Société

Poker en ligne : une évolution high tech

 
Depuis l’ouverture du marché des jeux d’argent à la concurrence, le poker en ligne a le vent en poupe. Les principales salles françaises (Pokerstars, Winamax…) rivalisent d’ingéniosité pour attirer, à grand renfort de publicités, les joueurs débutants qui ont simplement envie de passer un bon moment.
Mais même les salles qui ont obtenu l’agrément de l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne) ne peuvent pas protéger les amateurs contre le comportement de certains joueurs… Et les outils high tech qu’ils utilisent.
Les initiés le savent : dans une salle de poker en ligne, il y a les fishs et les sharks. Les fishs (les poissons) sont les débutants ou les joueurs qui perdent souvent. Évidemment, ils constituent une proie facile pour les sharks (les requins) qui ont de l’expérience et un solide équipement pour améliorer leur niveau de jeu. Ils peuvent alors s’enrichir très vite sur le dos de ces amateurs qui ont le malheur de croiser leur route…
Car désormais, être un bon joueur ne suffit plus pour gagner dans les tournois en ligne. En quelques années à peine, des évolutions technologiques de pointe sont venues considérablement transformer la façon de jouer sur la toile. Et ceux qui sont équipés disposent d’un avantage de taille : leurs logiciels vont analyser le comportement de leurs adversaires et  livrer des statistiques qui peuvent être très habilement exploitées.
Un outil comme Poker Tracker, par exemple, va permettre de compiler et d’analyser l’historique des parties et de livrer des indications sur les habitudes de jeu dans le but d’optimiser les chances de gagner. Le joueur dispose non seulement des informations sur son propre jeu, afin de s’améliorer et de continuer à progresser, mais il va obtenir des données sur tous les pokéristes qu’il va affronter.
Résultat : quand son adversaire modifie sa façon de jouer (il prend subitement des risques, il met plus de temps à se décider…), il le sait aussitôt et il peut alors deviner plus facilement s’il a une grosse main ou s’il tente un coup de bluff.
Les salles de poker en ligne ont dû s’adapter assez vite à ces nouvelles pratiques pour anticiper et contrer les dérives. Il y avait par exemple des outils qui permettaient à plusieurs joueurs de s’allier ensemble pour en « plumer » un seul. Ou même de tout savoir sur un joueur avant de se mesurer à lui lors d’une partie, ce qui donne forcément un avantage significatif. Certains logiciels figurent désormais sur une « liste noire » et sont formellement interdits.
L’autre bête noire des salle de poker et des joueurs honnêtes, ce sont les robots (souvent appelés les « bots ») de poker. Concrètement, il s’agit de programmes informatiques conçus pour jouer seuls à la place des joueurs. Certains joueurs de poker se sont ainsi fait attaquer par des machines contrôlées par des hackers peu scrupuleux, notamment dans des parties en limit (c’est-à-dire que le montant maximum de la mise est plafonné pour chaque tour d’enchère).
Là encore, les opérateurs en ligne ont réagi rapidement pour offrir aux joueurs une sécurité optimale.
Mais il n’en reste pas moins que jouer au poker via un robot, à partir du moment où certaines règles sont respectées, n’est nullement répréhensible. Par exemple, il existe plusieurs robots dont le but est de permettre de tester votre stratégie et de vous contrer efficacement pour améliorer votre technique. Dans le genre, le lancement de Neo Poker Bot montre que l’intelligence artificielle est devenue véritablement performante.
Dans les années à venir, le poker en ligne devrait donc continuer à évoluer pour devenir de plus en plus qualitatif et technique. Les joueurs qui voudront s’inscrire dans des parties et des tournois devront être suffisamment expérimentés et équipés pour avoir une réelle chance de gagner.
Conscientes de l’enjeu, qui risque de rebuter beaucoup de joueurs, certaines salles commencent à tester de nouvelles mesures pour séparer les joueurs et les répartir en deux groupes : les gagnants réguliers d’un côté et, de l’autre, les perdants réguliers ou les novices. Histoire d’éviter que les sharks ne finissent par dévorer tous les fishs. Mais rien ne garantit la pérennité de ce système : les joueurs confirmés et réguliers sont aussi ceux qui dépensent le plus et ils ont clairement fait part de leur mécontentement…
 
Benjamin Durant

Société

Sims en déroute

 
Il n’y a pas cinquante arguments à avancer pour vendre un jeu vidéo. Lorsque la réussite technique ne peut pas servir de cheval de bataille, les éditeurs se rabattent sur des variations du genre « nous avons fait exactement ce que vous attendiez » ou « notre seul souci est de créer un jeu sur lequel tous nos fans peuvent s’amuser ».
C’est avec ce type de gentilles formules, assez peu efficaces lorsqu’elles sont censées répondre à des critiques, qu’Electronic Arts a choisi d’affronter la petite tempête soulevée par la sortie du dernier SimCity.
Bad move EA, bad move…
L’ire des joueurs s’était déchaînée dès la toute fin 2012, lorsque Maxis, le studio chargé du développement de SimCity, avait eu le malheur d’organiser un chat sur Reddit pour annoncer les fonctionnalités du jeu aux fans de la série. Il y avait été précisé que SimCity ne disposerait d’aucune forme de mode Offline, et donc que le jeu serait proprement inutile sans connexion Internet.
Âge du tout-connecté ou pas, il reste nombre de situations dans lesquelles un ordinateur est incapable d’accéder au Net, surtout s’il dépend des réseaux wifi adjacents. Mais la rage des joueurs tenait moins à cette agaçante contrainte qu’à ce que l’annonce sous-entendait. Car généralement, la principale raison pour laquelle un éditeur décide d’empêcher l’activation Offline de sa production est la recherche d’une forme de DRM (Digital Rights Management).
En clair, un moyen d’empêcher l’utilisation de copies piratées du jeu en maintenant actifs un certain nombre de protocoles d’authentification, dépendants des serveurs de l’éditeur.
Le 5 Mars, EA lançait officiellement SimCity après une courte période d’essai (ou Beta). Relançant au passage les plaintes exaspérées des joueurs, qui se retrouvaient incapables d’utiliser leur copie en raison de serveurs surchargés. Au principe même de la connexion obligatoire, toujours vue avec une extrême méfiance par la communauté gamer, s’ajoutait l’échec de la marque à faire fonctionner son propre système.

Résultat : un dégoût si grand qu’Amazon a prévu de rembourser ceux qui ont obtenu SimCity via sa plate-forme, pour ensuite se retrouver dans l’impossibilité de l’activer en raison des insuffisances de l’éditeur.
L’événement est depuis considéré comme l’une des pires releases de l’histoire du jeu vidéo et ce malgré la qualité exceptionnelle de SimCity lui-même. Et pour le coup de grâce : une double pétition de consommateurs, extrêmement suivie, fut présentée auprès de Whitehouse.gov et Change.org, à laquelle Maxis ne put répondre qu’en proposant un jeu gratuit du catalogue EA aux joueurs floués.
EA réagit rapidement au niveau technique en doublant la capacité de ses serveurs. Mais l’argument communicationnel ne changea pas de ce qui avait été martelé depuis le chat désastreux : l’obligation du Online n’était qu’un choix désintéressé. Essentiel dans le développement du titre, il ne visait qu’à créer une expérience nouvelle et communautaire pour les joueurs et ce sans aucun pensée mesquine ayant trait au DRM. Une justification difficile à avaler par des fans qui ne voyaient là qu’une énième tentative de l’éditeur pour instaurer un contrôle autoritaire sur l’utilisation de sa production. En outre, ils devaient réaliser assez rapidement qu’il était possible de faire revenir SimCity au Offline en ne supprimant qu’une seule ligne dans le code du jeu.
Ce n’est pas au vieux singe que l’on… Ah ben si tiens
Cette problématique n’est nouvelle ni pour EA ni pour le marché du jeu vidéo en général. Lors de la sortie l’année dernière du très attendu Diablo III, Blizzard Entertainment avait essuyé des critiques semblables. La série Diablo avait pour elle l’excuse d’être en partie vouée au jeu en ligne, là où les précédents SimCity étaient des jeux Offline avant tout. Mais cela n’avait guère joué sur le lancement, qui avait été immédiatement boycotté par des joueurs trahis par les serveurs de Blizzard. En France, l’association UFC-Que Choisir avait même été jusqu’à porter plainte contre le développeur pour avoir distribué un produit inutilisable.

