Société

WeChat VS Facebook : duel au sommet

Difficile pour nous aujourd’hui d’imaginer notre vie sans nos applis. Facebook, Instagram, Snapchat, Twitter, Uber, Messenger et bien d’autres rythment notre quotidien. Pourtant, en Chine, vous ne trouverez aucune de ses applis. La censure du gouvernement oblige les Chinois à créer leurs propres apps.
Un certain nombre d’acteurs ont ainsi commencé à copier les réseaux occidentaux pour fournir aux Chinois leur éventail d’applications. Mais en quelques années, un réseau s’est imposé comme la « super app » et pourrait bien avoir des conséquences sur nos réseaux occidentaux.
WeChat, la « super app » chinoise
En 2011, le groupe Tencent crée WeChat, qui n’est à l’origine, rien de plus qu’une application de messagerie, au même titre que WhatsApp ou Messenger. En à peine plus d’un an, 150 millions d’internautes se ruent sur l’application. Très vite, WeChat évolue et offre de plus en plus de services. Aujourd’hui, l’application réunit plus de 950 millions d’abonnés et a complètement bouleversé le quotidien de ses utilisateurs. En une seule application, WeChat concentre un nombre incalculable de services. Vous pouvez envoyer un message à un ami pour lui proposer de sortir, lui envoyer la photo d’un restaurant que vous aimeriez tester, réserver une table dans ce restaurant, payer la note à la fin du repas, noter la qualité du restaurant… et votre ami pourra même vous rembourser par message le lendemain, pendant que vous travaillerez avec vos collègues, toujours depuis l’application. En bref, vous pouvez tout faire !
Plus besoin d’un Facebook, d’un Amazon, d’un Instagram, d’un Paypal, d’un Slack ou d’un TripAdvisor quand vous avez WeChat. Le réseau social est conçu pour rendre ses usagers captifs : ils n’ont plus besoin de quitter l’application, que ce soit pour leur loisir ou pour leur vie professionnelle.
Pour mieux comprendre WeChat, nous vous proposons cette vidéo du NY Times, récapitulant très bien l’impact de l’application sur la vie des chinois.

Vers une « WeChatisation » occidentale ?
Arrivé dernièrement sur le marché européen, WeChat promet de faire bouger les lignes. Dans un premier temps, WeChat en Europe sera surtout destiné aux touristes chinois ayant pris l’habitude de payer leurs achats depuis l’application, ce qui implique que les banques et les commerçants acceptent le partenariat avec WeChat Pay. WeChat n’est pas le premier à s’implanter sur le marché européen en proposant son système de paiement. Alipay, le service proposé par le géant chinois Alibaba, a fait son apparition en France, permettant à 450 millions de Chinois de faire leurs achats depuis l’application. Avec WeChat Pay, ce sont plus de 150 millions de Chinois supplémentaires qui bénéficieront de ces avantages.
Cette adaptation des commerçants aux usages chinois pourrait bien amener les européens à reprendre le même modèle. Plus besoin d’argent liquide ou de carte bleue si tous les commerçants proposent de payer via une application permettant de tout faire. WeChat compte déjà plus de 200 millions d’utilisateurs étrangers, principalement en Asie du sud-est, mais pas seulement. Les occidentaux travaillant avec des partenaires chinois se rendent vite compte qu’il est plus facile de communiquer par WeChat, très répandu dans le domaine professionnel, que par E-mail, peu utilisé en Chine. L’essor de l’application chinoise en Amérique et en Europe pourrait donc se faire par la sphère professionnelle et le développement commercial lié au tourisme.
Facebook fait de la résistance
Nous étions habitués à voir le marché chinois copier le marché occidental, mais aujourd’hui, l’inverse pourrait bien se produire. Difficile d’imaginer que Facebook laissera WeChat lui prendre des parts de marché sans réagir. En témoignent les nouvelles fonctionnalités développées notamment sur Messenger. Il est désormais possible d’envoyer de l’argent directement depuis la messagerie de Facebook, ce qui n’est pas sans rappeler le système des « enveloppes rouges » du géant chinois. De même, Facebook a ouvert sa marketplace permettant de mettre en relation des acheteurs et des vendeurs de différents produits, sans pour autant permettre la transaction depuis la plateforme.
Facebook tente de rendre son public de plus en plus captif en lui proposant toujours plus de services. D’autant plus que Facebook a annoncé que son système publicitaire était arrivé à saturation : intégré plus de liens sponsorisés nuirait à l’expérience utilisateur et risquerait de leur faire perdre des internautes. Pour continuer à se développer, le réseau de Mark Zuckerberg doit trouver de nouveaux relais (98% des revenus de Facebook viennent de la pub). L’exemple de WeChat, dont le modèle économique repose principalement sur les commissions lors de transactions et la monétisation de leurs jeux (seuls 18% des revenus viennent de la pub) pourrait fortement inspirer Facebook.
Ces « super apps » posent toutefois un problème majeur, celui de l’utilisation des données. Une application dont on est captif et qui subvient à tous nos besoins récolte un nombre incalculable de données sur chaque utilisateur. On sait déjà que le gouvernement chinois profite des datas de WeChat pour surveiller sa population. Ainsi, les thèses de Michel Foucault dans son ouvrage Surveiller et Punir semblent trouver un sens nouveau. D’un régime disciplinaire, on passe à une surveillance plus discrète. Pour autant, chacun se sait sous surveillance en permanence. De quoi s’interroger quant aux effets d’une sorte de panoptisme digital.
Nicolas Morteau
Twitter : @N_Morteau
LinkedIn : Nicolas Morteau

Sources :
Davan-Soulas Melinda, WeChat, le réseau social multifonctions qui gère la vie des Chinois débarque en France, LCI, publié le 09/07/2017, consulté le 23/10/2017.
Fabrion Maxence, Proche des 2 milliards d’utilisateurs, Facebook voit son chiffre d’affaires augmenter de 49% au 1er trimestre, Frenchweb, publié le 04/05/2017, consulté le 23/10/2017.
How WeChat Became China’s App For Everything, Fast Company, publié le 01/02/2017, consulté le 24/10/2017.
Noisette Thierry, WeChat : « Notre stratégie pour nous développer en Europe », L’Obs, publié le 07/04/2016, consulté le 24/10/2017.
Crédits :
Crédit vidéo : The New York Times, How China Is Changing Your Internet | The New York Times, publié le 09/08/2016
Crédit photo : www.thedrum.com
 

Société

Le règne du « partage » : analyse d’une tendance communicationnelle

La notion de « partage » est partout, elle semble être devenue l’une des valeurs cardinales de la génération des digital natives : elle est omniprésente dans la publicité, sur les réseaux sociaux, dans la communication institutionnelle… Alors que les inégalités économiques et sociales, ainsi que l’esprit de concurrence n’ont jamais été aussi exacerbés qu’aujourd’hui, cet appel au partage interpelle. Il est pour le moins paradoxal.
Le partage, une ouverture sur le monde ?

