Politique

Que retenir du "shutdown" ?

 
Que retenir du « Shutdown » ?
Farce tragique pour les républicains ? Simple coup de com d’Obama ? Ou bien véritable farce nationale aux yeux de l’étranger ?

Le shutdown est enfin fini. Finis la paralysie budgétaire et le risque d’une déflagration mondiale ! Finies les confrontations entre démocrates et républicains pour le vote du budget !
C’est en ce jeudi 17 octobre qu’un compromis a enfin été trouvé. Celui ci met fin au fameux « shutdown », expression omniprésente dans les médias ces deux dernières semaines. Cette crise est le résultat d’une confrontation entre les démocrates et les républicains, majoritaires à la Chambre. Ces derniers, farouchement opposés à la loi Obamacare décidèrent de ne pas voter le budget le 1er octobre (jour de l’application de la loi) ce qui a contraint le gouvernement à déclarer l’arrêt de son activité et ce qui a de surcroît mis au chômage technique près de 800 000 fonctionnaires.
La crise, d’une ampleur inédite, a été gérée avec succès par l’équipe de communication présidentielle. En l’utilisant comme un opportunité politique, le shutdown a permis d’asseoir l’autorité du président et de discréditer celle des républicains. La stratégie de communication a d’abord consisté à dramatiser les effets destructeurs possibles de la crise sur le pays et sur sur l’ensemble du globe. On a donc vu s’esquisser de l’autre côté du continent une croisade idéologique entre les démocrates, se battant pour l’instauration de la sécurité sociale, et les républicains, apparaissant alors comme les « méchants » de l’histoire, les insensibles, les responsables de tous les maux. Le shutdown qui aura duré deux semaines au total, s’est ainsi soldé par l’échec cuisant des républicains, qui ne sont parvenus ni à obtenir un accord sur une réduction drastique des dépenses sociales, ni au report de la loi Obamacare.

Cette crise montre surtout les bienfaits des pouvoirs de la communication qui ont une fois de plus permis de remporter la bataille. À l’échelle nationale tout d’abord, avec une omniprésence sur les réseaux sociaux. En postant une dizaine de tweets par jours, l’équipe de communication présidentielle a diffusé une vision manichéenne en accusant directement les républicains des maux subis par les EU. Ainsi, les followers, au nombre de 37 500 000 environ, ont du tweeter le tweet suivant : « Retweet if you want this #shutdown to end ».
Mais Obama ne s’est pas arrêté là. Son plan médiatique a également été mondial. En effet, ses discours emprunts de peur ont contribué à l’essor de l’ampleur de la crise. Ainsi, lorsqu’un journaliste a demandé à Obama : « Monsieur le président, les marchés sont pour l’instant assez calmes, ils pensent que c’est une énième querelle politique à Washington, ont-ils raison ? », et que le président des États-Unis s’est empressé de répondre : « Non cette fois, c’est différent. Ils devraient s’inquiéter », et qu’il a par la suite rajouté qu’il ne cèderait en aucun cas à la demande de « rançons » des républicains, on a bien une dramatisation de la situation.
De plus, le président a illustré sa proximité, son assistance et sa compassion envers le peuple en faisant par exemple une brève apparition dans les locaux de l’association Martha’s table. Cette association caritative qui vient en aide aux sans abris et aux travailleurs aux faibles revenus a accepté son aide. En les aidant à faire des sandwichs, Obama a montré qu’il était capable, à la différence des républicains ancrés dans leurs positions, de mettre « la main à la patte » et de partager la souffrance du peuple. Ce coup de communication médiatique a été un réel succès pour Obama qui est sorti de la crise plus fort que jamais. Intangible, défenseur d’une loi sociale historique, il apparaît alors comme un président fort nécessaire au bien de l’intérêt national.

Néanmoins, le shutdown n’a t il pas surtout permis de montrer l’esprit enfantin qui règne au Congrès ? Comment un gouvernement peut il décider de faire grève alors que l’intérêt national et l’ordre économique mondial sont en jeu  ? Dans une période où les citoyens ont de moins en moins confiance en leurs institutions, cette crise a discrédité encore plus les responsables politiques.
Elle a été perçue à l’étranger comme une farce tragique subite à la fois par les républicains mais également par les démocrates car même si les sondages montrent que 74% des Américains rendent les républicains responsables de la crise, ils montrent aussi leur dédain envers les institutions et envers l’ensemble des élus et du système parlementaire. Cette crise a donc été l’occasion de donner de vraies raisons de se moquer des Etats Unis : première puissance économique mondiale et hyperpuissance, certes, mais tout cela sans gouvernement en état de marche – et ce par choix.
 
Laura de Carné

flux de donnees
Société

Données numériques, un enjeu stratégique majeur

 
Edward Snowden, l’informaticien américain assure que de nombreuses informations numériques venues du monde entier sont, chaque jour, interceptées par la NSA et d’autres entreprises privées américaines. Suite à cette révélation de détention de données européennes par les Etats-Unis, les Sénateurs français appellent à la mise en œuvre d’un projet européen de réglementation des données numériques.
L’Union Européenne doit absolument maîtriser les données relatives à son territoire, il en va de sa souveraineté. Outre une protection de la vie privée des citoyens européens, cela représente également un manque à gagner pour les entreprises européennes. La collecte de données permet, en effet, d’établir le profil de millions d’individus monnayables ensuite auprès des annonceurs ; ce qui constitue une manne financière considérable.
La solution serait de stimuler l’émergence d’un cloud européen – un ensemble de serveurs accessibles par internet qui traitent et stockent les données – car un texte de réglementation resterait insuffisant. En effet, actuellement le cloud produit par des entreprises américaines est soumis à la législation de ce pays. Ceci permet aux Etats-Unis d’user des données comme bon leur semble. A l’ère du numérique, il s’agit d’entrer dans la danse de gouvernance de l’internet mondial, élément incontournable de la puissance étatique. Parallèlement, il est nécessaire de développer une base industrielle de cyberdéfense des données numériques. La route reste longue avant que l’Union ne devienne un acteur prépondérant dans le domaine numérique.
 