Notons cependant que tous les éditeurs ne tombent pas dans le piège, ainsi Ubisoft qui avait eu la bonne idée d’affranchir ses titres d’une connexion obligatoire quelques mois avant la sortie du remarqué Assassin’s Creed III fin 2012. Il évitait ainsi des déboires semblables tout en s’assurant quelques temps plus tard de diffuser des extensions qui, elles, ne pouvaient être jouées en Offline sur des copies piratées. Le contrôle sécuritaire de la diffusion était maintenu, mais sans que les joueurs aient eu l’impression d’acheter quelque chose « qui n’était pas vraiment à eux ».
DRM is the new Fun
Ces anecdotes ne se répètent pas pour rien. Elles trahissent un enjeu grandissant pour les éditeurs de jeux vidéos, qui sont rattrapés par la démocratisation du piratage. Si l’industrie vidéoludique y réagit aussi tardivement (par comparaison, entre autres, aux labels musicaux), c’est essentiellement grâce à la popularité des jeux fondamentalement Online et donc relativement aisés à contrôler, tels Call Of Duty ou les MMORPG (jeux de rôle en ligne).
Mais c’est la vision des consommateurs qui change le plus par résonnance et en vient à admettre dans des cas comme ceux de Diablo ou de SimCity qu’une copie piratée a au moins le mérite de satisfaire immédiatement son utilisateur, là où les versions officielles sont comme on l’a vu tributaires de manquements logistiques. La méfiance vis-à-vis du tout-Online mène même parfois à considérer que le développement d’un MMORPG (prenant place dans un monde persistant, qui n’admet par définition pas de mode Offline) n’est plus autre chose pour les éditeurs qu’un moyen de s’assurer un DRM inviolable.
Et les faits ne manquent pas pour conforter les joueurs dans leurs opinions, ainsi avec la rumeur grandissante selon laquelle la Xbox 720 (prochaine console de Microsoft) ne pourra fonctionner sans connexion au service Xbox Live, ce qui permettrait de tuer le marché de l’occasion des jeux Xbox en même temps que le piratage ou le simple prêt entre amis : chaque copie de chaque titre ne pourra être utilisée que par un unique utilisateur du service, ayant dûment payé pour ce droit.
Le Flop retentissant d’Electronic Arts est donc le symptôme d’un phénomène qui ne semble pouvoir être endigué que par la mutualisation de la diffusion. Rares sont les alternatives autres que les plates-formes telles que Steam, de Valve. Car Steam encourage ses utilisateurs à passer par lui pour acheter des jeux, et à lancer ces derniers en restant connecté au service. Ceux qui ont fini par apprécier ce fonctionnement et notamment les nombreuses interactions sociales qu’il permet de conserver tout en jouant, sont ainsi moins tentés de simplement quitter la plate-forme. La mort du Offline n’étant à l’évidence pas un changement que les gamers sont prêts à accepter, les éditeurs de jeux vidéos ne semblent pouvoir sauver leur industrie autrement qu’en développant un discours d’escorte de plus en plus tentaculaire, irrigué de services corollaires au gaming lui-même et justifiant une connexion constante.
C’est ça, ou se faire insulter sur Reddit.
 
Léo Fauvel
Sources :
Journaldugamer.com
Forbes, ici, là et là.
Rue89

Culture

« Real humans »

 
Le 4 avril 2013 sur Arte sera diffusée la série à succès suédoise « Real Humans » (Äkta Människor). Cette œuvre de science-fiction, diffusée pour la première fois en janvier 2012, se déroule en Suède, dans un futur proche, où les hommes cohabitent avec des hubots (androïdes inspirés des modèles actuels japonais). Compagnons utiles et intimes, les hubots prennent peu à peu visage humain, et deviennent capables de ressentir des émotions et d’accomplir des actions malhonnêtes.
En s’attachant au destin d’une famille et de ses hubots, le créateur de la série, Lars Lundström, s’échappe des représentations traditionnelles de la science-fiction pour accentuer la dimension dramatique de l’intrigue. Les scènes sombres, rappelant l’univers silencieux de la série Les Revenants, s’opposent aux décors pastel d’une banlieue futuriste, pour mieux accentuer la division de la société sur la question des hubots. La série se noue autour d’une intrigue avant tout policière, basée sur le quotidien de personnages ordinaires.
Ainsi, leur existence s’intègre parfaitement dans la fiction réaliste permise par l’intimité des foyers. Ce qui interroge le créateur, c’est avant tout le rapport social et les conflits psychologiques entre hubots et humains. Véritable miroir, la machine reproduit les réactions de son propriétaire, se soucie de sa santé et de son bien-être, allant même jusqu’à investir la place d’un amant ou d’une mère. Mais cette fonction de compagnonnage trouve ses limites dans le regard d’une partie de la société, qui fait front contre cette mixité dérangeante. Dénonçant les rapports amoureux et sexuels avec les hubots, les déviances du marché noir qui en fait d’idéales prostituées tout comme les couples affichés, « Real Humans » s’apparente aux groupes d’extrême droite. Ici, les parallèles avec notre société sont constants.
Real Humans est donc un excellent hybride des films de science-fiction, tel qu’ Intelligence Artificielle de Spielberg. Il s’agit de reproduire par la fiction les angoisses et les travers de la société. Derrière le masque grossier des hubots, se cache la sempiternelle interrogation : l’homme est-il bon ? Pourtant, là où True Blood accentue les vices et les imperfections, Real Humans semble hésiter. Le malaise grandit à mesure que le doute s’installe quant au rôle du hubot dans la société. L’homme doit-il aimer sa créature ou en avoir peur ? D’ailleurs, le sous-titre de la série, « Qu’avons-nous encore fabriqué ? » nous rappelle l’idée d’une science babélienne qui s’acharne à dépasser le divin. Ce thème de prédilection se retrouve dans la pensée de Mary Shelley avec Frankenstein ou le Prométhée moderne, où elle reproduit entre l’homme et sa machine l’idée du Créateur. Ce rapport conflictuel nourrit toute une mythologie parfaitement distillée dans la série, à l’image de la réponse d’un hubot sur la question de son origine : « Nous venons de vous, de votre imagination ».
En effet, l’étrangeté des hubots, avec leurs yeux bleus électriques et leurs visages lisses, est révélée dès les premières secondes de la série, lorsqu’ un groupe de hubots libres cherche à fuir la destruction. Dotés d’une conscience, d’opinions et d’initiatives, cette bande incarne l’innovation à son extrême, l’homme-machine parfait.
Cette hypothèse s’inscrit dans la continuité du mécanisme de Descartes et traverse les imaginaires collectifs depuis les premiers automates jusqu’aux avancés de l’électronique avec le courant cybernétique de l’après-guerre.
Aujourd’hui, le robot intrigue toujours, comme le prouve l’exposition achevée début mars au Musée des Arts et Métiers : Et l’Homme…créa le robot[1]. On pouvait y découvrir les progrès des robots chirurgiens, des prothèses nouvelle génération et s’interroger sur le robot de demain. Tout nous indique que le futur proche de Real Humans pourrait être le nôtre, et c’est sur cette vraisemblance que se joue l’intrigue. Proche de l’angoisse de la série Les Revenants[2], Arte développe à l’instar de Canal+, la dimension transmédia qui nourrit le succès attendu de la série. Ainsi, vous pouvez découvrir sur le site[3], dès la diffusion du premier épisode, le 4 avril 2013, le Hubot Market dans lequel il est possible de constituer son propre robot et de le partager sur les réseaux sociaux.
 Clémentine Malgras