Est-ce un simple et curieux hasard si le terme partage vient étymologiquement du même mot que « partir » (du latin partire) ? Le désormais slogan officiel des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, « Venez partager », laisse presque entendre « Partez à Paris ».
« Depuis le lancement de la candidature, nous sommes particulièrement attachés à porter des valeurs d’ouverture sur le monde et de partage », a déclaré Etienne Thobois, le directeur général de Paris 2024. Cette volonté affichée de véhiculer ces deux notions étroitement liées, se concrétise encore davantage par le slogan écrit en anglais, dévoilé avant sa traduction française : « Made for sharing ». Ce slogan a fait couler beaucoup d’encre, mais il permettrait, selon les organisateurs, de diffuser plus largement un appel à venir à Paris lors des Jeux. Une traduction en espagnol est même envisagée, afin d’attirer le maximum de visiteurs possible. Dans cette campagne de communication, l’idée de partage est donc combinée à celle d’ouverture, jusqu’à rendre insécable les deux notions, autant sur le fond (valeurs portées par le slogan) que sur la forme (traduction en langues étrangères).
Mais ce rapprochement — voire cette association — entre partage et ouverture sur le monde est loin d’être une nouveauté en communication. Pour preuve, les réseaux sociaux ont d’une manière générale, adoptés la logique du share. Ici encore, par l’action de partager un contenu sur Internet donc d’en démultiplier l’audience potentielle, on l’ouvre sur le monde. A fortiori, et à l’ère des réseaux sociaux, il semblerait que le mécanisme de partage (sharing, retweet, etc.) ait définitivement supplanté l’URL comme constitutive principale du Web. Toutefois, si le partage n’est pas univoque et qu’il existerait, selon une étude, jusqu’à six profils de « partageurs » différents (des plus intimistes aux influenceurs), force est de constater que la tendance au partage semble aller de pair avec le processus de mondialisation. Comme l’exprimait le président de l’entreprise de services mobiles Cellfish à propos du Brexit : « Cela ne rime à rien de remettre des frontières dans un monde dominé par Facebook ».
Quand le partage devient un argument de vente

Plus qu’être synonyme d’ouverture sur le monde, la valeur partage peut s’avérer être un véritable recours commercial pour les marques. Le célèbre slogan publicitaire « On partage ? » de Kinder Bueno en est l’une des plus emblématiques illustrations. À travers cette invitation à déguster ses produits, l’entreprise du groupe Ferrero véhicule l’idée implicite qu’un biscuit Kinder se partage avant de s’acheter. On cherche, par là même, à rassurer le client : acheter un Kinder Bueno est un geste altruiste, ce qui expliquerait d’ailleurs pourquoi ces biscuits sont vendus par deux (ils ne demanderaient qu’à être partagés).
Autre usage de la valeur partage, celui de Coca-Cola. En 2014, la marque a lancé une gamme de sodas, où l’injonction au partage est non seulement inscrite sur la canette, mais se personnalise : « Partage un Coca-Cola avec Pierre, Paul, Anne ou Marie » nous intime la marque. Poussant encore plus loin l’étrange équivalence entre consommation et partage, déjà bien amorcée par Kinder, la marque Coca-Cola se positionne, avec cette gamme, en tant que créatrice de lien social : elle se donne pour mission de réinsérer de la convivialité dans l’individualisme de nos sociétés. Acheter, c’est partager, voilà l’homologie que ces deux campagnes publicitaires ont réussi à établir dans l’inconscient de millions de consommateurs.
La valeur du partage propre à la culture des millenials ?
Au vu des récentes campagnes de communication précédemment évoquées, le « partage » apparaît comme l’une des notions particulièrement mobilisées par les organisations (entreprises comme institutions), pour attirer l’attention des consommateurs, et en particulier des jeunes. Toutefois, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le partage n’est pas une caractéristique intrinsèque à la culture numérique et digitale. Selon une étude du New York Times Customer Insight Group, elle ne serait qu’une transposition du plurimillénaire art de la conversation, dont les enjeux sont en revanche bien plus grands, au regard des près de quatre milliards d’internautes, et tous potentiels partie prenante de cette discussion.
En tant que créateur de contenu, le partage n’est pas nécessairement plus altruiste ou bienveillant, car le partage sert parfois de faire-valoir. Autrement dit, intégrer un bouton « partager » ou « retweeter » sur l’article d’un site est plutôt une vitrine permettant de mettre en scène une popularité immédiatement visible, car chiffrable, d’un influenceur sur les réseaux sociaux, qu’une incitation au partage de contenu.
Qu’il se décline sous la forme d’ouverture sur le monde, d’altruisme ou d’acte de conversation comme un autre, le partage semble être devenu un mot passe-partout, sans cesse renouvelé par les différentes campagnes de communication l’ayant employé. Il s’est ainsi quelque peu vidé de son sens premier.
Sara Lachiheb
Linked In : Sara Lachiheb
Sources :

Nicolas Richer. « La vérité sur les boutons de partage (et la meilleure extension) », wpmarmite.com, mis en ligne le 15 mars 2016. Consulté le 29/10/2017.

Ricardo Da Silva. « 6 types de partageurs sur les réseaux sociaux. #infographie », ricardodasilva.fr, mis en ligne le 4 mai 2014. Consulté le 29/10/2017.

Elsa Bembaron. Marie-Cécile Renault. « Cela ne rime à rien de remettre des frontières dans un monde dominé par Facebook », Le Figaro, mis en ligne le 24 juin 2016. Consulté le 29/10/2017.

 
Sources images :
http://www.strategies.fr/sites/default/files/assets/images/strats-image-1064438.jpeg
https://essentiel-autonomie.humanis.com/sites/all/themes/custom/humanis_assets/images/partager-facebook.png
http://www.coca-cola.pf/wp-content/uploads/2015/04/actu_partagez.jpg
 

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Culture

« Si je me flingue en live, combien de screenshots ? »

« Si je me flingue en live, combien de screenshots ? »
Nekfeu, La réalité augmentée
Voilà une provocation qui révèle bien l’invasion de la réalité augmentée dans notre vie quotidienne. Pokémon Go nous avait habitués à nous prendre des gens en pleine face dans la rue, le nez collé à leur portable… Désormais la réalité augmentée risque de créer des attroupements. « S’il vous plaît, soyez conscients de votre entourage » affiche néanmoins Snapchat. Après son rachat de Zenly, qui a permis la géolocalisation de tous ses contacts sur une map en temps réel – ce qui a abouti à la mise à nu de nombreux mensonges, lapins et autres tensions chez les Millennials – Snapchat a lancé une nouvelle fonctionnalité. Depuis le 3 octobre, des œuvres d’art en réalité augmentée peuvent être admirées dans les quatre coins du monde : Central Park, Hyde Park, Washington Square Park, le Champ de Mars… et même Buckingham Palace ! Pour cela, Snapchat a lancé un partenariat avec Jeff Koons, connu pour ses sculptures dites kitsch, et particulièrement pour ses Balloons Dogs. Chaque individu peut désormais admirer ses créations dans l’un des endroits répertoriés ci-dessous, en sélectionnant un filtre sur l’écran de son smartphone.

Société

Twitter et les comptes parodiques malveillants : un moyen légal d'usurpation d'identité ?

