ELECTIONS REGIONALES FN
Politique

"Quoi, tu t’appelles Gégé tu votes pas FN" : pour en finir avec le cliché du bolos agriculteur et raciste

Le 13 décembre dernier, une brise de soulagement soufflait sur la France. « Zéro », comme zéro région remportée par le Front National malgré une victoire dans un climat anxiogène lors du premier tour. Sur les réseaux sociaux, dans les médias, l’entre-deux tours était submergé d’articles et de farces sur ces « idiots » qui avaient osé voter FN. De l’étude démontrant que moins on est instruit, plus on a tendance à voter FN à la cartographie des tournages de Confessions Intimes comparée à celle du vote frontiste, tout était bon pour faire comprendre que seuls des paysans ignares vivant reclus avaient pu faire un choix aussi irrationnel.
Pourtant, se laisser aller à ce genre de raccourcis peut être dangereux : d’une part, cette association tend à devenir de moins en moins vraie et d’autre part, elle constitue du pain béni pour le FN, qui en joue dans sa communication.

BRANDALISM COP21 TOTAL
Publicité et marketing

Brandalism : l'exposition événement !

 
Les jours précédant la COP 21, les rues de Paris ont été le théâtre d’un étrange phénomène. À la surprise générale des passants, des prints hors normes ont remplacé les affiches publicitaires dans les cadres symboliques et d’autorité que représentent les espaces publicitaires JCDecaux. Pour le groupe industriel JCDecaux et les sponsors de la COP 21, ça fait tâche.
« Artivistes »
Cette opération haute en couleur a été menée par le mouvement britannique Brandalism, contraction de « brand » (osons la traduction : « marque » en anglais) et « vandalisme ». Derrière ce nom percutant, un collectif constitué de 80 artistes engagés, tels que les français Alex One, Arnaud Liard, Millo and ZAD mais aussi Paul Insect (le collaborateur de Banksy), Neta Harari etc. Ensemble, ils avaient déjà mené des campagnes de « publicité subversive », notamment en Angleterre, et participé à des projets tels que Dismaland, l’exposition de Bansky qui donne à voir une version lugubre de Disneyland.
Le poids des mots, le choc des photos
Les « œuvres d’art » qui ont remplacé les publicités de Paris sont toutes pour le moins percutantes, ironiques, voire amères. En général, elles revisitent les codes de nos imaginaires collectifs, les déconstruisent pour nous jeter au visage une vérité qui n’est pas toujours bonne à entendre. L’innocente Alice, loin du pays des merveilles, est esseulée dans un fond blanc, reliée à une bouteille de gaz toxique. L’affiche factice de Total clame : « Notre philosophie, vous n’avez pas besoin de savoir ». Et la contrefaçon Volkswagen racole avec le slogan « Roulez plus propre. Du moins en apparence ». Brandalism se joue des publicités et souligne avec finesse le scandale du concessionnaire, comme l’argument marquant l’impossibilité de confiance que nous pouvons placer dans ces multinationales, pourtant partenaires de la COP 21. Ce genre de slogans inhabituels provoque l’incompréhension, donc l’intérêt. Il s’agissait pour Brandalism de donner des noms, de dénoncer en parodiant, pour avoir l’attention du public. Pari gagné ?

Des multinationales aux chefs d’états : les coupables pointés du doigt
Dans leur communiqué de presse, Brandalism dénonce « la mainmise des négociations sur le climat par les multinationales » durant la COP 21. Ainsi, cette campagne incarne leur indignation contre le positionnement contradictoire d’entreprises, à la fois grands pollueurs et sponsors de la COP. En pointant du doigt le « greenwashing » des multinationales qui continuent à exercer leur modèle économique destructeur, c’est à tout un système qu’ils s’attaquent.
 

Un refus de la pub et du consumérisme « insoutenable »
La publicité, note dissonante d’optimisme et d’hypocrisie sur une partition médiatique alarmiste, a de quoi irriter nos oreilles. En effet, même quand les médias annoncent des mauvaises nouvelles, la publicité est toujours là, positive, poussant à la consommation malgré la réalité … Comme le collectif l’évoque sur son site, les retombées des attentats de novembre ont conduit à l’interdiction pour le peuple de manifester, de s’unir physiquement pour réfléchir ensemble. Mais rien n’a stoppé l’encouragement à la consommation de masse, et ce sans se poser de questions. De ce fait, cette « campagne massive de détournement publicitaire », vise à recréer de l’union dans l’action, et à bousculer notre inertie face aux publicités consuméristes. Cette campagne artistique pose la question de « l’infra-ordinarité » de l’omniprésence visuelle des messages commerciaux, qui ont la presque exclusivité sur le paysage urbain.
Ce pastiche potache qui révèle au grand jour l’ironie de la communication dit aussi la difficulté pour le consommateur de ne pas se laisser berner. En adoptant le même type de discours affirmatif sans nuance, c’est à nous plus qu’aux grands pollueurs, que Brandalism s’adresse, en nous priant habilement de ne pas tout avaler. Et c’est l’autre tension que cristallise cette campagne artistique : la différence fondamentale entre l’art et la publicité. Ce week-end, ils étaient dans les mêmes cadres …
Un message clair
Dans cette campagne de « piratage créatif », seuls les activistes restent mystérieux. Dans une vidéo publiée sur leur site, ils dévoilent leur stratégie d’action, montrant les affiches roulées et se donnant à voir déguisés en agents d’affichage de la compagnie JCDecaux. Autant de transparence sur leur façon de procéder qu’ils en attendent de la part des chefs d’états et des multinationales. Cette campagne hautement maitrisée est révélatrice de la volonté de transparence vers laquelle tend le groupe. Dans le communiqué, nous pouvons lire au sujet des multinationales : « elles font comme si elles faisaient partie de la solution alors qu’elles font partie du problème ». Cette tournure de phrase illustre la posture de Brandalism qui se veut rectificateur de la vérité. Ils s’imposent comme des lanceurs d’alerte, voire des adjuvants : « Il est plus important que jamais de dénoncer leurs mensonges et de mettre en lumière les enjeux de pouvoir derrière les négociations [NDLR de la conférence de Paris] ». Leur utilisation de la modalité épistémique (le discours qui pose le vrai et le faux) ne fait qu’attiser la paranoïa actuellement présente dans notre société. En effet, les « on ne nous dit pas tout », ou « on nous ment » sont des remarques plus que récurrentes de nos jours. En adoptant cette posture sans nuance qui flatte les sceptiques, nous resterons sur notre faim en termes de propositions sociétales, et de pistes de réflexions. Mais est-ce vraiment le rôle de l’art que de donner des réponses ?
Le mouvement Brandalism soulève violemment mais pacifiquement des questions épineuses, loin de la communication édulcorée de la COP 21. Autant d’affiches et d’acteurs que de questions qui méritent une réflexion poussée sur des problématiques de fond. Mais cette bataille des images et des messages n’aura eu qu’un temps, la « JCdéco » a regagné la ville.
Julia Lasry
Sources :
Brandalism.org.uk
La revue des images d’Helene Delye, sur France Culture
Next Libération
Big Brother, blog du Monde