 

[1] Le site de l’exposition :

[2] Lien vers le dossier Fast’NCurious consacré aux Revenants : http://fastncurious.fr/category/edito/dossiers

[3] Le site de la série Arte : http://www.arte.tv/fr/real-humans-100-humain/7364810.html

 

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Société

Stunt et caméras cachées, Carlsberg et ses compères

 
La marque de bière suédoise Carlsberg a lancé le 13 mars sa dernière campagne digitale « Carlsberg put friends to the test » sous forme, encore une fois, de caméra cachée. On se souvient en effet de leur campagne Bikers en 2011, primée aux Cannes Lions de 2012, où un couple qui venait tranquillement regarder un film au cinéma, se retrouvait dans une salle remplie de bikers à l’air féroce. Réactions mitigées de la part du couple souvent dubitatif, pour le plus grand plaisir des internautes. Cette année, Carlsberg reprend la même méthode, et la même agence Duval Guillaume Modem, pour un nouveau buzz. Le concept cette fois-ci : testez vos amitiés. L’arroseur appelle son meilleur ami au beau milieu de la nuit pour lui annoncer qu’il est retenu dans une partie de poker car il a perdu de l’argent. Il lui demande de venir avec 300 euros. De là part une série d’aventure pour celui, le plus courageux, qui aura accepté de courir à l’aide du complice.

Dans les deux campagnes, le courage est mis à l’épreuve, mais est surtout récompensé par une Carlsberg bien méritée. Car la marque a effectué un tournant dans sa stratégie en 2011, voulant se démarquer face à la concurrence mais aussi rajeunir son image. Carlsberg avait depuis sa création, en 1847, une tagline bien connue et ancrée dans les mémoires : « Probably the best beer in the world » (« Probablement la meilleure bière au monde »). Aujourd’hui elle veut mettre en avant une tendance nouvelle, accordant son héritage avec des valeurs correspondant à l’esprit plus actif et aventureux de leur cible. Ainsi la marque encourage aujourd’hui les consommateurs à « s’affirmer et faire les choses bien » en référence à leur nouveau slogan anglo-saxonn : « That calls for a Carlsberg » (« Ca mérite bien une Calsberg »).
La méthode « stunt » est souvent risquée (on se souvient du bad buzz de Cuisinella, analysé ici par Léo Fauvel) mais on peut penser que « Put friends to the test » a tous les ingrédients pour fonctionner. En effet, dans cette caméra cachée, le spectateur est mis dans la confidence et ne risque pas de se méprendre sur la blague, mais aussi et surtout, l’idée est nouvelle. Le message est cohérent, le suspense est là, les « arrosés » sont crédibles, et enfin, la clef du succès de ce genre est présente : on se demande tous « qu’est-ce que j’aurais fait à sa place ? » Bien sûr, de plus en plus d’internautes crient à la supercherie pour ce genre de vidéo virale, et accusent les piégés d’être acteurs, ce qui briserait l’authenticité des vidéos.
Et l’éthique ?
Les publicités caméra cachées, souvent conçues pour créer le buzz, ont un succès indéniables en ce moment. De nombreuses marques se sont mises à l’essai. On a vu récemment le Stress test de Nivéa, le Push to add drama pour TNT ou encore le canular de Jeff Gordon pour Pepsi.
Dans le cas de Pepsi comme souvent ailleurs, le rire provient surtout de l’état de détresse de la personne piégée. Jusqu’où peut-on aller pour donner de la visibilité à sa marque ? Les internautes animent souvent ce débat dans les commentaires en citant parfois les limites de certaines caméras cachées (parmi lesquelles, la vidéo d’une émission comique brésilienne, celle de l’ascenseur hanté, où les victimes étaient terrorisées par un de nos pires cauchemars).
Le combat de coqs
Dans le cas de Carlsberg, l’enjeu de cette campagne était aussi (surtout ?) de répondre à Heineken, son principal concurrent. En effet, depuis quelques années, on a pu observer une jouxte du meilleur stunt entre ces deux rivaux. En 2010 Heinkeken avait organisé un faux concert de musique classique en Italie, le soir d’un match de la Ligue des Champions. Une centaine de femmes avaient piégé leur compagnon et les avaient convaincus de se rendre à cet événement. De même pour quelques journalistes réquisitionnés par leur boss pour y assister. Au bout de quelques minutes musicales très longues pour certains, la marque avait révélé le but réel de cette assemblée, à savoir de regarder le fameux match avec Heineken. Le succès a été au rendez-vous. Mais L’année suivante, Carlsberg réplique avec sa caméra cachée et ses fameux bikers dans un cinéma de Bruxelles. Heineken n’en est pas resté là et a lancé, il y a quelques mois, sa campagne virale « The Candidate ». Nouveau scénario : lors du recrutement d’un nouveau responsable sponsor pour Heineken, cette dernière filme en caméra cachée des entretiens d’embauche, mais pas comme les autres. Après que le recruteur ait conduit le candidat main dans la main jusqu’à son bureau, la victime assiste à des rebondissements improbables, entre malaise vagal du recruteur, alerte à l’incendie et assistance aux pompiers. Les vidéos des trois finalistes ont ensuite été soumises à des votes en interne, et le candidat élu par l’équipe marketing a appris sa réponse lors d’un match, sur l’écran géant du stade.
The End ?
Les deux marques de bières utilisent dans leurs campagnes le consommateur qu’elles mettent dans des situations réelles pour renforcer leur engagement envers la marque et le produit. Par l’émotion et le rire, elles augmentent ainsi leur capital sympathie. Mais à force d’utiliser la caméra cachée pour faire le buzz, nous pouvons imaginer que les marques peuvent user le concept jusqu’à rendre leurs opérations inefficaces voire catastrophiques. Chaque technique de buzz est périssable par la définition même de cette notion, dont le principe est d’être innovant. Qui sera donc le dernier, le perdant, en utilisant un concept dépassé ? On voit déjà le phénomène s’essouffler puisque « Carlsberg put friends to the test » ne dépasse pas encore un seuil de vues très impressionnant au bout d’une semaine.
 