Dans le monde virtuel des réseaux sociaux, les rapports de force reposent sur l’immédiateté et la dépendance au nombre de vues et de partages. Ce qui est mis en avant ne l’est qu’à cause de sa viralité et non de sa véracité. De plus, le fait que le réseau social Twitter soit mondialisé fragilise l’établissement de lois internationales, visant à contrôler l’apparition de comptes malveillants qui parviennent, à travers l’interprétation de la politique du site, à la contourner.
Les personnes engagées : une surveillance constante et nécessaire des comptes parodiques usurpateurs
Même nom, même avatar, mais contenus opposés, c’est le moyen choisi par des anonymes pour semer la confusion et parvenir à convaincre les « followers » (littéralement « suiveurs ») des militants à revenir sur leurs positions politiques. Ainsi, le militant Américain et anti-Trump Ryan Knight, connu sur les réseaux sociaux par le surnom « Proud Resister » (résistant fier), a été victime d’une usurpation d’identité parodique d’une personne pro-Trump. Avec plus de 86 000 abonnés, il publie régulièrement sur Twitter pour maintenir la résistance anti-Trump.

 
Ce tweet du militant anti-Trump dénonce le risque des faux-comptes qui se font passer pour lui de manière parodique : « Des comptes feignant la résistance apparaissent en ce moment dans le but de discréditer nos efforts. Le compte ci-dessous utilise ma photo, mon nom et tweet de la « désinformation » pour semer le doute et diviser. Cela recommence comme en 2016. @Twitter ne peut autoriser cela. S.V.P. partagez et encouragez Twitter à supprimer @the_ryan_knight ».
 

Ce tweet du compte parodique de Ryan Knight prétend avoir fait semblant d’être un militant anti-Trump : « Trump est quelqu’un de super. Cette affaire de #Résistance est une perte de temps. Il est temps pour moi de retourner à ma vie normale. ». Ce tweet étant une réponse à un compte qui défend lui aussi la résistance anti-Trump, on peut voir que l’usurpateur cherche à diviser la collectivité anti-Trump, et qu’il cherche ainsi à perturber la fluidité de sa communication. Le compte usurpateur a depuis été suspendu après une semaine de nombreux signalements.
L’ambiguïté de la politique et des règles d’utilisation de Twitter
L’équipe de Twitter est consciente des risques d’usurpation d’identité et écrit ceci :

La fragilité de cette politique d’utilisation est que la mention explicite de la dimension parodique du compte est légitime, dans le cadre de la liberté d’expression. Dans le cas de Ryan Knight, l’usurpateur a changé son nom de « proud resister » en « paid resister » (résistant payé), mais a aussi spécifié dans sa biographie « (parody) », que l’on ne peut voir que si on va sur le compte en question, et qu’on prend le temps de lire sa description. Ainsi, il ne peut pas être attaqué, car il n’a pas le même pseudonyme.
Ces parodies malveillantes sont dangeureuses, car les tweets circulent de manière autonome (nul besoin d’aller sur le compte du propriétaire), et qu’une lecture rapide et passive du contenu (associé à son avatar) influence le récepteur. Ce dernier ne voit pas nécessairement la différence de pseudonyme et la confusion s’opère. Le récepteur peut être surpris du changement radical des propos de la personne qu’elle pensait légitime de suivre, ou  peut être amené à analyser la situation du point de vue opposé à ses positions initiales et ainsi douter de  la pertinence de ses positions. Puisque Ryan Knight lui semble être revenu sur ses positions, peut-être devrait-il en faire de même ?
La compréhension de cette dimension parodique « par l’audience ciblée » n’est absolument pas certaine, et ne peut être vérifiée. D’autre part, l’utilisation de Twitter dans sa politique des termes « similaires » et « de manière ambiguë ou trompeuse », montre  un manque de précision qui permet justement de contourner cette règle, avec pour défense les possibilités d’interprétations.
Les dangers des réseaux sociaux naissent sans avoir été devinés par Twitter au préalable, ainsi les contours de sa politique d’utilisation ne sont pas assez clairs pour pouvoir les prévenir au mieux. En revanche, les comptes parodiques malveillants passent entre les mailles du filet, grâce au flou juridique existant.
Alors, quelles limites entre la liberté d’expression et la légitimation des comptes parodiques ?

 

 
Si la liberté d’expression est défendue dans la politique de Twitter, elle s’effectue pour les utilisateurs au prix d’une lutte virtuelle qui sonne comme la loi du plus fort. Cela s’exprime par le degré d’efficacité dans la communication des idées, l’influence (les partages post-publication), la fréquence des publications et des interactions avec de potentiels « followers » et les followers que l’on parvient à acquérir dans un laps de temps court. Le contenu est disgracié au profit de la viralité et de la notoriété. Le processus devient plus fort que le contenu,  cela repose sur la logique même des réseaux sociaux.
L’utilisation du terme « conflit » montre que cela est partie constituante du réseau social, que ce soit de manière visible lors de débats, ou que ce soit de manière cachée à travers les comptes parodiques malveillants. Ces derniers peuvent paradoxalement pousser les militants à s’engager plus encore dans la communication de leurs idées, car ils se retrouvent dans une situation de double opposition. A la fois dans la défense de leurs idéaux dans une situation donnée, mais aussi dans la lutte contre les moyens d’usurpation légitimes de leur identité à travers la surveillance constante.  Ils encouragent aussi leurs « followers » à signaler les comptes usurpateurs malveillants : la suspension d’un compte est aussi un combat du nombre.
Ce problème est délicat, car l’interdiction de comptes parodiques mènerait à un contrôle constant de Twitter, et donc porterait atteinte à la liberté d’expression, dans un contexte où une large partie des comptes parodiques ne sont pas malveillants. Le signalement reste l’issue de secours, mais la rapidité de la diffusion des tweets, par rapport à la réaction bien plus lente des autorités questionne les nouveaux moyens de prévention, plus efficaces dans la lutte contre l’usurpation malveillante.
 
Romane Pinard
Twitter @RomanePnd
 
Sources :

La politique d’utilisation de Twitter : Comptes parodiques et Usurpation d’identité
Le Twitter de Ryan Knight et tweet publié le 20 octobre 2017
Le Twitter du compte parodique (depuis suspendu), tweet publié le 19 octobre 2017

Politique

Suppression de l'ISF: Petite ôde à l'impôt

La suppression de l’Impôt sur la Fortune (ISF) a été annoncée par Emmanuel Macron alors candidat pour l’élection présidentielle en février 2017. Cet impôt, auparavant nommé Impôt sur les Grandes Fortunes était apparu sous la présidence de François Mitterrand avant d’être abrogé puis réintroduit en 1988. Il est aujourd’hui question de l’instauration d’un Impôt sur les Fortunes Immobilières (IFI) prévue dans le projet de budget de 2018. L’instauration de ce nouvel impôt fait suite au constat de l’inefficacité de l’ISF : en 2016, il avait provoqué l’exil de deux familles par jour. Même si la rationalité économique souligne que cette taxe coûte plus à la collectivité qu’elle ne rapporte, la froideur de cet argument ne semble pas suffire à justifier sa suppression.

L’impôt a ses raisons que la raison ignore     
En effet, s’il existe une raison économique qui justifie le retrait de cet impôt, la façon de le suggérer n’a pas été des plus pertinentes. On peut identifier deux raisons expliquant l’échec de la communication autour de la suppression de l’ISF.