Des fausses publicités pour dénoncer les « mensonges » des sponsors de la #COP21

Home


Crédits images : 
http://airinfo.org
France Culture
http://www.nuitetjour.xyz
http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/11/29/de-fausses-publicites-denoncent-les-mensonges-des-sponsors-de-la-cop21/
http://www.brandalism.org.uk/brandalism-cop21

Société

Souvenez-vous d'oublier

Qui n’a jamais été tenté d’improviser une séance de spiritisme « juste pour voir » ? La tentative de s’affranchir de la contrainte ontologique n’est pas nouvelle. N’en déplaise aux amateurs de science-fiction, certains scientifiques vont même plus loin encore : ils réfléchissent à communiquer non pas avec le passé, mais avec le futur.
La construction d’Onkalo (« caverne » en finnois), projet validé jeudi 12 novembre 2015 par le gouvernement finlandais, s’inscrit pleinement dans cette problématique inédite. Il s’agira du premier site d’enfouissement permanent de déchets nucléaires radioactifs, une véritable petite ville souterraine composée de cinq kilomètres de galeries plongeant jusqu’à 500 mètres sous terre.
Sous nos pieds, le sanctuaire, protégé de l’instabilité de la surface (guerres, crises économiques, catastrophes naturelles, etc), a pour objectif d’assurer la destruction naturelle de la radioactivité des déchets. En d’autres termes, la durée de vie du site d’Onkalo doit être d’au moins 100 000 ans. Un véritable défi quand on sait que l’homme n’a jamais rien construit qui ait duré plus d’un dixième de ce temps.
Si ce projet pose effectivement de nombreuses questions purement techniques, il interroge également la communication à travers le prisme d’une temporalité à peine saisissable pour l’esprit humain. Comment faire comprendre aux êtres humains d’un lointain futur (compris entre 100 et 100 000 ans) que leur intrusion dans le site d’Onkalo n’est pas souhaitable puisqu’elle peut potentiellement être apocalyptique ? Comment expliquer le problème des déchets nucléaires radioactifs à une civilisation qui ne parlera pas la même langue, ne partagera pas les mêmes valeurs, ni les mêmes savoirs ?

Une photo pas très sexy, pour un projet pas très sexy..
On marche sur des œufs (t’aimes bien les omelettes ?)
L’environnement est si complexe, les comportements si imprévisibles, que les tentatives d’anticiper les évolutions des sociétés humaines sont, sinon vaines, en tout cas très fragiles (sauf pour Madame Irma). On ne peut même pas prédire dans quelle direction évoluera l’humanité : le progrès technique va-t-il se poursuivre indéfiniment ou au contraire va-t-on retomber dans un nouvel « âge de pierre » ?
Face à tant d’incertitudes, les scientifiques qui se sont penchés sur la question de savoir comment informer les générations (et civilisations) suivantes de ce lourd héritage qu’est Onkalo, se divisent en deux écoles.
Il y a, d’une part, ceux qui pensent qu’après avoir définitivement fermé Onkalo d’ici 2100, le site doit sombrer dans l’oubli. Ils partent du principe que la probabilité qu’une « intrusion humaine » se produise est finalement très faible et que tout indice sur l’existence du sanctuaire serait contre-productif puisqu’il ne ferait qu’augmenter cette probabilité.
A contrario, il y a ceux qui croient en un devoir d’informer les futurs humains en laissant ce qu’ils appellent des « marqueurs ».
Cher Papa Noël, je voudrais…un média inter-temporel
Dans ce cas pratique, c’est finalement la question du média qui est posée par les scientifiques qui se prononcent pour la mise en place de « marqueurs », en considérant le média comme un dispositif matériel qui configure une modalité d’échange. La problématique entourant le média semble s’être déplacée de la volonté de transcender l’Espace, c’est-à-dire d’abolir les frontières, vers l’ambition de dépasser l’indépassable : le Temps.
Certes, l’écriture est le premier média qui a permis à l’homme de s’affranchir des contraintes spatiale et, dans une certaine mesure, temporelle. Mais ce dépassement reste en pratique cantonné à des échelles de temps appréhendables. Or, il est ici question d’un temps plus géologique qu’humain. L’axe ci-dessous, inspiré par le très intéressant film-documentaire Into Eternity réalisé par Michael Madsen, permet de mieux cerner l’ampleur du projet.

Le pouvoir des archives contre la force obscure radioactive ?
Tenir informées les générations suivantes par l’archivage, par une externalisation de la mémoire en un sens, serait en fait un retour à la case départ. Le site d’Onkalo a été construit avec pour idée qu’après sa fermeture définitive prévue en 2100, il sera rendu totalement indépendant et ne requerra donc plus aucune intervention. C’est bien cette passivité absolue du site qui en fait une solution séduisante. Or, de la même façon que les entreposages provisoires actuels, les archives demandent une mise à jour régulière des informations mais aussi de la langue. Selon une étude de l’UNESCO (1997-2002), pas moins de 5500 langues sur les 6000 existantes disparaîtront d’ici un siècle, et se rangeront aux côtés desdites « langues mortes »*. Peut-on ainsi raisonnablement espérer une continuité de ce travail sur des milliers de générations à venir ?
La communication sauvera le monde !
Un des problèmes principaux dans la volonté d’informer sur l’existence du site par des « marqueurs », serait le temps nécessaire au décodage. Le cas des pyramides égyptiennes, dont l’énigme n’a toujours pas été entièrement résolue, l’illustre bien. Déchiffrer le langage d’une civilisation ancienne demande patience et acharnement, même pour des civilisations marquées par le progrès scientifique. Or, la découverte d’une poubelle radioactive offre très difficilement ce temps de réflexion.
Cette limite inhérente à la théorie des marqueurs peut être dépassée en pensant la dichotomie entre information et communication. L’idée serait moins d’informer par des explications, scripturales ou picturales, sur les risques liés à la radioactivité et sur la cause de l’érection d’un tel site, mais d’essayer de créer un sentiment de crainte, de faire ressentir à l’aventurier malheureux qu’il s’agit d’un lieu inhospitalier et qu’il vaudrait mieux rebrousser chemin. Se pose ici la question de l’existence ou de la possibilité de mettre en place des formes de communication qui convoquent l’affect de manière universelle.

On enterre nos déchets… mais pas nos centrales
Puisque nos générations ont exploité l’énergie nucléaire, il nous incombe de trouver une solution pour mettre les déchets à la poubelle. L’idée du tombeau nucléaire est séduisante, notamment parce qu’il ne demande plus aucune intervention humaine. Nombreux sont les pays nucléarisés qui se penchent sérieusement sur la question. La France réfléchit notamment à la mise en place d’un tel stockage souterrain à Bure.
On peut tenter de croire qu’aucune « intrusion humaine » n’aura lieu pour ces 100 000 prochaines années sur le site d’Onkalo, mais ce pari reste-t-il statistiquement raisonnable si de tels sites d’enfouissement se propagent ?
De quoi remettre en perspective les théories qui prétendent pallier au réchauffement climatique à travers l’exploitation de l’énergie nucléaire.