Miléna Sintic

Société

"OMG" : Buzzfeed bientôt en français

 
Si vous cherchez désespérément une liste des 18 chats les plus ennuyeux/agaçants sur Instagram ou 20 idées de déguisement d’Halloween pour briller malgré votre timidité maladive, alors n’attendez plus : Buzzfeed est fait pour vous.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Buzzfeed : c’est un site américain né en 2006 et devenu un véritable phénomène dans le monde anglophone avec ses 85 millions de spectateurs uniques par mois en août dernier. Un score qui le situe entre les géants Amazon et Twitter. Le site connaît d’ailleurs une croissance exponentielle : c’est en effet 3 fois plus qu’il y a un an et le nombre de visiteurs ne cesse de grandir.
Pourquoi un tel succès ? Tout d’abord parce que Buzzfeed a un positionnement des plus originaux. Le site se définit volontiers comme une « base virale du buzz » : les contenus sont faits pour être partagés et se propager sur le net. En effet, habilement conçus, ils envahissent les réseaux sociaux, une des raisons de la très forte fréquentation du site. Mi-website éditorial classique, mi-réseau social, ce site hybride possède ses petites spécificités : des « badges » emblématiques permettent par exemple aux utilisateurs de donner leur avis sur les articles, à la manière d’un « like » Facebook en plus diversifié. Le site se veut réactif et interactif : ainsi la publication continue de nouveaux posts et articles est signalée comme une notification (« raw feed »), les contenus les plus appréciés et prometteurs du moment sont mis en avant pour optimiser le buzz, de grandes compétitions sont organisées entre les « users » qui sortent ainsi de la passivité et se transforment momentanément en éditorialistes… Ainsi Buzzfeed est un site polyvalent où on peut donc consulter, interagir, commenter, partager et publier des contenus.

BuzzFeed
Succès également parce que le site joue la carte de la diversité à travers ses différentes rubriques : « informations, divertissement, life, vidéo, more ». Buzzfeed s’est rendu célèbre grâce à ses fameuses « listes », souvent déjantées (un concept repris par des sites français très populaires, tels que Topito.fr) et propose des gifs à la manière d’un tumblr, des sélections de vidéos, de liens etc. Toutefois, il se positionne également aujourd’hui comme un site d’information sérieux, ambitieux et légitime. De grands reporters y proposent des articles de fond et de nombreuses exclusivités sur les thèmes suivants : monde, politique, business, technologies, sports, idées et « longform ». Rien de très surprenant finalement quand on apprend que son co-fondateur n’est autre que Jonah Perrepeti du Huffington Post (un des quelques 300 sites partenaires de Buzzfeed) et qu’entre autre Ben Smith, journaliste de Politico collabore au site. Ces articles prennent parfois une tonalité humoristique : pour Buzzfeed « sérieux » et « amusant » n’ont rien de contradictoires et le site prend un malin plaisir à se jouer des codes en « décoinçant » la presse politique. Une approche qui, de surcroît, attire plus de jeunes soi-disant « délaissés » par les autres sites d’information classiques.
Résolument innovant, volontairement concis, fait sur mesure pour les réseaux sociaux, flexible sur les contenus pour un multi-usage et une foule de visiteurs aux attentes et profils très éclectiques… si Buzzfeed est un succès c’est finalement parce que le site incarne un nouveau modèle pour la presse. Un modèle qui marche puisque le site devrait réaliser cette année environ 60 millions de recettes, soit 20 millions de plus que prévus. Tout cela sans héberger de publicité venant de l’extérieur puisque le site se finance largement grâce aux « native advertising » ou aux « advertials », mélanges de publicité « ad » et d’édito « editorial ».
Buzzfeed pique votre curiosité ? Si le site américain ne s’est pas encore imposé en France (100 000 visiteurs par mois), ce dernier a bien l’intention de conquérir les internautes non anglophones : c’est pourquoi il lancera en octobre la version espagnole et portugaise de son site, après le projet d’un Buzzfeed UK sur mesure pour les British et leur humour si… particulier. Pas de jaloux : les articles les plus populaires seront traduits en français par des équipes de traducteurs, faisant appel à des internautes, des étudiants utilisateurs de Duolingo, une plate-forme gratuite d’enseignement de langues étrangères. Il faut donc espérer que les traductions seront de qualité. Buzzfeed a cependant le projet de recruter une équipe d’éditeurs professionnels pour surveiller les opérations et permettre de publier des articles plus adaptés aux pays ciblés. Les Frenchies pourront donc expérimenter Buzzfeed dans la langue de Molière à partir du 4 novembre 2013.
Beaucoup d’OMG, LOL et WIN en perspective !
 
Maud Espie
Pour patienter :
http://www.buzzfeed.com/hannahkw/20-reasons-you-wish-you-were-at-hogwarts-during-ha-fncg
http://www.buzzfeed.com/samir/this-bad-lip-reading-of-game-of-thrones-is-the-best-thing-yo
Sources :
Le Monde, Marianne

Société

Le retard de Watchdogs, stratégie commerciale ?

