité et marketing

Jacques a dit : vous êtes plus belles que vous ne le pensez !

 

Dove, célèbre marque de soin du groupe Unilever a présenté le mois dernier le tout nouveau volet de la campagne Real Beauty. Lancée il y a presque dix ans, cette campagne a pour objectif de redonner confiance en elles à toutes les femmes. Après le triste constat selon lequel seulement 4% d’entres elles se considéraient comme belles, cette entreprise visait à créer « un monde où la beauté n’est plus une source d’anxiété mais de confiance ». La marque a ainsi développé une série d’opérations marketing : vidéos, événements, pyjama parties, portraits et interviews remplissant une social mission ou mission d’intérêt commun : booster la self estime de la gent féminine.
Avec Real Beauty sketches, il s’agit de convaincre les femmes de leur beauté en utilisant un argument plus puissant : le regard de l’autre. La marque, déjà très connue pour ses spots publicitaires qui utilisent principalement des tests pour démontrer l’efficacité de ses produits,  a recours aux mêmes ressorts pour encourager les femmes à reconnaître leur beauté. Ici le stratagème est efficace parce qu’il provoque l’émotion mais surtout parce qu’il impose la réflexion ; mettant chaque femme et chacun d’entre nous dans devant l’absurdité de certaines de ses incertitudes.

Real Beauty sketches
Dans un grand loft baigné de lumière, un dessinateur spécialisé dans les portraits robots pour le FBI est dissimulé derrière un rideau blanc. Il est chargé de créer deux portraits. Le premier sous les indications d’une femme se décrivant elle-même. Le second sous les indications d’un ou d’une inconnu(e) ayant été amené(e) à la croiser. A l’arrivée,  les deux dessins présentent des points communs. Mais, invariablement, celui décrit par l’inconnu est sensiblement plus flatteur et beaucoup plus exact. Le moment de la révélation est chargé d’émotions parce qu’il confronte les femmes, leurs complexes et surtout leurs erreurs.
La vidéo, diffusée via les réseaux sociaux, suscite l’intérêt (elle est devenue récemment l’une des publicité le plus regardées de tous les temps) et bien que partagées, les réactions sont nombreuses. L’accent est mis sur l’expérience. Un dessinateur professionnel, un lieu quasi vide, une mise en scène qui met l’accent sur un protocole scrupuleusement respecté mais qui laisse la place à l’émotion, souligne le choc et démontre, par là-même, la véracité de l’expérience, celle-ci prenant dès lors le dessus sur le discours de la marque. Depuis 2004, Dove affirme redonner confiance aux femmes et la marque essuie souvent les reproches qui sont faits aux autres enseignes du groupe Unilever jouant plutôt sur des codes sexistes ou réducteurs comme les déodorants Axe ou les produits Slimfast. Mais ici, elle fait parler les consommatrices, les individus et donne une toute nouvelle portée à son message.

R E A L is the new C H I C
En effet, cette expérience semble prouver que le monde est prêt à accueillir une toute nouvelle image de la consommatrice. Une vision qui s’éloigne des canons fantasmés et véhiculés à travers les médias pour se rapprocher de la réalité. Cette tendance s’illustre dans beaucoup de produits proposés aux femmes aujourd’hui ; à l’instar de la série à succès Girls, qui met en scène des jeunes New-yorkaises avec leurs formes et leurs défauts, du nouveau gratuit Stylist qui montre une femme engagée, hédoniste, fan de porno, workaholic, anticonformiste ; de la nouvelle campagne pour les protections Nana qui rend hommage aux femmes du monde, à leur différences et à leur caractère unique sous le coup de crayon de l’emblématique Christian Louboutin ; de la chanteuse Béyoncé qui révèle ses formes (presque) non retouchées pour une collection de maillot de bain chez H&M ; ou de cette marque de prêt à porter suédoise qui en mars 2013 a choisi de présenter sa nouvelle collection sur des mannequins aux formes réalistes.