Aline Nippert
@AlineNippert
Sources :
* LECLERC, Jacques. « La mort des langues » dans L’aménagement linguistique dans le monde, Québec, TLFQ, Université Laval, 10 mai 2012, [http://www.axl.cefan.ulaval.ca/Langues/2vital_mortdeslangues.htm], (16 décembre 2015).
– Into Eternity, Michael Madsen (2010)
– Le Figaro : http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2015/11/12/97002-20151112FILWWW00263-nucleairedechets-1er-site-de-stockage-eternel.php
– Industrie et Technologies : http://www.industrie-techno.com/l-enfouissement-des-dechets-nucleaires-le-choix-de-tous-les-pays-nuclearises.40944
Crédits images :
– Into Eternity, Michael Madsen (2010)
– http://sanjindumisic.com/onkalo-spent-nuclear-fuel-repository-future-of-monuments/ 
– http://www.toonpool.com/cartoons/nuclear%20is%20good%20for%20you_44117
 

Publicité et marketing

Le marketing immersif: plongez dans vos séries préférées !

La série TV est un phénomène qui a explosé au XXIème siècle, le support ne cesse d’évoluer et chaque année plusieurs centaines de nouvelles séries font leur apparition dans le champ médiatique. Pour le lancement de séries TV inédites ou de nouvelles saisons, les sociétés de production (HBO, Netflix, AMC, Showtime,… pour ne citer qu’elles rivalisent d’ingéniosité en offrant des campagnes de communication toujours plus insolites. L’engouement sans cesse démultiplié et renouvelé pour les séries TV, leurs succès – le cosplay, les COMI-CON (conventions de pop culture) et autres festivals en témoignent — suscitent d’intenses attentes au sein du public. Et les campagnes de communication jouent fortement sur les attentes des fans en proposant de rendre réel l’univers fictif de leur série préférée, ceci grâce à la publicité. Chaque série à succès a un univers très marqué, les équipes de production travaillent à ce que tous les détails fassent sens et renvoient à une entité fictive, un univers créé de toutes pièces, que les spectateurs peuvent s’approprier. La série ne se limite donc pas seulement à son contenu scénarisé, elle renvoie également à un ensemble de signes distinctifs qui l’identifient clairement. Grâce à son univers, elle devient une marque. La figure de Walter White (bouc, chapeau, lunettes), érigée en égérie de la très appréciée Breaking Bad, est révélatrice d’une sémiotique nouvelle de la série, où la construction des personnages et de l’espace fictif conduit à produire une identité forte. Les vêtements colorés, décalés et dépareillés des nerds de The Big Bang Theory  (notamment les boucles de ceinture d’Howard Wolowitz !) créent un visuel caractéristique de la série et facilement identifiable.

Street et Beach marketing: le marketing immersif sort la tête de l’eau
Cette logique de marque a poussé les productions à mystifier l’identité de leurs séries en lançant de grandes opérations de street marketing, où la fiction devient réelle le temps d’un happening ou d’une campagne de pub. L’univers de la série est parachuté dans l’espace public, impliquant une immersion jouissive et inattendue du fan.
Ainsi, en se baladant sur les plages anglaises du Dorset, les promeneurs pouvaient, à l’occasion de la sortie de la troisième saison de Game of Thrones, se retrouver nez à nez avec un crâne de dragon de trois mètres de haut.  

D’autres campagnes sont d’autant plus surprenantes qu’elles intègrent le spectateur à leur mise en scène, elles exposent un contenu, mais font aussi participer l’audience. Netflix, pour le lancement de la série Sense8 où tous les personnages sont psychiquement connectés, a par exemple collecté les données cérébrales de huit volontaires et les a converties en ondes musicales, créant une toute nouvelle symphonie.
Ces multiples campagnes reproduisent en temps réel les attentes qu’un fan peut avoir derrière son écran, deux exemples sont ici significatifs :
– Envie d’une frayeur sans danger ? En partenariat avec l’agence Relevent, AMC avait, pour le retour de la saison 4 de The Walking Dead, imaginé un stunt (un outil publicitaire créatif qui interpelle le consommateur quand il ne s’y attend pas) horrifique où les New Yorkais se faisaient surprendre de bon matin par des bras de zombies jaillissant d’une bouche de métro. Cette campagne accompagne l’effervescence autour de la Zombie Mania, sur laquelle surfe  The Walking Dead. Le phénomène urbain, véritable happening artistique, des Zombie Walks où des individus se retrouvent, maquillés et déguisés en zombies, pour marcher dans la rue, illustre le déplacement fantasmé de la fiction jusqu’à l’espace public et réel, et il est ici utilisé de façon inattendue par des annonceurs.

– Qui n’a jamais rêvé de se retrouver dans le passé ? Véritable machine à remonter le temps, HBO avait imaginé en 2010 pour la promotion de la saison 1 de Boardwalk Empire  (produite par Mark Wahlberg et dirigée par Martin Scorcese) une campagne aux allures rétro, en s’associant à une marque de whisky, et un hôtel-casino décoré pour l’occasion. La série se déroule pendant la Prohibition, à Atlantic City aux Etats-Unis : gangsters, dollars, et alcool sont donc au rendez-vous. Pour la saison 2, c’est avec la ville de New York qu’HBO s’était associée en remplaçant les actuels wagons de métro par des vieux modèles tout droit sortis des années 1920, à l’intérieur confortable et désuet.

Ces campagnes imaginatives invitent à plonger dans l’atmosphère d’une série. Loin de votre lit ou de votre canapé, l’univers de la série envahit votre rue et se confond avec la réalité. Déplacé du point de vente, le marketing immersif propose une expérience de vie qui mêle la fiction au quotidien du spectateur. L’espace public est alors gagné par la fiction, et renouvelle l’intérêt des fans. Le désir romantique de se voir totalement absorbé dans une fiction, voire confondu avec, est ici pleinement réalisé, jouant avec le plaisir de l’immersion.
Les limites du marketing immersif: la noyade d’Amazon
Cependant, cette immersion fantasmée semble avoir des limites éthiques. L’échec de la récente campagne de communication menée par Amazon pour sa série The Man in the High Castle, révèle que le désir d’immersion n’est pas toujours approprié…

