Le Thigh Gap par Eleonore Péan
Société

Jacques a dit : Et mon thigh gap, tu l'aimes mon thigh gap ?

 
Le thigh gap, il y a celles qui l’ont… et celles qui le veulent. Véritable raz de marée depuis quelques mois sur les réseaux sociaux, on ne finit pas, sur la toile et ailleurs, de voir s’étaler photos, conseils, exercices minceur, mises en garde, ou encore bashing de la fameuse pratique. Chez les adolescentes, depuis plusieurs mois déjà, il est l’objectif suprême, le saint Graal. Les réseaux sociaux en sont le terrain de jeux privilégié : Facebook, Twitter, Instagram, Tumblr, Pinterest, aucun n’échappe à la vague.
Le thigh gap dans son plus simple appareil

Communément décrit comme l’écart qui sépare le haut des cuisses en position debout (les pieds joints), on pourrait le placer sans céder aux raccourcis comme le descendant glamour de la lignée pro-ana, aux côtés de ses amis #Thinspiration, #Fitspiration ou encore #Ana-mia (comprenez Anorexia-Boulimia). Seulement voilà, derrière ce thigh gap se cachent des techniques qui relèvent, disons le clairement, de la torture. Parce qu’effectivement, manger des cotons imbibés de confiture ou des glaçons pour tromper la satiété, c’est donner une toute autre dimension au mot « originalité » ; pour autant, ça n’en reste pas moins une pratique qui mériterait d’être remise en question, de par sa singulière ressemblance avec les « astuces » des pro-ana. Sur Twitter, @Chiboui a beau dire qu’ « une fille anorexique c’est horriblement moche mais le thigh gap c’est trop beau », le chemin pour y arriver reste le même. On découvre d’ailleurs avec stupéfaction sur le même réseau que certaines continuent d’arborer leur poids en pseudo, tout en martelant des encouragements… dont elles sont les uniques destinataires.

Les réseaux sociaux, des nids d’épidémies ?
Sur Internet, plus question de se comparer à ses copines ; aujourd’hui sur Tumblr, c’est avec le mannequin le plus en vue du moment que vous entrez en rivalité. Cara Delevigne, Snejana Onopka, autant de comptes Twitter qui ont de quoi faire rêver des ados complexées à l’ère numérique de l’obsession de soi. Difficile alors de ne pas faire le rapprochement entre la publication régulière de ses photos (très) personnelles et l’exhibitionnisme. Non sexuel, peut être, mais un exhibitionnisme de groupe qui ancre un mouvement et imprime sa norme au reste des utilisatrices. Parce que toutes ces photos sont autant de potentiels déclencheurs pour les non initiées. Au début, il y a une photo, un idéal peut-être, une comparaison. Puis un complexe, une humiliation, une adhésion. Une adhésion qui pour certaines se révèle adopter une maladie comme mode de vie, une vie où l’on comptabilise chaque calorie ingérée, où l’on se pèse 10 fois par jour, où l’on s’enferme dans une quête dont le moteur ne tient qu’à un nombre de followers ébahis devants les résultats, mais incapables de vous raisonner. Un programme somme toute assez ahurissant, d’autant qu’il séduit des filles de plus en plus jeunes, n’excédant pas les 11 ou 12 printemps.
Et les réactions de la plèbe dans tout ça ?
Dans les médias, la pratique se retrouve largement décriée par les médecins, qui voient en cette quête de la minceur une porte ouverte à l’anorexie mentale. Ils rappellent d’ailleurs que cet attribut dépend en réalité de la morphologie de chacune – certaines, aussi minces soient elles, ne pourront jamais obtenir le précieux écart ! –
Sur les réseaux sociaux, rien n’y fait : ni les détracteurs, ni les tentatives des plateformes d’interdire certains hashtags ou mots clés, comme #anorexia ou #thinspiration. Un engagement qui mérite pourtant d’être salué, qu’il s’agisse d’une action sociale, ou simplement de la volonté de se protéger de l’image peu valorisante qu’apporte une telle publicité. Malheureusement, ces mesures n’auront su arrêter le phénomène, Internet ayant cette précieuse faculté de donner libre champ aux opprimés sur les forums périphériques, blogs perso, ou autres espaces difficiles à surveiller.
Chez les stars, Robyn Lawley, la célèbre mannequin australienne taille 42, a tiré la sonnette d’alarme cette semaine. Elle monte au créneau alors qu’il y a un peu moins d’un an, une photo d’elle en lingerie s’est retrouvée sur une page Facebook « Pro thigh gap ». Commentaires humiliants, insultes, autant de mots inacceptables qu’elle condamne dans une interview fin octobre 2013. Elle y déclare vouloir « des cuisses plus grosses et musclées […] nous voulons toutes des choses différentes, mais les femmes ont déjà suffisamment de pression pour avoir à subir en plus la pression d’avoir un thigh gap ».