D’une part, la fiscalité tient d’une matière extrêmement technique. Elle est sujette à l’instrumentalisation par l’ensemble du personnel politique, c’est ce que l’on a pu constater durant la campagne présidentielle de 2017.
Ici, le problème est pris à l’envers. Au lieu de faire revenir les riches, il s’agit de ne pas les faire partir : cela serait possible en mettant l’accent sur la dimension contributive de l’impôt pour l’ensemble de la société. Or, Emmanuel Macron s’adresse plus aux individualités qu’à la collectivité. En opposant ceux qui réussissent et « ceux qui ne sont rien » (29 juin 2017, Discours d’inauguration d’un incubateur de start-up) le président valorise l’individu dans son aboutissement personnel en le distinguant clairement du reste de la société.
D’autre part, la mauvaise perception de l’ISF est la conséquence directe d’une défaillance de l’Etat. L’appareil public ne parvient pas à présenter comme nécessaire la participation de l’ensemble des individus dans le financement de l’activité publique.
Il est avéré que de faire comprendre aux citoyens que leur participation à l’impôt sert la collectivité et permet un plus grand assentiment à ce dernier. L’impôt permet de financer par exemple un système éducatif de qualité, et une population plus qualifiée -et de la même façon plus productive- est plus à même à participer à la vie démocratique, ce qui constitue une externalité positive pour la société.
On retrouve ici une des contradictions fondamentales de la communication macronienne. S’affrontent une volonté de satisfaire les classes moyennes et la suppression des contrats aidés ou la réduction des Aides Personnalisées au Logement (APL). La « pensée complexe » qu’avait faite valoir l’Elysée pour justifier l’absence du président dans les médias sert finalement des intérêts simples.

Marqué du sceau « Ami des nantis » 

Si la réforme de l’ISF pose problème, c’est également du fait de l’importante valeur symbolique de cet impôt. En plus du modèle « jupitérien » de la présidence Macron qui implique une grande prise de distance médiatique, le fait que cette réforme prenne tant de place dans l’espace médiatique conforte le président dans une déconnexion par rapport à la classe moyenne qui est loin des réalités que connaissent ceux qui sont assujettis à cet impôt.
Par conséquent, cette suppression contribue à créer un imaginaire de la technicité et de la distance d’un président croulant sous ses propres contradictions, tiraillé entre des interventions millimétrées dans les médias et un goût pour les phrases volées à l’occasion de ses différentes interventions.
Cette réforme renforce l’inquiétude que les richesses se concentrent à l’extrême, la répartition de celles-ci redevenant très inégalitaire. Effectivement, selon Thomas Piketty dans son livre Le Capital au XXIème siècle, depuis la fin du XIXème la part de la richesse accaparée par le 1% des plus riches a doublé pour atteindre aujourd’hui 20%. L’acrimonie sociale est aujourd’hui particulièrement vive contre des objets qui rentrent dans l’imaginaire collectif de la richesse : avec ce nouvel impôt, les yachts, voitures de luxe et lingots d’or seront épargnés de taxe.
Le « président des riches » sacrifie sur l’autel de la rationalité économique la paix sociale : la haine contre cette richesse ostentatoire devient palpable.
La présidence des riches, par les riches et pour les riches
     

 La défense de cette réforme revêt dans le discours présidentiel un aspect purement dogmatique. La parole du président devrait permettre que la surpression de l’ISF donne la possibilité aux français les plus fortunés d’investir dans les entreprises pour servir la croissance. Bien que sa posture donne de l’importance à son discours, être président ne semble plus suffire pour donner un effet concret à cette volonté. Il peut exister en plus de cela un effet d’aubaine qui détournerait la réforme de son essence : les plus riches ne sont en rien contraints d’investir leur argent dans les entreprises.

Il n’en demeure pas moins qu’Emmanuel Macron se pose dans une position autoritaire, comme si sa stature présidentielle à elle seule suffisait à donner du corps à son discours. Or, la position présidentielle n’est plus aujourd’hui un facteur de légitimation du discours, d’autant plus à l’heure de la démystification de la fonction politique. Ce sentiment est conforté par l’alimentation d’une « pensée complexe », l’intellectualité de la pensée du président serait un facteur de légitimation de son discours. La verticalité de sa parole contraste franchement avec les qualificatifs de « fouteurs de bordel » adressés aux salariés de GMS au début du mois d’octobre 2017.
Et pendant que la suppression de l’ISF nourrit cette passion bien française de dégout envers la richesse, l’extrême droite arrive en Autriche avec un président plus jeune qu’Emmanuel Macron, conséquence directe d’une distance grandissante entre ceux qui font les politiques et ceux que cela concerne. Juste sanction ou mauvaise colère?
Corentin Loubet
Profil LinkedIn

Sources: 

AFP.  La suppression de l’ISF, une réforme sans garantie de résultat, Le Dauphiné . Publié le 23/09/2017 . Consulté le 19/10/2017
« A peine présenté, le nouvel ISF de Macron menacé par le «syndrome des yachts» » ,  Le Parisien. Publié le 28/09/2017. Consulté le 19/10/2017.
Michel Ricard,  ISF : l’art délicat de la communication, Le Point. Publié le 04/10/2017. Consulté le 20/10/2017.

 Jérome Leroy; Macron : une pensée complexe au service d’intérêts simples,  Causeur. Publié le 16/10/2017 , Consulté le 19/10/2017.

Pierre Rosanvallon, Relégitimer l’impôt.  CAIRN . Publié en 2007 . Consulté le 20/10/2017.
Denis Jeambar;  Emmanuel Macron, ce président qui sait tout sur tout. Publié le 16/10/2017.  Consulté le 24/10/2017.
Ludovic Galtier.  Pourquoi la réforme de l’ISF pose problème.  RTL.  Publié le 19/10/2017 . Consulté le 23/10/2017 
Arnaud Benedetti, Emmanuel Macron s’adresse aux individus plutôt qu’à la nation . Le Figaro.  Publié le 16/10/2017. Consulté le 24/10/2017
Thomas Vampouille.  Nous pas comprendre le président Macron,  Marianne.  Publié le 29/06/2017.  Consulté le 28/10/2017 
Economie des Politiques Publiques, Antoine BOZIO et Julien GRENET, Collection Repères, Edition La Découverte, P. 71-71
Thomas PIKETTY, Le Capital au XXIème siècle, Stock, 2013
Crédit photo
Une : YVES VELTER / GAZ OF HESITATION / 2013
Photo 1 : GIANGIACOMO SPADARI / ELEMENTI MECCANICI / 1971
Photo 2 : FRANK FREED / HAVE AND HAVE NOT / 1970
Photo 3 : ANNE CHRISTINE POUJOLAT / AFP / 2017

Société

Who run the Internet ? Girls !

En ce mois de novembre 2017, le harcèlement sexuel est encore plus que jamais présent dans nos sociétés. Qu’il se manifeste au travail, à la fac, dans les transports en commun ou encore dans la rue, les femmes y sont chaque jour confrontées.

 #BalanceTonPorc

Depuis quelques semaines, l’affaire du producteur Hollywoodien Harvey Weinstein enflamme les communautés d’internautes. Les répercussions sont telles qu’il est quasiment impossible aujourd’hui d’éviter cette abondance de tweets accompagnés du hashatg #BalanceTonPorc. Cet hashtag a été lancé le 13 octobre dernier par Sandra Muller, fondatrice et directrice de la rédaction de « La lettre de l’audiovisuel », un média à destination des professionnels des médias et des instances dirigeantes. Le but de l’initiative de la journaliste ? Inviter toutes les femmes à prendre la parole sur le sujet. En résultent alors des dénonciations en cascade, comme l’illustre le cas de la militante du PCF Julia Castanier, à l’origine de ce tweet : « J’avais 25 ans et j’étais attachée parlementaire. En allant vers l’hémicycle, @jeanlassalle m’a mis une main aux fesses. #balancetonporc ». Sa révélation a par la suite poussé d’autres femmes à dénoncer à leur tour le député.