Cette nouvelle série, adaptation du roman choral de Philip K. Dick Le Maître du haut château, est une Uchronie où les forces de l’Axe (Allemagne nazie, Japon) ont gagné la deuxième guerre mondiale et se sont partagés les Etats-Unis. Elle malmène l’Histoire en mettant en scène le quotidien de cette autre Amérique, totalitaire, où les systèmes de pensée et de valeurs occidentaux ont été totalement renversés.
La série invite à questionner, à travers la logique du “et si…?”, les définitions de liberté, d’Etat et d’obéissance dans un monde de terreur où tout est à repenser. Pour le scénariste Frank Spotnitz, l’enjeu de la série se résume à « Comment rester humain face à l’inhumain ? ».
Dans une démarche promotionnelle, et avec l’accord de la Metropolitan Transportation Authority (responsable du réseau new yorkais), Amazon a donc recouvert du drapeau impérial japonais et d’un drapeau américain fictif, où figurent l’aigle nazi et la croix de fer, les sièges d’une ligne de métro. Cette campagne s’inscrit dans la continuité de la publicité immersive en invitant les usagers à se projeter dans cet univers parallèle. Seulement, en essayant de maximiser l’effet de surprise, et en décontextualisant cette mise en scène, cette campagne s’est retournée contre son créateur. Amazon s’est vu interpellé à de nombreuses reprises sur les réseaux sociaux. Les usagers se sont indignés face à cette esthétique nazie qui leur était imposée, sans qu’il leur soit demandé leur avis. Certaines associations juives ont également appelé au boycott de la campagne, notamment la célèbre « Anti-Defamation League », association juive luttant contre l’antisémitisme mais contestée pour son lobbying pro-sioniste (elle a, par exemple, été condamnée dans les années 1990 pour espionnage, et a été reconnue coupable d’avoir collecté des informations sur les opposants au mouvement sioniste ?). Amazon a finalement demandé à la MTA de retirer sa campagne seulement quelques jours après l’avoir lancée. Pourtant, si le lynchage médiatique et effectif de cette campagne de communication paraît unanime et évident (le maire de New York Bill de Blasio lui-même a accordé son soutien aux opposants de la campagne), il révèle aussi l’ambiguïté du marketing immersif, qui peut faire du tort à l’image de marque. Certains brandissent l’argument selon lequel Amazon a, grâce au scandale, fait parler de sa série, à juste titre. Cependant, plusieurs internautes ont également exprimé leur dégoût à l’égard de la production, la considérant comme immorale, déplorant une utilisation commerciale du célèbre roman de Philip K. Dick et appelant au boycott de la série.  

 

La série, qui a par ailleurs reçue de bonnes critiques, se voit donc prise à son propre piège, celui d’une fiction dans laquelle l’immersion ne saurait se faire qu’à travers un écran. La population refuse de revivre une sombre période de l’Histoire du XXème siècle, qui, bien que savamment détournée, ne paraît pas  encore assez lointaine. On sait, par exemple, que New York, même si elle n’a jamais vécu d’occupation nazie, accueille une forte diaspora juive (Israël y recense deux millions de juifs). Elle questionne, au fond, le désir d’oubli des traumatismes de l’Histoire ; celui là en particulier. La série, et surtout sa campagne de communication, se retrouve prise dans une logique entre nécessité de mémoire et désir d’oubli. Ainsi la fiction doit rester fiction, et elle ne saurait pénétrer l’espace réel : devenir trop réelle. L’immersion marketing obéit donc aux lois, parfois sévères, du politiquement correct, et bien que voulant éthiquement questionner la place que nous aurions pu occuper dans cette alternative historique (qui ne s’est jamais demandé s’il aurait été résistant ?), cette campagne produit des effets trop forts.
L’immersion interroge également le pouvoir du symbole, car si la campagne est dérangeante, c’est bien plus en raison de l’aigle impérial et de la croix de fer, icônes nazies, que du drapeau japonais. Un pouvoir du symbole qui suppose une responsabilité éthique dans l’espace public. L’immersion est mise en échec par une réalité qui, même absolument détournée par la fiction, doit rester le choix de chacun de voir ou de ne pas voir.
Dans une Amérique qui imagine des campagnes de plus en plus insolites, poussant à une immersion absolue de l’audience, et où le premier amendement de la constitution autorise quiconque à porter la croix gammée, il est tout de même des sujets avec lequel on ne peut pas jouer. Si la campagne se voulait dérangeante et décalée, elle n’en échappe pas moins à ses créateurs en étant donnée à un public qui veut choisir d’y être ou de ne pas y être, de l’investir ou non. Le marketing immersif révèle ainsi, par ses audaces et ses limites, que la publicité est de plus en plus faite par et pour le consommateur, dont on ne saurait négliger le pouvoir de décision.
Emma Brierre
LinkedIn
Sources:
Deadline, Amazon has no regrets as « the Man on the High Castle » Ad campaign pulled from NYC subway, 24 novembre 2015
Ina global, l’expérience immersive du deep media, 12 août 2015
Télérama, La série « The Man in the High Castle » sonde les valeurs occidentales, 1 décembre 2015
Journal du geek, Amazon retire les pubs de « The Man in the High Castle » du métro de New York, 26 novembre 2015
Gothamist, Should the MTA allow these Nazi insignias on subway cars ?, 23 novembre 2015
Crédits photos: 
Infographie Agence Louis 
Blindbox via AP Images 
AMC
HBO
Twitter

Fox News
Société

On a tiré sur… le New-York Times !

95 ans que le géant américain n’avait pas publié d’édito en Une, ce fut chose faite ce samedi 5 décembre. En effet, suite aux attentats de San Bernardino datant du mercredi 2 décembre et ayant fait 14 morts, le troisième quotidien le plus lu aux États-Unis a décidé d’élever sa voix contre la circulation d’armes à feu dans le pays. Un véritable tollé communicationnel.
L’acte barbare qui a fait bondir les journalistes
L’acte a été perpétré par un couple, agissant sous l’effet de la propagande de l’État Islamique, au moyen d’armes à feu. Dans les colonnes des quotidiens américains, notamment du Huffington Post, celles-ci sont décrites comme un véritable “arsenal de guerre”.
Trois jours plus tard, c’est contre ces mêmes armes, que les civils peuvent se procurer de façon légale aux États-Unis, que la voix des journalistes du New York Times s’élève. “C’est un scandale et une honte nationale que des civils puissent acheter légalement des armes destinées spécifiquement à tuer des personnes avec une rapidité et une efficacité brutale”, peut-on lire en première page du journal.
Le Times new-yorkais prend pour cible les élus, qu’il juge trop laxistes face à la question du port d’armes au sein du pays. En effet, Barack Obama, durant ses deux mandats consécutifs, n’aura jamais su faire accepter le renforcement d’un ensemble des lois sur les armes. Sans parler des sympathisants républicains, à la tête du Congrès, qui reçoivent pour la plupart un soutien financier tout droit venu du lobby des armes, la NRA (National Rifle Association), et qui n’ont donc aucun intérêt à voir ces lois se consolider. Rappelons que les armes à feu font en moyenne 300 victimes et blessés par jour aux États-Unis.