 
Mardi 15 octobre, Ubisoft annonçait qu’il s’attendait à une perte opérationnelle comprise entre 40 et 70 millions pour l’année à venir suite notamment au retard de lancement de Watch Dogs, jeu majeur aux résultats de l’entreprise. Suite à cette déclaration, l’action de la société a chuté de 23%, témoignant des doutes des investisseurs quant à la stratégie du développeur français.
Car on pourrait bien parler de stratégie. En effet, si la raison invoquée pour expliquer ce délai est un développement pas encore tout à fait terminé, il est apparu que les motivations d’Ubisoft pourraient être plus diverses.
Tout d’abord, cette décision aurait avoir avec GTA V, lui aussi repoussé plusieurs fois avant sa sortie définitive (le best-seller de Rockstar étant déjà accusé d’avoir causé le flop de FIFA 14, titre pourtant en tête des ventes chaque année).
Une autre raison évoquée serait un marché des consoles nouvelle génération plus important l’année prochaine ce qui permettrait à Watch Dogs de remplir pleinement sa vocation de best-seller. Enfin, l’actualité créée autour du jeu lui donne une visibilité qu’Ubisoft ne saurait mésestimer.
Néanmoins, cette décision empêche la sortie du pack PS4/Watch Dogs ainsi que sa présence dans les rayons pour les fêtes de fin d’année, ce qui pourrait être catastrophique en terme de vente.
Ubisoft aura-t-il donc eu raison de repousser la date de sortie de son titre phare ? Réponse en début d’année prochaine.
Thomas Luck
 

Société

Jacques a dit « Vapotez ! » (ou pas ?)

 
Chers curieux,
Vous avez tous entendu parler de la cigarette électronique. Cet appareil composé d’une capsule remplie d’un liquide, d’un système de chauffage et d’une batterie.
Qu’y a-t-il dans ce liquide ? De l’eau, des arômes divers et parfois de la nicotine à différentes concentrations. Elle a été créée à la base comme substitut à la cigarette qui aujourd’hui tue environ 50% de ses fidèles consommateurs -ce qui est une intention plus que louable ; en plus d’être dite moins nocive, elle est aussi économique. En effet, le prix d’une e-cigarette varie entre 40 et 150 euros et celui d’une recharge entre 5 et 8 euros. Or une recharge représente l’équivalent de quatre paquets de clopes. Donc, côté fumeurs on se réjouit !
Mais la cigarette électronique, plus qu’une « aide » au sevrage tabagique, constitue un business en plein boom. Le chiffre d’affaire aux Etats-Unis de 2013 est estimé à 1,7 milliards de dollars. En France, on compte 500 000 « vapoteurs », et plus d’un million ont déjà essayé.
Et si la majorité de l’offre se trouve sur internet, le nombre de boutiques spécialisées se multiplie de manière exponentielle.
Entre substitut, alternative fun ou mode « bobo », la cigarette électronique est partout. A croire que tout le monde « vapote » en toute tranquillité. Et pourtant, elle fait parler d’elle, comme l’ont montré les débats houleux au Parlement Européen ce mois-ci. Elle est l’occasion de discours virulents « contre », et de manifestations « pour » comme en témoigne cette photographie tirée de Libération

Personne ne semble d’accord mais tout le monde a une opinion.
L’e-cigarette est une préoccupation de santé publique mais aussi politique car ne l’oublions pas un « vapoteur » reste un électeur.
Le fait est que la cigarette électronique se passe bien de bonne presse, car si sa publicité est interdite, le bouche à oreille semble très efficace. Si la vente aux mineurs est interdite, regardez la sortie des lycées et même des collèges…
Il semble que ni débats, ni réticences n’empêchent de vapoter.
Le véritable problème réside dans le flou et l’ambivalence qui planent autour de la cigarette électronique. Elle n’est pas un médicament alors que les produits qui contiennent de la nicotine ne sont mis sur le marché que sous l’étiquette « médicament ».
Elle se présente comme une alternative moins nocive à la cigarette, mais comment croire à une préoccupation de santé publique quand on sait qu’aucune étude scientifique n’en a prouvé l’efficacité pour arrêter de fumer la cigarette classique ?
La dangerosité du produit est aujourd’hui mal évaluée, de nombreuses erreurs d’étiquetage concernant le dosage ont été décelées.
Et cette ambivalence n’est pas sans incidence sur les stratégies de communication à adopter.
N’est-ce pas plus agréable de commander une cigarette électronique rose à paillettes goût melon que d’aller à la pharmacie acheter un patch? Choisir une e-cigarette devient presque aussi dur que de choisir son téléphone portable tant le choix des couleurs et des formes est différent. Tout est dans le design.
En effet, on n’achète pas un médicament, mais plutôt un accessoire esthétique.
Ne faisons pas les innocents, le large choix des « arômes » séduit en général un public jeune et plutôt féminin. Ceux-ci constituaient déjà la cible des cigarettes classiques au chocolat, les Pink Lady… Alors véritable progrès ?
Ainsi, ce flou profite à ce marché et participe à une redéfinition des arguments de vente et de l’image du produit : la cigarette électronique née comme substitut, devient une alternative fun, respectueuse (fini de déranger son voisin avec sa fumée) et même esthétique…
Quand fumer est « has been », « vapoter » devient branché et ça les grands groupes comme Marlboro, British American Tobacco l’ont compris et commencent à développer et commercialiser leurs propres modèles d’e-cigarettes.
Mais alors santé ou business en premier ?
 
Sophie Cléret
Sources :
http://www.fagg-afmps.be/fr/news/news_cigarette_electronique_2013_04.jsp
http://www.liberation.fr/societe/2013/03/05/fausse-cigarette-de-la-fumee-sans-feu_886567

Société

Grands changements et dommages collatéraux chez Lagardère Active

 
La menace Internet pesant sur la presse papier a récemment touché une victime de grande ampleur. La nouvelle est tombée jeudi dernier : le groupe Lagardère Active, premier groupe de presse magazine français, se sépare de dix de ses 39 titres parmi lesquels on peut compter Be, Psychologies magazine, Première, Pariscope ou encore Campagne, dont les futurs acquéreurs restent encore inconnus.
Dans une interview du Monde, Denis Olivennes, président du directoire et futur directeur général du pôle presse magazine, expose en termes vagues la stratégie de réorganisation du groupe : il s’agirait, à présent, d’investir essentiellement dans les titres les plus importants (entendons : rentables) pour la société et surtout d’exploiter leur « forte capacité de développement numérique ».
La réaction des salariés ne s’est pas faite attendre, entre manifestations devant le siège le jour de l’annonce, et une préparation de grève générale prévue pour lundi 21 Octobre. 350 postes seraient en effet touchés par ces remaniements. Et si Denis Olivennes affirme son désir de préserver ces emplois au cours des cessions, il écrit parallèlement au personnel que les titres ne trouvant pas d’acheteur seront voués à être fermés.
Bien que contestée, l’action du groupe Lagardère reflète la stratégie dominante de la presse actuelle : surmonter les maux apportés par l’ère digitale en se soumettant aux nouvelles donnes de celle-ci et s’adapter du mieux que possible. Le tout est dès lors de savoir dans quelle mesure cette presse papier est capable de se plier, sans se briser.
 
