Vladimir Poutine
Politique

Vladimir Poutine, tsar des temps modernes ?

 
Qualifié par beaucoup d’ « homme de l’année 2013 », Vladimir Poutine semble définitivement avoir le vent en poupe.
Un récent sondage du Centre Russe d’Etude de l’Opinion publique – organisme indépendant, précisons le –  révèle en effet que 69% de la population russe approuve à ce jour la politique de Vladimir Poutine, aussi bien intérieure qu’extérieure.  Le président russe atteint ainsi dans son pays sa plus haute côte de popularité depuis le début de son troisième mandat, en 2012.  Les populations européennes semblent également éprouver une certaine sympathie pour le président russe. Ainsi, même si seuls 14% des Français affirment avoir une bonne opinion de lui d’après l’institut BVA et même si 72% déplorent son rôle au sein de  la scène internationale, 56% estiment pourtant qu’il défend efficacement les intérêts de son pays.
Suite aux nombreuses incartades récemment commises par Poutine – comme la persécution des écologistes russes pendant les JO de Sotchi ou encore l’invasion de la Crimée, pour ne citer que cela -,  et la situation économique relativement désastreuse de la Russie, on est alors en droit de s’étonner et de s’interroger sur les ressorts de cette popularité, à la fois nationale et internationale.
Rien de très original à première vue : comme tout dirigeant qui se respecte, Vladimir Poutine maîtrise à merveille les codes les plus classiques de la communication politique.
Le storytelling fait ainsi partie intégrante de la stratégie mise en œuvre par le chef du Kremlin, qui tente par là d’apparaitre comme un homme hors du commun, un mâle absolu doté d’une force et d’une habileté extraordinaires. On le retrouve ainsi tour à tour conducteur d’une Formule Un dépassant les 250 km/h, cavalier torse nu montant un cheval au galop en plein cœur de la Sibérie, homme-grenouille brandissant fièrement des amphores miraculeusement retrouvées par ses soins dans les eaux de la Mer Noire ou encore guide d’un vol de cigogne fraîchement remises en liberté depuis un ULM. Ajoutons à cela qu’il se présente comme un homme ayant gravi les marches du pouvoir grâce à sa seule volonté de fer, comme en témoigne par exemple son livre autobiographique A la première personne, recueil d’interviews paru en 2000 dans lequel il explique consciensieusement être sorti de la misère de la kommounalka –  c’est-à-dire un appartement communautaire – dans lequel il vivait enfant grâce à son investissement démesuré dans le judo.
Raillé par les élites russes de Moscou ou de Saint-Pétersbourg pour ces constantes mises en scènes, Poutine fascine et ensorcelle pourtant les populations de la Russie reculée par cette maitrise affichée et exhibée de son corps et de son esprit, se présentant ainsi comme un modèle de réussite sur lequel prendre exemple.
Mais la véritable force de la stratégie de Vladimir Poutine semble tenir dans sa maîtrise incomparable de la rhétorique des blessures présentes et passées de la Russie.
On peut ainsi remarquer son utilisation fréquente mais subtile de la rhétorique de la persécution lui permettant de retourner les attaques de ses opposants à la fois nationaux et internationaux à son avantage en jouant sur le passé douloureux de la Russie, sur sa perte de crédibilité suite à la chute de l’URSS en 1991 et sur la honte que cela a entraîné pour le pays. L’analyse du cas des JO de Sotchi peut ainsi se révéler édifiante : le monde entier semblant penser impossible le bon déroulement de ces jeux du fait de leur pays d’accueil, ces JO et leur succès constituèrent un moyen efficace pour Poutine de souligner auprès du peuple russe qu’en dépit de la piètre image – supposée – de la Russie au niveau international, celle-ci était capable de relever un défi tel que l’accueil de Jeux Olympiques de manière aussi satisfaisante que d’autres pays, et donc de jouer sur un certain nationalisme afin de rassembler le peuple russe derrière lui.
De manière plus générale, on peut remarquer  que Poutine tente en permanence de se présenter comme l’homme capable de restaurer la souveraineté de la Russie face aux Etats-Unis, ainsi que comme la véritable incarnation d’une opposition crédible au système capitaliste, les esprits russes étant toujours marqués aujourd’hui par la « thérapie du choc » néolibérale imposée par l’ex-président Boris Eltsine et des institutions telles que la Banque Mondiale ou le FMI entre 1992 et 1999, qui avait entre autre provoqué une diminution de 50% du PIB russe et une baisse significative de l’espérance de vie dans le pays. Le chef du Kremlin représenterait alors en quelque sorte une incarnation idéalisée d’une utopie altermondialiste. C’est peut-être en cela que l’on peut expliquer l’admiration d’une partie du peuple russe à son égard, et les qualités que lui prêtent une partie des populations européennes. Le caractère autoritaire du régime de Poutine participe néanmoins également à lui conférer cette image, chaque détail pouvant contribuer à l’entacher étant soigneusement écarté et caché par le régime. Par exemple, sa fortune estimée à 40 milliards de dollars.
 