Une prise de position se transforme en couac…
Malheureusement, si la prise de position du quotidien sur le sujet est tout à fait recevable, celui-ci multiplie les erreurs et décrédibilise alors son propre édito, le laissant, désarmé, aux mains de ses détracteurs.
Le premier problème se trouve sur le fond. Ainsi, le Huffington Post reproche à son concurrent son manque de courage quant à sa prise de position. En effet, le terme d’interdiction des armes à feu n’est à aucun moment mentionné dans l’édito, et c’est pourtant ce que le New York Times prône. Par ailleurs, le journal se trompe de cible en pointant du doigt les armes à feu, puisque la plupart des tueries aux USA ne sont pas perpétrées par ce type d’armes, mais bien par les armes de poing.
Erick Erickson, commentateur sur la chaîne CNN, s’est montré plus agressif en critiquant la forme: il a tiré sur la Une, invoquant un cruel manque de profondeur, avant de poster la photo sur Twitter. Il qualifie l’édito de “creux” et se vante d’avoir ajouté quelques trous à la page. Ainsi criblée de balles, la Une du journal prend l’allure d’un torchon.
 

Enfin, les quotidiens américains s’accordent pour remettre en cause l’efficacité d’une telle démarche. Pour rappel, lorsque le New York Times publie en 1920 un édito en Une, celui-ci a pour but de décrédibiliser la candidature du républicain Warren G. Harding à la Maison Blanche. Ce dernier finira par remporter les élections.
Cette façon de procéder semble donc trop cavalière et trop brutale pour avoir un réel impact en terme de communication. The Daily Beast écrit ainsi “Apparemment même le New York Times pense devoir gueuler pour être entendu.”. La qualité de l’information s’efface sous le poids de la colère.
Une cause pourtant bien défendue… par les autres.
Si le New York Times rate cette fois sa cible, la cause en a inspiré d’autres, notamment l’organisation MomsDemandAction, formée par des parents craignant pour la sécurité de leurs enfants dans les lieux publics, notamment à l’école. Cette association s’est implantée dans chacun des 50 états américains.

Soutenue par le Président Obama lui-même, qui apparaît dans l’une des vidéos du collectif Everytown for Gun Safety, l’organisation avait lancé en 2013 une campagne de pub très remarquée puisqu’elle mettait en scène des enfants armés. Un visuel choc allié à un puissant cynisme : on apprend sur l’une des affiches publicitaires que la vente de Kinder Surprise a été interdite à l’école pour la sécurité des enfants. Quelle ironie lorsque l’on sait que ceux-ci sont toujours menacés par la possible présence d’armes au sein des établissements !
Le combat ne s’arrête pas donc pas là pour ceux qui rêvent d’une législation plus ferme sur la circulation d’armes aux États-Unis. Mais les lecteurs du New York Times, eux, risquent d’attendre longtemps le prochain édito en Une. Rendez-vous dans 95 ans alors, au sein d’une Amérique qui sera peut-être enfin devenue une « gun free zone ».
Manon DEPUISET
@manon_dep
Sources :
New York Times, End the Gun Epidemic in America, 4 décembre 2015
Huffington Post, Le New York Times appelle à un contrôle des armes à feu dans un éditorial au vitriol, publié sur sa Une, 5 décembre 2015
Arrêt sur images, Armes à feux: édito (polémique) en Une du New York Times, 7 décembre 2015
Crédits photos: 
Arrêts sur Image 
MomsDemandActs 
Twitter

GRAFFITI
Culture

Le graffiti est-il l'esthétique d'une communication rebelle ?

Graff’, graffiti, tag… Ces termes connaissent encore un amalgame. D’un côté il y aurait les rebelles de la ville, ceux qui taguent à la va-vite le nom de leur âme-sœur ou bien leur haine du système. Et de l’autre il y aurait les vrais artistes, ceux qui passent du temps à peaufiner leur œuvre. Mais au fond, n’y-a-t-il pas la même volonté sourde d’être entendu, de communiquer sur ce que l’on est et ce que l’on pense ? Ce cri du cœur ne se serait-il pas au bout du compte transformé en simple objet d’art ?
Un antique moyen de communication
Parce que oui, les premiers graffitis remontent bel et bien… à l’Antiquité ! 2000 ans plus tard, des archéologues ont découvert des pans entiers de la ville de Pompéi recouverts de « graffitis », à savoir des petits mots qui louaient ou blâmaient une personnalité ou qui dénonçaient l’esclavage. Mais il s’agissait de simples phrases, là où un véritable art du graffiti s’est développé aux Etats-Unis dans les années 60, issu de la culture hip-hop. Au départ il s’agissait de tags plutôt sauvages, puis petit à petit la technique a évolué et les graffitis sont devenus plus esthétiques. Le tag, simple mot écrit à la hâte qui permet à l’auteur « vandale » de laisser sa signature, s’oppose de plus en plus au graffiti. Il s’agit pour l’artiste de mettre en forme ses idées de manière esthétique. Néanmoins le graffiti en France est légalement puni : liberté d’expression oui, mais pas n’importe comment ni n’importe où. De manière générale, on le considère comme une « destruction, dégradation ou détérioration volontaire d’un bien appartenant à autrui ». Vous pouvez donc faire des graffitis mais ce en toute discrétion, ou bien il doit faire l’objet d’une commande officielle.
 

Le graffiti fait de la résistance
Le graffiti urbain a donc connu une déferlante à partir des années 1970 et ce malgré les interdits. Il connaît un franc succès dans des villes qui ne cessent de s’étendre et où les habitants ont du mal à trouver leur place. Le graffiti est donc le moyen d’affirmer une identité dans une ville qui ne semble rien voir, rien savoir de ses artères humaines. Pour beaucoup il est également le moyen d’afficher ses revendications et de s’opposer publiquement au gouvernement en place. Il y a quelques semaines, Le Petit Journal avait réalisé un reportage sur la Birmanie où l’arrivée au pouvoir du parti d’Aung San Suu Kyi annonçait un souffle de liberté, notamment dans le domaine de la musique et de l’art. Un jeune graffeur explique devant un de ses graffitis représentant la quête pour la paix, que les artistes étaient censurés s’ils utilisaient la couleur rouge dans leurs œuvres –couleur de la Ligue nationale pour la démocratie-, et que ces élections étaient prometteuses quant au statut et à la liberté des artistes.
S’ils traduisent la colère ou l’aspiration à une société meilleure, les graffitis permettent aussi de fédérer des populations entières autour de valeurs communes. C’est dans un contexte malheureusement bien triste que cela s’est confirmé avec les attentats en France des 7 janvier et 13 novembre 2015. Des artistes sont alors descendus dans les rues pour rendre hommage aux trop nombreuses victimes, pour exprimer leur chagrin à travers leur talent et ainsi redonner de la vie, des couleurs, tout ce qu’aimaient les victimes, et qu’artistes et citoyens souhaitent aujourd’hui perpétuer malgré la douleur.

