Politique

Le Qatar ou l'art de séduire

 
Le Qatar peut se flatter d’avoir réussi à jeter un voile opaque et duveteux sur sa politique intérieure.
Mohammed Aj-Jami, alias Ibn al-Dhib regrette probablement à l’heure actuelle de n’avoir pas saisi plus tôt la supercherie savamment orchestrée par cette petite nation du Golfe Persique. Arrêté en novembre 2011, condamné à la prison à perpétuité en novembre 2012 pour « atteinte aux symboles de l’état et incitation à renverser le pouvoir » suite à l’écriture d’un poème exprimant son désir d’assister un jour à une propagation du printemps arabe jusqu’aux monarchies du Golfe, il sera finalement condamné à quinze ans de réclusion par la Cour de cassation de Doha en ce 22 novembre 2013. Paradoxal dans un pays ayant fait l’apologie  de ce même printemps arabe me direz-vous ? Effectivement. Mais cette frasque ne fait que faire écho à de nombreux autres écarts régulièrement commis par le Qatar : participation active avec les autres pays du Conseil de Coopération du Golfe à la création d’un test médical visant à détecter l’homosexualité afin d’empêcher la présence d’émigrés homosexuels sur leur territoire ; mais aussi implication dans de nombreux scandales dits « d’esclavage moderne », ayant notamment donné lieu à la publication le 17 octobre d’un rapport de la Walk Free Foundation affirmant qu’entre 4000 et 4500 personnes étaient actuellement réduites en esclavage moderne dans ce pays. N’oublions pas non plus que cet émirat est aussi le plus grand émetteur au monde de CO2 par personne.
En dépit de tous ces dysfonctionnements internes, les relations entre les grandes puissances européennes comme la France ou l’Allemagne et le Qatar semblent cependant n’avoir jamais été aussi bonnes. François Hollande, lors d’une visite officielle à Doha en juin 2013 qualifia ainsi la relation de son pays avec celui de l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani de « relation de confiance, de transparence et de réciprocité. ». C’est à peine pourtant si une quelconque tonalité de réprobation pu être décelée lorsque le porte-parole du quai d’Orsay affirma que la France enjoignait les autorités quatariennes de manifester un « geste de clémence » envers Mohammed Aj-Jami et rappela « l’attachement de la France à la liberté d’opinion et d’expression ».
On ne compte plus en outre les accords commerciaux passés entre le Qatar et les pays européens. A titre d’exemples, mentionnons simplement le fait que depuis 2011 le Qatar soit le premier actionnaire de Lagardère, détenant ainsi plus de 12% de son capital ; l’entrée en octobre 2013 de fonds qataris dans le capital de Volkswagen ; ou encore la première place du Royaume-Uni sur la liste des pays récepteurs de capitaux en provenance de l’émirat. De manière plus générale, rappelons également que la monarchie du cheikh Al-Thani a même été choisie pour accueillir la Coupe du Monde de football de 2022.
Comment expliquer alors cette séduction que semble exercer le Qatar sur les pays européens ?
Outre des motifs économiques évidents –l’Europe ne pouvant se permettre de refuser des capitaux étrangers en cette période de crise-, il se trouve que de nombreuses stratégies de communication furent successivement mises en place par le Qatar afin d’apparaître comme un pays moderne et résolument disposé à resserrer ses liens avec les pays européens.
La première innovation communicationnelle de génie du Qatar fut ainsi de créer en 1996 la chaîne de télévision Al-Jazeera, chaîne ayant aujourd’hui le plus haut taux d’audience au sein du monde arabe (25.23 millions de téléspectateurs en moyenne). On constate en effet que depuis sa création, Al-Jazeera semble avoir toujours eu pour vocation de servir de tribune de contestation, allant jusqu’à s’enorgueillir d’avoir activement participé au « Printemps arabe », notamment via la retransmission en direct des soulèvements. L’accueil par la chaîne des  Doha Debates depuis 2011 – sorte de shows à l’américaine retransmis notamment par la BBC au sein desquels sont traités les sujets les plus controversés au sein du monde arabe – semble s’inscrire dans cette même lignée, le paroxysme de la supercherie étant toutefois atteint dans le fait que ces fameux débats soient victimes de la censure au Qatar.
Les incessantes tentatives du Qatar pour apparaître comme un pays favorable au développement des arts et de la littérature semblent également destinées à courtiser les pays occidentaux et à masquer sa propre politique intérieure. On remarque ainsi d’une part que de nombreux artistes européens -tels que Plantu- ont déjà reçu différents prix de la part de d’instances qataris, et d’autre part que les codes adoptés par le Qatar dans son développement culturel suivent bien plus une logique d’occidentalisation qu’une logique de modernisation accompagnée d’un respect des traditions et coutumes. La Cheikha Mozah bint Nasser al-Missne, mère de l’actuel émir, joue ainsi un rôle emblématique à ce sujet, notamment dans le domaine de la mode, le caractère typiquement occidental de ses tenues lui ayant ainsi par exemple valu d’être nommée deuxième femme la mieux habillée du monde par le magazine américain Vanity Fair en 2011. Il parait également intéressant de souligner qu’Al-Jazeera propose depuis quelques années un service d’e-learning destiné aux étrangers désireux de se perfectionner en arabe.
 S’il est un véritable Janus des temps modernes, il s’agit donc bien du Qatar.
Héloïse Lebrun-Brocail
Sources
Lepoint.fr
expressiondz.com
courrierinternational.com
Lefigaro.fr
Bloglemonde.fr
Nouvelobs.com