Quand les réseaux sociaux deviennent une arme
Les réseaux sociaux jouent bel et bien un rôle important dans cet éveil de la parole des victimes. En août 2012, la communauté « Paye Ta Schnek » faisait son apparition sur Facebook. Son objectif, « lutter contre le harcèlement sexiste que subissent les femmes de tous genres, de la part d’hommes ». La page s’attèle à publier des remarques sexistes entendues ici et là ainsi que des témoignages de victimes, afin de dénoncer l’omniprésence du harcèlement au quotidien.

 

 
Sur Instagram également, le 29 août dernier Noa Jansma, une étudiante néerlandaise, donnait naissance au compte @dearcatcallers. Ce « projet d’art » comme elle-même l’a présenté, avait pour objectif de montrer à tous ceux qui n’en auraient pas encore conscience, la fréquence du harcèlement de rue dans la vie quotidienne d’une femme. Pendant un mois, elle a publié 22 selfies pris avec chaque homme l’interpellant dans la rue à coups de remarques obscènes et autres insultes déplacées. Il s’agissait pour elle, comme elle l’explique dans une interview pour Konbini, d’utiliser le selfie comme une arme lui permettant ainsi « d’entrer dans l’intimité » de ces hommes de la même manière qu’eux le font lorsqu’ils interpellent les femmes dans la rue.

Des plateformes de libération de la parole : vers une justice citoyenne des réseaux sociaux ?

Ainsi, sur Twitter, Facebook ou encore Instagram, les femmes profitent de la visibilité et de la liberté offerte par les réseaux pour enfin s’exprimer sur les violences subies quotidiennement. Ce phénomène de dénonciation par le biais des réseaux sociaux offre donc à ces derniers un nouveau statut : ils deviennent de véritables plateformes de libération de la parole. Mais le réseau social est-il le lieu adéquat pour dénoncer le harcèlement ? La question fait amplement débat. Éric Naullau, invité sur Europe 1 le 17 octobre dernier, affirme que la solution ne réside pas dans « un réseau social basé sur la délation, cela passe par la loi ».
Nous sommes donc face à une tentative de la part des femmes du monde entier de gérer le harcèlement en renversant le rapport de force à l’aide des réseaux sociaux. Cette nouvelle forme d’activisme pourrait être qualifiée de « médiactivisme », un terme initié par Dominique Cardon et Fabien Granjon dans leur ouvrage Médiactivistes paru en 2010. Nous entrons en effet dans une ère au sein de laquelle, grâce aux réseaux sociaux, chaque utilisateur peut désormais réagir librement et individuellement à une cause qui lui tient à cœur. Pour reprendre les dires des deux auteurs : « les collectifs d’internet se définissent moins par des valeurs partagées que par des engagements circonstanciés »
Dans l’article de Mediapart « Manifeste pour un journalisme citoyen » publié le 14 octobre dernier, François Serrano déclarait de la même façon à propos des réseaux sociaux : « Absolument tout citoyen ayant une conscience sociale et la volonté de s’exprimer a toute la légitimité pour assumer la responsabilité d’informer ses concitoyens, avec ses propres mots, sur des sujets qu’il connaît. » Le journaliste introduisait ici l’idée d’une nouvelle forme de journalisme permise par l’émergence des réseaux sociaux, qu’il qualifie de journalisme citoyen.

Les réseaux sociaux offrent ainsi un nouveau visage à l’information et au militantisme, et la dénonciation du harcèlement qui sévit actuellement en est le parfait exemple. Dès lors, ne pourrions-nous pas pousser la réflexion en parlant à notre tour d’une nouvelle forme de justice permise elle aussi par les réseaux sociaux ? Ne pourrions-nous pas là employer le terme de justice citoyenne ? Le débat reste ouvert.
Pauline Gosalbez
Twitter @p_gosalbez
Crédit image :
Photo de couverture : Vasava Design & Branding agency
Photo 1 : Issue du compte Twitter de Julia Castanier
Photo 2: Page Facebook de la communauté Paye Ta Schnek
Photo 3:  Compte Instagram @dearcatcallers
Sources :
Lauren Morello, « Science and sexism : In the eye of the Twitterstorm ». Nature, international weekly journal of science. 11 Novembre 2015. Consulté le 18/10/2017. 
Interview de Noa Jansma (@dearcatcallers) par Konbini mise en ligne et consultée le 22 Octobre 2017.

Interview de Éric Naullau & Éric Zemmour sur Europe 1 diffusée le 17 Octobre, vidéo consultée le 18 Octobre 2017. 
Pierre Le Coz. Le Gouvernement des émotions… et l’art de déjouer les manipulations. Armand Colin. 2014. EAN13 : 9782226256997. 
Dominique Cardon et Fabien Granjou. Médiactivistes. PFNSP Collection ‘Contester’. 2010. ISBN : 9782724611687.
François Serrano. « Manifeste pour un journalisme citoyen ». Mediapart. 14 Octobre 2017. Consulté le 18/10/2017. 

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Politique

¿ QUÉ TAL CATALUNYA ?

Tout a commencé en 2006 quand la Catalogne s’est auto-proclamée « nation » après un référendum sur l’autonomie élargie dans cette région. Mais en 2010, les choses s’enveniment lorsque Madrid refuse d’approuver les réformes du statut d’autonomie catalane. Dès lors, les indépendantistes catalans considèrent que la voie de la négociation touche à sa fin et mettent en place leur communication politique et médiatique, se battant alors bec et ongles contre Madrid.
Le soft power catalan
À force d’une patience à toute épreuve et d’une stratégie de communication bien menée, les indépendantistes sont aujourd’hui omniprésents sur la scène médiatique. Depuis 2010, le mouvement indépendantiste ne cesse de répéter sa volonté de sortir de l’Espagne avec pour acmé l’engouement suscité par la manifestation du 11 septembre 2012 (1,5 million de manifestants aux côtés d’Artur Mas, l’ancien président de la Généralité, le Parlement espagnol). Le but de ces démonstrations de force ? Créer « une crise de telle ampleur qu’il n’y ait pas d’autre option que de parler de vous », explique Jorge Santiago Barnes, docteur en communication politique à l’Université Camilo José Cela de Madrid. À cela s’ajoute le fait que les indépendantistes s’appliquent à construire leurs actions politiques comme de véritables coups de théâtre : élections, déclaration unilatérale d’indépendance, nomination de dernière minute, etc.
Ce travail de sensibilisation à la cause catalane aurait-t-il été facilité par les images d’une police espagnole violente le premier octobre dernier lors du référendum ? On pourrait le penser en tout cas, car si l’on reprend Patrick Charaudeau dans Le discours politique, les masques du pouvoir : « L’opinion fonctionne davantage sur les images et les affects que sur la raison et les valeurs ».