Ces initiatives isolées parviennent à faire évoluer les mentalités mais peuvent aboutir à la création de nouvelles catégories marketing. La Real woman est sans doute amenée à devenir un artefact mais pour le moment, elle permet de respirer un air plus sain.

 
Esther Pondy
Sources :
La vidéo
Le site de Dove
Nana.fr

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Société

Zoom sur la Yelpattitude

 
Connaissez-vous les yelpeurs ? Cette communauté inscrite sur Yelp, un site internet alliant des services de recherche, de critique et de réseau social. Tout le monde peut accéder aux avis mais pour en rédiger, il est impératif de s’inscrire. On entre alors dans la communauté des yelpeurs. Zoom sur une pratique qui peut vite devenir addictive !
Yelp nous vient de San Franc&isco. En 2009, Google lui faisait déjà  les yeux doux afin d’enrichir ses services de géolocalistaion et de développer la publicité locale. Mais Yelp ne s’est pas laissé séduire. Le site a racheté Qype l’année dernière et continue de s’implanter en Europe, malgré une concurrence encore rude sur le terrain (Cityvox, Foursquare…). En France, Yelp se concentre très largement sur Paris pour se développer ensuite dans les autres grandes villes du pays.
La planète critique
 Yelp fait partie de ces nombreux sites internet consacrés à un art qui a explosé et s’est généralisé avec le web 2.0 : la critique. On a tous un avis sur la qualité d’un service, d’un restaurant, d’un bar, et on peut maintenant l’exprimer facilement. Cette activité n’est plus l’apanage de quelques critiques employés au guide Michelin. Le modèle d’affaire du site repose principalement sur la vente de publicités aux commerces locaux. Comme tout site de ce type, la question de la neutralité se pose. Yelp aux Etats-Unis a plusieurs fois été accusé de vendre des commentaires positifs ou des suppressions d’avis négatifs. À l’inverse, certains commerçants ont dénoncé les commentaires négatifs et non justifiés publiés à leurs égards, les conduisant à indiquer “no yelpers” sur la vitrine de leurs commerces. De son côté, Yelp assure opérer le moins de censure possible afin de garantir la fiabilité des critiques. Il ne filtrerait que les avis suspicieux, trop élogieux pour être honnêtes.
L’expérience Yelp
Quand on a des yelpeurs convertis dans son entourage, on est tenté soi-même de mettre à profit ses sorties nombreuses et variées. Pour son ascension, et comme pour celle des adresses présentes sur son site, Yelp compte sur le bouche-à-oreille. Quand le concept a été vendu par des amis, il est d’autant plus attrayant. Une community manager alimente le site en articles et photos. Elle encourage aussi les nouveaux yelpeurs en les complimentant ou en leur conseillant de bien remplir leurs profils. Les commerçants peuvent se créer des comptes sur Yelp afin de compléter leurs descriptions, lire et évaluer les avis qui les concernent, et interagir avec leurs clients. Chaque semaine, la weekly Yelp propose des adresses sur une tendance du moment : où trouver les meilleurs cupcakes, friperies, fleuristes… Une Newsletter, disons-le, souvent très hipster. Les “check-in” sur l’application mobile Yelp permettent d’indiquer sa présence sur un lieu, et de proposer plus tard de rédiger un avis dessus. Yelper devient alors un mode de vie.
Un vocabu-Yelp
Yelp, c’est aussi des termes bien sélectionnés pour nous flatter et nous donner envie de continuer à yelper. Trouver un nom pour qualifier ses utilisateurs, les “yelpeurs”, constitue une véritable pépite en termes de communication. On se sent alors appartenir à un groupe virtuel uni par un rythme de sorties intensif. Le ton est donné dès l’inscription : il est cool. “Cool”, c’est d’ailleurs l’un des qualificatifs qu’on peut attribuer aux avis d’autres yelpeurs. Les utilisateurs se complimentent entre eux. Il est très plaisant de recevoir un message indiquant que l’on a reçu un “compliment” ou que quelqu’un a trouvé notre avis “cool”, “utile” ou “drôle”.