Société

BlackBerry Messenger : le coup de com de la dernière chance

 
Et non, aujourd’hui on ne parle plus de la chute du géant BlackBerry, mais du buzz inattendu de la firme canadienne qui a annoncé le lancement de son application BBM (BlackBerry Messenger) disponible pour les Smartphones Androïd et IPhone. Après un premier essai raté en Septembre, le constructeur a annoncé la reprise de son application avec plus de 10 millions de téléchargements en seulement 24h.

Les internautes n’ont pas eu à se faire prier pour prendre part à ce démarrage en force. Sans prévenir, les pages Facebook et autres fils d’actualité ont été envahis de postes pin BBM provoquant chez les internautes cet étrange sentiment de déjà vu. Sur Twitter, chacun y va de son commentaire critiquant tour à tour l’inutilité de l’application pour les téléphones androïdes et iPhone disposant déjà d’une quantité de messageries instantanées, ou encore  l’illégitimité du retour de BlackBerry considéré  comme dépassé.
Bien qu’au cœur des discussions, la firme canadienne n’aurait-elle pas vendu son âme au diable en voulant élargir sa communauté ? Les plus déçus sont les fidèles de la marque qui se voient désormais dans l’obligation d’ouvrir leurs  portes à de nouveaux utilisateurs de BBM appartenant à la concurrence. Néanmoins, malgré la critique dominante et le mécontentement général, chacun cède progressivement au mouvement et de plus en plus nombreux sont les adhérents.
Avec ce coup de com, il semblerait que BlackBerry soit revenu au devant de la scène. Mais malgré ce vent de fraicheur, l’avenir se présente incertain.
 
Filipine Guyonnaud

Société

Jacques a dit : Stop au massacre de la presse écrite

 
Tout commence en Juillet dernier, lorsque la Commission Européenne décide de ne pas renouveler l’appel d’offres pour la gestion du site multilingue Presseurop.eu qu’elle finance entièrement. En 2009, Courrier International avait contribué à la création de ce site unique en son genre[i], et en avait la gestion depuis 5 ans. C’est ce manque-à-gagner pour le magazine estimé à 2,5 millions d’euros par son président Antoine Laporte (soit 10% de son chiffre d’affaire) qui a entraîné, le 10 octobre dernier, l’annonce d’un plan de licenciement.
11 journalistes étaient dédiés au site Presseurop.eu au sein de la rédaction mais, sa fermeture[ii] ayant eue des conséquences sur le groupe tout entier (selon Antoine Laporte), 26 postes seraient concernés au total, correspondant au tiers de l’effectif du magazine, tous services confondus.
Pourtant, Courrier International est loin d’être mort : même si les ventes au numéro ont enregistré une baisse de 17% fin septembre 2013 par rapport à septembre 2012, le nombre d’abonnés est en hausse (+ 120 000 environ). Quant aux abonnés purement numériques, leur nombre a fait un bond de plus de 40% sur un an, atteignant le chiffre de 7000. Par ailleurs,  Antoine Laporte lui-même reconnait que « le journal est en bonne santé, les abonnements sont en hausse, la publicité est dans les clous du marché » et que « côté numérique, la publicité et les abonnements sont en croissance ».
Alors, pourquoi une telle décision a-t-elle été prise? Aucune annonce officielle n’est venue clarifier la position de la direction (rappelons que le magazine appartient au groupe Le Monde) malgré la grève générale qui a conduit à l’absence en kiosque d’un des derniers numéros (daté du 17 octobre). Cela faisait 23 ans que ce n’était pas arrivé ! Le mouvement de protestation a également conduit à la paralysie du site Internet ainsi que des comptes Twitter et Facebook de l’hebdomadaire pendant quelques jours.