Une bataille de l’image qui cache une pression sur les médias et les journalistes
« Des matraques contre les urnes » (Libération), « Le référendum torpillé par la police » (Le Parisien) … Les titres des grands quotidiens français le jour du référendum mettaient en avant la violence policière face à la relative passivité des catalans. Des images de la police dans les écoles catalanes aux camions blindés face aux manifestants mains nues, les dérapages du gouvernement espagnol ont fait le tour des médias internationaux et ont contribué à ternir son image, jouant de facto en faveur de l’indépendantisme catalan.
Cela dissimule une pression subie par les correspondants étrangers de la part des deux acteurs de cette guerre politico-médiatique. Reporter sans Frontières a publié le 18 octobre un rapport s’intitulant « La liberté de la presse sous pression en Catalogne » pour mettre en évidence l’influence des chefs des partis politiques sur les médias. Madrid a par exemple mis sous tutelle TV3, la chaîne de télévision publique catalane, tandis que le gouvernement catalan a mené des campagnes de cyber-harcèlement sur les réseaux sociaux comme Twitter afin de favoriser la propagande pro-indépendance… Des comportements extrêmes qui portent atteinte à la pérennité de la démocratie espagnole.

Les stratégies pour atteindre l’international : le fossé se creuse
Si l’on s’écarte un peu de ce débat sur la liberté de la presse, on constate que cette couverture médiatique a permis une sensibilisation internationale. Carlos Puigdemont, président de la région et chef de file des indépendantistes, a fait le tour des plateaux étrangers jusqu’à la veille du référendum. Il était le 25 septembre au micro de Léa Salamé sur France Inter, et répondait à ses questions dans un français presque parfait.

Le problème se pose quand l’on regarde du côté de la capitale. Le gouvernement espagnol semble incapable d’expliquer aux citoyens ce que représente ce référendum pour le pays et est absent de la scène médiatique étrangère. Le manque de modernité de cette communication institutionnelle provoque un déséquilibre face à la clarté des porte-paroles catalans. Tous les responsables de la presse étrangère possèdent le numéro de portable de Raul Romeva (conseiller aux affaires extérieures de la Generalitat de Catalogne), qui répond à leurs questions et gère les nombreuses interviews. Le gouvernement madrilène s’évertue donc à appeler le soutien des pays voisins et à organiser un dispositif de police imposant, mais il lui est difficile de toucher l’opinion publique quand les indépendantistes ont pris possession de la rue et de la toile.
Titi, une mascotte au secours des indépendantistes sur les réseaux sociaux 
La lutte s’est également jouée sur les réseaux sociaux avec Titi, le canari des studios Warner Bros. Peint sur l’un des navires hébergeant les officiers de la Guardia Civil (police espagnole) dans le port de Barcelone, il a beaucoup amusé les internautes indépendantistes qui s’en sont servi sur Twitter à travers les mots clés #FreeTweety ou #Freepiolin (Liberté pour Titi), qui ont connu un vif succès.

Ce personnage est rapidement devenu la mascotte des séparatistes au point d’embarrasser les autorités espagnoles qui n’ont eu d’autre choix que de couvrir le bateau à l’aide de bâches.

Le dialogue de sourds : crise politique, crise communicationnelle

Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a déclaré le jour du référendum que ce qui avait eu lieu n’était ni un référendum, ni une consultation et n’aurait à ce titre aucun effet. Mais Rajoy et Puigdemont doivent se rendre à l’évidence : la polémique est telle que cette logique de surenchère mutuelle dénuée de tout dialogue ne peut aboutir à une sortie de crise. Le dernier épisode résume bien la situation : le 28 octobre, Carles Puigdemont, destitué par Madrid de la présidence de la Catalogne, a appelé à s’opposer « démocratiquement » à la mise sous tutelle de la région déclenchée par le gouvernement espagnol après la déclaration d’indépendance votée par le parlement catalan.
Un enchainement de faits qui montre bien que le dialogue n’est pas prêt d’être rétabli et que l’issue de cette crise reste encore inconnue.
Elise Decoster
LinkedIn 
Sources :
Allemandou Ségolène, « Bataille de communication sur le référendum : Catalogne 1- Madrid 0 », France 24, consulté le 30/10/2017
Breteau Pierre et Pouchard Alexandre, « Indépendance de la Catalogne : l’escalade entre Madrid et Barcelone résumée en SMS », Le Monde, consulté le 13/10/2017
Charaudeau Patrick, Le discours politique, les masques du pouvoir, Vuibert, 2005
Devillers Sonia, Catalogne : la pression contre les journalistes monte d’un cran, consulté le 24/10/2017 sur France Inter
Guien Laura, « Apprends à squatter la politique avec les indépendantistes catalans », Slate, consulté le 26/01/2017
Guien Laura et Palem Fabien, « Ce que la crise catalane dit de la démocratie espagnole », Slate, consulté le 28/09/2017
Salamé Léa, « Carles Puigdemont : « La violence n’est pas une option pour la Catalogne » », France Inter, consulté le 25/09/2017
Reporter sans frontières, « La liberté de la presse sous pression en Catalogne », consulté le 18/10/2017

Crédits photos :
Image de Une : « On se parle? » écrit en catalan sur une pancarte pendant la manifestation du 7 septembre à Barcelone.  REUTERS/Eric Gaillard
Image 1 : AFP Pau Barrena
Image 2 : @jordiborras
Image 3 : photo AFP

Publicité et marketing

Evian, l'eau extraordinaire

L’eau, entre ordinaire et extraordinaire
En France, un individu boit en moyenne deux litres d’eau par jour. Ce n’est malheureusement pas le cas sur toute la surface de la planète, l’eau se fait rare et un homme sur trois n’a pas accès à l’eau potable.
Mais dans les pays riches et développés, les individus n’ont qu’à ouvrir leurs robinets pour obtenir autant de litres d’or bleu qu’ils le souhaitent. Ainsi, pour le consommateur, l’eau paraît être une ressource fondamentale, mais bien ordinaire. Mais alors comment une marque d’eau minérale peut défier la concurrence, en rendant son produit « ordinaire » extraordinaire ? Evian a relevé défi.
«Live Young »: une eau haut de gamme
Evian est connue depuis 2009 pour avoir mis en scène des bébés dans ses publicités avec son fameux slogan « Live Young ». La marque les a ainsi fait plonger tout nus dans une piscine, leur a fait faire du roller, les a fait danser, et devenir des supers-héros. Aujourd’hui, l’agence de publicité BETC a réinventé cette idée en mettant en scène des bébés dans des spots vidéos, et sur des affiches, où ils sont vêtus de tenues allant de celle de sportifs de haut niveau à celle d’hommes d’affaire. Certains spots mettent même en scène des personnalités telles que Madison Keys ou Maria Sharapova (ambassadrices de la marque) qui se transforment en bébé après avoir bu quelques gorgées d’Evian. La marque continue ainsi à jouer avec les codes de la jeunesse, déjà mis à l’honneur dans ses précédentes campagnes : « Live Young ». Evian se présente comme une sorte d’élixir d’éternelle jeunesse, qui s’invite aussi sur Snapchat avec des filtres pour mieux toucher ses jeunes consommateurs.