Héloïse Lebrun-Brocail
Sources
BVA
LeFigaro
Métapoinfos
RBTH
SpécialInvestigation
LeMonde

Lady Gaga Versace
Publicité et marketing

Les maisons de luxe toutes « gaga » des chanteuses

 
« Rihanna incarne ma vision de Balmain […]. Devant l’objectif, elle donne l’impression d’être la seule femme sur terre* » affirme Olivier Rousteing. C’est par ces mots que le directeur artistique de la maison parisienne de luxe parle de son amie et muse Rihanna, icône de toute une génération.
Depuis quelques semaines, nos comptes Instagram sont en effet inondés de photos du duo, en backstage du dernier défilé Balmain ou encore assistant à un spectacle du Crazy Horse.
Il faut reconnaître que l’image de la star du R’n’B colle parfaitement aux codes de la maison de couture: sulfureuse et sexy, au style vestimentaire aussi audacieux que bling-bling. Sa tenue très provocante à l’after-show organisé par la marque a d’ailleurs beaucoup fait parler d’elle, autant de publicité gratuite pour Balmain… Olivier Rousteing le sait pertinemment, lui qui explique « c’est la fille que tout le monde connaît […] elle est très puissante, très forte […]. Elle sait mêler mode et musique et je pense que ma collection est justement construite autour de ça ».

Captures d’écran des comptes Instagram de Rihanna (à gauche) et d’Olivier Rousteing (à droite).
Mais alors, quel intérêt pour les entreprises ?
Un mariage puissant…
Collaborer avec un musicien, c’est d’abord l’assurance d’une couverture maximum. Il faut rappeler que les artistes de l’industrie musicale sont les plus suivis sur les réseaux sociaux : Katy Perry comptabilise plus de 51 millions de followers sur Twitter, Rihanna plus de 86 millions de « J’aime » sur Facebook, les clips de Justin Bieber et Psy ont été vus plus d’un milliard de fois chacun sur Youtube… Un musicien est donc forcément beaucoup plus puissant qu’un acteur : tandis que ce dernier incarne des personnages fictifs, qui sont parfois à l’opposé de leur vraie personnalité, le musicien ne joue (en principe) pas de rôle, c’est lui qui choisit ses textes, ses tenues vestimentaires, l’image qu’il veut renvoyer au média, son style de vie… Il crée un véritable univers autour de lui et de sa personnalité favorisant l’identification par ses fans, autant de cibles potentielles pour les annonceurs…
Car s’associer à un artiste, c’est aussi l’occasion pour des maisons souvent inaccessibles au commun des mortels de sortir des sentiers battus et d’atteindre des cibles moins aisées, ce qui entraîne alors une démocratisation de la marque. Ce n’est pas le but recherché par certaines maisons de couture qui, au contraire, préfèrent se démarquer : c’est le cas de Givenchy, qui a choisi comme égérie la chanteuse Erykah Badu, peu connue du grand public, renforçant au passage son image d’entreprise élitiste.

…et très lucratif…
Mais les retombées positives ne sont pas uniquement pour la marque… Depuis la sortie de son dernier album Artpop, Lady Gaga multiplie les frasques pour faire parler d’elle (elle s’est fait récemment vomir dessus au festival SXSW). Pour Lady Gaga, être égérie Versace c’est autant de couverture médiatique, d’apparitions publiques et d’occasions de prendre la parole. Pour certains artistes, devenir égérie est donc avant toute une façon de se rappeler au bon vouloir du public tout en restant associés à une maison prestigieuse.

…mais un mariage d’amour avant tout.
Un point commun à toutes ces collaborations : l’artiste et le créateur sont des inspirations mutuelles, même si la musique inspire plus la mode que le contraire. Ainsi, Miley Cyrus ne tarit pas d’éloges sur Marc Jacobs, dont elle a porté une création au dernier Met Gala de New-York, pratiques courantes entre chanteurs et couturiers. Il avoue quant à lui ne trouver aucun défaut à la chanteuse : « elle a son franc-parler, elle agit comme bon lui semble, elle est talentueuse et n’a pas peur de prendre des risques ».

De manière plus globale, musique et mode ont des liens très étroits : on achète souvent du merchandising à l’effigie d’un artiste et ces derniers se produisent souvent en live lors des défilés (Taylor Swift ou Rihanna pour Victoria’s Secret, Lily Allen, Rita Ora, M.I.A, Sellah Sue et Likky Li pour Etam, Woodkid pour Jean-Charles De Castelbajac…). Des pans entiers de styles vestimentaires sont aussi liés à un style de musique spécifique (rap, gothique, hippie, grunge…).
Bien ancré dans les mœurs communicationnelles, ce phénomène ne touche pas uniquement les maisons de luxe. D’autres marques plus populaires comme H&M avaient déjà sauté le pas en choisissant de collaborer avec Lana Del Rey, Beyoncé ou encore une certaine Madonna… Et on parie que le phénomène n’est pas prêt de s’arrêter.

Elsa Mahouche
*En référence au single de Rihanna intitulé « Only Girl in the World »

Société

CURIEUSEMENT EMOTIONNEL

 
Comment institutionnaliser nos émotions ? Ces sentiments qui nous envahissent lorsqu’on regarde des images sur la situation en Ukraine, ou lorsqu’après un an de dressage, on a enfin réussi à faire ramener la balle notre toutou chéri. Tant d’affluence qu’on ne peut même plus la contrôler, qu’on ressent le besoin immédiat de l’exprimer, de la partager, pour rien ou pour réjouir l’autre, se plaindre ou demander compassion. Bref. Un sacré phénomène cette extériorisation. Surtout depuis que le Web 3.0 l’a rendu visible et publiquement partagée. Il n’a d’ailleurs pas fallu attendre longtemps pour que la recherche s’en empare : Le partage social des émotions, de Bernard Rimé (2005), traduit parfaitement cette évolution. Mais les milieux davantage professionnels n’ont, eux non plus, pu s’empêcher d’y voir une porte ouverte à la connaissance du consommateur. Ajoutons à cela des jeunes téméraires bien rodés et voilà, Wifeel est né.
Wifeel, c’est ce réseau social qui a compris (plus vite que les autres manifestement) que le « like » de Facebook était devenu trop frustrant pour tous les naissants petits adeptes de l’expressivité virtuelle. Wifeel c’est donc 50 émoticônes pour transcrire son émotion du moment et « émotionnaliser » son statut : émerveillé, séduit, coupable, bloqué, vide, bizarre…