Endiguer le phénomène, mais comment ?
Face à la dangerosité d’une telle mode et surtout à la vitrine que constituent les réseaux sociaux pour la diffuser, de quels outils disposons-nous ? En 2008, pour tenter d’enrayer le courant de l’anorexie, le Ministère de la Santé a signé une charte d’engagement volontaire et d’interdiction de l’apologie de l’anorexie sur Internet, sans plus d’effet que la campagne de pub qui avait mis en scène Isabelle Caro (décédée depuis) sous l’objectif d’Oliviero Toscani. Cette campagne de sensibilisation avait suscité un vif débat (publicité retirée de l’espace public à Milan car son affichage coïncidait avec la semaine de la Fashion Week), mais sans notable changement des mentalités.
En 2010, le CNRS s’est intéressé à son tour à l’incidence du réseau social sur l’épidémie des troubles alimentaires, en effectuant une étude sociologique comparative de sujets ana-mia en France et aux Etats Unis, à travers une restitution de leurs réseaux sociaux en ligne et hors ligne, en vue de la conception de campagnes d’information et de politiques d’intervention en matière de santé publique.
Quand on sait qu’en mars 2013, The Lancet a publié une étude prônant la stimulation cérébrale profonde – en d’autres termes, des électrodes dans le cerveau – comme traitement de l’anorexie, on redoute la suite. À mode extrême, solutions extrêmes ?
 
Eléonore Péan
Sources :
L’étude de l’Institut Interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain sur la sociabilité « Ana-Mia »
TheDailyBeast – Interview de Robyn Lawley
La Nouvelle Edition du Grand Journal du 29/10
L’étude parue sur The Lancet, revue scientifique médicale britannique
Photos :
Une – Journald-unerondeastucieuse
Photo Robyn Lawley – The Daily Beast

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La colère des étudiants des Beaux Arts de Paris face au mécénat et aux donateurs privés

 
« L’École n’est pas à vendre ». Voici ce qu’on pouvait lire sur les banderoles mises en place dans la cour des Beaux Arts le 4 octobre. Les étudiants dénoncent la mise en place de politiques de mécénat sans concertation des élèves. Les faits survenus ont prouvé les difficultés de faire concilier les activités des Beaux-Arts avec les évènements organisés par différents donateurs. En échange du financement de la rénovation de l’Amphithéâtre d’Honneur, Ralph Lauren a organisé un gala où les VIP ont pu déguster des petits-fours et… déposer leurs vêtements dans un des ateliers transformés en vestiaires. Ainsi, 12 ateliers d’étudiants sur 24 ont été fermés, sans qu’ils n’aient pu s’organiser.
Si le mécénat est un des moyens fondamentaux de soutenir l’École et ses étudiants, en rénovant des bâtiments et en payant du matériel et des voyages scolaires, il permet aux entreprises de trouver des avantages communicationnels et fiscaux indéniables :
Nespresso, Lanvin ou Neuflize investissent à l’ENSBA au moyen de 60% de déduction fiscale sur la somme avancée. Plus que la défiscalisation, ces opérations s’intègrent dans une stratégie de communication bien ancrée. Ralph Lauren y voit l’occasion de s’assimiler à la culture et le luxe français, en associant ses activités au patrimoine parisien. Les entreprises mécènes attendent de leur hôte une compensation symbolique, dont ces évènements huppés accompagnent l’image fastueuse de la marque donatrice.
Or c’est l’image même de l’École que les étudiants souhaitent conserver. Ils pointent du doigt ces financements privés qui cherchent à soutenir les projets les plus voyants, sans tenir compte des véritables travaux qui pourraient être utiles à la vie de l’école. Rénover une salle somptueuse est plus « communicable » que de financer la mise en place d’une isolation performante permettant aux étudiants de mieux travailler l’hiver…
Ainsi les valeurs des donateurs pourraient être repensées, en s’adaptant plus profondément aux valeurs de leurs bénéficiaires autour d’une communication plus pertinente qu’une communication de façade.
Joséphine Dupuy-Chavanat
Sources :
Slate.fr
Lemonde.fr

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« Tweet-a-coffee », le grain de convivialité qui manquait ?

 
Starbucks, plus 17 000 coffee shops dans le monde, 50 millions de clients par semaine et 35 millions de fans sur Facebook. Si ces chiffres ont fait de Starbucks le géant du café, ils ont aussi contribué à rendre, au fil des années, la multinationale de plus en plus compétitive et de moins en moins chaleureuse.
Les adeptes d’Expresso ou de Caramel Macciato sont pour la majorité jeunes, dynamiques et surtout ultra connectés comme le prouvent entre autre les milliers de clichés inspirés que l’on peut voir chaque jour sur Instagram. Lancé aux Etats-Unis fin octobre, le service « Tweet-a-coffee » propose aux consommateurs dont la carte de crédit est enregistrée sur le site de Starbucks d’envoyer via Twitter une carte cadeau électronique de cinq dollars, en somme de twitter un café. Avec cette offre, Starbucks tente de revenir aux fondamentaux, à son cœur de cible. Elle contribue également à créer du lien, à rendre le tweet, habituellement froid et impersonnel, plus concret, plus généreux. Néanmoins les Starbucks Coffee n’étaient-ils pas à l’origine des lieux de convivialité et de partage plutôt que de simples distributeurs?
Car si la marque a bien compris qu’elle devait mettre à profit sa notoriété sur les réseaux sociaux, il lui faudra tout de même veiller à ce que les nouvelles technologies ne se retournent pas contre elle en achevant demain de rendre virtuels les liens qui nous unissaient encore hier autour d’un bon café.
 