La crème de Yelp
Et puis il y a les élites, c’est là que les choses sérieuses commencent. Les yelpeurs élites sont un peu les leaders d’opinion à l’échelle du site. Yelp parle de brigade d’élite et affiche un badge sur leur profil. Ils doivent être authentiques, avoir une forte contribution au site, et sans cesse interagir avec la communauté. Ils sont sélectionnés par une commission chaque année, et conservent leur statut jusqu’à la fin de l’année civile. Les élites profitent de certains avantages, comme être invité à des soirées ou ateliers Yelp chez des partenaires de la marque. Les élites donnent ensuite leur avis sur l’événement, histoire de donner envie à tous les yelpeurs d’y participer et de faire un peu de publicité pour le commerce les ayant reçus.
Faire interagir l’offre (les commerces) et la demande (les yelpeurs avides de sorties), tout en encourageant les internautes à en faire un mode de vie : voilà la force de Yelp dont l’influence devrait s’étendre.
 
Agathe Laurent
Sources :
Le Journal du Net, ici, là et ici.
Web.archive.org, là et là.
Clubic
ZNet, ici et là.
Yelp

Société

Un passé qui ne passe pas

Le Frankfurter Allegemeine Zeitung a lâché une véritable bombe le 26 avril dernier: Horst Tappert (1923-2008), l’homme qui a incarné pendant un quart de siècle (1974-1998) et 281 épisodes le célèbre inspecteur allemand Derrick, aurait été, en 1943, engagé dans les Waffen-SS.
Quand la banalité du mal se cache derrière celle du bien
Le coup est d’autant plus rude que la série est chargée en symboles. Diffusée dès le début des années 70, elle a contribué à améliorer l’image du pays, marqué par la « banalité du mal », notamment à travers les valeurs incarnées par son personnage clé : un peu terne, conservateur mais honnête et travailleur. Diffusée dans 102 pays, la série illustrait le succès du « made in Germany ».
A l’annonce de la nouvelle, la consternation est grande, particulièrement en Allemagne, où Horst Tappert est une icône télévisuelle. En Bavière, on envisage de lui retirer le titre de « commissaire honoraire de la police bavaroise » qui lui avait été décerné en 1980. Les différentes chaînes de télévision déprogramment les épisodes qu’elles devaient diffuser. « Nous ne voulons pas honorer un acteur qui a menti de cette façon sur son passé », explique le producteur de la chaîne norvégienne Max. Ces décisions suscitent nombre de polémiques.
Entre éthique et politiquement correct
Il ne faut bien sûr pas omettre le devoir de mémoire. Un tel passé ne peut être mis sous silence, et à coup sûr, les habitués de la série auraient désormais porté un autre regard sur leur inspecteur préféré. L’affaire pose en effet un problème d’éthique : peut-on continuer à accepter sur nos écrans un ancien nazi ? D’autant que la série fait face à un paradoxe assez gênant, puisque Derrick se caractérisait par son pacifisme, sa volonté d’éviter l’usage des armes, et sa lutte quotidienne pour la justice. Clin d’œil sadique du nazi, ou marque d’un caractère pacifiste en rédemption ? La réponse est peut-être effrayante… ou non. C’est bien ce qui dérange : on n’en sait rien.
C’est pourquoi les médias et les politiques sont accusés de ne réagir que conformément à la « bien pensance », en tenant le même discours diabolisateur. Le politiquement correct prend (encore) le pas sur l’analyse et la réflexion. Or on est à même de se demander si le passé certes trouble, mais non complètement élucidé, de Horst Tappert justifie cette diabolisation. « Les documents dont nous disposons pour le moment ne permettent pas de comprendre les circonstances de son engagement, ni s’il a été soumis à des pressions au moment de s’engager », explique au Spiegel l’historien Jan Erik Schulte. De fait, la réponse n’est pas simple.
Une polémique née de faits encore flous
Historien spécialiste du nazisme, Guido Knopp estime qu’«on ne doit pas se précipiter pour le clouer au pilori», en rappelant que la Waffen SS était une «troupe criminelle» mais que tous ses soldats n’étaient pas forcément coupables d’exactions. En effet, de grandes zones d’ombre demeurent ; Tappert a-t-il intégré cette division par conviction ou par pressions ? En effet, si jusqu’en 1940, la Waffen-SS est exclusivement constituée de volontaires devant prouver leur filiation aryenne, ce n’est plus aussi vrai trois ans plus tard. Face au manque de troupes, elle renonce à l’engagement volontaire et élargit le recrutement.« La pression pour devenir Waffen-SS était très forte en 1943, surtout sur les jeunes hommes », souligne l’historien allemand.
Pourtant, cette complexité de l’affaire ne transparaît pas dans les médias, au vu des titres de presse de ces derniers jours. La communication est claire : le sujet est tabou. 70 ans après, il effraie toujours, ce qui explique l’ampleur des réactions ; Tappert est un nazi, on l’enterre et on n’en parle plus. La honte d’avoir encensé un nazi pendant des années, de n’avoir rien vu, la peur de ces souvenirs qui hantent encore notre inconscient collectif,… beaucoup de choses expliquent la construction de ce tabou. La prégnance dans les esprits européens d’un passé qui ne passe pas est encore bien visible.
D’ailleurs, cette posture pseudo-éthique oublie non seulement que l’on ne connaît pas toute l’histoire, mais oublie plus largement l’Histoire elle-même en alimentant le portrait manichéen de cette Allemagne du début du siècle : les soldats allemands semblent avoir, aux yeux des journalistes européens, acquis le monopole international de l’horreur. Or il est peut-être dangereux de réduire la barbarie humaine au nazisme.
D’où les interrogations qui entourent l’arrêt des diffusions de Derrick : peut-on aller jusqu’à bannir complètement un acteur et sa série ? Peut-on s’asseoir sur la série, instrument de la réhabilitation d’une Allemagne salie par les crimes du nazisme ? Nier complètement cette deuxième existence de Tappert, celle que l’on connaît le mieux, ne pourra pas, à priori, nous apporter la « rassurance » dont on a encore besoin.
 