Marie-Hortense Vincent
Sources :
Publivore.fr
Adverblog.com
Beveragedaily.com
Lareclame.fr
Marketingmagazine.co.uk

Publicité et marketing

Plus redoutable que l’épreuve des poteaux ? La gestion de crise chez TF1

 
Épreuve de la mort subite
Il y a quelques jours, TF1, grande chaîne nationale, a dû faire face à une situation sans précédents. Si au début, il s’agissait seulement d’une rumeur circulant sur Twitter et qui s’est retrouvée dans les Tendances françaises en l’espace de quelques minutes, la chaîne et la production l’ont ensuite confirmée par un communiqué officiel : « Gérald Babin, 25 ans, participant de la 16e saison de Koh Lanta est décédé ce jour d’un arrêt cardiaque lors de la première journée de tournage au Cambodge. Toutes les équipes d’ALP, de TF1 et Denis Brogniart sont effondrés et s’associent à la profonde tristesse de la famille de Gérald. Toutes leurs pensées vont vers ses parents, sa sœur, sa compagne, ses proches. Il a aussitôt été décidé d’arrêter le tournage et de rapatrier dès que possible toutes les équipes à Paris. »
Ce drame qui a eu lieu la première journée de tournage d’une émission de télé-réalité phare, a déclenché une tempête médiatique qui nous amène à nous poser plusieurs questions. Qu’en est-il du futur de l’émission ? De la télé-réalité elle-même ? Ce drame aurait-il pu être évité ? Est-ce la faute des jeux d’aventures peut-être trop dangereux ?
A l’épreuve d’immunité, TF1 arrive dernier
Koh Lanta appartient à un genre de télé-réalité plus qualitatif que celles d’enfermement de type Secret Story ou Les Anges de la Télé-réalité. La dernière saison avait récolté 33 millions de recettes publicitaires et environ 30% de parts de marché soit environ 7 millions de téléspectateurs réunis chaque vendredi en Prime time devant l’émission. Il serait donc dommage pour la chaîne d’arrêter la diffusion d’un programme qui, depuis 2001, connaissait une très forte audience qui n’avait jamais vraiment reculé malgré l’aspect et le contenu répétitif de l’émission d’une année à l’autre. Si la saison 2013 a été finalement amputée, la chaîne demeure silencieuse quant au futur du programme. Si beaucoup espèrent que Koh Lanta continuera, on a quand même du mal à imaginer Denis Brogniart revenir sur nos écrans un an plus tard avec 15 autres candidats et prononcer les phrases cultes du programme : « Ils ont décidé de vous éliminer, leur sentence est irrévocable » ou « A la fin, il n’en restera qu’un. » Difficile pour les proches et surtout l’image de la chaîne qui serait alors considérée par tout le monde comme une chaîne qui ne cherche qu’à faire de l’audience. TF1 a déjà une image négative auprès du public en raison de certains de ses programmes jugés un peu « limites », voir qualifiés de « télé poubelle » par certains. Ainsi, perdre le programme le plus regardé en prime time après The Voice et qui s’adressait à un public très large, serait un coup dur pour la chaîne. Mais en même temps, si l’émission continuait comme si de rien n’était, TF1 commettrait alors un suicide médiatique. Cela ternirait son image et confirmerait alors ce que beaucoup disent déjà de TF1, la chaîne ne serait plus grand public mais « complètement Trash ».
Comme à la réunification, place à la stratégie… De com’
Pour le moment, TF1 gère cette situation de crise plutôt bien et se bat justement pour ne pas véhiculer cette image « trash ». La chaîne, dans ce déferlement médiatique, tente plutôt de privilégier l’aspect humain. Il est donc l’heure de la compassion chez TF1 qui, dans son communiqué, a humanisé la victime en indiquant son nom et en présentant ses condoléances à la famille. Chez ALP, la production, ils déclarent : « On privilégie à 400% l’humain. » La chaîne a donc pris en charge les proches et les a aidés à se rendre au Cambodge, ils sont attendus sur le lieu du tournage pour une bénédiction et pour qu’ils puissent ainsi faire leur deuil. De ce fait, en ne lésinant pas sur les messages de condoléances envers la famille du défunt, la chaîne respecte un fondamental en matière de communication de crise, c’est-à-dire, faire part de respect et de compassion lorsque il y a malheureusement eu des victimes. La famille devrait même recevoir la visite du PDG de la chaîne et recevoir l’aide d’un psychologue.
Au « conseil » de la télé-réalité, on a décidé de vous éliminer
Maintenant, il est temps pour la chaîne de prendre des décisions mais également répondre à plusieurs questions, que beaucoup se posent, en étant totalement transparente. Tous les tests médicaux nécessaires ont-ils été faits ? Ont-ils lésiné sur les précautions à prendre pour la sécurité des candidats ? Est-ce la faute des jeux d’aventures, trop imprévisibles et donc trop dangereux ? Etc. Lorsque l’on a pris connaissance du décès d’un candidat par arrêt cardiaque, on a tout de suite imaginé un sexagénaire, un peu fatigué qui n’aurait pas tenu le coup lors d’une épreuve physique. Après les explications de la chaîne, c’est le choc. On ne comprend pas vraiment car on sait que la chaîne fait passer des tests médicaux draconiens et alors on pense aux footballeurs qui se sont éteints très jeunes, en plein match, sur le terrain. Pourtant nous ne sommes pas ici dans un cadre sportif mais dans un cadre de télé-réalité et c’est ce qui choque. Gérard Babin est la première victime directe de la télé-réalité en France. Avant lui, on se rappelle malheureusement de François-Xavier (FX) qui s’était suicidé après Secret Story ou Jean-Pierre de « Trompe-moi si tu peux » (émission qui n’avait pas vu le jour en raison de son suicide justement). Mais à l’étranger, dans des émissions de même format que Koh Lanta, d’autres décès sont à déplorer. Ainsi, en 2009, dans la version bulgare, Noncho Vodenicharov, âgé de 53 ans, décède d’une crise cardiaque aux Philippines. La version pakistanaise connaît le même drame la même année avec Saad Khan, 32 ans, qui se noyait en Thaïlande. Le nombre de victimes à déplorer nous amène à nous interroger sur la dangerosité du programme et de ce type de jeux d’aventures. Une affaire et une polémique qui peuvent poser problème à l’heure où M6 s’apprête à diffuser la nouvelle saison de Pékin Express, un jeu d’aventure presque aussi éprouvant que Koh Lanta. Pourtant, ce genre d’émissions a du succès pour ces raisons, pour les risques que prennent les candidats. Les téléspectateurs veulent les voir « trimer », souffrir et pour ceux qui l’avouent, même se blesser. C’est ce qui permet aux chaînes de mettre les spectateurs en haleine. On l’a vu dernièrement dans l’émission Splash, que beaucoup ont avoué regarder en espérant que les candidats se ratent.
Tous ces dangers ne concernent pas seulement les jeux d’aventures mais la télé-réalité en soi : aujourd’hui, on élève le nombre de victimes de la télé-réalité à 12, la plupart s’étant suicidée. Est-il temps d’arrêter la télé-réalité qui continue pourtant de connaître un succès fulgurant ? Il est peu probable que les chaînes sautent le pas. La télé-réalité semble encore avoir de longs jours devant elle, ce qu’on ne peut pas dire dans le cas de Koh Lanta en revanche. Le scénario le plus probable pour la chaîne est de trouver un autre concept d’émission proche de Koh Lanta mais sans l’animateur star de TF1, Denis Brogniart étant associé directement au programme dorénavant entaché par l’incident. Si la chaîne ne trouvait pas de remplaçant à celui-ci, cela pourrait poser problème financièrement à TF1 sur le long terme puisqu’elle devra dire adieu à 33 millions de recettes publicitaires.
 
Sabrina Azouz
Sources :
Le JDD
L’entreprise.com

Société

Jacques a dit : « Nan mais allo quoi » ?