Chaque artiste apporte sa touche personnelle mais c’est bien un message commun auquel tout le monde s’identifie, à travers les hashtags « Jesuischarlie », « Prayforparis » ou la devise de Paris « Fluctuat nec mergitur ».
La love story compliquée du graffiti et de l’art
Malgré l’émotion que dégagent ces graffitis, force est de constater qu’ils peinent encore à se faire reconnaître. C’est d’ailleurs dans cette traque à la reconnaissance que s’est constitué le mouvement du « street art » où l’on retrouve la notion d’art : il ne s’agit pas d’esquisser deux traits de couleurs sur un mur, mais de passer du temps à la réalisation d’une œuvre, ce qui demande de la technique et de la minutie. Paradoxalement, le graffiti se trouve aujourd’hui devant un autre dilemme : s’il est parfois tacitement accepté dans les villes et exposé dans des galeries, on peut s’interroger sur le type de communication qu’il engendre désormais. Certains maires commandent même des œuvres pour « habiller l’espace urbain » et raviver des bâtiments ternes : où est donc passé le côté spontané du graffiti qui même ouvragé correspond à l’identité d’un artiste, à sa signature ? On peut alors douter de l’authenticité de l’œuvre lorsque celle-ci doit répondre à certaines attentes de la part du mécène. L’œuvre retombe dès alors dans les mêmes problématiques qui se posent dans l’art concernant sa part de liberté et d’influence extérieure.
Mais ne jetons pas la pierre aux graffeurs car dans toute communication, il y a bien un émetteur et un récepteur. Et si le graffiti tend à devenir plus artistique que revendicateur, peut-être est-ce la faute à notre regard critique face à ces inscriptions urbaines. Soyons honnêtes, il est plus agréable de regarder un graffiti esthétiquement attirant, même si le sujet est poignant, plutôt que de s’arrêter devant un graffiti qui se sera plutôt concentré sur le message que sur la forme. Lors des attentats, nous avons tous été touchés par la multiplication de ces graffitis qui reprenaient des expressions connues et par leur portée symbolique. Mais n’y a-t-il pas, au fond, une certaine hypocrisie à accepter et même à inciter les graffitis lors de moments de crise, là où en temps normal ceux-ci sont interdits et même hués par beaucoup ? A-t-on été plus ému par le fait que chacun prenne ses bombes de couleurs et laisse un hommage, ou par l’image en elle-même d’une France meurtrie ? Cela signifierait que la communication de l’artiste serait plus forte en temps de crise qu’en temps normal, alors même que celui-ci dessine tous les jours ce qu’il est, ce qu’il espère et ce dont il souffre parfois. Mais comme dans tout art, un graffiti ne peut être apprécié de tous car cela relève du subjectif, et l’on peut trouver dommage d’y être confronté dans des lieux publics sans avoir eu le choix de le voir ou non. Pour être apprécié à sa juste valeur, le graffiti a encore des batailles à gagner, du côté des graffeurs comme du public.
Ludivine XATART
Sources :
« Graffitis, art et communication dans la ville », EYSSARTIER Mélissa, FERRON Mélanie, GIACOBBO Josepha, GRUNENWALD William, GUYADER Olivier, Université Michel de Montaigne,Bordeaux3, ISIC, L3, 2010.
« Du graffiti romain au graff moderne » in HugoL’escargot. Disponible sur  http://www.hugolescargot.com/article-des-origines-du-graffiti-au-street-art-ou-art-urbain.htm
« Graffiti, historique du mouvement ». Disponible sur  http://www.jean-michel-basquiat.net/mouvement-graffiti.html
« Après les attentats de Paris, le street-art pour afficher sa résistance », in FranceInter, mis en ligne le 20/11/15. Disponible sur http://www.franceinter.fr/depeche-apres-les-attentats-de-paris-le-street-art-pour-afficher-sa-resistance
Crédits photos :
lapresse.ca
http://www.hugolescargot.com/article-des-origines-du-graffiti-au-street-art-ou-art-urbain.htm
streetartandgraffiti.blogspot.com
positivr.fr

1
SOURIRE
Société

Le sourire est-il trop populaire ?

Si vous aussi on vous répète toujours de sourire sur les photos pour qu’on ne pense pas que vous faites la gueule, alors bienvenue au club. Quand est-ce que crier bêtement « cheese » avant la capture fatidique est devenu une norme, presque un rite de passage ? On savait que le fromage avait des vertus gustatives particulières mais au point de vous faire paraître heureux, vraiment ? On peut penser que le sourire transcrit le bonheur mais ne perd-t-il pas de son intérêt naturel par une capture qui n’a rien de spontanée ? Cheese ou smiley, analysons la place majeure et insoupçonnée de ce rictus.

SCANDAL
Société

Spin doctors VS Magistrat

Olivia Pope et sa bande de gladiateurs en costume ont contribué à faire connaître au grand public les spin doctors, des pros de la communication de crise. Le terme spin doctor nous vient du verbe anglais « to spin » qui veut dire « faire tourner » dans le sens de l’effet qu’on peut donner à une information. A l’origine, on retrouve plutôt les spin doctors dans les hautes sphères de la politique comme dans la série américaine « Scandal ». Aujourd’hui c’est dans les tribunaux qu’ils s’invitent aux côtés des avocats pour essayer d’influencer l’opinion publique.
Il était une fois des storytellers…

Les spin doctors sont avant tout des storytellers. Leur travail consiste à donner une bonne image de leurs clients en racontant une histoire au public. Ils doivent faire en sorte qu’on en dise du bien. En politique, cela se traduit par le fait de rendre un candidat séduisant aux yeux de l’électorat en racontant une histoire de ce dernier. Dans les tribunaux, ils ont toujours cette même fonction de storytellers sauf qu’ils doivent donner une bonne image de leurs clients poursuivis en justice. Pour cela, les spin doctors vont s’aider de tous les moyens de communication à leur disposition : tweets, communiqué de presse, mise en scène d’interview…
Les communicants de crise vont aussi scénariser la prise de parole de leurs clients pour qu’ils n’y prononcent pas un mot de travers qui pourrait écorner l’image de ces derniers. Ils définissent la stratégie à adopter avec leurs clients en travaillant main dans la main avec les avocats. Chacun son rôle, les spin doctors sont les spécialistes de l’image et les avocats se chargent du plan juridique. Il peut arriver que l’un s’efface au profit de l’autre. Ainsi, durant la phase d’instruction d’une enquête, l’avocat se concentre sur les avancés de l’enquête et laisse la place aux storytellers. Il arrive aussi que les spin doctors s’éclipsent pour ne pas donner l’impression qu’une parole est instrumentalisée comme cela a été le cas lors du procès de Dominique Strauss Khan pour proxénétisme.
Il était une fois des magistrats et des storytellers …