Bénédicte Mano

Société

L'affaire Virgin

 
Les faits
La catastrophe avait pourtant été annoncée. Le 7 janvier 2012, la direction de Virgin réunit un comité exceptionnel d’entreprise. Ca y est, l’entreprise est en cessation de payement. Et les choses ont continué. Personne ne semblait remarquer l’absence de ces vitrines, au Louvre ou sur les Champs. Une grève des employés avait bien eu lieu, dès décembre, suite à la résiliation du bail du magasin phare de l’enseigne sur la grande avenue parisienne, mais en vain. Virgin devrait subir la valse des repreneurs et propositions, comme une entreprise traditionnelle. Pourtant, l’entreprise a bien connu son heure de gloire, même si les profits n’étaient plus au rendez vous (« plus que » 286 millions d’euros en 2011). Lors de son ouverture il y a quinze ans sur les Champs Elysées, Virgin était déjà décrit comme « le plus grand magasin de musique du monde ». Mais on en aurait presque oublié ce paradis tombé en ruine… Jusqu’à cette semaine, qui signèrent les derniers soubresauts d’une lente agonie.
Le 13 mai à minuit, l’enseigne qui cherche à rentabiliser le peu de temps qui lui reste à vivre, et pensant attirer par cette opération d’avantage de repreneurs décide d’organiser une grande braderie. Jusqu’à -50% sur tout le magasin, et -20% supplémentaire pour les détenteurs de sa carte de fidélité. La suite se passe de commentaires :
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Virgin, cadavre exhalant, est maintenant surmédiatisé. L’article de Rue89 met en lumière les nombreuses violences de cette journée de folie : magasin pillé, modèles d’exposition arrachés, vitrines détruites… Mais surtout, l’effet sur les salariés, traités comme de vulgaires coursiers. L’enseigne a du fermer ses portes a 19h pour filtrer l’intégralité des clients restant, et les employés n’ont vraiment terminé leur journée qu’à 22h.