 
Si vous êtes un être humain âgé de 3 à 133 ans, vous en avez forcément entendu parler. Pour les autres, voici la chose :

 C’est LA vidéo qui fait le buzz depuis plusieurs semaines, mettant en scène Nabila, personnage phare des Anges de la téléréalité, en pleine réflexion métaphysique. Ce n’est certes pas la première phrase aberrante et grammaticalement incorrecte lancée par un candidat du télécrochet. Ce qui est plus étonnant c’est la rapidité avec laquelle elle a été diffusée par un certain nombre de relais culturels, à la base assez éloignés les uns des autres, jusqu’à atterrir  dans la bouche de votre propre grand-père en plein déjeuner familial (véridique !). Genèse de la démocratisation d’une phrase culte.
 
Réflexivité de la culture beauf
Clarifions d’emblée la situation : les candidats de la téléréalité sont rarement des lumières, mais pas non plus bêtes à ce point. Dans Les Anges comme ailleurs, on force le trait des caractères, et notre Nabila se retrouve priée de faire des réflexions en adéquation avec son corps de bimbo. Vertigineuse mise en abyme où des gens un peu crétins doivent faire semblant de l’être encore plus pour satisfaire une audience qui veut se sentir intelligente. Ou l’application scrupuleuse de la théorie de la négativité mise au point par le pape de la téléréalité John de Mol : l’idée est de de montrer la lie de l’humanité pour flatter les bas instincts du spectateur.
Cependant si grâce à ce génial concept ces émissions sont massivement regardées elles restent taboues, la règle d’or étant de ne jamais en parler en société, du moins au premier degré. On se retrouve donc face à un phénomène assez paradoxal, à la fois très populaire et extrêmement confidentiel. Donc même si une grande partie de la France a été ravagée par la rupture de Samir et Aurélie, on évite quand même d’en parler dans le métro le matin.
Alors comment expliquer ce qui passe au travers du filtre social ? La « bogossitude » de Vendetta dans La Ferme Célébrités, le « ça va Senna ça va ! » d’Amélie dans Secret story, ou les ébats de Charles-Edouard et Loana dans la piscine du Loft pour les ancêtres sont désormais mythiques et font partie de l’imaginaire collectif. Ces références peuvent être évoquées ouvertement et comprises par énormément de personnes aux profils socioculturels pas forcément proches de celui du fan lambda. La téléréalité touche ainsi indirectement une nouvelle cible, et cette popularisation passe par un angle original : l’ironie. Elle permet d’instaurer une certaine distance avec ce qu’on regarde, autorise le divertissement sans passer par une adhésion, perçue comme humiliante. Ce qui explique que beaucoup y voient un moyen d’évoquer sans complexe les temps forts de certains épisodes dans l’espace public, notamment sur internet.
 
Le relais geek
La multiplication des références à la téléréalité sur le web et principalement dans les réseaux sociaux contribue à donner au genre ses lettres de noblesse. Le second degré, Saint Graal des communautés de l’internet, permet de revaloriser et de moderniser l’objet télévisuel. Dans le cas Nabila on a vu fleurir des parodies faisant référence à un certain nombre de codes culturels estampillés « geek » :
Version Hitler

Version Seigneur des anneaux

Nabila et Cloclo
 
Et pour finir, la parodie de parodie, ou la collision de deux cultures différentes : l’émission elle-même devient second degré en s’appropriant les codes de la contre-culture du net

Ces reprises et beaucoup d’autres se sont répandues de façon virale sur les réseaux sociaux, démocratisant massivement les aventures de Nabila et consorts, en y apposant le label « humour décalé ». Cette deuxième étape attire alors l’attention des médias de masse plus « traditionnels », et l’ « effet Nabila » se fait ressentir jusque dans des sphères très éloignées de la cible première de l’émission.
 
Passage au mainstream
Les médias de flux se mettent à parler eux aussi de cette histoire de shampoing. Mais de la même manière que la vidéo a été parodiée pour s’adapter aux valeurs du net,  elle est ici reformatée par le décryptage. Des émissions cataloguées plutôt bobo se proposent non pas (jamais ô grand jamais) de relayer telle quelle une émission populaire issue des limbes de la TNT, mais d’analyser un phénomène quasi-sociologique. L’honneur est sauf. C’est donc auréolés d’une crédibilité journalistique intacte qu’Audrey Pulvar, Alexandra Sublet, ou Yann Barthès se mettent eux aussi à utiliser leur main comme combiné pour tenter d’expliquer les raisons du buzz national.
La preuve en vidéo

C’est ainsi que la boucle est bouclée : le désormais célébrissime « Non mais allo quoi ? » repasse par la télévision qui l’a vu naitre, en empruntant cette fois les chaines les plus regardées, aux heures de grande écoute qui plus est. On n’est pas passé loin du JT de France 2. L’audience la moins connectée et donc généralement  la moins susceptible  d’être touchée par ces engouements éphémères est ici frappée de plein fouet.
Moralité : le dialogue entre les médias renforce le buzz. Chaque support s’approprie la vidéo en y injectant les valeurs qui lui sont propres, et mobilise ainsi sa communauté attitrée. On se retrouve donc face à une diversité des contenus médiatiques de plus en plus importante, où des évènements au départ condamnés à circuler au sein d’un cercle restreint d’initiés se retrouvent un bref moment sous le feu des projecteurs. Pour le meilleur et pour le pire.
 