Les fidèles du magazine se sont pourtant mobilisés en masse : des groupes de soutien ont été créés sur Facebook (10 000 « like » pour le plus important), des illustrations ont été envoyées par des dessinateurs du monde entier, et un hashtag dédié a même vu le jour sur Twitter (#SauverCourrier).
On pourrait rétorquer qu’il faut, pour qu’un journal payant puisse continuer à exister, qu’il apporte un point de vue, un commentaire ou un ton véritablement novateur sur l’actualité par rapport aux gratuits. Or, quel autre journal est mieux placé pour le faire que Courrier International? Pour le moins atypique dans le paysage médiatique français, il a la particularité de traduire et regrouper des articles issus du monde entier. Unique en son genre, il permet ainsi aux lecteurs d’adopter un point de vue différent sur des sujets pourtant actuels, tout en quittant l’actualité franco-française rabâchée dans le même temps partout ailleurs. Les salariés ne sont plus en grève depuis le 22 octobre dernier, même si aucun compromis ne semble avoir été trouvé.
Quelques jours plus tard, l’on apprenait grâce à l’AFP que Lagardère Active souhaite se séparer d’une dizaine de titres (dont Be, Auto Moto, Campagne et Décoration, Le Journal de la Maison, Maison & Travaux, Mon Jardin Ma Maison, Psychologies Magazine, Union, Première et Pariscope) pour recentrer son activité autour de ses marques phare : Elle, Paris Match et Télé 7 Jours entre autres. Ici, le chiffre fait froid dans le dos : 350 emplois sont menacés, puisque les magazines qui ne seront pas repris seront purement et simplement supprimés. Cette annonce a été suivie par une grève générale et à un arrêt de travail de la part des salariés, qui pourrait également mener à l’absence de certains titres en kiosque. Rappelons que Lagardère Active est le premier groupe de presse magazine en France et qu’il a réalisé en 2012 un chiffre d’affaire de 1,014 milliards d’euros.
Les hebdomadaires comme Courrier International et les magazines ne sont pas les seuls touchés, puisque Ouest France, premier quotidien national (avec 750 000 exemplaires) prévoit également de procéder à plus d’une centaine de suppressions de postes, sous forme de départs volontaires.
Toutes ces annonces s’inscrivent dans un contexte devenu malheureusement bien connu, puisqu’on parle de « crise de la presse » française mais aussi européenne –The Guardian, El Pais ou encore Frankfurter Rundschau sont en grande difficulté. Ainsi, il existait 30 quotidiens français jadis, il n’en reste que 7 aujourd’hui (avec la disparition l’année dernière de France Soir et de La Tribune).
Il faut donc plus que jamais nous interroger sur la nécessité de trouver un nouveau modèle économique viable pour l’ensemble de la presse écrite, quelle que soit sa périodicité. Les investissements doivent être nombreux : Ouest-France met actuellement en place un « laboratoire » d’une dizaine de personnes qui sera en charge du lancement de nouveaux produits sur la toile. Le quotidien souhaite aussi créer une « newsroom », afin que les informations puissent être reçues et circuler plus rapidement : la notion de temporalité est au cœur de la problématique actuelle. A l’heure où la multiplication des écrans et des supports de transmission de l’information dépasse tout ce que l’on aurait pu prévoir, il faut impérativement que tous les acteurs majeurs de la presse écrite s’adaptent au virage -pour le moins brutal- du digital et mettent en place des outils correspondants. Les enjeux sont énormes, et il en va de l’avenir de la presse tout entière.
 
Elsa Mahouche
Sources :
Huffingtonpost.fr
Lesechos.fr
Boursorama.com
Lacroix.com

Image de Une :
Joe Magee
 

[i] Presseurop.eu publie une sélection d’articles tirés de la presse européenne et internationale sur la politique, la société, l’économie, l’environnement, la culture et la perception de l’Union européenne dans le monde. Le site est éditorialement indépendant et fait partie d’un projet de la Commission européenne qui vise à créer des réseaux d’information européens multilingues sur les principaux supports (Internet, radio et télévision)

[ii] Sa fermeture effective prendra effet le 31 décembre 2013

Société

Vend bébé pour un Iphone… ou pas !