 « La vie est un monde d’émotions que nous avons besoin de partager avec notre entourage. Et si possible à plusieurs. » Tel est le crédo du fondateur du réseau, Xavier de Fouchécour, qui semble avoir tout compris puisque selon une étude commentée par Bernard Rimé dans son ouvrage, « 96% des personnes âgées de 12 à 72 ans disent partager avec d’autres les causes de leurs émotions. 60% le jour même, 84% à plusieurs reprises ». Neuf personnes sur dix ressentiraient ainsi un « besoin naturel très fort » de partager leurs émotions et d’en exprimer la cause.  Avec l’émotion comme « porte d’entrée principal » (Influencia) le réseau Wifeel s’ancre jusqu’au bout dans cette expressivité. On y parle alors de feeltag (i.e. post), de feelspots (i.e. des lieux les plus émotionnels), de flux, de sujets, de cartes, de statistiques, tous suivis (évidemment) de l’adjectif « émotionnel ». Et tout ce petit champ lexical s’inscrit dans un ton ludique, digne de tout monde d’émotions qui se respecte.
 Si en 2005, Bernard Rimé écrivait déjà que « les personnes qui ont vécu un événement émotionnel majeur manifestent un besoin parfois insatiable d’être écoutées, de parler et de reparler de cet événement », Wifeel cristallise ce constat en s’érigeant médiateur de ce partage social, et donc en l’institutionnalisant. Mais est-ce là la seule vocation de Wifeel ? Si le réseau semble s’entourer d’une aura altruiste, n’oublions pas que l’idée de Xavier de Fouchécour lui est initialement venue « suite à la demande d’un client de son agence de communication Beaurepaire qui cherchait un moyen de comprendre comment les gens s’expriment sur leur santé lorsqu’ils sont à domicile » (alternatives blog Le monde). Fort de cette demande, Xavier de Fouchécour a pour ambition de faire de Wifeel la première plateforme universelle d’expression & de statistiques émotionnelles, puisqu’ « avec Wifeel, les émotions deviennent des données auxquelles les utilisateurs peuvent attacher #sujets, commentaires, images, lieux ». Parmi les grandes originalités de Wifeel on a donc la possibilité de cartographier émotionnellement un quartier, ou encore de proposer en retour une statistique des émotions exprimées avec la comptabilisation du nombre total d’émotions partagées et la répartition de ces dernières entre positive, négative et neutre.

Evidemment, une telle collecte de données n’est pas sans intérêt pour les professionnels, et Wifeel ne s’en cache pas puisqu’il permet de fournir aux marques une mesure tangible au capital émotionnel. Ainsi « dans une approche B to B, Wifeel permettra aux producteurs, éditeurs, marques – en ligne ou dans la vie réelle – d’offrir à leur public la possibilité de qualifier émotionnellement leur contenu et/ou d’y accéder via le ressenti des autres » dixit son fondateur. Cette même logique anime les options (payantes) « Wifeel Média » et « Wifeel In Situ ». La première permet ainsi de réagir au contenu d’un site alors que la deuxième apparaît comme un véritable « système permettant de capter et donner en temps réel un feedback visuel du ressenti associé à l’événement » sur le lieu culturel ou événementiel sur lequel l’option a été installée. L’exemple parfait d’une telle utilisation se retrouve avec l’exposition The Happy Show, de Stefan Sagmeister, qui a constitué le plus grand succès de la Gaité Lyrique depuis sa réouverture en 2011, où les visiteurs pouvaient réagir émotionnellement à plusieurs questions.
 Une campagne « happiness » Coca Cola qui avait placé l’émotion au cœur de son message (précurseur d’un mouvement amorcé par Wifeel ?), un « Happy Show » décortiquant, grâce à des phrases parfois naïves, les secrets du bonheur, un réseau social faisant du partage de l’émotion sa marque de fabrique… Le XIXème siècle fait primer la passion et on en est fier. De manière générale, confier ses émotions à ses proches n’est pas nouveau. Moins que l’expression en elle-même, c’est le moyen et surtout la portée de cette dernière qui change radicalement. Out la sphère privée et le partage « intime ». Avec le Web 3.0, les sentiments s’affichent, presque comme conséquence logique de l’affichage public permis par Facebook de l’opinion, des photos ou encore des relations.
Associé à notre ère du Big Data, Wifeel pourrait presque apparaître comme l’invention inévitable en matière de réseau. Wifeel, c’est ce besoin des annonceurs de toujours viser plus précisément, c’est ce besoin de qualitatif, c’est cette ère du social networking, c’est cette logique du participatif et du crowdsourcing. En bref, Wifeel, avouons-le, a tout compris.
 Cependant, alors qu’on s’indigne que nos données personnelles de Facebook soient partagées, pourquoi Wifeel fonctionne ? Peut être parce que, dans notre imaginaire, nos émotions sont plus dangereuses en nous que dans les bases de données des autres. Pas faux. Mais ne serait-ce pas là une ignorance du « pouvoir » de la data ?
Eugénie Mentré
Sources :
Lemonde.fr
Influencia.net
Scienceshumaines.com

Publicité et marketing

Le buzz Chanel : mais qu’en dirait Coco ?