C’est la tendance de ces spécialistes de la communication à influencer l’opinion publique et attirer l’attention des journalistes qui entraîne une animosité des magistrats à leur égard. L’un des exemples les plus récents est l’affaire Bettencourt. Le 28 mai dernier, lors du dernier acte de cette saga judiciaire, un des juges a critiqué le fait que « la parole et la communication de Liliane Bettencourt ont été instrumentalisées ». Auparavant, lorsque les magistrats critiquaient la défense d’une des parties, ils se tournaient vers les avocats. Aujourd’hui, les spin doctors se trouvent dans leur ligne de mire. En effet, dans l’affaire Bettencourt, les juges considèrent qu’une série d’interviews de la milliardaire a été instrumentalisée. Il y aurait eu une mise en scène d’une interview donnée par Liliane Bettencourt en 2010 sur M6 avec Marc-Olivier Fogiel. Les communicants de Mme Bettencourt auraient proposé des modèles de questions et de réponses à l’animateur pour essayer de donner un certain angle à l’interview.
Cela ne s’arrête pas là. Toujours dans l’affaire Bettencourt, la fille de la milliardaire, Françoise Bettencourt-Meyers, a fait appel à des spin doctors pour le procès comme sa mère. Ainsi, lorsqu’elle est appelée à la barre pour témoigner, son intervention est totalement orchestrée. Ici, le rôle du spin doctor est de préparer sa cliente à faire face aux juges. Il ne s’agit plus de donner une bonne image à l’opinion publique mais de répondre aux attentes des juges, des réponses qui permettront de gagner l’affaire et tout cela sans se parjurer.
L’autre point important du travail des communicants de crise est d’attirer l’attention de la presse et surtout une attention favorable à leur client. Cela leur permet d’exercer une certaine « tension » sur les magistrats. « Notre boulot, c’est aussi d’amener des journalistes dans la salle d’audience » assène Guillaume Didier. « Pour un magistrat, la tension est beaucoup plus forte quand la presse est présente, encore plus aujourd’hui avec les tweets ».
Une efficacité variable
La principale mission du spin doctor, que ce soit en politique ou dans les tribunaux est d’influencer l’opinion publique pour leurs clients. Si cela peut avoir de véritable résultat en politique à travers la bonne communication d’un candidat et son élection au poste convoité, cela n’est pas forcément le cas dans une affaire juridique. En effet, on peut se demander si la bonne communication ou la bonne image du prévenu a vraiment une incidence sur le verdict des magistrats. Certes, ils auront peut-être la sympathie du public mais les juges se fieront plus aux faits et aux résultats de l’enquête pour rendre leur verdict.
Hawa Touré
Sources :
« Ces pros de la com qui défient les juges » in GQMagazine, mis en ligne le 09/11/15. Disponible sur :  http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/gq-enquete/articles/enquete-qui-sont-les-communicants-de-crise/29597
Schneider Vanessa. « Les politiques sous influence » in LeMonde, mis en ligne le 04/10/13. Disponible sur http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2013/10/04/les-politiques-sous-influence_3489100_4497186.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Spin_doctor
Crédits images : 
actuseries.fr
gqmagazine.fr
lemonde.fr

Société

Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris: un événement hybride entre violence et communication

En une soirée, le 13 novembre dernier, les attaques de l’Etat islamique (EI) à Paris ont tué 130 personnes. Depuis 1980, 57 victimes d’attentats étaient à déplorer en France. Tout est dit. En janvier, la liberté d’expression, la laïcité, l’intégration, l’éducation avaient nourri les débats. Cette fois, la pensée s’est figée. Le mode opératoire a été sophistiqué. Il a synchronisé assassinats à bout portant et prise d’otage de plusieurs heures, ce dans des lieux différents et emblématiques de notre art de vivre. La mise en scène qui en a résulté rappelle à quel point le terrorisme se donne toujours en tant qu’hybride entre violence et communication. Elle souligne aussi, désormais, la propension de ce « spectacle » à s’inscrire dans notre système informationnel en continu. Outre la dimension communicationnelle dont elles sont donc porteuses, ces actions terroristes peuvent se concevoir comme le marqueur de deux mécanismes de redimensionnement simultanés et interdépendants : d’une part un décloisonnement géographique entre «  ici » et « là-bas », d’autre part une série de basculements politiques et psychologiques qui ne sont pas sans poser question.
En consacrant le continuum opérationnel entre « ici » et « là-bas », c’est-à-dire entre nos terrasses de café ou salles de concert et la géopolitique du Moyen-Orient, l’EI a exhibé sa marque de fabrique. Deux points sont ici essentiels. Premièrement, cette violence nomade, interne-externe aux Etats, située entre guerre de religions, d’intérêt et de civilisation, plonge ses racines dans tous les comptes non soldés des colonisations et prédations des empires qui se sont succédé et confrontés dans la région depuis l’Empire Ottoman. Deuxièmement, en pariant à la fois sur la radicalisation des populations d’origine arabo-musulmanes en Occident (et surtout en France) et sur un djihad de proximité contre tous les régimes « apostats » de la région, l’EI capitalise aussi sur la tendance répétée des grandes puissances à sous-estimer la capacité phénoménale du terrorisme islamiste à s’adapter à l’Histoire, à muter tel un virus (car l’EI n’est pas Al Qaida). D’autant qu’aucune des aventures militaires entreprises depuis 35 ans (de l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979 aux actuelles frappes aériennes en Syrie et en Irak) ne s’est jamais accompagnée du moindre projet politique crédible et constructif à l’attention des populations. Ensuite, la force d’attraction de l’EI conçu comme utopie, et son prestige auprès de ses cibles se nourrissent en permanence de deux processus : d’un côté une lutte militaire héroïque contre les aviations les plus puissantes du monde et de l’autre la « perte de sens » qui affecterait nos sociétés consuméristes et oublieuses de toute transcendance. En ce sens, l’irruption de la figure du kamikaze est porteuse un message : donner à sa propre mort un sens que sa vie n’aura jamais. C’est donc une combinatoire inédite qui confère au terrorisme de l’EI sa média génie macabre : un socle territorial irako-syrien à partir duquel une mystique de la conquête et une vision eschatologique de l’Histoire font que commettre des attentats à l’étranger signifie à la fois riposte militaire et propagande.
Pierre Nora a parlé récemment d’une « signification historique géante » dépassant la « péripétie ». Il est vrai que la profonde blessure collective infligée à notre démocratie induit une série de basculements politiques et psychologiques qui ne sont pas anodins au sein de notre société où le « nous » s’est fragilisé. La tension est inhérente à la rencontre entre Etat de droit et état d’urgence ; le lien est ténu entre désordre sécuritaire et désordre électoral. Alors que dire de la proclamation répétée d’un état de « guerre » par François Hollande ? D’ordinaire, toute crise appelle de la part des politiques des discours régulateurs qui oscillent entre logiques d’identification (émotion, pathos…) et stratégies de distanciation (rationalité, explication…). Si ces discours parviennent à construire une relation avec le public, ils vivifient l’image du politique. D’autant que les institutions de la Vème République y sont propices. L’embellie sondagière de l’Elysée le montre. Pourtant, la sociologie du terrorisme de l’EI évoquée plus haut ne peut que rendre très illusoire cette performance communicationnelle, car il est impossible de contrôler durablement l’interprétation qui sera faite (dans l’opinion, dans les médias) des tensions fatales qui sont à l’œuvre entre deuil et guerre, entre Etat de droit / état d’urgence. Surtout si d’autres actes se produisent.
Isabelle Le Breton
Maître de conférences au CELSA
LinkedIn 