« Ca coûte un bras », disait l’autre. Un couple chinois est actuellement poursuivi par le tribunal de Shanghai pour avoir vendu aux enchères leur fille tout juste née pour faire l’acquisition d’un IPhone dernière génération et de chaussures de sports de marque.
Selon le Jiefang Daily les parents au chômage, appelés M. Teng et Mme Zhang, ont posté en ligne juin 2013 une annonce qui laissait entendre qu’ils se sépareraient de leur bébé contre 50,000 yuans (3600€). Après une grossesse cachée, un accouchement maison et une petite transaction, ils ont utilisé leur carte bancaire fraîchement créditée pour une série d’achats sur internet, ce qui a permis aux enquêteurs chinois de les retrouver facilement.
Ce qui interpelle, c’est bien l’achat de l’IPhone, et on ne manque pas de rappeler dans la presse cet autre fait divers sordide du jeune garçon chinois qui avait vendu son rein pour pouvoir s’acheter un IPhone 5. Rapprochement maladroit ? En effet, un lien de causalité étrange apparaît : le prix de vente l’IPhone pousserait les gens, et particulièrement les Chinois à commettre le pire. Plus ? En Chine un smartphone coûte en moyenne 75 euros contre 5288 yuan (652 euros) pour le 5s et 4488 yuan (553 euros) pour le 5c.
« La faute à Apple » ?
Rimond Leïla
Sources :
www.telegraph.co.uk
www.lexpress.fr
www.washingtontimes.com
www.lefigaro.fr
Images :
www.gizmodo.fr
www.lci.tf1.fr

boutique éphémère adopte un mec
Culture

La dure vie du romantisme français

 
« A l’âge où apparaît souvent le (la) prince(sse) charmant(e), l’important est-il encore de se marier et d’avoir beaucoup d’enfants ? », telle est la question que s’est posée France 2, il y a environ un mois, dans son enquête sur la « Génération Fleur-bleue » des 18-34 ans. Ainsi 52% des jeunes interrogés déclarent que les relations amoureuses sont « importantes ». Ceci démontre que l’imaginaire des relations amoureuses, ou dit autrement, de « l’amour », perdure. Et il serait même l’un des fondements du couple, puisque, toujours selon ces mêmes interrogés, la notion d’Amour serait au centre de la relation conjugale.
Cependant, ces déclarations se réfèrent bien plus à une nouvelle définition de la notion de couple qu’aux structures conjugales traditionnelles. Le couple d’aujourd’hui se fonde en effet davantage sur une promesse mutuelle qu’un contrat officiel tel que le mariage. Et c’est sur cette image du couple « sans contrainte » que semblent jouer les sites de rencontre pour célibataires avec leurs promesses de trouver l’homme ou la femme idéal(e). Pour preuve l’utilisation par Meetic, la référence à l’échelle européenne, de témoignages et expériences amoureuses réussies de ses (anciens) membres pour parfaire son identité. Cette image exclusivement positive et surtout libre du couple, portée notamment par ce type de site, s’inscrit dans les représentations individuelles et semble alimenter une vision du couple modernisée mais toujours rattachée à un fort romantisme et au Saint Graal social qu’est l’Amour.
Qu’en est-il alors de cette tendance paradoxale à l’infidélité ? Que signifie cette fleuraison sur les réseaux mondiaux de ces sites de rencontre extra-conjugale, structurant l’infidélité et encensant l’adultère ? Le précurseur, Ashley Madison, et son arrivée en fanfare en France il y a environ un an (on se souvient des publicités reprenant les quatre derniers Présidents de la République marqués d’un baiser de rouge à lèvre), le français Gleeden, fondée en 2009, qui se veut plus féminin et plus glamour, et les petits derniers, comme EntreInfidèles depuis 2012, fondent ainsi leurs profits sur ce « pêché » de manière assumée et libérée de toute accusation morale. « Fonder une relation sur un mensonge, on va vers l’échec, déclare le site français. Sur Gleeden on ne se ment pas, la transparence est de mise, l’hypocrisie n’a pas lieu d’être. La couleur est affichée dès le départ. ». Certes, Internet et les réseaux sociaux possèdent un pouvoir décomplexant et ont un « effet désinhibant » selon le docteur en psychologie Yann Leroux, mais ce que certains réduisent à un simple outil de marketing surpuissant se base en réalité sur de solides statistiques : parmi les inscrits sur Meetic, plus de 30% seraient en couple et donc à la recherche de simples aventures plutôt que de l’amour de leur vie (déjà prétendument trouvé).
Comment notre imaginaire romantique de la relation amoureuse peut-il alors se constituer parallèlement à cette vision moderne des relations interindividuelles ? Relations qui apparaissent par ailleurs de plus en plus pragmatiques : venus d’outre atlantique, des sites de « rencontre pour hommes riches et femme cherchant à se faire dorloter » voient aujourd’hui le jour comme SugarDaddy depuis 2011 ou SeekingArrangement, lancé en 2005 aux Etats-Unis, qui arbore la place de site numéro un dans le monde « pour les relations mutuellement avantageuses entre les hommes généreux et les Sugar Babies ». Le principe est simple : l’inscription y est la même que pour les sites de rencontre « classiques », sauf que Monsieur se doit de renseigner l’état de son compte en banque. Comme le soulignait l’hebdomadaire gratuit Stylist, dans son numéro du 3 Octobre, les « michetonneuses » sont « ces femmes intéressées et fières de l’être, disposées à accorder leurs faveurs à des hommes aux portefeuilles bien remplis. » Il s’agit alors de « se laisser gâter comme une princesse ». De l’autre côté, c’est la motivation, un fois encore, de l’absence de faux-semblants et d’hypocrisie qui semble pousser ces hommes riches, mais pas nécessairement sexy, avouons-le, à s’inscrire. La polémique est néanmoins évidente : bien qu’exigeant des abonnés « qu’ils expliquent sans détour ce qu’ils cherchent et ce qu’ils offrent », ces sites apparaissent très borderline, la frontière entre « arrangement » et prostitution étant mince, ou du moins fragile. Certes, la promesse sexuelle (évidente) n’apparaît nulle part de manière explicite, ce qui différencie d’ailleurs ces sites de ceux d’Escort Girl, et la contrepartie ne prend a priori que la forme de cadeaux divers et luxurieux.
Cependant, malgré l’absence de toute obligation et engagement d’ordre sexuel, il apparaît difficile, passé un certain stade de « relation » et de « cadeaux », de ne pas rencontrer ce genre de demande, et surtout délicat de ne pas y répondre, étant donné l’engrenage du « toujours plus » et le cercle vicieux que peut constituer cet échange de « bons procédés ». Dans une version plus crue et moins subtile, ce pragmatisme se retrouve au niveau de sites de rencontre aux allures de « supermarchés », où l’objectif des inscrits y est, si toujours pas textuellement explicité, connu et très clair. Et la version réelle a ainsi abouti, il y a un an à Paris, à la boutique physique, mais éphémère, du site AdopteUnMec, où des hommes posaient dans des boîtes transparentes tels des Ken dans leur emballage plastique.