 Charlène Vinh

Société

Un Tweet pour les sans-abris

 
Depuis le 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère, est apparu un nouvel hashtag dans la twittosphère : #Tweet2Rue. Derrière ce hashtag, 5 personnes en grande précarité équipées de Smartphones tweetent leur quotidien. Cette opération, orchestrée par la Fondation Abbé Pierre, France Inter, Génération Réactive et la FACE 93, a fait réagir la twittosphère très partagée entre soutien d’un côté et malaise affiché de l’autre.
Ainsi, le hashtag #Tweet2Rue a été fortement monopolisé par des twittos choqués par ce qu’ils percevaient comme une mise en scène de plus des SDF : après les SDF équipés de bornes Wi-Fi ambulantes ou les SDF hommes sandwichs pour Ogilvy, les SDF sont-ils une fois de plus privés de leur libre-arbitre ? Est-il indécent de laisser les sans-abris mettre en ligne leur quotidien sur un réseau social ?
Pourtant, il faut rappeler que contrairement à ces initiatives précédentes, celle-ci vise bien à laisser le citoyen (sans-abris) libre d’exprimer lui-même son quotidien en ligne, en lui fournissant les outils nécessaires à cette mise en réseau.
Le principe de cette initiative est simple : au-delà d’être définis par ce que les SDF n’ont pas (sans-abris, sans domicile fixe), ces personnes en situation de grande précarité sont avant tout mises à la marge de la société, et donc avant tout en situation d’isolement.
Leur fournir un téléphone portable, et a fortiori un Smartphone, leur permet de recommencer à tisser un lien social, nécessaire à leur sortie de la misère, mais aussi précieux pour leur survie. En effet, grâce à un Smartphone, ils peuvent en plus de tweeter, contacter et être joignables à tout moment, chercher des emplois sur internet, un endroit pour dormir, être en contact avec les services sociaux… On est loin de l’idée d’un Smartphone qui ne serait qu’un gadget, que certains utilisateurs de Twitter voudraient voir revendu par ces sans-abris.

Face à l’indignation que suscite cette opération, on est en droit de s’interroger sur les raisons d’un tel malaise parmi les twittos, qui ne se privent pas d’exprimer leur ressenti :

En effet, s’il peut paraître plus simple d’entrer en contact avec des personnes qu’on ne connait pas via un réseau social comme Twitter, la réalité de l’exclusion se rappelle d’elle-même de par ce type de réactions. En caricaturant, on pourrait résumer : sur Twitter comme IRL, on préfère les chats aux SDF.

Pour ma part, il me semble que c’est là où cette initiative courageuse prend tout son sens : il s’agit de donner la possibilité à des sans-abris de s’exprimer d’eux-mêmes dans un espace où on ne les entend pas, et où on refuse parfois même de les voir. Cette réappropriation de l’espace citoyen, et ici médiatique se fait sur le long terme. Avec une visée plus longue que celle du buzz puisqu’elle veut se faire sur plusieurs mois, elle permettra ainsi peut-être de pouvoir combattre les préjugés et l’incompréhension de leur situation pour ceux qui ne la connaisse pas.

Le choix de Twitter est-il pertinent ?
Cependant, au-delà du débat émotionnel, il est légitime de s’interroger sur la pertinence du choix de Twitter comme vecteur de cette opération. En effet, la durée de vie des tweets est très courte, et convient parfaitement au commentaire d’émissions durant le créneau de l’émission par exemple. Mais qu’en sera-t-il pour une opération de ce type et à long terme ?
La question se pose d’autant plus que la parole des SDF se retrouve noyée du fait du petit nombre de leurs propres tweets par rapport au nombre de tweets de leurs commentateurs. Ainsi, il faut se rendre sur chacune de leurs TL pour prendre connaissance des tweets de Patrick, Nicolas, Ryan, Sébastien et Manu, qui n’ont publié pour l’instant à eux 5 que 118 tweets (au 20/10/2013 à 18h). Les commentateurs se retrouvent donc dans une position de confiscation de la parole de ces SDF.
Cette confiscation intervient comme une barrière supplémentaire ajoutée à celle de la difficulté à s’approprier les codes d’un nouvel espace social. Les médias utilisés pour l’instant : l’écriture, le Smartphone et Twitter, demandent une prise en main qui n’est pas innée, et d’autant moins aisée que l’accueil médiatique qui leur est réservé apparaît mitigé.
Pour éviter que la parole sitôt donnée ne se retrouve confisquée, il est nécessaire d’établir une légitimité à cette parole auprès des twittos en encourageant et en accompagnant cette démarche. C’est ce que devrait permettre en partie le suivi de ces cinq SDF par cinq journalistes de France Inter, qui se contenteront cependant de retweeter ces 5 volontaires.
Si l’idée d’humaniser les chiffres de la misère en y associant ses vrais visages n’est louable, encore est-il nécessaire de leurs donner la voix nécessaire pour faire entendre leurs maux. Sur ce point, le manque de relais transmédia de cette initiative (quelques minutes seulement sur France Inter le 17 octobre) s’apparente à une erreur compte tenu du peu de visibilité de l’initiative et de l’accueil qu’elle reçoit. Accueil, dont on ne peut qu’espérer qu’il se réchauffera avec l’arrivée de l’hiver.
 