Marine Siguier

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Politique

La motion de censure : un duel institutionnel

 
« Délibérer est le fait de plusieurs. Agir est le fait d’un seul. » écrit le Général de Gaulle dans ses Mémoires de Guerre. En déposant une motion de censure à l’Assemblée Nationale le 15 Mars dernier, JF Copé, Président de l’UMP, ne contredit pas l’ancien chef de l’État, le seul dont le gouvernement avait dû démissionner après une motion de censure votée contre lui en 1962. A l’époque, une majorité de députés s’opposaient au référendum pour valider l’élection du président de la République au suffrage universel direct.
Cette initiative, parfaitement symbolique, permet à Jean-François Copé d’affirmer son autorité à la tête d’une opposition dont la cohésion et la force ne sont pas encore tout à fait évidentes. Mercredi dernier, le Président de l’UMP s’est exprimé dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale, s’offrant ainsi une tribune pour sa « reconquête » tout à la fois personnelle et électorale. Bien entendu, la motion a été rejetée, seuls 228 députés ayant voté pour (tous de la droite, de l’extrême droite et du centre), alors que la majorité requise était de 287 voix. Aussi, il semble évident de traduire cette critique du gouvernement officialisée au moyen de cette motion de censure comme la volonté de l’opposition de mettre en scène une parole subversive contre l’exécutif, soutenue par une rhétorique apocalyptique. En témoignent les termes employés par JF Copé lors de son discours lorsqu’il évoque la situation actuelle de la France : « la défaite de notre pays », « message d’alerte », « spectacle insupportable », « sentiment de gravité », « déclin économique et social de la France ». Il n’avait pas été plus nuancé lors de son intervention télévisée au JT de TF1 le dimanche 17 mars pour évoquer la motion de censure, dénonçant un « gouvernement aux abois », responsable de « la ruine du pays ». Il propose d’ailleurs de résoudre cette catastrophe politique et économique par un « big-bang économique », pour rester dans la métaphore apocalyptique.
Une motion de censure, sous la Ve République, c’est un peu comme un drame au théâtre : les rôles et les péripéties sont déterminés, la fin de l’histoire est connue de tous. Cette mise en scène de l’action de l’opposition, plus symbolique que réelle, invoquant une dramaturgie héroïque, est un message de communication politique plus qu’un geste patriotique. Et cela, même si M. Copé en appelle au devoir de désapprobation civique et morale pour dénoncer le gouvernement, en souhaitant « faire de ce débat un moment démocratique, un moment de vérité, l’une de ces circonstances rares ou il est donné à l’exécutif si puissant dans nos institutions à nos jours d’écouter l’opposition ». La gauche détient en effet la majorité à l’Assemblée Nationale, et jamais les Verts ni les partis de gauche auraient accepté de former une coalition avec la droite pour déroger le gouvernement actuel. Une seule issue était donc possible : celle d’une parole politique suspendue et sans effet, suite à un affrontement entre Copé et Ayrault. La majorité a donné raison au gouvernement, même si celui-ci avait été fragilisé la veille par la démission de Jérôme Cahuzac.
Mais ce drame classique se transforme au fil des ans en boulevard redondant : la motion de censure, tente-cinq fois déposée sous la Ve République, devient une tradition politique dont la légitimité s’effrite à mesure qu’elle perd le sens de sa finalité réelle : la dissolution du gouvernement. Or, en cas de présidentialisme absolu, c’est-à-dire en cas de concordance des majorités présidentielle et législatives, cette menace ne peut être que symbolique et se réduit à un coup de communication incroyable pour l’opposition (au même titre que les amendements qu’elle dépose). Impossible de blâmer cet opportunisme politique : il est la conséquence de nos institutions et des rapports de force politiques qui s’en dégagent. Les retombées médiatiques de cette motion de censure ne sont pas négligeables pour l’UMP : interview du Président de l’UMP au JT de Claire Chazal et à la matinale de France Inter avec Patrick Cohen, une retransmission intégrale du débat parlementaire sur LCI, des articles quotidiens dans la presse écrite depuis le 15 mars. D’autant que cette motion de censure arrive au moment de la défaite de la candidate PS aux élections législatives partielles et d’un mini remaniement ministériel improvisé.
 
Une dyarchie grammaticale et politique
Cette motion de censure a également été l’occasion de rappeler la confusion qui règne autour de l’exercice du pouvoir de l’exécutif, confusion parfaitement retranscrite dans le langage politique et médiatique. En effet, on a pu remarquer la critique très virulente de JF Copé contre François Hollande, le Président de la République, lors du JT de TF1 : « François Hollande a pris deux décisions qui sont à mes yeux irresponsables et que je veux dénoncer à l’AN. » Or, la motion de censure concerne l’action du gouvernement et pas celle du Président, comme le précise l’article 49 de la Constitution  : « L’assemblée nationale met en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure. » Ainsi, c’est le premier ministre, chef de la majorité parlementaire, qui est venu défendre l’action et la politique de son gouvernement. « Je sais où je vais, je sais comment y parvenir, et je sais ce que doit être la France à la fin de ce quinquennat, et c’est à cela que depuis le premier jour je me suis attaqué » a affirmé fermement Jean Marc Ayrault mercredi dans l’hémicycle, avec une détermination qui a été le seul coup de théâtre de ce rituel politique. Ayrault a défendu avec éloquence son gouvernement dans un discours dominé par le « je » qui remplaçait le « nous » (nécessaire dans son rôle de chef de file de la majorité parlementaire). Les références au Président de la République se sont raréfiées. M. Ayrault semble enfin assumer sa fonction ainsi que ses choix politiques. Et pourtant, le premier ministre s’est fait indirectement l’avocat du Chef de l’Etat mercredi, en n’ayant pas d’autre possibilité que de défendre la politique et les actions de François Hollande dans cette plaidoirie vigoureuse, sous couvert de l’emploi du « je » plutôt que du « il ». Cette motion de censure aura au moins eu le mérite d’interroger la responsabilité de la politique de la nation. « Le président fixe le cap, le Premier Ministre dirige le gouvernement », avait révélé Ayrault sur le JT de David Pujadas en mai dernier.
Au travers d’une confusion grammaticale non-intentionnelle, la motion de censure aura révélé la confusion institutionnelle de l’exercice d’un pouvoir exécutif bicéphale.
 
Margaux Le Joubioux
Sources :
LCI replay : le débat parlementaire du Mercredi 22 mars
« Ayrault s’efforce de reprendre sa majorité en main » Le Monde
« Copé mise sur sa motion de censure pour relancer l’UMP » Les Echos
« À l’UMP, la motion de censure « ne fait pas l’unanimité » » Le Figaro
« Motion de censure : l’opposition quasi-unie face à Ayrault » Le Jdd

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Publicité et marketing

Mots brandis, branding de mots : éléments sur l’affiche contemporaine

 
Plus que jamais en ce début 2013 la publicité affichée dans le métro nous rappelle à quel point son fonctionnement communicationnel procède d’une écriture qui passe de manière privilégiée (d’aucuns diraient « médiagénique ») par une mise en spectacle des mots dont le but est de produire un effet de rupture cognitive (d’autres diraient « disruption ») dans les déambulations routinières des passants indifférents.

Que ce soit sous la forme testimoniale de la pensée « canaille » (Meetic), de la citation baudelairienne (Musée d’Orsay) ou de l’onomatopée brute (Gaîté lyrique), les affiches projettent sur les murs de la capitale des lettres et des mots à lire comme des totems.
Verticalité de l’affiche
Historiquement, l’art publicitaire de l’affichage accompagne l’essor de la presse et de la littérature modernes : c’est-à-dire massives et mobiles. Il est intimement lié au graphisme comme modalité expressive et esthétique. Il explose avec les formes papier, puis électriques (les enseignes lumineuses) et enfin numériques (les écrans que l’on trouve maintenant partout). Dans une période médiatique elle-même obsédée par les écrits courts (twit, commentaire, petites phrases, etc.), il ne doit pas nous étonner que le mot retrouve son autorité « fantasmagorique » et sa puissance « kaléidoscopique ». Ces métaphores visuelles (« fantasmagorie » ou « kaléidoscope ») sont aussi anciennes que l’essor des métropoles de la fin du 19ème siècle et sont très souvent utilisées par les écrivains (Baudelaire, Aragon, entre autres) ou les philosophes de la Modernité. Au premier rang desquels on retrouverait Walter Benjamin, qui énonce, avec génie, que la publicité de ville et de magazine consiste à « redresser » le langage. Avec l’essor de la communication médiatique, les mots retrouvent leur verticalité :
« Si, des siècles durant, l’écriture se mit progressivement à s’allonger, passant de l’inscription verticale à l’écriture manuscrite, qui repose inclinée sur des pupitres, pour finalement se coucher dans la typographie, elle commence, maintenant, tout aussi lentement, à se relever à nouveau. Le journal, déjà, est plus lu à la verticale qu’à l’horizontale, et le cinéma comme la publicité poussent entièrement l’écriture à la dictature de la verticale. »
De ce point de vue, le spectacle offert par nos plus récentes campagnes d’affichage nous rappelle que plus que tout autre média, l’affiche publicitaire a une puissance d’incarnation érectile du langage.
Le cas Sephora
Comme nous le montre Clara de Sorbay sur ce même blog, c’est ainsi Sephora qui, en jouant avec ses propres innovations linguistiques, se permet de rappeler combien l’attraction publicitaire relève d’une rhétorique érotisée et d’une érotisation de la rhétorique. En s’affichant, la provocation se dresse à la faveur de mots spectaculaires qui prennent corps :

La « bombassitude » s’offre à la rue comme une hyperbole assumée de la dimension « putassière » de l’affiche qui cherche à accrocher le passant par le langage.
Sephora ou l’« attractionisme» suffixal

 
 
 
 
 
 
 
 
Mis en relief, en abîme et en cadres successifs, les mots forgés par la marque tiennent toutes leurs promesses phaticonatives, autrement dit en termes sephoriens : leurs capacités d’« attractionisme ».