MAAF
Publicité et marketing

La plaisanterie a assez duré

Le mariage de l’humour et de la publicité n’est, malheureusement, pas toujours heureux. Ajoutez-y le rabâchage publicitaire, l’apparition ratée d’un humoriste célèbre ou encore la répétition d’un même schéma « humoristique » pendant plusieurs mois, voire plusieurs années: vous obtenez le parfait divorce entre un annonceur et le consommateur.
 De l’intérêt de l’humour en publicité
 Le rire est un ressort publicitaire très utile. Il permet d’attirer l’attention des consommateurs et de marquer les esprits. Faire rire c’est aussi donner l’occasion au consommateur de se libérer un instant des tensions quotidiennes. L’annonceur peut ainsi créer une relation de connivence avec le consommateur. Cette remarque s’applique d’autant plus aux publicités affichées dans des lieux que l’on peut qualifier d’hostiles comme le métro, où une pub amusante est une bouffée d’air frais pour les passagers.
En tant que véritable créateur de lien social, l’humour est un bon vecteur de publicité. Nicolas Guéguen, chercheur en sciences du comportement à l’université de Bretagne-Sud qui analyse l’importance du rire en société, rappelle d’ailleurs dans une interview donnée au Figaro que « Beaucoup de chercheurs considèrent le rire comme la première activité de partage de notre espèce humaine ». Il prend comme exemple une étude menée à Paris-V, mettant en scène une jeune fille au téléphone sur un banc public: l’expérience montrait que quand elle riait, les personnes assises sur le même banc restaient plus longtemps à côté d’elle que lorsqu’elle parlait sur un ton neutre. De même, une campagne de pub humoristique réussie génère du dialogue, les consommateurs la partagent volontiers avec leur entourage sans qu’on ait besoin de les y inciter.
 Humour: use with caution
Néanmoins il est tout aussi clair que le rire peut diviser et comme le dit Pierre Desproges « on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ». Séduire un maximum de consommateurs grâce à l’humour est, dès lors, un véritable défi pour les publicitaires. Il semble donc nécessaire de bien connaître les consommateurs ciblés par la campagne pour pouvoir adopter leurs codes et adapter le ton humoristique afin qu’ils y soient plus sensibles. L’âge, les références culturelles ou encore la classe sociale doivent être pris en compte afin que la blague ne fasse pas un flop.
Une campagne humoristique ratée, c’est l’assurance de voir les moqueries fuser, en particulier sur les réseaux sociaux. En permettant à chacun de donner son avis en -presque- toute liberté, ils ont accru la visibilité des feedback du public. Et s’il y a bien un réseau social qui n’épargne pas les flops publicitaires, c’est Twitter. Les twittos n’hésitent pas à clasher et même parfois à menacer les marques, les acteurs des pubs… Gad Elmaleh peut en témoigner. En effet, son apparition dans la campagne LCL en 2014 (dont on vous parlait déjà ici) a suscité une énorme vague de critiques et autres menaces. LCL affirme néanmoins que cette campagne a été bénéfique puisque le taux de mémorisation de la campagne est passé de  23 % pour la précédente campagne à 31 % fin septembre 2014. Le bad buzz dont la banque a été victime aurait donc servi ses intérêts ? Après tout comme le disait si bien Léon Zitrone: « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel c’est qu’on parle de moi ! »

Les humoristes sont-ils vraiment des plus-value pour les annonceurs ?
Pour l’annonceur, engager une star c’est s’assurer une visibilité auprès de son public et donc profiter de sa notoriété. Choisir un comique, c’est essayer d’apporter une caution humoristique à sa campagne publicitaire. Or, il paraît clair que si un humoriste peut nous faire rire sur scène, il perd généralement en crédibilité quand il le fait pour une marque. Le public sait bien que l’artiste ne fait pas de la publicité par conviction mais par intérêt, certains parlent même de « prostitution publicitaire ».
On peut penser à la publicité de Patrick Bosso pour Point S où l’on voit l’humoriste sur une scène, comme s’il était en plein one-man show: on s’attend à rire. Or, on ne retrouve pas l’univers habituel du comique. Il ne fait pas de blague ou de trait d’humour, il conseille seulement de se rendre chez Point S.

Les blagues les plus courtes sont les meilleures
 Ce vieil adage ne semble pas être accepté par tous. Il n’est, en effet, pas rare de voir des campagnes publicitaires humoristiques s’installer dans la durée. Est-ce vraiment une bonne idée ? Prenons l’exemple des publicités pour la caisse d’assurance MAAF. Ces publicités se veulent drôles et décalées, parodiant la série Palace conçue en 1988 pour Canal+.

 
Si cette campagne a pu plaire à ses débuts (elle a même été élue « campagne préférée des Français » en 2005), qu’en est-il après 11 ans de diffusion ? Les pubs MAAF font-elles rire les jeunes ? Il faut tout d’abord noter que la partie du public qui n’était pas concernée par la MAAF il y a 10 ans, les enfants et adolescents de l’époque, ont grandi. Et aujourd’hui, ce public ne semble pas y être très réceptif: une référence qui ne leur parle pas vraiment, un comique de répétition qui semble s’essouffler, une certaine lassitude après dix ans d’« Appelez moi le directeur ! » et de « Je l’aurai un jour, je l’aurai ! ». 
De son côté, LCL a lancé une nouvelle campagne début 2015, reprenant le même scénario, sans humoriste connu cette fois. Même si l’absence de Gad Elmaleh peut être perçue comme une bonne nouvelle, pour lui comme pour nous, la campagne ne prend pas vraiment auprès des consommateurs comme le montre bien le tweet ci-dessous. Et le fait de voir ces spots en boucle, avant chaque vidéo YouTube notamment, risque de nuire encore plus à la popularité de cette campagne.

Pour les générations X,Y,Z, qui ont grandi dans un monde où tout s’accélère, où tout change en permanence, ce schéma de publicité-saga ne semble pas fonctionner. Cela donne l’image d’une entreprise qui ne parvient pas à se renouveler, qui ne tient pas compte de l’évolution de sa cible. En bref, l’image d’une entreprise qui peine à s’adapter à son époque.
Clémence de Lampugnani
@ClemydeLamp
 Sources:
Article d’Olivier Drouin http://www.capital.fr/enquetes/revelations/ces-comiques-qui-s-en-mettent-plein-les-poches-avec-la-pub-950760
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1146032-gad-elmaleh-risee-du-web-sa-pub-pour-lcl-gros-malaise-ou-pas-si-nulle-que-ca.html
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/12/06/21620-rire-est-notre-premiere-activite-partage
Article d’Emilie Longin,  http://www.cbanque.com/actu/49976/publicite-lcl-repart-en-campagne-mais-sans-gad-elmaleh
Article de Veronique Richebois http://www.lesechos.fr/19/01/2015/LesEchos/21858-090-ECH_lcl-fait-son-retour-sur-scene.htm
http://aubert-storch.com/portfolio-item/maaf/
Crédits photos: 
Publicité MAAF 
Captures Twitter