Lorraine de Montenay
Sources :
http://www.tweets2rue.fr
http://www.franceinter.fr/evenement-tweets-2-rue
https://twitter.com/search?q=%23tweets2rue&src=hash
http://www.toutalego.com/2013/10/tweet2rue-quand-twitter-confisque-la.html

Formats spéciaux

Chers lecteurs…

 
Chers lecteurs,
En philosophie, le changement est rectiligne, c’est un éternel retour, un recommencement infini. En sociologie et en histoire, il est le passage d’une société à une autre dite plus évoluée, plus complexe. Saint-Simon le définit comme le résultat du développement des sciences et des techniques industrielles, provoquant ainsi le passage d’une société agricole à une société industrielle. Max Weber, à ce propos, estime le changement comme le résultat de forces économiques et religieuses qui agissent conjointement et provoquent la révolution industrielle. Ou encore, pour Durkheim, c’est la densité démographique, à l’origine de la division et de la spécialisation du travail, qui provoque le changement, le passage de la solidarité mécanique à la solidarité organique. Karl Marx aussi, rêve de ce changement-révolution, de ce jour où le conflit de classe aboutira et provoquera ce changement rêvé, cette nouvelle société socialiste aux vertus idéales.
Pour l’entreprise, la conduite du changement est un enjeu actuel de taille afin de s’adapter aux évolutions de son environnement, auquel les départements des Ressources Humaines s’appliquent non sans difficulté. Car, la psychologie montre que le changement provoque souvent des résistances, des peurs. Pourtant, en communication, il est souvent un argument de taille. François Hollande avec son célèbre « Le changement c’est maintenant », BNP Paribas qui « s’engage pour un monde qui change », Le PMU qui peut « brusquement changer votre quotidien », La Poste qui met en avant ses efforts pour s’adapter aux évolutions du monde actuel, ou au contraire, Ricard et sa dernière campagne de publicité qui souligne le fait que la recette est toujours la même depuis la création, sont autant d’exemples qui montrent à quel point le changement (ou le non changement !) est aussi un argument marketing de taille.
Chez FastNCurious, le changement est en quelque sorte un mélange de tout cela. Lui aussi provoqué par une pression démographique forte (par un boom du nombre de rédacteurs), par la curiosité grandissante à propos des évolutions technologiques actuelles, par le rêve d’atteindre un jour une plus belle place encore sur la toile du Net et pourquoi pas, de le révolutionner, par la volonté de s’adapter aux évolutions de notre environnement, il est le signe d’un nouveau départ. Il est le résultat d’un recommencement, qui nous l’espérons sera infiniment répété.
 
En effet, sans changer de ligne éditoriale, découvrez dès à présent le nouveau FastNCurious dont le contenu sera désormais séparé en deux parties.
Les articles FAST présenteront dans le cadre d’un article bref l’actualité fraîche de la communication, tout en vous donnant les clefs pour comprendre l’importance de l’information.
Les articles CURIOUS seront des articles de fond prenant le temps d’analyser avec recul un objet de communication.
Découvrez aussi notre nouvelle mise en page, plus ergonomique et adaptée aux changements.
Enfin, c’est avec un immense plaisir et honneur que nous remettons le blog dans les mains du nouveau bureau de FastNCurious.
 
Merci à tous,
 

Camille Sohier
Arthur Guillôme

Culture

Burlesquoni

ou le jeu de mots subtil entre « stripteaseuse » et « performeuse burlesque »
 