 
Une semaine après les faits, le défilé automne-hiver 2015 de la maison Chanel n’en finit pas de faire du bruit. Réaménageant le Grand Palais en supermarché géant, Karl Lagerfeld a créé le plus gros buzz de cette semaine de la mode parisienne.
Pour cette collection, le directeur artistique a décidé d’embrasser les codes des grandes surfaces, entre chariots aux couleurs criardes, produits alimentaires de toutes sortes et cartons en guise de chaises pour les invités. Les lignes vestimentaires de la saison prochaine sont à l’image du décor qui les environne : aux antipodes du patrimoine laissé par Mademoiselle Chanel.

Pourtant, nombreux sont ceux qui crient au génie : satire du consumérisme, décalage inattendu, modernité, démocratisation du luxe… Les journalistes n’ont pas manqué d’éloges. S’il est curieux de parler de démocratisation quand on voit les prix pratiqués par la maison, il est en revanche certain que Karl Lagerfeld s’est bien imposé en marionnettiste des victimes de la mode : à la fin du défilé,  les éléments du décor ont été dévalisés par des invités avides de mettre la main sur quelque produit marqué du double « C », fusse-t-il une simple boîte de pâtes.
Certes, le coup de publicité est réussi. Mais toute publicité est-elle bonne à prendre ? L’émulation autour d’un défilé ne peut guère se substituer à la créativité et la réussite d’une collection. Au lieu de chercher à se montrer à tout et n’importe quel prix, il serait peut-être temps pour Chanel de recentrer sa stratégie médiatique sur la qualité de ses prestations et de son héritage.
 
Charlene Vinh 
Sources
Style
Tendancedemode

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Danemark
Culture

Design, danois, decoflame

 
Børge Mogensen et Hans Wegner, dont nous fêtons cette année le centenaire, sont des figures emblématiques du design danois. Ayant tous deux suivi une formation en ébénisterie, ils ne manquent pas de mettre à l’honneur leur matière préférée dans leurs créations. Leur définition du design imprègne encore aujourd’hui la discipline : un mobilier en bois brut ou huilé, aux contours arrondis ; une recherche de confort.
Sobre et fonctionnel, tels sont les mots d’ordre. La Maison du Danemark leur a rendu hommage ce week-end (8 et 9 mars 2014). Un appartement éphémère scénographié par Pernille Picherit a été aménagé pour l’occasion. Cent cinquante produits issus de vingt-trois grandes marques danoises ont ainsi été exposés. Un « Ikea culturel », persiflent les plus cyniques, car l’originalité n’est pas au rendez-vous. Le caractère consensuel de l’exposition s’explique par une visée plus marketing qu’artistique. Il s’agissait pour ces marques d’accroître leur visibilité sur le marché français auprès d’un public d’avertis.
À la croisée du culturel et du marketing, cet événement témoigne des relations d’interdépendance qu’entretiennent ces deux secteurs.
 
Miléna Sintic

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Equipe féminine de football
Culture

Le sport féminin : un combat perdu d'avance ?