Le bilan ? Une offre vite retirée, et une agonie qui n’en finit plus. En effet, le lendemain de la vente, le potentiel principal repreneur de la marque, Rougier et Plé, a retiré son offre. Cette dernière concernait notamment la survie du principal magasin parisien. Et aucun autre repreneur ne s’est fait connaître à ce jour.
A qui profite le crime ?
Il est relativement simple d’expliquer cette descente aux enfers de Virgin. « Le plus grand magasin de musique du monde » existe toujours, mais dans nos ordinateurs. L’iTunes Store a explosé, là où la marque écarlate a peiné à prendre le virage, préférant se spécialiser, sur la téléphonie mobile par exemple.
Mais bien plus que le simple prix des loyers de ses magasins pointé du doigt par la direction, il y a un grand coupable. Son nom est sur toutes les lèvres : Amazon. En effet le géant américain propose des prix défiant toute concurrence, et pour cause : grâce à de l’optimisation fiscale et diverses astuces, le groupe ne paye que de modiques sommes d’impôts à des pays où il emploie pourtant des centaines de personne et possède plusieurs grosses infrastructures. Et cela commence à irriter. En Angleterre, la marque au sourire a décidé de rendre publique son imposition. Et celle-ci fait réagir : Amazon a payé 2,4 millions de livres (2,8 millions d’euros) d’impôt sur les sociétés l’an dernier alors que le chiffre d’affaires de sa filiale britannique s’est élevé à 320 millions de livres. Il semble alors impossible pour des groupes comme Virgin de rester compétitif en face de telles marques, omniprésentes en ligne.
Qui est le suivant ?
Virgin n’est pas seul. Une autre enseigne vacille et pourrait bien connaître le même sort. La FNAC est elle aussi en danger. Depuis 2007, le groupe multiplie les plans sociaux, et ses bénéfices continuent à chuter. Au total, plus de 1500 salariés ont déjà été reclassés ou licenciés. Depuis 2009 une épée de Damoclès plane sur le groupe. Son propriétaire, François-Henri Pinault a annoncé son intention de vendre le groupe au Wall Street Journal. Malgré de nombreuses offres et une présence importante en ligne, la FNAC n’arrive pas à endiguer la saignée de ses clients vers l’eldorado Amazon. La bataille pour la survie des enseignes de distribution culturelle n’est donc pas finie. Elle ne fait que commencer.
 
Clément Francfort

Publicité et marketing

Abercrombie : bad buzz ou technique de com’ ?

 
En excluant certaines catégories de personnes on reconnaît à d’autres catégories la chance, et la légitimité d’entrer dans la caste des « beaux », d’appartenir à la secte des mensurations Abercrombistement parfaites. Le CEO aux idéaux physiques tordus, Mike Jeffries, descendant direct de Biff Tannen (Retour vers le Futur), nous fait avaler de force sa conception de la beauté. Il revendique ses idées et les clame de bon cœur, sans gêne aucune. Avec une bonne dose de fierté et un soupçon d’arrogance, il se permet d’exclure de ses magasins et de ses T-shirts toutes les grosses du monde. Qu’à cela ne tienne, Greg Karber à choisit de lui répondre d’une manière hautement symbolique. Non pas en l’insultant ou en le fustigeant, la lapidation de critiques ne feraient qu’alimenter la croissante notoriété de la marque en formant un nuage de bruit autour du bad buzz. Alors il a choisi de s’attaquer directement à l’image d’A&F. Une image contestable et contestée, il a donc choisi de renverser la tendance.
Le but est de mettre à mal l’image d’une marque destinée aux beaux, riches et populaires en distribuant des vêtements d’A&F aux sans-abris. Ainsi ils deviennent gratuitement les ambassadeurs indésirables de la marque. Voir la vidéo ci-dessous.
#FitchTheHomeless