En somme, l’individu lambda doit aujourd’hui construire sa propre représentation du couple au milieu d’injonctions et de tendances paradoxales coexistantes. Perdure d’un côté l’image mythique et romantique du couple fondé sur l’Amour, sentiment presque « indémodable », et ce tout en suivant les évolutions sociales qui tendent clairement à un affaiblissement des structures traditionnelles de la relation, avec un mariage moins automatique, à l’inverse du divorce. Mais parallèlement, cette destructuration du couple et de ses valeurs d’antan aboutit à un total renversement et semble prendre le contre-pied du couple de nos grands-parents, voire de nos parents. Face à une institutionnalisation du libertinage, à la limite parfois de la prostitution, sommes-nous en mesure de répondre à cette question qui nous brûle les lèvres : pourquoi ce choix ? Revendications libertines, féminisme exacerbé, véritable nécessité économique, rejet du modèle dominant, déception amoureuse ou encore désillusion romantique… La liste est longue et la réponse complexe.
 
Eugénie Mentré
Sources :
Stylist de la semaine du 3 au 10 Octobre 2013
Cosmopolitan.fr
Huffingtonpost.fr
Lemonde.fr
Francetv.fr
Rfi.fr

Société

Une drôle de tempête qui se prépare sur Pyongyang

 
La marque suédoise de sous-vêtements Björn Borg s’apprête à lâcher sur Pyongyang plusieurs centaines de… petites culottes ! En effet, afin de promouvoir ses sous-vêtements, la firme a lancé sur son site un appel aux internautes : ceux-ci doivent voter pour la ville sur laquelle ils souhaiteraient voir s’abattre le 31 octobre une pluie de culottes et de boxers sexys. La capitale nord-coréenne remporte à ce jour haut la main le vote des participants, qui se sont eux-mêmes permis d’ajouter la capitale fortifiée à la liste des villes en course. On découvre ici la bienveillance – ou l’humour – des sud-coréens qui se sont mobilisés en masse pour voir la place forte de leurs chers voisins bombardée de sous-vêtements.
On pourrait croire que la marque renoncerait à son opération, mais ils tentent de faire croire le contraire : le directeur marketing rebondit sur le succès de la mobilisation pour se payer une opération de communication supplémentaire, martelant son désir de tout mettre en œuvre pour apporter « un peu de séduction » à une ville qui en aurait bien besoin. On sourit aisément à l’idée de la réussite d’un tel projet : qu’un avion pénètre dans la zone aérienne la plus sensible au monde, fasse pleuvoir ses armes de séduction massive sur une population qui ignore tout de ce que le monde capitaliste a fomenté dans son dos, et surtout la perspective d’une photo volée de Kig Jong-un avec une culotte en guise de couvre-chef surprise, voilà ce qui fait déjà le premier succès de la campagne. Pour ce qui est de sa mise en œuvre, c’est une affaire qui reste à suivre…
 