A travers eux, il s’agit de capter l’attention des voyageurs par la mise en avant d’un néologisme qui se détache sur un visage et un regard qui leur font face. Sephora ne s’embarrasse pas de subtilité et leur adresse ainsi des « mots-regards » sur-colorés et sur-soulignés, à l’image des masques (« maquillage ») et des effets (surfaces et volumes) que l’enseigne commercialise.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Comme s’il s’agissait d’une palette chromatique, Sephora déplie toute la gamme des suffixations possible du chic (« inance »), du conceptuel (« isme », « itude ») et de la conjonction des deux (« escence »). Dans un art de l’onomaturgie jouisseuse, la signifiance s’irise d’une multitude de nouveaux noms qu’elle s’approprie (au sens de « noms propres ») comme des valeurs de marque.
Et s’il fallait à notre tour définir par la néologie le style rhétorique de la marque, nous dirions qu’il s’agit là d’une sorte de tentation « pyrolexique » redéfinissant les contours de la « gloss-o-lalie ».
Poitiers et la surprise surprenante
Dans un genre moins tapageur, c’est également le chemin que prend la ville de Poitiers pour communiquer dans le métro parisien. Sa promotion se fait sur le fond d’un spectacle lexical qui repose sur un effet de surprise au carré : en utilisant des adjectifs dénotant la surprise tout en la connotant.

« Ebaubissant », « épatarouflant », « épastrouillant »… En tirant de vieux dictionnaires de synonymes des lexèmes endormis, l’agence de communication poitevine MBA cherche à surprendre le passant du métro en suspendant et en testant ses compétences linguistiques et « encyclopédiques ».
Dans un flou temporel qui veut signifier l’archaïsme, Poitiers tend à remotiver une « romanité » d’origine forcément ébouriffante.
Et le passant lui-même un peu âgé, ne peut s’empêcher de penser à la formule que Monsieur Cyclopède adressait au téléspectateur à la fin de chacune de ses brillantes démonstrations : « Étonnant, non ? ».
Mot-label
Au fond, l’affiche contemporaine est là pour nous rappeler que, depuis quelques années, notre environnement écranique a remis en vedette le mot pour lui-même : de l’économie des moteurs de recherche (AdWords) à la première métaphore ennuagée des « tag clouds », en passant par le règne éditorial du « mot-clé » et du hashtag, les mots ont repris de la valeur et de la couleur, également au sens pécuniaire du terme.
Rien ne le montrerait mieux que le cas des critiques de cinéma qui sont de plus en plus ramassées en un ou deux mots qui résument l’ensemble d’un article, au point que la séquence de Canal + dédiée aux sorties de films (qui s’appelle le « crash test » dans le Grand Journal) s’ingénie à faire ressortir visuellement des qualifications de la manière suivante :

A l’écran, le mot frappe l’image comme un tampon qui valorise ou stigmatise le film, tout en lui donnant un prix quasi monétaire. Plus que jamais la parole critique est d’argent et construit sous nos yeux la valeur de l’objet culturel qu’elle examine. Comme à la Nouvelle Star, le bleu, c’est bien, et le rouge, c’est pas bien :

Cela n’est pas sans effet alors sur la communication autour de la sortie des films et de leur affichage urbain, ainsi que nous le montre le cas de la sortie du dernier Bacri/Jaoui du début de ce mois de mars :

Réduit à l’averbalité, les phrases en ressortent comme de véritables mots-labels qui dressent au produit culturel, sous forme de bouquet, un monument éphémère de mots euphoriques.
 
Olivier Aïm

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Société

Les stéréotypes nationaux : une stratégie payante ?

 
Un article chauvin… Mais pas trop
Pour toucher le public d’un pays donné, une publicité doit s’appuyer sur des références communes, d’où la tendance à tomber dans les clichés et les stéréotypes culturels. L’exemple le plus récent en date est celui de IDealing :
Le pudding de trop

Peut-être avez-vous remarqué dans le métro parisien cette affiche qui incite d’abord au dégoût : un « meat pudding » traînant sur une sauce trouble virant à l’orange sur fond sombre et assorti du slogan « Quitte à prendre quelque chose aux Anglais, autant prendre leur expertise boursière ». Passée cette réaction épidermique, on se demande : quelle marque a accepté de dénigrer autant l’Angleterre pour se faire valoir ? Il s’agit d’IDealing, courtier en bourse britannique, qui se targue d’afficher les prix les plus bas sur le marché français depuis 2012. Drôle de stratégie que celle qui crache sur une partie de la culture de son pays pour en vanter les mérites dans un autre domaine ! La négation de ses racines n’a sans doute d’autre but que de s’accorder aux clichés français sur les Anglais pour mieux s’implanter sur ce nouveau marché. Comme le Français est très fier de sa propre gastronomie, pourquoi ne pas tenter le coup en dénigrant la cuisine anglaise !
Ceci est un flop : une stratégie agressive pour tenter de s’imposer sur un marché français difficile d’accès, d’autant plus qu’il s’agit d’un groupe britannique peu connu même dans son pays d’origine. Choix risqué et peu payant : la publicité, à l’esthétique peu soignée, est insultante et a peu marqué les esprits.
La bourse ou la bière

Cette marque de bière allemande lance en 1997 (!) une campagne publicitaire qui joue sur le cliché français. La voix off, féminine, se démarque par son fort accent français. Ces sonorités à la française jouent sur des clichés des Français comme romantiques, charmeurs et férus de french kiss, clichés profondément ancrés à l’étranger.
Ceci n’est pas un flop : La pub est restée dans les annales grâce à son ton léger, à la qualité de ses images et au sujet abordé : c’est bien connu, la bière est un sujet plus plaisant que l’expertise boursière, et sans doute moins sensible au crash.
Fast and Cliché
Le secteur automobile n’est pas en reste. Pour s’exporter, les constructeurs font souvent appel à des clichés nationaux, également pour rappeler leur identité. La preuve par Renault : c’est ce qu’illustrent plusieurs campagnes publicitaires (Allemagne, Royaume-Uni par exemple) dont on retiendra celle qui s’adresse à un public allemand. Elle met en scène des collisions entre deux personnes où chaque duo représente un pays: Japon, Suède, Allemagne et France. Mais seule la collision entre les Français se concrétise par un baiser plutôt qu’un choc violent. Argument publicitaire : « en cas d’accident, la meilleure protection est française ».
Flop ou pas flop ? : La publicité est bien pensée, le montage soigné mais utiliser les clichés de personnes entrant en collision peut choquer les pays représentés. De plus, la publicité ne remplira pas forcément sa mission, les marques allemandes ayant toujours meilleure réputation dans leur propre pays.
La vidéo a reçu des critiques bien différentes à sa sortie : « chauvin ! » ont crié certains, « cliché ! » ont argué d’autres. Il est intéressant de noter cependant que cette publicité n’a pas été créée par une agence française, mais une agence allemande, basée à Hambourg. Verdict : flop ou pas flop ?
Currys, un humour épicé