Clémence Lépinard

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Du pain, du vin, du doliprane

 
 
Savez-vous qu’aux Etats-Unis vous pouvez demander à votre médecin exactement la marque d’antidépresseurs que vous désirez prendre ? Et si les antidépresseurs ne sont pas suffisants, vous pouvez également demander d’autres médicaments sur ordonnance par marque, pour traiter l’insomnie, l’hypertension artérielle, le diabète et les conditions cardiaques, il y a même des médicaments pour faire grandir vos cils (Latisse ©). Tous ces médicaments sont des substances règlementées, mais outre-Atlantique la publicité de médicaments sur ordonnance qui s’adresse directement aux consommateurs est autorisée et subventionnée par l’industrie pharmaceutique.
Le début de la publicité pour les médicaments sur ordonnance
Dans les années 1980, la publicité de médicaments sur ordonnance s’adressait exclusivement aux médecins parce que les compagnies pharmaceutiques considéraient qu’ils avaient la plus grande influence sur le choix de médicament du consommateur. Medicus est l’agence de publicité médicale qui a changé ce modèle. Joe Davis, publicitaire américain, et William Castagnoli, PDG de Medicus, ont introduit en 1992 des publicités qui contournaient les strictes règles de l’organisme chargé de protéger le droit du consommateur, la Federal Trade Commission (FTC).  Après une hausse des ventes de Seldane, le médicament que lequel Davis et Castagnol ont travaillé, la législation concernant les déclarations dans ce genre de publicité à changé, notamment sur deux aspects : elle a permis aux médicaments d’être mentionnés par le nom de la marque dans les publicités et a réduit les obligations de déclarations des effets secondaires. Les Etats-Unis et la Nouvelle Zelande sont les deux seuls pays au monde où la publicité des médicaments réglementée peut s’adresser aux consommateur. Il y a trois raisons pour lesquelles la loi permet ce genre de publicité, ces trois mêmes raisons expliquent aussi pourquoi elle continue à créer des revenus : la place de l’Etat et ce qu’il contrôle dans l’imaginaire américain, l’idéologie de « l’individualisme américain », et la stratégie de marque pour les médicaments.
La place de l’Etat dans l’imaginaire Américain, ce qu’il réglemente
De droite ou de gauche, pour un Américain la place de l’Etat et ce qu’il peut réglementer est bien plus réduite que pour d’autres. La rhétorique politique américaine a toujours condamné un Etat à la ‘Big Brother’, notamment avec la phrase « big government ». Tous les collégiens et lycéens américains lisent 1984, le roman de George Orwell, tout en apprenant qu’il faut se méfier d’un gouvernement qui contrôle le contenu diffusé à son peuple. Par ailleurs, la place du capitalisme dans l’imaginaire américain est très importante pour l’économie et le rêve américain. Tous ces facteurs débouchent sur une législation qui favorise la déréglementation de la publicité car il s’agit d’un outil primordial pour le capitalisme et la compétitivité sur les marchés. L’industrie pharmaceutique a profité de ces particularités sociales et politiques, mais surtout du lobbying, institution américaine datant de la création de l’Amérique et s’inscrivant dans les valeurs fédéralistes. Ainsi, les compagnies ont réussi à faire changer la législation. En témoigne cette publicité pour un médicament.
« L’individualisme américain »
Tout consommateur aime faire ses propres choix, savoir qu’il forme son opinion et ses préférences en filtrant les messages publicitaires qu’il reçoit.  L’individualisme américain va au-delà et exige que le gouvernement ne filtre pas les messages qu’il peut recevoir, même si les produits annoncés pourraient être nuisibles le consommateur veut recevoir les messages publicitaires pour faire son choix. Cet individualisme est intégral à l’identité américaine, le dit « self-made man », une des personnifications du rêve américain. Cette volonté de faire son propre choix pérennise la publicité des médicaments sur ordonnance. Même avec des publicités d’une minute (publicité pour Boniva © dans cet article), dont la moitié est dédiée à compter les nombreux effets secondaires, le consommateur américain veut faire son propre choix de médicament et surtout de marque.

La marque de médicaments
En annonçant un produit comme étant « de marque » plutôt que générique, il y a un certain besoin de validation par rapport à soi-même que l’annonceur crée chez le consommateur. C’est pour ceci que le même pull peut coûter 20€ ou 100€ en fonction de la marque, et pourquoi le consommateur est prêt à payer un prix plus élevé pour rationaliser son achat.  Or, ce concept peut très bien être appliqué aux médicaments et c’est pour cela que ceux qui ont fait l’objet d’une publicité directement auprès du consommateur sont plus chers que les médicaments génériques. Vicodin ©, Prozac ©, Adderall ©, Lunesta ©, Lipitor ©, Abilify © et tant d’autres sont des noms commerciaux pharmaceutiques bien connus aux Etats-Unis. Pourtant ce sont des médicaments assez forts : de l’hydrocodone, des amphétamines et d’autres substances qui se vendraient moins si elles étaient annoncées comme telles. C’est donc le positionnement qui fait le succès de ces marques ; souvent, les publicités font des déclarations telles que « n’est pas disponible en générique » (publicité Lipitor ©dans cet article) pour établir leur supériorité par rapport aux médicaments qui ont dépassé leur brevet et sont donc moins cher mais ont le même effet.
C’est donc un particulier mélange d’idéologies politiques, sociales et d’identité qui permet aux compagnies pharmaceutiques d’annoncer leurs médicaments avec tant de succès. C’est un phénomène isolé dans le monde développé, mais très lucratif. Le secteur de la publicité des substances réglementées était estimé à 4,3 milliards de dollars en 2009. Cette même année l’américain consommait en moyenne 5 médicaments d’ordonnance en plus qu’en 1992. Depuis, il y a eu des initiatives pour réduire ces publicités, et aujourd’hui elles sont diffusées surtout pendant les horaires nocturnes. Néanmoins, elles sont très présentes et une grande source de revenus pour l’industrie de la publicité et des produits pharmaceutiques.
 