Inès Garmon

Société

N'est pas Dieu qui veut…

 
Il n’aura sûrement échappé à personne (pour les autres, pas de panique, je vous mets au parfum dans un instant), mais il y a au moins une personne à Paris qui ne connaît pas Kanye West. On a pu découvrir cela en regardant le Petit Journal de Yann Barthès il y a quelques jours.
Dans cette vidéo, une parisienne tombe sur Kanye West qui se fait photographier devant un immeuble. Intriguée, elle demande le plus simplement du monde qui est cette personne. Kanye West comprend et se présente, puis rentre dans le bâtiment, visiblement très vexé…
Que vient faire ici Kanye West me demanderez vous ? Et bien cette vidéo très amusante est la preuve de l’échec total de sa communication. En effet, Kanye West ne cesse depuis quelques mois de se proclamer devant toutes les chaînes de télévision la « number one rock star on the planet ». Il est « Jim Morrisson and Jimi Hendrix ». J’en passe et des meilleures.
Or, cette femme est la preuve vivante, et loin d’être la seule, qu’il n’est pas la rock star qu’il prétend être. Coup dur pour cette star mégalo qui pense que tout le monde sait qui il est et ce qu’il fait. C’est le risque de tenir ce genre de propos devant toutes les chaînes télévisées. Pas sûr que Kanye West ait un service de communication à proprement parler, mais cette vidéo Youtube est pour lui une humiliation et un flop magistral.
Le rire est la preuve la plus visible de cet échec communicationnel. Ce rire vient sûrement du fait que Kanye West tombe de son piédestal. Il ne peut contrôler ses réactions, un peu comme un enfant à qui on vient de dire quelque chose qui ne lui plait pas, il prend cela très sérieusement. La tête de Kanye West lorsqu’il est face à son propre flop fait rire d’elle-même. Le pire ennemi de ce king quelque peu autoproclamé réside dans le rire, arme fatale brandie contre lui depuis quelques temps.
Le flop de Kanye West est manifeste. Mais cet échec lui sera peut-être bénéfique malgré tout. Yann Barthès et surtout Ophélie Menier (sa nouvelle comparse à l’écran) ont retrouvé cette fameuse « femme qui ne connaît pas Kanye West » et son mari. Maintenant, elle le connaît, et l’équipe du Petit Journal l’a montrée en train d’écouter sa musique. Le mari de cette femme surtout, qui a vivement approuvé, rejoignant l’ironie très souvent proposée par Yann Barthès. Ils ont donc diffusé sur la chaîne des extraits de ses chansons. Ironie ou non, ces morceaux sont passés à l’antenne, pour ceux qui ne connaissaient pas Kanye West non plus… Cela reste à relativiser car le Petit Journal vise avant tout un public jeune, mais la présence de Kanye West et de ses chansons restent pour lui un avantage. Quel est le but de se proposer comme la rock star du monde sinon qu’on parle de soi ?
Et ensuite que voyons-nous en suivant les nouvelles ? Eminem, pour la sortie de son nouvel album très attendu, prend exactement le même chemin… Bataille ridicule pour la suprématie ou stratégie bien sentie ?
Dans le cas d’Eminem comme de Kanye West, le but est très certainement de mobiliser les fans sur les réseaux sociaux. Les réactions aux déclarations d’Eminem ne se font pas attendre, le gagnant est alors le rappeur qui aura les fans les plus mobilisés. Alors, flop ou pas ? La question mérite d’être quelque peu reposée. Cette quête de la couronne est forcément vouée à l’échec car mettre tout le monde d’accord est impossible, cela ajouté au fait qu’une grande partie de la population ne s’y intéresse pas. Du point de vue de la mobilisation des fans déjà conquis, l’échec n’est peut-être pas si important. Kanye West et Eminem ne se lancent pas dans une campagne de conquête d’un nouveau public, ils se lancent dans la quête de contact avec leurs fans déjà existants. Ils rechercheraient alors une sorte de « feed back », chose qui était plus difficile à obtenir avec Internet qui commençait seulement à s’imposer au début de leur carrière. Tireraient-ils ainsi pleinement partie des nouvelles possibilités des réseaux sociaux ?
 