 
Nous avons encore tous en tête ces magnifiques commentaires de Philippe Candeloro pendant les Jeux Olympiques de Sotchi : « Je connais un anaconda qui serait bien allé embêter cette Cléopâtre canadienne »,  « Vous pourrez lui dire que c’est pas la seule à être excitée, elle a un joli sourire cette patineuse »,  « Elle a des airs de Monica Bellucci, avec un peu moins de poitrine mais bon… ».
Blagues lourdes comme celle de l’oncle un peu éméché aux repas de famille ou propos sexistes ? La question est difficile à trancher, mais elle a le mérite de reposer une question extrêmement importante : celle de la place du sport féminin à la télévision.
La ligne de défense France Télévisions
Philippe Candeloro n’en démord pas et le président de France Télévisions non plus : ce ne sont pas des propos sexistes car le patinage artistique se juge aussi sur le physique. Le président ajoute : on aime Candeloro justement parce qu’il est drôle même si pas toujours politiquement correct. Philippe Candeloro affirme lui-même ne jamais donner dans le « trash ».
Bizarrement, par contre, les propos relevant du physique concernent toujours les femmes. Pourtant et, jusqu’à preuve du contraire, dans le patinage artistique, il y a aussi des hommes. Mais leur physique semble avoir moins d’importance.
Un certain regard sur le sport féminin
Ce qui est en cause avant d’arriver à des raisons toutes matérielles c’est le regard des gens sur le sport féminin. Qu’ils soient directeurs des programmes, commentateurs ou simples téléspectateurs, le regard des hommes sur le sport féminin n’est souvent pas un regard bienveillant. On se souvient encore des propos de Jean-Michel Aulas, président du club de football lyonnais, qui affirmait que les femmes devaient retourner à leurs casseroles, avant de s’occuper de football. Pourtant, l’équipe féminine lyonnaise est l’une des meilleures de France.
Les performances sont là, la plupart du temps, mais peinent à changer ce regard dévalorisant sur le sport féminin, qui est plus ou moins révélateur du regard porté sur la femme en règle générale. On regarde le sport féminin différemment, on compare les performances à leurs homologues masculins, on juge leur physique beaucoup plus qu’on ne juge celui des hommes. Et puis, surtout, les femmes trouvent leur place à la télévision dans des sports qui sont dits « adaptés » pour elles : danse, gymnastique, patinage… Pour ce qui est du football, milieu malheureusement machiste par excellence, les femmes peinent encore à trouver leur place, malgré de très bonnes performances du football féminin français au niveau européen.
Le regard est sûrement la chose la plus difficile à faire évoluer, et la diffusion du sport féminin sur les chaînes publiques serait peut-être un bon moyen de le faire. Mais là aussi, les obstacles sont nombreux.
La diffusion sur les chaînes publiques : mission impossible ?
Il faut toutefois faire attention à ne pas peindre un tableau trop sombre. Pendant Roland Garros ou les Jeux Olympiques, le sport féminin trouve une bonne place sur France 2 et France 3. La natation par exemple, grâce aux performances de Laure Manaudou et des nouveaux talents de l’équipe de France comme Camille Muffat, fait de bonnes audiences. C’est le cas aussi pour l’athlétisme. Enfin, la finale féminine de Roland Garros ne démérite pas au niveau de l’audience par rapport à la finale masculine.
Mais ce sont ici des exemples de sport réputés « adaptés » aux femmes et pendant des événements sportifs spécifiques. Quand il s’agit de football ou de rugby, beaucoup de barrières se dressent. La première raison invoquée par les chaînes est souvent le manque d’audience, mais certains chiffres tendent à prouver le contraire. Lorsque D8 diffuse la demi-finale de la Coupe du monde 2011, elle réalise un des plus beaux scores de la TNT avec 2,8 millions de téléspectateurs. Les rencontres de rugby féminin font des audiences assurément correctes sur France 4 avec une montée en puissance pour des évènements comme la Coupe de France.
Quelle est la raison alors si ce n’est pas le manque d’audience ? Peut-être est-ce le manque d’audace. Eurosport s’est positionné sur ce marché tout comme Sport + qui diffuse, par exemple, du handball féminin (autre sport où les femmes s’en sortent extrêmement bien, mais les grands médias nationaux ne parlent pas, par exemple, de la coupe du monde féminine. Mais ces deux chaînes sont pour l’instant assez seules. La prise de risque est difficile dans le monde de la télévision car elle se solde souvent par une sanction au niveau des audiences et donc au niveau de l’achat de temps publicitaire par les annonceurs.
Le CSA a tenté d’apporter sa pierre à l’édifice en organisant le 1er février la Journée internationale du sport féminin. La mesure était incitative, les chaînes qui ont décidé de ne pas prendre part à cet événement n’ont pas été sanctionnées. L’idée fait alors son chemin dans la presse nationale et au sein des directions de chaînes. Profitons de la proximité avec la Journée de la femme pour dire avec le sourire : messieurs, ayez un peu d’audace !
 
Paola Paci
Sources
LePoint
LeMonde
LeNouvelObservateur
LeMonde
Crédits photos : Bertrand Guay / AFP

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Culture

Aux anonymes la patrie reconnaissante : le Panthéon revisité par l’artiste JR.

 
L’un des monuments les plus célèbres de la capitale est actuellement au cœur de l’actualité du pays : si le président a annoncé le vendredi 21 février que les cendres de quatre figures de la Seconde Guerre Mondiale seraient transférées au Panthéon en 2015, une autre déclaration a fait parler du Panthéon. En effet, le Centre des monuments nationaux (CMN) a déclaré le 24 février que l’artiste de street-art JR allait orner le dôme d’une œuvre d’art.
Le président du CMN, Philippe Bélaval, a ainsi préféré l’art à la communication publicitaire : « Pour la première fois, les bâches d’un chantier d’un monument national deviendront le support d’une création artistique contemporaine, et non celui d’une campagne publicitaire lucrative » a déclaré le CMN. Ouf, les Parisiens peuvent respirer : ils ne verront donc pas de bâche Apple sur cet emblème national qu’est le Panthéon.
Le projet semble avoir tout pour plaire. C’est avant tout un dispositif participatif : dans le cadre du travail de JR intitulé « Inside Out », un camion va circuler dans toute la France pour prendre en photo ceux qui le voudront. On peut aussi envoyer son portrait via Internet sur un site dédié.

Ajoutons que le projet « Au Panthéon » témoigne d’une volonté plus large d’améliorer l’attractivité du lieu, ambition définie dans le rapport de Philippe Bélaval intitulé « Pour faire entrer le peuple au Panthéon ». Orner le dôme en travaux d’une œuvre d’art est également une manière de communiquer sur les valeurs républicaines dont le lieu est chargé. On voit bien en effet toute la portée symbolique de ce geste qui consiste à s’approprier le Temple et davantage, à y faire une entrée éphémère au côté des « hommes illustres ».
La bâche doit être inaugurée le 22 avril. L’opération, dont les internautes pourront suivre l’avancement sur Twitter (#AuPanthéon), saura-t-elle donner un nouveau souffle au monument, mal aimé des touristes ?
Lucie Detrain
Sources :
Au-pantheon.fr
Paris.fr