Miguel Rayos
Sources
USAToday
FDA
FDA
NPR

Société

Va-t-on bientôt pouvoir tweeter son décollage?

 
Grande nouvelle pour les Américains : la FAA (Federal Aviation Administration) a rendu hier son verdict quant à une question qui se posait depuis quelques temps déjà. En effet, il sera désormais possible pour les passagers empruntant les compagnies aériennes américaines de pouvoir utiliser leur smartphone ou autres appareils électroniques (ordinateurs portables exclus) pendant le décollage et l’atterrissage de l’appareil.
Alors, pure magnanimité ou concession face à la pression de certains ? Pour beaucoup de consommateurs mais surtout pour les chefs de file du lobbying des fabricants d’électronique américains comme le géant Amazon, c’est une véritable avancée qui présente de nombreux avantages après tant d’années passées à tester la dangerosité de la chose en faisant, par exemple, « décoller des avions remplis de Kindle ». Finie, en effet, la frustration ressentie par les passagers ne pouvant pas utiliser ces appareils pendant le vol qui peut s’avérer long et ennuyeux.
Le fait qu’une telle contrainte soit à présent levée à des moments si anxiogènes représente un événement marquant qui présente toutefois quelques limites. S’il sera progressivement possible d’envoyer des fichiers par Bluetooth ou encore de jouer à des jeux, difficile cependant d’imaginer pouvoir utiliser Internet. De plus, il s’agira tout de même pour les passagers de se cantonner au mode avion, et de devoir accepter le fait que leur batterie se vide à une vitesse record.
Il n’est donc pas venu le temps des profils Facebook mis à jour en direct de la piste d’atterrissage.
La question reste à savoir pour combien de temps encore ?
 
Camille Gross

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Gleeden : l'affiche de trop ?

 
Effet collatéral du débat sur le mariage pour tous ou goutte d’eau rhétorique qui fait déborder le vase communicationnel ? Toujours est-il que le métro est depuis quelques jours le terrain d’une fronde discrète mais répétée contre la dernière affiche publicitaire pour le site de « relations extraconjugales » Gleeden.

Ce n’est pourtant pas la première campagne d’affichage du site Gleeden. Loin de là. Jouant sur une argumentation audacieuse et volontairement provocatrice, le site de rencontres extraconjugales s’est fait une spécialité de la rhétorique trompeuse (et du faux syllogisme) qui prend ses libertés avec la morale et donc avec le discours rationnel : voir article précédent.  En affichant « C’est parfois en restant fidèle que l’on se trompe le plus », le site est ainsi dans la droite ligne de ses affichages passés. Mieux encore, la campagne actuelle avait déjà fait l’office d’un affichage il y a quelques mois qui était parfaitement resté épargné et intact :

La question est donc : pourquoi une réaction aussi massive maintenant ?
Première hypothèse : la saturation
En parlant de saturation, il s’agit d’abord d’évoquer le fait que, dans sa logique communicationnelle simpliste, Gleeden est actuellement en passe de devenir une sorte de modèle énonciatif. De sorte que même absente, Gleeden est,  comme par effet de persistance rétinienne, omniprésente ; la « marque de fabrique » Gleeden s’est imposée à une très grande diversité de concurrents, d’abord, et d’annonceurs totalement différents, ensuite.

En renouant avec la simplicité d’un message purement verbal et d’un spectacle strictement typographique, le site de rencontres a inspiré la plupart des marques récentes qui désirent s’afficher avec l’efficacité d’un discours direct et « petit malin ». Citons, entre de nombreux exemples actuels (Acadomia, Skyn, etc.), le cas de la marque Espace Loggia :