Evian ne s’arrête pas là, et a aussi développé un partenariat avec la marque de vêtements en ligne Rad, pour proposer une collection de vêtements oversize estampillés Evian, présentés comme « des vêtements pour adulte dans lesquels on se sentirait comme des… bébés ». La marque diversifie les canaux de diffusion de sa campagne. Elle semble ainsi chercher à s’insérer dans une sphère pop culture, où la marque n’est plus qu’une marque de bouteilles en plastique, mais bien le symbole d’un style de vie jeune et décontracté. Ainsi, la marque née en 1790, avec la commercialisation d’eau thermale prescrite par des médecins a su se construire une image de marque jeune et dynamique.
Evian, eau haut de gamme
Cependant, Evian ne se cantonne pas à son image « young », et avance ses pions de manière plus en plus prononcée sur le marché des eaux haut de gamme. Evian dispose bien évidemment d’une gamme diversifiée de bouteilles d’eau en plastique, mais ne s’arrête pas là. En effet, la marque propose aussi à ses consommateurs des conditionnements plus « premium », avec des bouteilles d’eau en verre aux lignes épurées présentées comme « élégantes, tendances et modernes ».  Ces produits s’invitent ainsi dans les bars, hôtels et restaurants haut de gamme, proposant à leurs clients des bouteilles au design en accord avec le prestige de leurs établissements. Ces produits s’inscrivent dans les « fondamentaux » que la marque a mis en place en 2016 qui sont « Innovation, pureté et design ». Cela a été l’occasion pour la marque de développer aussi une bouteille, en plastique cette fois, au format « Prestige » pour les « belles tables » rendant ainsi hommage « à l’origine et à la pureté d’Evian ». Evian affirme aussi son positionnement sur le marché de l’eau premium, au travers de son service de bouteilles personnalisées. Cela lui permet ainsi d’apposer des messages sur les bouteilles, pour des occasions exceptionnelles tels que les mariages ou les baptêmes.
Toujours dans sa lignée de production haut de gamme, Evian a lancé en mars 2016 une gamme d’eaux aromatisées « Evian Fruits & plantes ». Nous connaissions déjà l’eau aromatisée Volvic mais ici Evian joue la carte premium avec une bouteille « goute » de 37 Cl, à la ligne épurée vendue 2,50 euros, et d’abord distribuée dans les Monoprix et des restaurants chics. La marque profite aussi de cette gamme pour se donner une image healthy et naturelle, très à la mode actuellement.
Ces spots publicitaires donnent à l’Evian des propriétés qui sont dans la ligne de désirs des consommateurs d’aujourd’hui : la jeunesse, le dynamisme, voire un corps sain. Or, comme le souligne D. Bougnoux : « Le consumérisme est un donjuanisme (et Dom Juan le héros au fond mélancolique de ce marché qui nous fait ironiquement passer, de plus en plus vite et sur les mêmes objets, du point d’hypnose au déchet). La marchandise est une promesse qui ne peut être tenue. ». Les consommateurs achètent des promesses et des idées, et non plus de l’eau.  Des notions positives et inspirantes sans lien direct avec le produit sont au service de la création d’un univers pour les marchandises.

Collaborer pour rayonner
Cette année Evian a choisi la blogueuse mode, aux 10 millions de followers, Chiara Ferragni pour dessiner sa nouvelle édition. Le lancement de cette nouvelle bouteille a eu lieu à la boutique Colette, temple parisien de la mode qui s’apprête à fermer ses portes. Le magasin dispose d’ailleurs d’un bar à eau connu mondialement qui propose des eaux venant des quatre coins du monde. Grâce à cette collaboration Evian pénètre le milieu de la mode et de ses influenceurs, qui ont un impact considérable sur les jeunes générations qui les suivent quotidiennement. La campagne de lancement de la bouteille a été très active sur les réseaux sociaux, et la marque a même lancé sur son site internet un compte à rebours pour le lancement des ventes des bouteilles sur sa plateforme d’achat en ligne.
Evian excelle ainsi dans l’art de la création de valeur, grâce à une stratégie marketing qui dépasse le modèle de la jeunesse et du dynamisme, afin d’imposer ses produits comme des créations haut de gamme. La marque rend ainsi un produit ordinaire extraordinaire, en proposant une expérience sensorielle au consommateur qui semble alors consommer bien mieux qu’une simple bouteille d’eau.

Guillaume Duverger
Sources:
Spot de la campagne « Evian Oversize » :

 
Pontiroli Thomas. BETC voit les choses en grand pour Evian, Stratégies.fr 24/05/2017. Consulté le 19/10/2017. 
Bajos Sandrine. Et maintenant, les bébés Evian vont faire du surf !, Leparisien.fr. 25/04/2016. Consulté le 19/10/2017. 
Site Evian. Consulté le 19/10/2017. 
Site Rad. Consulté le 19/10/2017. 
Daniel Bougnoux, Le Consumérisme est un donjuanisme. 
Crédits photos :
Affiche publicitaire Evian – Photo de BENNI VALSSON pour BETC Paris Mai 2017
1ère capture d’écran:  Evian Fruits & Plants
2ème capture d’écran: Evian x Chiara Ferragni
 

Politique

Raquel Garrido se défend sur le Snapchat de Jeremstar : vers une télé-réalité du politique ?

Début octobre, Le Canard Enchaîné fait de nouveau des siennes : il accuse la porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, Raquel Garrido, de n’avoir pas payé ses cotisations retraites depuis 6 ans. Cette dernière a défendu son honneur sur une plateforme on ne peut plus surprenante… le Snapchat de Jeremstar, personnage public adulé des jeunes et spécialiste de téléréalité, avec qui elle travaille chez Ardisson depuis septembre. C’est donc à l’adresse de ses « vermines » et des « jeremstarlettes » que l’avocate de La France Insoumise remet en cause ces accusations. Un procédé qui a bien évidemment fait parler de lui : pourquoi ce besoin de fuir les médias traditionnels ? Raquel Garrido gagne-t-elle en crédibilité au sein de la sphère politique en répondant aux questions de celui qui a pour habitude d’interviewer Nabilla et autres candidates de télé-réalité ?
La nouvelle logique d’audience en politique
Force est de constater la visibilité qu’apporte Jeremstar : il est aujourd’hui un des personnages publics français les plus suivis sur les réseaux sociaux avec 1,1 million d’abonnés sur YouTube, 1,7 million sur Twitter, 1,8 million sur Instagram et est le snapchatteur le plus suivi en France. Exploiter la plateforme de ses réseaux sociaux permet donc aux arguments de Raquel Garrido d’être reçus par une audience inégalable. De plus, le ton de Jeremstar est décalé et humoristique : d’emblée, l’interview tourne au divertissement et le cadre énonciatif posé par l’influenceur rend la personne interrogée sympathique. Une mine d’or pour la défense de Raquel Garrido qui s’adresse à un public qui lui construit un ethos de sympathie et de sincérité au même niveau que n’importe quelle autre figure publique paraissant dans les snaps du bloggeur. Quand il est question de se défendre auprès du plus grand nombre, de nombreux politiques se tournent vers les supports de divertissement plutôt que de répondre à l’appel des médias traditionnels : Jean Luc Mélenchon, en avril 2017, a préféré se rendre sur le plateau d’On n’est pas couché plutôt que de rejoindre un meeting à Dijon. Le nouvel d’objectif est d’élargir la portée des discours, de capter l’attention du plus grand nombre. Il devient alors logique de participer à une émission comme celle de Laurent Ruquier, qui avait réuni 1,37 millions de téléspectateurs.