Paola Paci
Sources :
http://www.lefigaro.fr/musique/2013/10/15/03006-20131015ARTFIG00413-eminem-se-prend-pour-le-dieu-du-rap.php

La minute pop du 07/10

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Politique

Nervosité et maladresses en Mer de Chine

 
Vendredi, un nouvel événement est venu tendre les relations diplomatiques des géants d’Asie. Yoshitaka Shindo, ministre des affaires intérieures et de la communication japonais s’est rendu vendredi au sanctuaire de Yaksumi, mémorial dédié aux victimes japonaises de la guerre. Une visite des plus normales peut on penser, pourtant, dans un contexte de tensions diplomatiques entre le Japon, la Corée et la Chine, ce geste a été mal perçu. La revendication des îles Senkaku, l’installation de missiles longues portées en Corée du Nord constituent la toile de fond d’une Asie sous tension. Honorer ses morts, plus qu’un droit, un devoir, devient alors un affront diplomatique. En effet, l’ajout en 1978 de généraux reconnus comme coupables de crime des guerres par les Alliées, au sanctuaire de Yaksumi irrite considérablement les plaies laissées par le japon impérial en Chine et en Corée. La réputation sulfureuse du premier ministre Shinzo Abe, ne fait qu’amplifier ce type d’événement.  Le Japon s’est enfermé dans une communication agressive au point de ne plus pouvoir agir sans paraître suspect. Bien que Yoshitaka Shindo ait répété son désir d’apaisement, il semble que le devoir de mémoire empêche toute forme d’oubli. Après 70 ans, tout rappel du passé ne devient qu’erreur communicationnelle. Entre intransigeance et maladresse, le chemin du pardon semble encore long et semé d’embuches en mer de Chine.
 
Arnaud Faure

marine le pen heureuse
Politique

La France blues Marine ?

 
 
Elle exulte Marine Le Pen ! Et elle peut : mercredi 9 octobre dernier, un sondage IFOP commandé par le Nouvel Observateur lançait un pavé dans la mare en annonçant que 24% des citoyens français donneraient leur voix au Front National pour les élections municipales à venir ce printemps. Quelques jours plus tard, la victoire de Laurent Lopez (FN) à Brignole (Var) fait écho à ce sondage. Comment expliquer, au vu du discours politique ambiant, ces 24%, symbole de la montée lancinante de l’extrême droite ?
Un chiffre symbolique
Avec les 24% d’intention de vote, le FN gagne trois points par rapport à mai 2013. L’UMP passe de 21% à 22%. Le PS est le grand perdant, passant de 21% à 19%. Une part des électeurs de François Hollande, déçus, se tournent vers le FN qui réussit aussi à glaner les votes des retraités et à attirer dans ses rangs une part croissante de la classe moyenne. La réponse du FN ne s’est pas faite attendre, le parti d’extrême droite se targue de devenir désormais le « premier parti de France », adoptant une position conquérante très facilement lisible dans le communiqué de presse de Steeve Briois. Le secrétaire général du FN qualifie ces résultats de « séisme sans précédent » traduisant un « élan d’enthousiasme manifeste », exprimant le raz-le-bol des français face aux deux grands partis, le PS et l’UMP. Le FN ne doute de rien donc, et affirme sa détermination dans sa marche vers le pouvoir. Le discours outré des journalistes et personnages politiques ne cache pas la vacuité de leur action. Un tel discours a pour seul effet de victimiser le FN, de le mettre au centre du débat sans parvenir à le neutraliser. Dans une position de maître, le parti de Marine Le Pen peut se contenter de rester muet.* Le reste de la sphère politique lui assure sa communication, ou pire encore, légitime ses positions : qui ne dit mot consent. Qui n’agit pas non plus ?
La mue déculpabilisatrice opérée par Marine Le Pen…
Le Front National propose des réponses simples, voire simplistes, aux problèmes compliqués de notre société, parvenant en conséquence à toucher un large panel d’électeurs potentiels. Marine Le Pen se présente comme figure providentielle, détenant une vérité simple et efficace. Or, il est beaucoup plus aisé d’adhérer aux thèses du FN que l’on comprend, plutôt qu’à des discours complexes qui tentent d’apporter une réponse complète aux problèmes de notre société. Le FN pratique de ce fait une stratégie de vulgarisation se fondant sur un imaginaire national, voire nationaliste. En jouant sur le mythe d’une France à la grandeur passée, le parti adopte une position rétrograde bien plus rassurante que l’avenir sombre dont on nous brosse le portrait quotidiennement. En somme, le discours du FN, simple et rassurant amène ceux qui y adhèrent à se tourner vers le connu et le repli sur soi.
Ce discours séduisant a longtemps possédé une faille en la figure de Jean-Marie Le Pen. Mais on assiste, depuis l’arrivée de sa fille, à une déculpabilisation du vote FN. Femme « popotte », divorcée, mère de trois enfants, aux propos (en apparence) moins stigmatisants, Marine Le Pen a tout pour atteindre son but : faire oublier les idées qu’elle véhicule. Le site qu’elle a mis sur pied (www.marinelepen.com) la présente comme une femme respectable, loin des propos racistes de son père. Elle gomme l’image « extrême » de son parti afin de convaincre les électeurs encore timides. Sa dernière lubie, amener au tribunal quiconque aurait l’audace de qualifier son parti d’extrémiste le prouve bien : elle brouille les cartes afin de mieux pouvoir les distribuer. La rhétorique de la présidente du FN semble donc bien tendre vers une normalisation et une banalisation de son parti.
En conséquence, le vote FN tend à ne plus être tabou. La bataille sémantique qu’a lancé Mme Le Pen amène le FN au centre de l’actualité politique. Mais pour une fois, on oublie son côté polémique pour se concentrer sur le coup médiatique. Le fait qu’elle se batte contre l’appellation « extrémiste » montre bien qu’elle cherche à faire du FN un parti politiquement correct. Pour ce faire, elle s’appuie sur la faiblesse actuelle du PS et de l’UMP.