Veni, vidi, vici peuvent affirmer fièrement les Irlandais après avoir battu les Bleus. Mais l’esprit victorieux ne s’est pas arrêté à ce match et s’est importé dans certaines publicités irlandaises. Prenons comme exemple celle de Currys, magasin d’électroménager : leur nouvel aspirateur est capable d’emporter Thierry Henry avant qu’il ne finisse de débiter, avec un accent français à couper au couteau, des grossièretés méprisantes à l’égard de ses adversaires, tout en prenant généreusement le ballon de sa main. « The French loose, The Irish win », même dans l’électroménager!
Ceci est un demi-flop : Pour les Irlandais la publicité fait référence à un moment de réussite sportive et la marque a su surfer sur cette vague de fierté nationale. Donc la tactique fonctionne at home, sweet home. Par contre, flop assuré à l’étranger ! La campagne ne pourrait absolument pas s’exporter car elle part d’un événement sportif ponctuel mais surtout parce qu’elle assimile cette rencontre entre deux sportifs à une confrontation entre deux peuples. L’humiliation française se poursuit dans la publicité irlandaise. Le sport reste l’un des derniers bastions du fair-play moderne, pas la publicité !
En bref : les publicités fondées sur des clichés nationaux, flops ou pas flops ? Sujet sensible, le cliché national peut être un atout lorsqu’il s’adresse à un public ciblé qui l’apprécie et sait le comprendre. L’utiliser dans l’auto-dérision est souvent un bon moyen pour que la publicité plaise et attire l’attention des publics visés. Attention tout de même à ne pas forcer le trait en transformant un gentil cliché en insulte manifeste et parfois virulente à l’égard d’une zone culturelle. Domaine stéréotypé par excellence, la publicité peine parfois à renouveler ses sujets. Et en matière de cliché, c’est toujours la même rengaine : ça passe ou ça casse.
 
Sophie Pottier et Pauline St Macary
Sources :
The Advertising Times
Café Babel
Langue De Pub

Politique

Quand Hessel n'est plus là, les souris dansent

 
Disparu fin février, à 95 ans, Stéphane Hessel aura eu une existence peu commune : né à Berlin de parents allemands (ceux-là mêmes qui ont inspiré le film « Jules et Jim », de François Truffaut), il acquiert la nationalité française en 1937 et s’engage dans la résistance. Il est capturé, torturé et déporté pour finalement, à la Libération, participer à la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme au sein d’une institution récemment créée, les Nations Unies. Une vie de lutte incessante, contre les Occupants, puis contre les injustices, qu’elles soient économiques, sociales ou géopolitiques.
On pouvait lui attribuer de nombreuses étiquettes : résistant, diplomate, ambassadeur, écrivain. Le terme qui le résumerait mieux serait peut-être celui de militant. Dans son manifeste publié en 2010, intitulé « Indignez-vous! », véritable succès planétaire, il écrivait : « La pire des attitudes est l’indifférence ». Les récents mouvements populaires – Occupy Wall Street aux Etats-Unis, le mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, le parti Syriza en Grèce, mais aussi dans une certaine mesure le renouveau de la gauche française et européenne – ont finalement démontré que les hypothèses de Stéphane Hessel étaient justes.
Pourtant sa mort, le 27 février dernier, a provoqué un grand chassé-croisé dans les médias. L’espace public s’est enflammé, pour un homme dont on avait jusqu’à présent si peu parlé (et ce jusqu’à la publication de son manifeste), et que l’on avait relégué à des postes honorifiques. De tous les bords, ont emané un concert de louanges et d’hommages, dont la presse, française comme étrangère, se sont rapidement fait l’écho.  À droite comme à gauche, on a célébré la « grande figure », le « penseur du progrès » ou encore l’ « immense patriote ». Il faudra attendre quelques jours pour que des voix s’élèvent, et dénoncent l’hypocrisie ambiante, notamment celle de Hervé Bentégeat, qui publie à cet effet son opinion sur le site de Slate.
En effet, de son vivant, Stéphane Hessel ne fit jamais l’unanimité. Ses positions en faveur de la paix en Palestine et  son hostilité face aux méthodes et à l’idéologie de l’état d’Israël lui ont attiré les foudres du CRIF. Dans un communiqué récent, l’organisation confessionnelle parle de lui comme d’ « un maître à ne pas penser », et évoque clairement leur intention de faire un « travail de déconstruction » de sa pensée. À droite, on le critiquait volontiers en parlant de lui comme d’un idéaliste naïf, porteur d’un message de bonne conscience et de solidarité universelle.
Il faut dire qu’il ne mâchait pas ses mots, et affirmait clairement sa volonté de voir le conflit israélo-palestinien résolu, comme dans cette interview accordée à Serge Moati en 2008 :

Pour autant, sa mort fit l’objet de nombreuses récupérations médiatiques : le 13 mars, Lemonde.fr annonce le lancement d’une application payante qui lui rend hommage, dans le cadre d’une collection qui retrace la vie et les œuvres des grandes personnalités de l’histoire contemporaine. De même, il fut question de savoir s’il serait intronisé au Panthéon. Pour défendre cette idée, une proposition, signée par des personnalités diverses (de tous bords et de tous métiers) paraît dans Libération, mais Richard Prasquier, le président du CRIF, ne veut pas en démordre.
La République lui rendra tout de même cet hommage qu’il semblait mériter, au cours d’une cérémonie qui a eu lieu à l’Hôtel des Invalides. Le Président de la République, inspiré, prononça un discours qui ne fit pas l’unanimité : certain y virent une distance et une restriction inopportunes au moment de dire adieu à un grand homme. Edwy Plenel, co-fondateur du site d’information Mediapart, n’y va pas de main morte dans un article publié sur le site de l’Association Solidarité France Palestine. Il épingle notamment une phrase du Président qui démontre selon lui la méconnaissance voire l’inculture de François Hollande :
 
«  Il pouvait aussi, porté par une cause légitime comme celle du peuple pales­tinien, sus­citer, par ses propos, l’incompréhension de ses propres amis. J’en fus. La sin­cérité n’est pas tou­jours la vérité. Il le savait. Mais nul ne pouvait lui dis­puter le courage. »
 
Plenel récuse l’idée d’une erreur de la part d’Hessel, rappelant que sa vie, tout comme celle de ses mythiques géniteurs, s’inscrivait sous le sceau de la foi en la liberté, le droit et la justice. Ce sera Edgar Morin, dans un émouvant hommage à son ami, qui aura cette répartie cinglante : « Les mal­heureux qui ne comprennent pas que sa position de vérité pour la Palestine est due à son humanisme, à sa compassion, à sa bonté, ceux-​​là errent complètement. »
Cependant, mon but n’est pas tant de déterminer qui a raison et qui a tort dans l’histoire. Il est intéressant de noter, néanmoins, que la disparition soudaine de Stéphane Hessel a délié les langues et ravivé les passions au sein de l’espace public, de la même façon que lors de polémique qui a suivi la publication d’ « Indignez-vous ! » Il est triste de constater que sa mort aura plus fait parler de lui en quelques jours que ses actions et son histoire pendant les dizaines d’années qui ont précédé sa révélation au grand public.
 
 Laura Garnier
Sources :
Le Monde lance une application payante en hommage à Stéphane Hessel
Le retour sur les obsèques de Stéphane Hessel par Edwy Plenel
Wikipédia
Stéphane Hessel, le bal des hypocrites
Hessel, un « maître à ne pas penser » pour le CRIF