En mettant au cœur de son argumentaire le principe du contrepied rationnel et raisonnable, Gleeden a produit ce que les gourous de la communication appellent un effet « disruptif ». En jouant avec le motif paradoxal de la rupture du contrat moral, marital et énonciatif, la marque adultérine est devenue le parangon de la vertu publicitaire la plus élémentaire, qu’on pourrait dès lors nommer la « disrupture ».
De sorte que la marque s’est ainsi banalisée. Et, pourtant, c’est bien cette dernière campagne plutôt anodine au vu des précédentes, qui semble la plus provocante si l’on en juge par l’intensité et la répétition des réactions des divers usagers du métro qui se sont en quelque sorte mis à répondre à l’incitation à la débauche de l’affiche en la dégradant plus ou moins systématiquement. Dans la plus stricte tradition des mouvements antipub, les affiches pour Gleeden se voient « barbouillées », mutilées ou détournées.
Pour quelques phrases inscrites à même les « faces » publicitaires achetées à la régie de la RATP du style « La fidélité est la victoire de l’amour sur l’instinct », la plupart des réactions des passagers sont directement adressées au matériel et au support de Gleeden.
Au sens propre, ces réactions sont épidermiques et cherchent à décoller l’affiche comme on arrache la peau d’un cadavre ou comme on arrache un plan de maïs transgénique.
Deuxième hypothèse : le contexte « sociétal »
La deuxième lecture possible de cette manifestation d’exaspération publique pourrait se trouver dans l’atmosphère encore chargée des lourds débats que nous venons de vivre autour de la question amoureuse et de sa traduction institutionnelle et sociale en termes de mariage. Malgré les dissensions, le débat sur le « mariage pour tous » convergeait finalement dans la célébration de la valeur symbolique (qu’elle soit religieuse, politique ou sociétale) d’un rite collectif reconnu et désiré. Or, Gleeden n’a pas seulement donné ses lettres de noblesse à l’adultère ; il a également joué avec le motif de la duplicité. La dernière campagne d’affichage flattait un au-delà du mensonge et de la tromperie : le parjure.

Pomme croquée, doigts croisés derrière la robe de mariée, regard oblique et rouleaux de cheveux éployés : tous les signes sont là pour construire la scène originaire de la « pensée de derrière ».
Plus généralement, cette mise en scène du parjure peut renvoyer également au contexte de défiance politique que les cas exemplaires récents de DSK, de Jérôme Cahuzac, ou de Gilles Bernheim ont fait éclater toute cette année au contre-jour du faux aveu médiatique.
Troisième hypothèse : un excès de communication traversière
La dernière hypothèse que nous voudrions avancer est d’ordre médiatique et renvoie au choix du dispositif de communication de cette dernière campagne. A la différence des grandes affiches placardées sur les murs des quais du métro, Gleeden a fait, cette fois-ci, le choix d’un emplacement plus accessible et plus modeste : les escaliers du métro. Or, toutes ces petites affiches, nous les croisons quotidiennement sans forcément les voir : autrement dit, nous les voyons de manière « traversière ».

Gleeden est peut-être alors tout simplement victime du fameux « esprit d’escalier ». A savoir : une prise de conscience après-coup, c’est-à-dire après l’effet de sidération face à ses premières campagnes, de la nature fallacieuse d’une argumentation qui affiche sa prétention à incarner un progressisme de façade. Tout ceci fait que c’est, en définitive, peut-être là dans le métro que l’on trouverait en 2013 la forme la plus réellement « interactive » de la « participation » que l’on met tellement en avant dans les discours actuels des autres médias. Sous forme discrète et passante, le débat se joue en ce moment dans ces petits gestes discrets, qui n’ont cependant rien à envier aux clics ou aux tweets.
Il reste que, si, comme le disait Georges Clémenceau, le meilleur moment de l’amour, « c’est quand on monte l’escalier », il semblerait qu’en matière d’affichage disruptif, cela ne produise pas toujours le même effet…
 