Si la réponse à la polémique est aussi cinglante c’est aussi parce que la mode est rarement irréprochable en matière d’éthique et de considération morale. La marque Abercrombie avait déjà fait preuve de pratiques sociales douteuses en 2011 et 2010 en détruisant directement les produits retournés par les clients, en dépit des demandes des associations pour les récupérer. La marque ne conçoit pas que ses vêtements soient accessibles aux plus démunis, les pauvres seraient donc trop moches… Mais le groupe du petit fils du vieux Biff avait également défrayé la chronique en Avril dernier avec sa marque Hollister et de sombres, mais non moins classiques, histoires de discrimination. Les « beaux gosses » paradent à moitié nus dans le magasin pour attirer les jeunes donzelles fraiches et pimpantes, pendant que les gros et moches sont relégués à l’arrière-boutique pour « gérer le stock » (comprenez plier les Tshirts).
Alors oui il s’agit d’un positionnement marketing et de stratégie de communication. Mais depuis quand une stratégie de communication peut se faire excluante et exclusive ? Peut-on vraiment choisir de sélectionner des cibles en intégrant dans cette sélection l’exclusion de tous les autres consommateurs ?
Stratégie à part entière, bien que le personnage de Mike Jeffries semble complètement naturel, ce choix d’exclusion des personnes « imparfaites » ne dessert pourtant pas directement la marque. En réalité on pourrait comparer cette stratégie avec celle mise en place par le site de rencontre Attractive World. Sur les sites de rencontres en ligne comme dans la vraie vie non virtuelle, il existe des exclus : les gros, les moches, les analphabètes etc. Ceux qu’on ne veut pas forcément voir dans sa boutique. Alors on instaure des filtres pour ne garder que les « célibataires exigeants ». Attractive World exclut donc les moches pour contenter sa cible haut de gamme. Si vous cherchez du prêt à porter et de la rencontre en ligne passez votre chemin, ici on parle haute couture. Exclure pour mieux cibler. Revendiquer pour mieux être contesté. Et en même temps c’est en se positionnant comme une marque sélective, réservée à une sorte d’élite de la beauté que l’on suscite l’envie d’appartenir à cette élite chez le consommateur. Les personnes correspondant aux mensurations de A&F se sentiraient donc comme faisant partie d’une classe supérieure, plus belle, plus musclée. Et tant pis pour les autres.
 « Dans chaque école, il y a les enfants cools et populaires et il y a les autres. Nous, on va chercher les enfants cools. Seules certaines catégories de personnes peuvent acheter et porter nos vêtements. Excluons-nous des gens ? Absolument »
La position de Mike Jeffries est entièrement décomplexée. Et si en tant que stratégie marketing elle peut fonctionner un certain temps, le bad buzz fini par nuire à la marque. L’initiative de Greg Karber en est la preuve, et si le mouvement continue à grossir via les réseaux sociaux (déjà 5 500 000 vue sur Youtube en 5 jours), le préjudice causé ne sera pas que symbolique. #FitchTheHomeless
 
Margot Franquet
Sources :
Le Vif
Le Point
Business Insider
La Voix du Nord
Le Nouvel Obs
Le Plus – Nouvel obs
Rue89
Métro

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Gleeden : femme infidèle, femme fantasme ?