Aujourd’hui, laissons la place à Marta Brodzinska, spécialiste du Burlesque, qui nous éclaire sur l’enjeu des différentes représentations médiatiques et sociales de ce mouvement artistique, dont on a pas fini d’entendre parler.
Avril 2012, Milan, Italie : Silvio Berlusconi est inculpé pour avoir payé une jeune femme mineure pour des services sexuels et abusé du pouvoir de sa fonction en exigeant de la police de la libérer, après avoir été accusée de vol. Durant le procès, l’opinion publique découvre que l’ex premier ministre organisait des soirées privées dans une de ses résidences, impliquant la présence de nombreuses stripteaseuses et possiblement de prostituées déguisées notamment en bonnes sœurs, ou encore portant des masques représentant des joueurs de football célèbres. Les médias appellent l’affaire « Bunga Bunga » et le scandale provoque l’indignation et le dégoût de l’opinion publique. Mais l’hédoniste numéro un de l’époque rejette toutes les accusations. Quand on l’interroge sur la présence de jeunes femmes déguisées lors de ses soirées privées, il admet qu’il organisait simplement des « jeux de burlesque ». Pourquoi a-t-il choisi cet argument parmi un tas d’autres pour défendre sa cause, comme s’il espérait qu’une représentation d’une forme d’érotisme légitime était socialement partagée et pouvait par extension lui « sauver la face » ? Et s’il avait raison, si celle-ci existait réellement, pourquoi la société considérerait-elle le « striptease pur » comme quelque chose de « bas », donc illicite, quelque chose que l’on cache des autres, et placer le burlesque de l’autre côté, comme quelque chose de « haut », permis, voir digne de montrer aux autres, et conforme à une norme, qui vaut le coup d’être définie. Enfin, comment une « effeuilleuse burlesque » se différencie-t-elle d’une stripteaseuse ?
Depuis le début des années 1990, on peut observer un retour phénoménal d’un ancien genre du show-business américain, adapté par l’Europe et très vite par les autres parties du monde, appelé burlesque. Après avoir défini un genre littéraire et cinématographique, le mot « burlesque » appartient désormais à une forme de spectacle qui naît à la fin du XIXème siècle et qui connaît un fort succès jusqu’aux années 1950. Aujourd’hui, le « nouveau burlesque » a su reprendre les codes de l’ « ancien » représentant une danse légère, sensuelle et glamour ou la danseuse finit par enlever son costume pour dévoiler son corps. Mais pour donner sa forme moderne, le burlesque a du s’imprégner aussi des idéologies post féministes qui lui donnent une toute nouvelle allure. Ainsi se créent deux formes actuelles du burlesque – distinction contestable car suggérée par certains « performeurs » alors qu’elle est considérée comme infondée pour d’autres : le burlesque classique, reprenant tous les codes de la forme ancienne et le « new burlesque », parfois appelé aussi le « neo burlesque » qui est sa version déjantée et souvent comique, où les codes de la sexualité comme de la sensualité sont fréquemment détournés. Aujourd’hui le phénomène « burlesque » touche tous les pays occidentaux et est devenu une véritable mode. En France, chaque grande ville compte au moins une association chargée d’organiser des cours et des spectacles de burlesque. Son public grandit très vite, souvent proportionnellement à l’intérêt que les médias y portent, intérêt qui est très important depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, la plupart des métropoles occidentales comme New York, Toronto, Berlin et Paris, compte son festival international du burlesque. Jacki Willson explique le caractère et donne une définition à ce phénomène dans son livre The Happy Stripper (2010), où elle rappelle la naissance de la Jo King’s London School of Striptease, la première école de striptease en Europe, dédiée aux étudiantes âgées de 18 à 76 ans :
King (Jo) a fondé cette école parce qu’elle voulait que les femmes aient confiance en elles-mêmes et en leurs corps. Le phénomène du burlesque est connecté à cette mode du striptease et « pole/lap dance » par son affirmation de l’expression sexuelle des femmes. Mais contrairement au striptease pur, le burlesque a une pique. C’est un genre parodique et érotique fondé sur le second degré et le décalage. La  performeuse burlesque se retourne vers son public, elle sourit et à travers son sourire, elle interroge son audience, autant qu’elle interroge sa propre performance. Performance qui est comique, excentrique, coquine et provocatrice mélangée à une esthétique du vintage. Le burlesque c’est le « bas » envahissant le « haut ». Le burlesque intègre d’une manière provocante et insolite la culture de masse en  adoptant ses formes-le théâtre, le cabaret, le spectacle vivant, la comédie, le crique, la danse moderne, sans jamais en prendre l’une de ces formes trop au sérieux.
Si l’on revient aux accusations de Berlusconi, ses explications peuvent paraître spontanément ridicules, mais la construction de son argumentaire relève d’une tentative de légitimation plutôt réfléchie. Car si le burlesque n’est pas censé être pris trop au sérieux, les « jeux de burlesque » contrairement aux « orgies » imaginées par l’opinion publique ne devraient pas l’être non plus. Le Burlesque ne se donne pas à voir, ni l’est d’ailleurs par les médias,  comme le striptease « traditionnel », étiqueté comme un geste sexiste, immoral, voir impur. Le burlesque est en fait une forme d’art et se définit comme le prolongement des mouvements post féministes valorisants la femme et l’expression de sa sexualité. L’ex premier ministre italien peut donc librement considérer que rien n’est mal dans l’organisation des « jeux du burlesque », bien au contraire.  Il aurait pu organiser « La France a un incroyable talent » dans sa cave, la gravité des faits aurait été du même poids.
La comparaison avec un talent show n’est pas uniquement ironique. En réalité, la société italienne a brillamment intégré la mode de l’art du burlesque au sein de ses médias. L’Italie a été le premier pays du monde à créer une version burlesque des talent shows comme « The Voice », ou « American Idol » appellé « Lady Burlesque ». Il s’agit d’un programme ou un jury spécialement constitué pour l’occasion se déplace dans tout le pays pour trouver la meilleure performeuse de l’Italie. Silvio Berlusconi, si bien connu pour sa relation intime avec les médias aurait simplement su suivre la vogue, entre les murs de sa résidence privée. Mais comment le monde du burlesque lui-même réagit-il à cette confusion, cette frontière incertaine, entre le burlesque et le striptease ? Est-ce que les performeuses se décrivent toutes comme des « stripteaseuses heureuses » pour reprendre le terme utilisé par Willson ?
La réponse varie énormément selon quel performeur, quel média, ou encore quel public choisit-on d’interroger, mais surtout selon la culture du pays où ce nouvel-ancien genre de l’industrie du spectacle se développe depuis la « folie burlesque » que l’on peut identifier dès les années 2000. Jo Weldon, performeuse mondialement célèbre, directrice de la New York School of Burlesque et auteure du premier manuel du burlesque, affirme sans gène ces origines dans le striptease « traditionnel ». Jacki Willson de son côté assume fermement le terme « striptease burlesque ». Dita Von Tease, celle qui a sans doute le plus médiatisé le burlesque de nos jours à l’échelle mondiale, consacre une page de son livre Burlesque and the art of tease à toute une liste de synonymes plus adaptés que le mot « stripteaseuse », en même temps rappelant que Gypsy Rose Lee, l’icône du burlesque à l’ancienne a en fait préféré le mot « stripteaseuse ». Juliette Dragon, la directrice de l’Ecole des Filles de Joie, dit parfois à ses étudiantes, qu’elle ne devraient pas vouloir à tout prix fuir le mot « striptease », et montre par ses cours que leur striptease a elles est quelque chose de tout à fait digne et socialement désirable. Ce qui importe n’est pas le fait d’enlever ses vêtements ou pas, mais la manière dont on le fait et l’intention qu’on y donne. Ses propos, souvent rappelés durant les spectacles de l’école, donne à voir une approche post féministe du mouvement. Le nouveau burlesque a ses propres codes concernant l’effeuillage. Par exemple, on ne peut jamais montrer ses tétons sans les couvrir de « nippies ». Certaines performeuses refuseront de montrer leurs jambes sans collants résilles pour des raisons tantôt idéologiques, tantôt esthétiques. La « stripteaseuse burlesque » décide avant tout elle-même si elle veut s’effeuiller et si c’est le cas, ce qu’elle a envie de montrer à son public. Beaucoup de performeurs diront que dans le burlesque on a droit de ne pas le faire du tout ou bien d’enlever seulement un gant, si selon l’artiste cela est suffisant pour sa visée artistique du spectacle. Il existe également des normes assez universelles que l’on peut remarquer lors des spectacles du burlesque en France. J’ai pu voir des spectacles, ou, si un homme se met à crier « à poil » lors de l’effeuillage d’une des artistes, son numéro est interrompu immédiatement pour laisser la place à l’homme en question, qui sera demandé de s’effeuiller à son tour, sur scène, devant le même public, sinon il est invité à quitter la salle.
Certains médias diffusent des programmes qui se servent du mot « burlesque » en excluant entièrement de son contexte le geste d’effeuillage. J’ai récemment regardé un épisode de The best : le meilleur artiste, un nouveau talent show sur TF1 où l’on pouvait entendre l’animateur décrire comme « cabaret burlesque » le numéro de l’artiste de cirque Polina Volchek. Si elle a présenté un numéro bel et bien impressionnant de hoola-hop, elle n’a toutefois ôté aucun de ses vêtements. Ce qui a été présenté au public comme « cabaret burlesque » était en fait une expression de l’esthétique du numéro : l’artiste portait un corset et dansait sur la musique du film « Moulin Rouge ». Il a suffit d’inclure ces deux références qui font appel à l’imaginaire commun du burlesque pour que le numéro puisse être classifié comme tel. L’expression « burlesque », adjectif qui décrit une esthétique plutôt qu’il ne désigne une mise à nu, a été repris par l’industrie de la mode, où l’on a classifié comme « burlesque » le défilé de la créatrice Betsey Johnson pour sa collection printemps/été 2012. Mais l’exemple le plus frappant du burlesque « puritain » est le film Burlesque, réalisé par Steve Antin en 2010, où à aucun moment on ne fait intervenir de l’effeuillage. Le réalisateur a décrit visuellement, et donc donné à voir aux spectateurs du film le genre « burlesque » comme « cabaret burlesque », donc sans nudité, par opposition au « striptease burlesque » . De l’autre côté de l’océan, Mathieu Amalric propose la même année le film Tournée, qui met en scène une troupe de burlesque américain, le Cabaret New Burlesque. En engageant dans son film de vraies performeuses qui pendant le film jouent les mêmes numéros que dans la vraie vie, Amalric propose une vision beaucoup plus réaliste de ce qu’est le genre aux Etats-Unis, en y incluant naturellement la nudité avec tous ses aspects, artistiques, comme idéologiques. Pourtant les deux films, proposant une vision très différente du burlesque sont aujourd’hui souvent cités à la même échelle comme ceux qui ont participé à la médiatisation du burlesque moderne.
En France de nombreux articles, et formes télévisuelles présentent des femmes, bonnes mères de famille, femmes au foyer, ou travailleuses qui performent le burlesque dans leur temps libre dans le but d’accepter leur corps, de stimuler leur féminité ou simplement pour le « fun ». Le burlesque est mis alors en scène comme une thérapie. Mais en Pologne, en 2012, les médias révèlent un scandale : une école d’enseignement supérieur organise un concours de beauté lors duquel les candidates se promènent sur scène en lingerie avec une gestuelle à connotation sexuelle forte. L’école parle d’une « performance burlesque », mais l’opinion publique en décide autrement. Les médias décrivent l’événement comme un dérapage, mais impossible de savoir à quel moment la limite entre la vulgarité et le burlesque « noble », donc post féministe a été transcendée. La Pologne n’a pas su supporter l’hyper sexualisation de cette compétition, car une miss ne peut pas évoquer une « stripteaseuse » rappelant toute une symbolique de la domination masculine, dont la miss moderne, dotée elle aussi d’une lourde histoire, doit à tout prix se distinguer.
Le phénomène burlesque souligne la tension dans notre société entre le « bas » et le « haut » de la sexualité, et inspire de nombreuses questions sur la libération sexuelle des femmes. Les médias participent sans doute grandement au phénomène de « mainstreamisation » de la sexualité, mais quelle sexualité est en réalité socialement acceptable et légitime ? L’ « attitude burlesque » est mise en scène comme « assumer sa sexualité de femme », « aimer son corps », ou encore « être maitresse de soi-même». Mais le mot « striptease » est parfois dissimulé par les médias pour souligner le jeu de mots subtil entre « stripteaseuse », mot du stigmate, et « performeuse burlesque », mot d’artiste.
 