Olivier Aïm

Société

Sophia Aram, rien ne va plus pour France 2

 
Le talkshow, animé par l’ex chroniqueuse de France Inter, est un fiasco. Dans sa longue chute aux enfers, l’émission entraîne outre un bashing acharné contre la personne de Sophia Aram, un coût très significatif pour France 2.
D’abord en direct, puis enregistré durant l’après-midi et remodelé à maintes reprises. Cela ne suffit toujours pas pour faire de ce talkshow « hybride », hésitant entre un stand-up amateur et une revue d’actualité bâclée : l’Access prime time espéré de cette rentrée 2013.
Les 943 000 téléspectateurs du 16 septembre, première de l’émission, se retrouvent en cercle restreint un mois plus tard à 386 000.
Comble de malchance ? Erreur de casting ? Irresponsabilité du Directeur de l’antenne et des programmes, Philippe Vilamitjana qui a été limogé cette semaine ?
L’inquiétude est telle que certains accusent cette émission d’être à l’origine d’un effet domino, entrainant une baisse d’audience jusqu’au journal de 20h.
Une situation financière délicate :
Cette inquiétude est d’autant plus légitime, qu’avec la suppression de la publicité après 20 heures, ce créneau est plus que stratégique pour France 2. L’Access prime time rapporte habituellement à France 2 près de 30% de ses recettes publicitaires.
Mais, depuis le désastre entrainé par l’émission de Sophia Aram, le compte n’y est plus. Ainsi, alors que TF1 se targue de vendre les 30 secondes de publicité après son Access prime time entre 14 400 et 26 800 euros, à la même heure sur France 2 le prix est au rabais, entre 4 900 et 7 400 euros.
« France Inter, ce n’est pas la France »
Sophia Aram propulsée comme anchorman de ce talk-show « à la française » ne semble pas être autant à l’aise que lorsqu’elle était chroniqueuse sur France Inter.
Vous vous souvenez ? Le bon temps où elle pouvait médire sur le Tout-Paris, et faire de ses lynchages radiophoniques une tribune personnelle, ce temps est désormais révolu.
Tout comme la radio, la télévision demande une expérience bien particulière afin de capter son public. Il faut faire preuve d’adaptabilité, gage de durée, mais surtout de succès. Et c’est bien là où Sophia Aram a failli à sa mission, comme le rappelait Laurent Ruquier « France Inter ce n’est pas la France, c’est à dire que France Inter, c’est Télérama, les Inrocks … A France 2 il faut pouvoir toucher un public beaucoup plus large ».
L’irresponsabilité de France 2 :
« Le bashing » que connaît Sophia Aram est justifiable et ce n’est pas pour déplaire à certains, l’arroseuse est enfin arrosée. Cette dernière est pourtant loin d’être la seule fautive. Anne Roumanoff avait déjà échoué l’année dernière sur le même créneau horaire. La candidature de Sophia Aram a été retenue après un grand nombre de refus de la part entre autres de Stéphane Bern, Ariane Massenet ou Flavie Flament.
Pourquoi un tel choix, de la part du désormais ex Directeur de l’antenne et des programmes, Philippe Vilamitjana ? A l’heure où l’ambiance est plus à la « planification », afin de répondre aux contraintes financières qui s’imposent à tous les opérateurs publics.
Combien ça coûte :
D’après l’Observatoire des subventions, l’émission couterait par semaine 70 000 euros, avec un contrat représentant 14 millions d’euros pour la société de production Morgane. Cependant, il existe une clause de sortie si l’émission ne rencontre pas son public. Cette clause de 3 à 6 mois impose une indemnité à la société de production qui s’élèverait aujourd’hui à 50%, de dédommagements sur le contrat initial, soit 7 millions d’euros selon le syndicat de l’audiovisuel public. Un montant exorbitant, surtout lorsqu’il s’agit de nos deniers publics !
Là où la télévision devrait divertir, c’est un échec. Là où le service public devrait être performant et doublement exemplaire sur ses investissements, c’est raté.
Dites « Stop ou encore » :
Cette semaine vient d’être nommé un nouveau Directeur de l’antenne et des programmes Thierry Thuillier, excellent professionnel de l’information, mais saura-t-il relever le défi d’une grille des programmes digne de l’audiovisuel public ?
A savoir plus proche de la ligne éditoriale de la BBC avec des programmes de qualité et de divertissement. Comme avait su le faire avec talent l’ancien Président de France Télévision et présentateur de «  Des Racines et des ailes », Patrick de Carolis. Il est nécessaire pour France 2 de s’éloigner de ces talk-shows « délirants » dignes de la télévision italienne.
Cher Monsieur Thuillier, outre le désastre financier qu’elle engendre, cette émission ne redonne pas le moral aux français, il est encore temps de réagir ! Comme le rappelait, si justement, Georges Pompidou, « arrêtons d’emmerder les Français » ! Faites ce geste de salut public : Dites « Stop ou encore ».
 
Romain Souchois
Sources :
Europe 1
Le Monde
L’Observatoire des subventions
Le Parisien
Photo à la Une :
Le Huffington Post

Culture

Banksy, ou l'art sur une frontière.

 

Banksy est certainement le street-artist contemporain le plus médiatisé de ces cinq dernières années. Bien que son identité soit entourée de mystère (il serait anglais et né en 1974 d’après Wikipedia), ses moindres faits et gestes artistiques disposent d’une couverture médiatique ahurissante, tel la Une du New-York Post la semaine passée. Bien peu d’artistes contemporains peuvent se targuer d’une si grande reconnaissance publique. Souvent adulé, parfois détesté, Banksy semble être le modèle de l’artiste d’aujourd’hui : people mais caché, underground mais pop, illégal mais moralisateur.
Cependant, ses derniers travaux new-yorkais n’ont-ils pas montré de façon définitive les limites du travail de cet homme évoluant toujours à la frontière de ce qu’il dénonce : le consumérisme et la bien-pensance ?
Depuis un mois, Banksy navigue dans New-York au gré de ses projets artistiques et dévoile quotidiennement une nouvelle « œuvre » sur un blog (http://www.banksy.co.uk/) ouvert à cette occasion. Le nom du projet ? « Better out than in », mettant ainsi en exergue de nouveaux travaux de rue. Un « happening » de cette résidence new-yorkaise m’a interpelé et a accaparé les médias la semaine dernière : près de Central Park, un homme d’un certain âge proposait sur son stand des toiles authentiques et signées de Banksy au prix dérisoire de 60 dollars. Le stand semblait tout à fait commun et aucune communication particulière n’était faite pour le promouvoir. Le consommateur ne savait plus si les œuvres vendues étaient vraies ou non, et s’en voyait décontenancé. L’artiste anglais publia sur son blog le lendemain de cette opération une vidéo dans laquelle il divulgua les dessous de cet évènement et reconnut être à l’origine des toiles.
Banksy a toujours souhaité dénoncer les affres du capitalisme, du communautarisme, de la guerre, de la marchandisation du monde. Il souhaite ici montrer du doigt toutes les stratégies de communication qui entoure les grands évènements artistiques récents et qui, selon lui, créent des buzz factices, détournant le public des véritables qualités artistiques des travaux qu’ils vont voir. Le peu d’œuvres vendues (malgré leur prix dérisoire) sur le stand de Central Park semble corroborer son analyse, montrant que l’absence de communication n’a pas permis une vente qui aurait pu être historique.
Il est vrai que le marché de l’art est un marché d’influence, de bulles spéculatives créées artificiellement par d’importantes galeries ou par d’importants acheteurs qui orientent et guident le marché au travers de grands évènements et de grandes campagnes de communication. Cependant, ce constat est vrai pour tout marché, et la nécessité de communiquer vaut pour tout produit, même culturel.
Banksy souhaite t-il alors dénoncer la marchandisation de l’art ? Il a lui-même profité de ce mouvement en vendant certains de ses travaux lors d’expositions au « buzz » parfait, dans lesquelles le « tout Los Angeles » s’est précipité. Officiellement, les fonds ainsi récoltés lui permettent de conserver sa liberté artistique. Banksy avance alors dans un flou certain, sur la ligne jaune entre dénonciation de la marchandisation et le « marchandising » du monde artistique dont il a profité. Les arts de rue sont désormais tombés dans la culture populaire, et dans un monde de marchandisation. Banksy a été l’un des chefs de file de ce mouvement, et a ouvert les portes des galeries d’art à toute une génération de street-artists.