 
Vous pouvez voir en ce moment, à quelques stations de métro, une nouvelle affiche pour Gleeden, ce fameux site de rencontres extra-conjugales « pensé par les femmes », dont FastnCurious vous parlait déjà l’an dernier. Non pas que j’aime particulièrement remâcher des sujets déjà traités, ou que je fasse une fixation sur l’image de la femme dans les procédés de communication, mais il me parait intéressant de parler de cette affiche, assez révélatrice d’une société qui se ment.
Parlons visuel : une jeune femme en robe de mariée, absolument charmante et mutine, nous tourne le dos pour nous montrer les doigts croisés de sa main droite. L’imaginaire du spectateur est aussitôt convoqué ; sa main gauche posée sur l’épaule, montrant que le mariage est probablement terminé et que l’échange des alliances est déjà fait, tandis que de sa main droite, elle dément tous les serments qu’elle a fait durant la cérémonie. Pensons par exemple au Truman Show et au moment où Jim Carrey, alias Truman, découvre sur une photo de mariage que celle qu’il pensait être sa femme, également en robe de mariée, croise les doigts.
Comme à son habitude, Gleeden frappe fort en montrant que la femme infidèle a prévu de l’être dès son mariage. Alors, ses raisons pour se marier quand elle songe déjà à rompre ses engagements paraissent quelque peu étranges ; ce doit sans doute être une femme vénale, pour rester dans les clichés. Mais fermons cette parenthèse empreinte de moralité désuète. Gleeden garde donc pour figure féminine Eve, la femme pècheresse, comme le prouve leur logo en forme de pomme croquée et leur nom même. Les gérantes du site auraient-elles oubliés qu’Eve a pêché par avidité de connaissances et non par luxure ? Que nenni, à en entendre les témoignages, c’est la connaissance des plaisirs sexuels qui poussent des femmes blasées par leur vie en couple à s’inscrire sur le site. C’est aussi l’absence d’hypocrisie qui séduit les adhérents du site : quand on s’inscrit, on sait ce qu’on va faire. Et puis, franchement, qui a dit que tromper sa femme ou son mari était un problème ? Pourquoi la jeune femme de l’affiche ne croise-t-elle pas les doigts sous le nez de son mari ?
Oui, mais :
Parlons peu, parlons bien. Pas d’hypocrisie, pas de gêne, mais tout de même une grande promesse de discrétion absolue. Comment ça ? On aurait honte d’avouer à son conjoint qu’on va voir ailleurs parce qu’il ou elle ne nous satisfait pas ? Après tout si Françoise Hardy et Jacques Dutronc le font, c’est qu’ils doivent avoir raison. En revanche, si les deux partis du couple marital sont d’accord, on ne peut pas y voir réellement d’inconvénients. Mais dans un contexte de discrétion absolue, le sont-ils vraiment ?
C’est autre chose, dans cette campagne, qui m’a autrement plus gênée que des problèmes moraux qui ne concernent finalement que le million d’infidèles inscrits sur le site. Non, ce qui me gêne, c’est ce slogan, brandi comme une figure de proue : « Le 1er site de rencontres extraconjugales pensé par des femmes ». Quand on le lit comme ça, on a la vague impression que de fait, il est conçu pour les femmes, dans le respect le plus total de leur intégrité : une phrase presque féministe finalement, pour un site désinhibé. Certes. Au regard de leur nouvelle affiche, je ne peux m’empêcher d’avoir un léger doute sur la femme libre de contraintes. Car la contrainte, outre celle d’être unie à un mari qu’elle veut tromper, reste le regard de l’homme. Comment, me diriez-vous, pourrait-on arriver à cette conclusion ? Facile, regardez attentivement l’affiche. Regardez le bras de la jeune mariée. Entièrement photoshopé. Pour une femme qui assume son infidélité, ne pas assumer son bras est assez étrange. Ce léger détail entraîne une prise de conscience. Quelle naïveté de croire qu’on cherchait à attirer les femmes !
Non, non, mesdames, vous n’êtes pas la cible de ces femmes qui ont pensé le site et qui vous parlent en bonnes copines complices. Non, vous, vous n’êtes qu’un fantasme pour ces hommes qui rêvent de vous sortir de votre insatisfaction sexuelle. Oui, vous serez des reines sur le site, car vous êtes minoritaires face à une marée d’hommes cherchant à flatter leur ego et à soigner leurs complexes en battant votre mari. Triste constat que de voir les femmes se faire objets de fantasmes en se voilant plus ou moins la face. La jeune femme de l’affiche n’est que la personnification d’un fantasme, brandi devant les hommes comme un saucisson pendu dans une boucherie qui vous attendait déjà lorsqu’il était encore sur le cochon. A peine mariées, des femmes attendent déjà le secours de chevaliers blancs de la sexualité. Ce que nous dit l’affiche est encore pire : puisque la femme songe déjà à être infidèle avant même d’être mariée, c’est que cela est dans sa nature. Ah bon ? Trouvez-moi de mauvaise foi, je ne fais qu’imiter celle de Gleeden.
L’infidélité est un thème décidément prisé de nos jours, alors qu’il est de plus en plus simple de divorcer, ce qui nous montre bien qu’il s’agit d’un fantasme pour les hommes comme pour les femmes, pensez à l’affiche de « The Great Gatsby » qui n’est pas si différente de la nouvelle campagne de Gleeden.
 