…Conséquence du désamour politique ?
Face à l’impopularité du gouvernement et à la « guerre des chefs » qui règne à l’UMP, le FN propose un discours clair et simple, apparemment sans faille ni langue de bois, faisant bloc autour de la figure de Marine Le Pen.
Mais n’oublions pas que le grand gagnant des élections de ces dernières années reste l’abstention. Le problème n’est-il pas le rejet de la politique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui ? L’Union Européenne paraît bien loin des préoccupations quotidiennes des européens qui se méfient de Bruxelles. Que nous avons tord cependant ! L’Europe est, malgré toutes ses imperfections, un projet stimulant. Pour contrer le repli sur soi qu’incarne Marine Le Pen, les Français auraient peut-être besoin de plus de chantiers communs. Tout va mal ? Réjouissons-nous : une société meilleure n’attend que nous pour être construite !
Mathilde Vassor
Sources :
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20130823.OBS4202/18h-le-front-national-obsession-politique-numero-un.html
http://www.frontnational.com/author/steevebriois/
http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2013/10/11/montee-du-fn-comment-en-est-on-arrive-la
 

Société

Caisse d'épargne : l'échec d'une stratégie digitale

 
La Caisse d’Épargne Auvergne-Limousin a fait parler d’elle, ces derniers jours, en détournant trivialement son animal emblématique sur sa page Facebook. Présenté les testicules coincés dans une mangeoire, l’écureuil-victime accompagne de manière sarcastique le slogan de l’enseigne : Parce que les accidents n’arrivent pas qu’aux autres, la Caisse d’Épargne prend aussi en charge les séquelles temporaires… 
Le message décalé qu’a voulu véhiculer l’institution n’a pas été apprécié par ses clients, qui ont associé cette ironie triviale à une preuve de médiocrité et à un manque de sérieux et de professionnalisme : Vous vouliez être drôle ? Mais alors que faites-vous avec notre argent ? Vous rigolez avec ? (1). Comment comprendre une telle consternation face à une opération de communication pourtant originale et audacieuse ? Suite à cet afflux de commentaires négatifs, la banque a supprimé son post et présenté ses excuses. Cette stratégie du mea culpa sonne comme l’aveu d’une erreur communicationnelle.
La dérision et le ton décalé sembleraient être en incohérence avec les codes communicationnels du secteur bancaire, à tel point que les internautes ont d’abord cru à un piratage du compte Facebook de la banque. L’image corporate de la banque semble se heurter aux codes particuliers du Web 2.0, marqués par des jeux de détournement et de second degré.
Au risque de se voir décrédibilisées, les institutions bancaires sont-elles vouées à conserver une posture communicationnelle sobre et minimaliste ? Sans l’humour, pilier de la créativité, comment peuvent-elles innover dans leur stratégie communicationnelle ?
 
 Alexandra Ducrot
(1) Un des commentaires sur le compte Facebook de la Caisse D’Épargne Auvergne-Limousin
Sources :

https://www.facebook.com/Caisse.dEpargne.Auvergne.Limousin?fref=ts
 
 
 
 

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