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4L trophy 2014
Société

Le 4L Trophy ou la mise en scène de l'humanitaire

 
« Le spectacle est le discours ininterrompu que l’ordre présent tient sur lui-même, son monologue élogieux (…). L’apparence fétichiste de pure objectivité dans les relations spectaculaires cache leur caractère de relation entre les hommes et les classes. »
Guy Debord, La Société du Spectacle, I. 24
Le 4L Trophy est un raid humanitaire étudiant qui a lieu chaque année au Maroc. Le retour d’expérience d’Elsa Becquart nous a permis de discuter et de nous demander si la course était réellement ce qu’elle prétendait être.
Un raid humanitaire, vraiment ?
Ce qui est avant tout mis en avant est la participation à une aventure humaine, donnant lieu à un véritable dépassement de soi. Si la promesse d’un raid étudiant et sportif est en effet tenue (il s’agit bien de plus de mille trois cent équipages traversant le désert marocain, une prouesse technique donc), on peut tout à fait questionner son côté humanitaire. Il serait faux de dire que l’aspect caritatif est absent : les équipages amènent une certaine quantité de matériel scolaire et de denrées non périssables, fixée par l’organisation et en partenariat avec les associations locales collaborant avec le raid. De plus, les participants sont invités à nouer des partenariats de leur propre chef.
Les causes humanitaires, nous le savons, ont toujours besoin de fonds et doivent pour ceci promouvoir leurs actions. En ce sens, le 4L Trophy est invité à mettre en avant sa finalité pour qu’un maximum d’étudiants participent à la course et qu’en conséquence, le plus de dons possibles soient récoltés. Mais le cas est ici ambigu. Divers paradoxes, voire aberrations sautent aux yeux et remettent en question la noblesse des motivations affichées.
Le préjugé de la communication menteuse par omission, sans regard critique et par conséquent discréditée serait-il vérifié ici ?
Quelques indices nous mettent la puce à l’oreille.
Des paradoxes d’envergure
Concernant l’aspect écologique, que dire d’un « éco-challenge » ayant lieu dans le cadre d’une course de voitures, par essence, polluantes ? De même, le site de la course se targue de son opération « désert propre », après le passage des participants. C’est bien la moindre des choses ! Et puis, opération désert propre ou non, mille trois cent 4L traversant le désert marocain ne laissent pas indifférent : le poids des voitures, leur bruit et leur nombre doit forcément perturber l’écosystème du désert. Dès lors, comment peut-on se permettre de mettre en avant la volonté « écologique » du raid ? Il s’agit ici simplement de se donner bonne conscience et de surfer sur la vague de greenwashing. Parce que c’est la mode.
Comme pour l’écologie, le raid profite de la bonne image donnée par les actions humanitaires. Parce que ça fait bien.
De fait, on a affaire à un simulacre d’action humanitaire, la représentation un peu bâclée, mais réussie du spectacle du don.
Regard sur la mise en scène du don
Le 4L Trophy est une mise en scène montée de toute pièce, un réel spectacle. Si les unités de temps, de lieu et d’action des tragédies classiques sont remodelées, le cadre spatio-temporel nécessaire à la mise en récit (autrement dit, le storytelling) est clairement défini. Les campagnes de communication insistent sur le temps du raid, dans un lieu fantasmé, et pour une cause noble. Les teasers misent sur la promesse d’aventure, de découverte, d’échange, de beaux paysages, de défi, d’authenticité… Promesses mises en scène par de belles images et une musique prenante ; le tout cristallisé lors de la symbolique cérémonie du don. Tous les éléments sont donc réunis pour donner lieu à un spectacle, son et lumières, frissons garantis.

L’essence est spectacle
L’existence même du rallye EST le spectacle. Dans le rôle du metteur en scène et du diffuseur, l’organisation du 4L Trophy, les acteurs sont les étudiants, avec, pour cadre idyllique, le désert marocain. Organiser un raid aussi symbolique, pour une action aussi mythique que celle d’apporter des fournitures scolaires – représentant l’enfance et l’éducation – et des denrées alimentaires (un des plus forts symboles du don ?), ne peut pas être autre chose que la mise en scène de l’humanitaire. Il serait en effet beaucoup plus logique et efficace d’acheminer ces dons par des biais plus simples et moins médiatisés. Le don de ces étudiants n’est donc pas gratuit et semble motivé par la reconnaissance – voire la gloire – qui passe ici par la médiatisation (quel honneur de figurer sur le teaser de l’année d’après). Le côté humanitaire de la course n’est peut-être donc qu’un prétexte au rassemblement d’étudiants en recherche d’aventure et d’ambiance festive.
Des relents néo-coloniaux ?
Des occidentaux apportant le bien aux pauvres marocains du désert… la scène a été jouée et rejouée par le passé. Si l’association « Enfants du déserts » est bien marocaine, il s’agit cependant pour le reste d’une course franco-française. L’organisation est bien française et met en scène une voiture emblématique de notre pays, symbole porté par le nom du rallye. Il s’agit donc de venir apporter, de manière presque impérialiste, des dons – plus si gratuits – aux enfants marocains.
Cette ambiguïté du rallye-spectacle est donc symbolique de notre société schizophrène. Celle-là même qui nous somme d’avoir un comportement « responsable » quand elle promeut également la vente de capsules Nespresso. Au cœur des questionnements actuels, le 4L Trophy est donc également le signe qu’il est nécessaire de garder l’œil ouvert, et le bon, pour garder une vision critique de ce que l’on nous propose.
D’autant plus qu’un rallye du même type existe, le Student challenge. De moindre envergure et moins médiatisé, l’existence de cette course démontre qu’il est possible de concilier action plus humanitaire et communication moins tapageuse.
 
Mathilde Vassor
Sources :
4L Trophy.com
Crédit photos :
4Ltrophy

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Publicité et marketing

20cm de pur bonheur !