Être public avant d’être politique ?
Depuis l’affirmation des médias audiovisuels, notamment l’apogée de la télévision dès les années 1960, les règles de l’énonciation du politique ont été changées. Valéry Giscard d’Estaing est un de premiers à avoir médiatisé sa vie familiale et à jouer sur ce que pouvait apporter le média audiovisuel dans la construction de son ethos politique, en dévoilant par exemple ses talents d’accordéoniste. En avril 1985, François Mitterrand dialogue sur TF1 avec Yves Mourousi pendant près de 100 minutes. Cette émission, à laquelle il participe pour se construire une nouvelle image, dépasse largement le contenu politique. Par exemple, il coupe l’herbe sous le pied du journaliste qui pensait le mettre à l’épreuve : on ne dit plus « ché-bran » mais « câblé » selon le Président de la République. Ici, la logique de se construire une image publique jeune, personnelle et plus humaine, découle d’une volonté de se rapprocher des citoyens. Finalement, c’est presque la même idée que le jeu de question réponse entre Jeremstar et Garrido (mais le support a changé) : le politique côtoie des sujets plus triviaux. En effet, Raquel Garrido passe de ses cotisations retraites à sa collection de maillot de bain sans aucune disruption. Cependant, cette tendance à la médiatisation du personnage politique s’est emballée avec l’arrivée d’Internet et c’est sans surprise que lors des campagnes présidentielles, tout le monde a pu observer les talents de Macron au bottle flip challenge et découvrir le filtre préféré des candidats, le tout via Snapchat.

 

La victoire du politainment ?
Faut-il divertir pour être politique ? Ce qui était retenu des débats lors des dernières élections, c’était les bons mots, les répliques, la répartie, donc les « punchlines » et les « clashs », qui étaient repris par les téléspectateurs pour être détournés de façon humoristique. Il faut donc faire rire ou porter dans son discours, sa gestuelle, un potentiel humoristique. Le divertissement aurait pris le pas sur le contenu réel du débat. Il faut capter son audience par les formes du discours plus que par les idées. Il semblerait alors que les fonctions de l’énonciation politique se résument de nos jours à l’unique fonction phatique de Jakobson, fonction de mise en contact qui établit la relation, relation assurée indépendamment du message. Ce que cherche le politique désormais, c’est entrer en relation avec sa communauté. Et il semble que le lien créé par le divertissement soit de nos jours le plus efficace pour rassembler le plus d’audience.

Clémence Duval
Sources
Valeurs actuelles, consulté le 25 octobre.
RTL, consulté le 25 octobre.
Ina.fr, consulté le 24 octobre
Huffingtonpost.fr, consulté le 24 octobre
Huffingtonpost.fr, consulté le 25 octobre

Politique

Les citoyens qui écrivent l’information : réappropriation du discours politique

Avec l’augmentation très soudaine de la présence des politiques sur les réseaux sociaux, leurs discours sont devenus de plus en plus immédiats, de plus en plus directs, mais aussi de plus en plus relayés et commentés. Cette reprise de l’information politique ne se fait plus seulement par la presse et autres médias traditionnels mais aussi par les citoyens eux-mêmes.
Dans ce contexte, l’essor du journalisme citoyen est non seulement facilité par les nouvelles technologies, mais semble aussi plus naturel. En changeant le fond de la circulation de l’information, la dynamique de l’informateur et de l’informé est transformée à son tour, créant un nouveau challenge pour la communication politique.
     

« Manifeste pour un journalisme citoyen »
Par conséquent, quand François Serrano affirme via Mediapart que : « Absolument tout citoyen ayant une conscience sociale et la volonté de s’exprimer a toute légitimité pour assumer la responsabilité d’informer ses concitoyens, avec ses propres mots, sur des sujets qu’il connaît », cela peut paraître évident. Mais le lancement de son nouveau média citoyen numérique (L’impertinent), écrit par « des personnes comme vous et moi », se fait dans un milieu où des noms sont déjà très connus, tels qu’AgoraVox. Et c’est justement parce que ce secteur est déjà occupé par des formes de médias similaires que la survie de L’Impertinent (et sa capacité à réellement influencer) s’annonce difficile. Cette situation est très représentative du changement de paradigme de la communication politique, où les sources se multiplient et se diversifient, au coût de la fidélité des informés.
Un changement double dans la parole

Mais cet élargissement de la légitimité dans le discours politique se fait souvent au détriment du fact-checking. La diversité des sources d’information en politique signifie que les nouveaux médias doivent marquer leur différence, leur originalité ; d’autant plus qu’accéder à l’information est facile et rapide. Les nouveaux médias sont donc surtout des médias d’opinion, dont les sources ne sont pas toujours fiables et où la prétention à l’objectivité est abandonnée. Cela est vrai pour les fameux médias de l’alt-right américaine (Breitbart News par exemple) tout comme pour les sites de presse alternative de gauche radicale française (tels que Fakir). On peut remarquer que ces deux exemples sont dirigés par des personnalités politiques : le premier par Steve Bannon, ancien conseiller stratégique de Donald Trump, et le second par François Ruffin, député France Insoumise. Quoique tous deux issus de la société civile, ils ont maintenant des agendas propres, même s’ils prétendent aller contre la « vérité officielle » des médias traditionnels (Fakir se réclamant n’être d’« aucun parti politique, aucun syndicat, aucune institution » et « largement rédigé, illustré et géré par des bénévoles »).
Le problème de la nouvelle communication politique : la fin de la propagande ?
L’information et donc la communication politique se sont fortement complexifiées depuis le début de la Vème République. L’idée ancienne de la « piqûre hypodermique » de Lasswell, selon laquelle il est possible d’injecter un message dans l’esprit de la population par les médias, semble définitivement passée de mode.
Pourtant Sophia Chikirou, directrice de la communication de Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne présidentielle, déclarait encore en septembre dans Quotidien : « Quand je conseille Jean-Luc Mélenchon (…) en communication, je pense propagande. »
Il s’agit d’une conception très classique de la communication politique, celle qu’il suffit de persuader pour propager ses idées. Pourtant, aujourd’hui plus que jamais, le récepteur sélectionne les messages qu’on lui envoie au lieu de rester passif, plus proche aussi des effets « limités et indirects » de la communication théorisés par Lazarsfeld.
Un nouveau paradigme de « marketing politique »
Aujourd’hui la communication politique doit donc se faire plus indirecte, travailler sur une image de marque du parti (et du candidat). Pour ce faire, elle s’appuie sur une mise en scène de la personnalité de l’homme politique et sur le « buzz », dont un bon exemple serait le discours par hologramme de Jean-Luc Mélenchon. Non seulement a-t-il été relayé et repris par les réseaux sociaux, qui à leur tour ont influencé les médias traditionnels, il a aussi propagé une image très humaine de Mélenchon chez ses partisans, presque « adorkable » – à la fois décalée et attendrissante.

Si cette personnalisation du politique peut dériver vers une « peopolisation » où les scandales personnels des politiques sont repris à outrance, elle marque avant tout une réappropriation du discours politique et un élargissement du public qui se sent concerné. Tout en étant un enjeu pour les communicants politiques au travail complexifié, elle marque un changement positif dans l’exercice démocratique.
Léa Andolfi
 
Sources :
François Serrano, « Le manifeste pour un journalisme citoyen », Mediapart, 14 octobre 2017, consulté le 18 /10/17 
Rémy Rieffel, Sociologie des médias, Ellipses, septembre 2015
L’interview de Sophia Chikirou par Yann Barthès, Le Quotidien, 29/09/17 
Harold Dwight Lasswell, « Structure et fonction de la communication en société », 1948
Crédits de l’image de couverture :
Digital Vidya, consulté le 22/10/17