Noémie Sanquer
Sources

http://www.gleeden.com/news/elle-fr_878.html
http://fastncurious.fr/guestncurious/gleeden-ou-laffichage-de-la-rhetorique-trompeuse-2.html
http://www.gleeden.com/

Société

L’émission qui va vous faire aimer la télé-réalité

 
A un mois du lancement de la septième saison de Secret Story, FastNCurious s’intéresse à une émission qui pourrait bien vous faire changer votre regard sur ce genre tant décrié qu’est la télé-réalité.
Et si on parlait social business ?
En matière de télé-réalité, on pensait avoir tout vu. Si, en France, les émissions de télé-réalité sont généralement tout public, d’autres pays n’hésitent pas à utiliser des moyens plus contestables : de la prostitution au cannibalisme en passant par la zoophilie, tout est bon pour faire monter la courbe d’audience[1]. Et les chaînes auraient tort de se priver puisque les spectateurs sont au rendez-vous. L’ambivalence autour de ce genre télévisuel peut se résumer en une phrase : la majorité de la population s’accorde à critiquer la tv réalité et pourtant tout le monde la regarde.
Plutôt que de lutter contre le système, une femme, Anna Eliott a eu l’idée de l’utiliser à des fins plus louables. En 2009, cette jeune américaine crée Bamyan Media. Nouvelle venue dans le milieu de la télé-réalité, Bamyan Media propose une idée simple afin de se différencier de la concurrence : puisque la télé-réalité nous a habitués au pire, pourquoi ne pas s’en servir aujourd’hui pour révéler le meilleur ?
Elle développe ainsi un concept d’émission qui vise à mettre en compétition les entrepreneurs sociaux d’une même nation.
El Mashrou3 : ils n’ont pas d’argent mais ils ont des idées
Ainsi, avant la fin de l’année, l’Egypte connaitra sa première émission de télé-réalité mettant en compétition de jeunes entrepreneurs sociaux et intitulée « El Mashrou3 – The Project ».
Si sur le fond, le concept est innovant, sur la forme, rien ne change. Les recettes qui font le succès d’audience de la télé-réalité sont appliquées à l’identique. Après avoir reçu plus de 900 candidatures, El Mashrou3 présente les initiatives de 14 participants âgés entre 18 et 35 ans. A travers des mises en situation concrètes, ils doivent démonter leur capacité à être de bons entrepreneurs. Chaque semaine, ils devront faire face à un jury qui éliminera l’un d’entre eux. Le gagnant remporte la somme d’argent lui permettant de réaliser son projet. Mais les perdants ne sont pas oubliés. En plus de la formidable couverture médiatique que représente l’émission, chacun d’entre eux repart avec un service l’aidant à mener à bien son entreprise.
Ce type d’émission peut-il marcher ? De toute évidence, la réponse est oui, puisque Bamyan Media n’en est pas à son premier coup médiatique. En 2009, la boîte de productions lance en Afghanistan un projet identique. Résultat : succès inattendu de la saison, l’émission a réussi à rassembler jusqu’à 7 millions de téléspectateurs pour un pays comptant seulement 30 millions d’habitants.
A quand un projet similaire en France ?
 
Angélina Pineau
Sources :
Site de El Mashrou3/The Project
Le trailer de l’émission
Très joli site de la boîte de productions « Bamyan Media »
Article sur El Mashrou3
 

 

[1] A ce sujet, très bon article de Neon Mag « Quand la télé-réalité tombe dans le trash »