 
Vous marchez sur les quais du métro, et, il faut le dire, vous êtes blasé. Vous ne regardez rien en particulier, laissez errer votre regard : vous ne pouvez rater ces affiches de 4×3 qui vous encerclent. Laquelle retiendra votre attention et vous sortira de votre torpeur ? Les publicitaires ont leur petite idée sur la question : la plus provocante et la plus sexualisée.
Sur ce quai c’est probablement la saucisse Morteau affichée récemment dans le métro parisien qui aura arrêté votre regard. Rapide description : résolument minimaliste, la publicité met le produit en centre de l’image, opérant un « hyper focus » sur ce qui peut paraître trivial et peu glamour, une saucisse. Le message qui l’accompagne est concis : « 20 cm de pur bonheur ». Nul doute qu’il faut voir ici une allusion sexuelle pour le moins explicite. L’analogie est peu subtile, d’autant plus qu’elle est triple : la ressemblance sémiotique entre le produit vendu et l’organe sexuel masculin, l’allusion au « 20cm » qui fait également penser à ce dernier et le pur bonheur, qui associe la dégustation de la saucisse Morteau à un orgasme. Le Directeur commercial de la société « Morteau Saucisse », Thierry Belin, clame haut et fort qu’il en a assez de la mauvaise image de la charcuterie renvoyée selon lui par les médias. Son objectif est clair : revaloriser l’image de son produit dont la réputation n’est pourtant plus à faire. Un tel choix publicitaire s’avère alors surprenant. En effet, une telle publicité redore-t-elle l’image de la saucisse, déjà en disgrâce auprès des consommateurs parisiens ? On peut légitimement en douter, car une telle association, aussi osée que gratuite, n’a rien d’appétissant et instaure un certain malaise.
Qu’importe, le sexe en publicité, ça paye. Dans Le Neuromarketing en action, Patrick Georges et Michel Badoc observent qu’un cinquième des publicités est lié au sexe. Pourquoi ? Parce que le sexe fait vendre : « Pour le cerveau humain, le plaisir et la nourriture sont deux besoins fondamentaux, Tous les produits qui s’y référent se vendent plus facilement. ». En choisissant la technique de la provocation la publicité Morteau combine plaisir charnel et alimentation. La saucisse Morteau ne devrait s’en vendre que plus facilement.
Aujourd’hui le sexe est vendeur et le sexe se vend (cf cet autre article publié sur FastNcuirous/).
Cette alliance entre publicité, provocation et sexe peut s’expliquer ainsi : « La provocation en publicité est une stratégie de création, tout comme l’humour ou l’attraction sexuelle, utilisée par les concepteurs publicitaires dans le but d’attirer l’attention des consommateurs et de les choquer intentionnellement » soutient Richard Vézina qui a travaillé sur le lien entre publicité, provocation et sexe. Un cocktail explosif à l’heure où le sexe est omniprésent dans nos sociétés et fait frémir nombre de créatifs. Une tendance que le site Topito illustre parfaitement ici.
Mais revenons à notre exemple initial : vous êtes blasé. Un détail qu’il ne faut aucunement négliger. Car c’est ce fameux détail qui pousse à la surenchère publicitaire. De nos jours les entreprises bombardent les « consommateurs » de publicité. Concurrence extrême oblige, les compagnies se doivent d’innover afin de se démarquer, ce qui explique que la provocation soit devenue une tendance extrêmement populaire ces vingt dernières années. Les marques n’hésitent pas à provoquer, dépasser les limites et risquer un apparent « hors sujet » (cf Benetton) afin de remplir la finalité essentielle d’une campagne publicitaire : se faire connaître et attirer l’attention.
D’autant plus que « Les entreprises désirent avant tout se faire connaître, même au risque de dégager une image négative et de ne pas mettre l’accent sur leurs produits. Les concepteurs publicitaires savent très bien que, devant deux articles identiques, le consommateur optera pour le produit dont le nom lui est familier. En général, l’image négative de la compagnie s’estompe lorsque vient le temps d’acheter », admet Richard Vézina. La provocation serait donc une technique gagnante sur le long terme, tant que le produit a déjà fait ses preuves par le passé et possède une qualité intrinsèque.
C’est finalement ce paradoxe qui doit nous étonner. Face à la lassitude des consommateurs et la montée de la publiphobie, il devient de plus en plus difficile d’attirer l’attention tout en emportant l’adhésion. Les publicitaires font alors un choix : attirer l’attention et augmenter sa notoriété, quitte à susciter la désapprobation du consommateur. Un phénomène que l’on pourrait appeler « le bad buzz programmé ».
Pas si illogique ?  Nous vivons dans une société où l’hégémonie du buzz est avérée. Le buzz (terme anglais signifiant « bourdonnement » d’insecte) est une technique marketing consistant, comme le terme l’indique, faire parler d’un événement autour d’un événement, d’un nouveau produit. Le nouvel objectif du communiquant serait donc de faire du bruit… à tout prix.
La marque devient maîtresse de son « bad buzz », ce qui lui permet de mieux l’anticiper. Une tactique stratégique à l’heure où les twittos mènent de nombreuses vendettas contre les publicités qui leur déplaisent (cf la Pub LCL avec Gad Elmaleh) mais font néanmoins parler de la marque. Gleeden à surfé sur cette tendance avec brio en début d’année avec ses publicités amorales et provocatrices (cf cet article concernant Gleeden).
Une tactique qui n’en demeure pas moins dangereuse : difficile de déterminer où est la limite et ce qui braquera irrémédiablement un client potentiel.
Doit-on alors la féliciter pour son bad buzz ? Probablement, si l’on considère que le plus important dans l’expression « bad buzz », c’est que « buzz » il y a. La preuve en image:

 
Maud Espié
Sources
RIIFR
Vertone

save the children campaign
Société

La communication : une arme à part entière

 
Il n’est pas question ici des armes chimiques utilisées en Syrie mais d’un crime encore plus tragique, dont les ONG et l’ONU peinent à documenter tant le sujet est douloureux. Il s’agit du viol. Doublé des misérables vies endurées par les enfants, les souffrances infligées pendant la guerre civile syrienne mettent toutefois en scène d’un point de vue communicationnel le double versant de la communication.
Utilisée à bon escient, la communication peut se muer en arme efficace pour sensibiliser les publics. Mais elle peut également se faire prendre à revers et nuire aux victimes les plus sensibles, comme c’est le cas ici avec les femmes syriennes. Ces dernières deviennent alors de véritables boucliers humains et a fortiori les principaux champs de batailles d’une guerre qui dure maintenant  depuis trois ans.
Le revers de la communication : une arme destructrice
Les témoignages de ces femmes syriennes violées ont été parus dans Le Monde le mercredi 5 mars dernier et constituent l’exemple même d’une communication aux nobles intentions mais qui se fait prendre par son propre piège en allant jusqu’à menacer la vie des victimes. Malgré la honte et les représailles à la suite de ce crime d’honneur, ces femmes ont néanmoins accepté de se confier pour faire éclater au grand jour les horreurs de la guerre. Témoignages souvent insoutenables, ces derniers mettent en lumière les pratiques utilisées par le régime de Bachar Al-Assad comme arme de guerre destinée à détruire durablement le tissu social syrien.
Le viol est fondé sur l’un des tabous les mieux ancrés dans la société traditionnelle syrienne et sur le silence des victimes, convaincues de risquer le rejet par leur propre famille, voir une condamnation à mort si elles parlent. Les journalistes poussent un cri en nous rapportant ainsi les dialogues et autres détails anecdotiques pour nous faire revivre au plus près les ignominies imposées à ces femmes.
« J’ai tout eu ! Les coups, le fouet avec des câbles d’acier, les mégots de cigarette dans le cou, les lames de rasoir sur le corps, l’électricité dans le vagin. J’ai été violée – les yeux bandés – chaque jour par plusieurs hommes qui puaient l’alcool et obéissaient aux instructions de leur chef, toujours présent. Ils criaient : « Tu voulais la liberté ? Eh bien la voilà ! » s’écrit une femme de 27 ans, mère de quatre enfants, décharnée et handicapée à vie par les coups administrés sur sa colonne vertébrale par un milicien du régime avec la crosse de son fusil.
Ces campagnes de viols organisées par les milices ont touché des centaines de victimes: les viols furent réalisés dans des conditions inhumaines, dans des sous-sols remplis de rats, et parfois même devant les maris, les frères et les pères. Le climat de terreur déjà présent par la guerre ne fut qu’accru par la violence de ces agressions sexuelles et par la diffusion de ces aveux.
« Leurs corps sont des champs de torture et de bataille » dénonce l’écrivaine Samar Yazbek, réfugiée en France.
Des histoires sordides sont sorties de l’ombre, comme celle d’une petite fille désormais réfugiée aux Etats-Unis, violée par son aîné sous les ordres des soldats. Ses deux autres frères furent décapités pour avoir refusé de le faire. Mais l’aîné fut ensuite tué sur le corps de la fillette, qui fut de nouveau violée par ces monstres.
La parution de ces témoignages a permis de mettre en lumière ces initiatives barbares et ces crimes obscènes. Néanmoins, la déchirure de ce silence obstiné de la part des victimes a de lourdes conséquences : divorces, psychose sociale (désormais, la simple incarcération suffit pour faire croire que la femme a été violée), stigmate et meurtres (de bébés nés de ces viols collectifs surtout) surviennent après l’aveu.
« Elles ont si peur en sortant de détention qu’elles restent murées dans leur malheur sans pouvoir demander de l’aide » se désespère Alia Mansour, membre de la Coalition nationale syrienne.
Les bienfaits de la communication
En trois ans, la guerre civile syrienne aurait déjà emporté avec elle plus de 11 000 enfants et transformée plus d’un million de syriens en réfugiés. Pour faire prendre conscience aux publics des horreurs de cette guerre, Save the Children, une ONG de défense des droits de l’enfant a lancé un nouveau spot pour marquer les trois ans du conflit (le 15 mars) à travers une campagne de sensibilisation qui constitue un nouvel appel aux dons. Avec comme slogan « Just because it isn’t happening here, doesn’t mean it isn’t happening », la vidéo met en scène ce que serait la vie d’une petite fille londonienne si un conflit similaire venait à éclater au Royaume-Uni.

Une campagne de sensibilisation avait déjà été lancée au Norvège par l’ONG SOS-Villages fin février afin de récolter des vêtements chauds pour les enfants syriens. Une caméra cachée filmait un petit garçon sous un abris-bus, grelottant sous la neige, pour observer le comportement des individus face au tragique de la situation. Mise en ligne fin février, elle a déjà plus de 13 millions de vues.

La communication peut dès lors apparaître comme une arme efficace et poignante pour réveiller les consciences et faire changer les choses.
 
Laura de Carne
Sources
SavetheChildren
LeMonde

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