Marta Brodzinska
Sources :

Jacki Willson, “Tha Happy Stripper: Pleasures and Politics of the New Burlesque”(I.B Tauris, 2007)

Lady Burlesque: su Sky Uno il talent show… si svela!


Jo Weldon, “ The Burlesque Handbook” (It Books, 2010)
http://www.theatredurondpoint.fr/saison/fiche_spectacle.cfm/153557-cabaret-new-burlesque.html
« Tournée », Mathieu Amalric (2010)
Ditta Von tease, “Burlesque and the art of tease” (It books, 2006)
http://www.telleestmatele.com/article-video-the-best-le-meilleur-artiste-23-aout-2013—numero-de-hula-hoop-avec-polina-volchek-119676530.html
http://www.dailymotion.com/video/xl2s06_betsey-johnson-s-burlesque-show_news
http://plejada.onet.pl/mam-talent
http://warszawa.gazeta.pl/warszawa/1,34889,13806044,SGGW_przeprasza_za_polnagie_wybory__Naganne_zachowania.html
Crédits photos :
Photo 1: Performeuses du cabaret Burlesque Babylone lors du spectacle Babylone Circus http://www.burlesque-babylone.com; photo : © Hervé Photograff
Photo 2: Performeurs Seb Zulle et La Môme Patchouile, au Pretty Propaganda de Louise de Ville ; photo : © Gilles Rammant http://www.gillesrammant.com