Banksy déclare vouloir « Faire de l’art sans prix ». Il propose alors sur un stand new-yorkais ses œuvres à une somme misérable face à celle du marché, et ne communique pas dessus. Mais alors, pourquoi publier le lendemain une vidéo montrant le stratagème et faisant, de facto, augmenter le prix des œuvres ? Pourquoi ne pas taire cette information et laisser l’art pour l’art, lui qui souhaite sortir la culture du système marchand ? En le dénonçant, il l’encourage.
Banksy, vous ratez l’évident : l’art qui n’a pas de prix, c’est l’art de la rue, celui qui se trouve sur les murs des immeubles. Stoppez le travail que vous fournissez sur toiles. Ce sont vos tags qui ne disposent d’aucune valeur marchande. C’est ce travail qui rend unique vos pochoirs reproductibles puisqu’il se crée en situation, dans un lieu particulier, dans des conditions particulières. C’est cela l’art de rue : un art de l’éphémère mais de l’unique, qui parle sans stratégie de communication ni murs prestigieux de galeries ou d’institutions. Banksy, si vous souhaitez faire vivre l’art hors de la marchandisation, contentez-vous de faire de l’art sur les murs, et cessez d’utiliser votre talent sur des supports qui ne sont pas les vôtres.
Adrien Torres
Sources
Nouvelobs.com
Banksyny.com

Politique

"My friends call me Batman"

La double vie d’un collaborateur d’Obama sur Twitter.
Un haut responsable de l’administration Obama a été démis de ses fonctions le 23 Octobre dernier pour avoir proféré des insultes à l’encontre des membres du gouvernement sur un compte Twitter anonyme. Depuis 2011, Jofi Joseph, responsable de la lutte contre la prolifération nucléaire et membre de l’équipe en charge des négociations avec l’Iran autour des armes nucléaires, tweetait régulièrement sous le pseudonyme @natsecwonk, n’hésitant pas à critiquer ouvertement la politique de la maison blanche ou même à divulguer des informations internes sur l’administration Obama. « My friends call me Batman », avait-il tweeté, narguant les services de sécurité lancés à sa recherche.
Egalement soupçonné d’avoir ouvert un second compte anonyme, @dchobbyist, sur lequel il publierait cette fois-ci des commentaires sur ses recours aux services de prostituées, Jofi Joseph, a finalement avoué les faits avant de s’excuser auprès de ses collaborateurs et de déclarer :« ce qui avait commencé comme une parodie de la culture de Washington est devenu un ensemble de commentaires déplacés et mesquins. J’endosse la responsabilité totale de cette affaire et je présente mes sincères excuses à tous ceux que j’ai insultés ».
A l’heure où certains supérieurs hiérarchiques n’hésitent plus à licencier leurs employés pour des discussions sur Facebook, cette affaire aux apparences de simple scandale politique fait pourtant ressurgir une problématique récurrente. Entre parole publique et échange à caractère privé, la prise de parole sur les réseaux sociaux ne bénéficie pas encore d’un statut clairement défini. Il est donc légitime de se demander où se situe aujourd’hui la frontière entre ces deux statuts autrefois clairement dissociables.
 
 
Amandine Verdier

les dieux du stade
Publicité et marketing

Zoom sur… le calendrier des Dieux du Stade

Il s’agit désormais d’une tradition : tous les ans, au mois d’octobre, le calendrier des Dieux du Stade s’invite dans les librairies. Il met en scène des sportifs, principalement des rugbymen, et leur plastique très avantageuse et avantagée par toute une série de lumières et positions particulières.