Politique

Tous les chemins mènent aux Roms

 
Les Roms et leur intégration : c’est le sujet qui a occupé l’espace public et la scène politique ces derniers temps. La presse ne parlait que de ça, et pourtant le sujet n’est pas nouveau. Déjà Nicolas Sarkozy en avait fait son cheval de bataille pendant son mandat, ce qui peut paraître plutôt convenu pour un Président de droite. C’est pourtant sous un gouvernement de gauche que le sujet a de nouveau cristallisé les tensions. C’est à gauche que l’on a pu observer une levée de boucliers : Manuel Valls, ministre de l’Intérieur en tête, mais aussi Claude Bartolone, président de l’Assemblée Nationale. Pourtant les autres formations politiques ne sont pas en reste : pour critiquer la parole gouvernementale (pour diverses raisons d’ailleurs, suivant que l’on soit plus à gauche ou plus à droite sur le cursus politique) élus et hommes politiques n’ont pas hésité à renchérir : cette thématique de l’immigration ethnique (strictement Rom) a ainsi pris la forme d’une ritournelle entêtante.
Ce sont les propos de Manuels Valls qui ont mis le feu aux poudres, ce dernier ayant déclaré que les « Roms n’avaient pas vocation à s’intégrer ». Pour un Ministre de l’Intérieur socialiste, cette prise de parole politique a fait l’effet d’un coup de poing médiatique comme idéologique. Le discours de Parti Socialiste est habituellement assez complaisant vis-à-vis est de l’immigration (nous ne prenons pas en compte ici la diversité des positions au sein du Parti Socialiste, qui est idéologiquement très divers) : la déclaration du Ministre de l’Intérieur pourrait donc apparaître comme un revirement idéologique opportuniste, à mettre en parallèle avec la popularité exponentielle du discours du Front National, qui le week-end dernier à Brignoles a de nouveau prouvé son efficacité sur un public originellement sensible au discours et aux valeurs de gauche (le maire sortant est communiste). En fait, il n’en est rien. Le mandat de Manuels Valls place Beauvau inaugure un nouveau type de communication et d’exercice de la fonction du « premier flic de France » : face aux dérives de la peur de l’étranger, loi immémorielle en politique, il oppose la force du discours républicain, qui a l’avantage de ne pas être teinté d’une coloration partisane. La République est encore ce qui fait lien chez les Français, eux qui désavouent tant les partis politiques enfermés dans leurs querelles politiciennes. Cette déclaration semble faire l’unanimité dans l’opinion publique : selon un sondage BVA-Le Parisien, 93% des Français jugent que les Roms « s’intègrent mal ». Et pourtant, François Hollande n’a de cesse de chuter dans les sondages, et surtout chez les électeurs de gauche, déjà désabusés par la politique économique libérale du Président socio-démocrate.
Cette déclaration a donc suscité la colère de plusieurs responsables de gauche, dont la Ministre du Logement Cécile Duflot, qui a accusé Manuels Valls de « mettre en danger le pacte républicain », évoquant entre les lignes la promiscuité du discours gouvernemental avec le discours frontiste. Là encore, selon un sondage BFM, 2/3 des Français soutiendraient les propos de Valls face à ceux de Duflot. Les responsables du Front de Gauche ont aussi fustigé les propos du ministre de l’Intérieur, répondant par le projet d’ouverture d’un village d’insertion pour Roms dans le très chic XVIème arrondissement. Si à gauche on essaie d’investir le débat sur le plan idéologique, pour exister dans l’espace public et faire valoir une certaine force de proposition, à droite et au centre, on dénonce l’opération de communication. C’est par exemple le cas de Christian Jacob, chef de file des députés UMP, qui suite au recadrage des ministres par Hollande (celui-ci invoquant le « principe de solidarité » qui doit prévaloir au gouvernement) a raillé l’intervention du Président qui, selon lui, n’a que vocation à mettre fin à la polémique sur les Roms qui a opposé ses deux ministres :
 « On est là pour y traiter les affaires de la France. On n’est pas là pour trouver la motion de synthèse entre les différentes sections du PS qui sont en train de s’affronter. »
Denis Broliquier, maire UDI du 2ème arrondissement de Lyon, a quant à lui, accueilli avec soulagement le soutien du maire socialiste Gérard Collomb à Manuels Valls, officialisé par sa participation à une tribune publiée dans le JDD dimanche 6 octobre. Cependant, selon lui, « la communication ne fait pas l’action. Il est grand temps de sortir des gesticulations médiatiques qui tentent de rassurer à l’approche des élections municipales ».
En effet, à l’approche des municipales, il est certain que nous n’avons pas fini d’entendre parler des Roms. Nous avons tous vu passer sur nos fils d’actualité des réseaux sociaux ces articles mettant en valeur la réussite de jeunes filles Roms (qui ont acquis la nationalité française ou ont pu faire de grandes études à la Sorbonne). Hommes politiques, élus, journalistes, parlementaires, intellectuels, opinion publique : tout le monde ne parle que des Roms. Les municipales, qui sont habituellement des élections qui mobilisent sur un programme, s’annoncent donc riches en contenu et en proposition…ou ne seront qu’une vaste campagne de communication, où chaque candidat se contentera de réagir aux propos des autres. On ne peut qu’espérer qu’il en aille autrement.
 
Laura Garnier
Sources :
RTL.fr ()
Mlyon.fr (http://www.mlyon.fr/108123-roms-a-lyon-la-communication-de-valls-et-collomb-ne-fait-pas-l-action-selon-broliquier.html)
Libération (http://www.liberation.fr/societe/2013/10/02/nous-avons-peur-non-pas-des-roms-mais-de-leur-ressembler_936559)