Cette esthétique est présente depuis sa création en 2001, sous l’égide de Max Guazzini, co-fondateur de la radio NRJ et à l’époque président du Stade Français, club de rugby de la capitale. Ce lancement controversé du fait de la nudité présentée faisait alors partie d’une stratégie plus large, visant à donner une splendeur nouvelle au club parisien. C’est par la suite que sont introduits les fameux maillots roses, déclinés jusqu’à aujourd’hui sous plusieurs formes, allant des éclairs aux fleurs en passant par l’incrustation des visages dessinés de Blanche de Castille ou de Dalida. De même, les matchs délocalisés au Stade de France permettent de créer un véritable engouement par des places dès 5 euros et des animations précédents les matchs (pom pom girls, concerts, arrivées mystères du ballon).
Tout ceci vient à la suite de la création du calendrier, pour en renforcer le but premier : faire venir un public parisien difficile à fidéliser mais aussi de manière plus concrète, générer de nouveaux revenus à investir dans le domaine sportif.
La volonté première se concentre alors bien autour de la question du public. Le rugby venant de se professionnaliser en 1995, le calendrier vient accélérer une nouvelle image de ce sport, souvent perçu comme brutal. La dimension esthétique de ce travail attire un public porteur de ce genre de préjugés sur le rugby. La cible principale est évidemment féminine, par la présentation des corps nus des rugbymen et le geste caritatif opéré à l’achat du calendrier, car une partie des revenus est reversé à des associations précédemment choisies. Le rugbyman devient alors une figure plus aseptisée, qui attire plus facilement les projecteurs. L’acheteur du calendrier est convié à voir le rugby côté coulisses, hors des terrains. A partir de 2004, il peut le voir de façon encore plus privilégiée avec la sortie du dvd making-of du calendrier, qui donnera une véritable renommée au calendrier lui-même.
Cette plongée dans les vestiaires séduit ainsi de plus en plus d’acheteurs, si bien que les ventes oscillent entre 150.000 et 200.000 unités selon les années. La publication du calendrier s’accompagne d’une campagne de promotion souvent efficace, relayée notamment à la télévision et à la radio, avec des joueurs qui viennent pour en parler.
Parfois même, c’est une polémique ou un étonnement général qui permet de faire la promotion du calendrier. C’est par exemple le cas lorsque d’autres sportifs viennent se mêler aux rugbymen à partir de 2004, ou lorsqu’en 2013 une femme, Sophie Hélard (danseuse au Crazy Horse) fait son apparition en arrière-plan. Le caractère érotique des photos fait également partie du débat à plusieurs reprises, notamment en 2008 lorsque le photographe Steven Klein choisit des poses ambigües, jugées trop suggestives avec notamment l’utilisation presque systématique de chaines.
Au contraire, l’édition 2014 ne soulève pas de scandales, l’esthétique est même décrite comme « un peu mystique » par Fred Goudon, le photographe de cette année. La publication du calendrier de cette année se fait même dans un certain anonymat. Seuls quelques médias ont mentionné sa sortie, ce fut le cas par exemple avec un rapide reportage dans la rubrique Culture & vous sur BFM TV. Cette tendance s’était déjà amorcée depuis quelques années, depuis la démission de Max Guazzini en 2011. Thomas Savare, nouveau président du club, n’a pas le même goût que son prédécesseur pour le spectacle et la provocation, mais surtout, le club n’a plus la même aura. Les performances ne sont plus véritablement au rendez-vous, et ils sont obligés de jouer au stade Charléty pendant les travaux de leur stade Jean Bouin. Les matchs ne font plus véritablement recette, le public ne se déplace pas.

Cet ensemble de paramètres poursuit un certain détachement au niveau de l’image entre le Stade français et son calendrier des Dieux du Stade, qui existe désormais comme une entité presque entièrement distincte.
Ainsi cette année, les stars du calendrier sont plutôt Nicola Karabatic, handballeur ou Olivier Giroud, footballeur, bien plus connus que les rugbymen qui y participent, comme Julien Dupuy, Jules Plisson ou Hugo Bonneval. La couverture est tout de même assurée par un joueur du Stade Français, Scott Lavalla l’année dernière et Alexandre Flanquart cette année, et la photo de profil du compte facebook des Dieux du Stade représente toujours les trois éclairs symboles du club parisien, mais en noir et doré, et non pas en rose et bleu. Il faut dire que le Stade Français a choisi de plus communiquer sur son nouveau stade Jean Bouin, pour attirer plus de spectateurs autour de l’élément central de leur activité : le rugby. Il replace de fait le calendrier comme un produit dérivé au même titre que les maillots et n’en fait plus une actualité directement liée au club. Cela reste tout de même un évènement, concrétisé par une soirée « people » au Motor Village des Champs Elysées le 10 octobre dernier, mais la promotion du calendrier n’est plus la même, elle a évolué avec la notoriété grandissante du rugby, qui n’a plus forcément besoin de cette vitrine, et avec les changements connus par le stade français. Le rugby s’est en effet suffisamment ouvert sur un public plus varié, de plus en plus de femmes viennent voir des matchs en s’intéressant réellement au jeu. Il semble bien que le calendrier des Dieux du Stade en devenant progressivement un rituel se détache donc en partie de son objectif principal pour devenir principalement un objet esthétique, dont le succès perdure chaque année.
 
Astrid Gay
Sources :
Le Figaro
Stade.fr
La page Facebook des Dieux du Stade