Société

Jacques said Draw your life !

 
Un beau dessin vaut mieux qu’un beau discours : telle serait la morale de la nouvelle fable moderne dans laquelle l’internaute raconte une histoire (sa vie !) au travers de dessins.
Après le journal intime à qui l’on confiait ses problèmes, les blogs ont fait leur apparition. Délaissés depuis quelques années, il manquait donc un outil de confidence pour toute cette masse humaine qui avait remplacé le cahier par l’écran et sur ce même écran, l’écrit par l’image.  En effet, de nombreux Youtubers racontent leur vie, leurs difficultés grâce à Draw my life. Le principe n’est pas bien compliqué : une main est filmée alors qu’elle dessine des personnages et rédige des textes simples, l’image est retransmise en accéléré et accompagnée d’un fond sonore (musique et voix off). On compte aujourd’hui environ 3 millions de vidéos qui ont adopté ce concept !
Sam Pepper, artiste britannique, a publié une vidéo de 5 minutes et 9 secondes le 8 janvier 2013 qui a déjà été visualisée plus d’un million de fois. Le titre de la vidéo « Draw My life » a donné son nom au mouvement.

Depuis cet été, les vidéos calquées sur ce modèle font fureur en France : les jeunes, entre 17 et 25 ans, sont les premiers à se lancer dans ce jeu du dessin. Le format est d’autant plus séduisant qu’il ne demande aucune qualité artistique puisque, dans sa vidéo, Sam Pepper fait des dessins simplistes avec des personnages en bâtons. Il n’est plus question de grammaire, d’orthographe, de syntaxe : un élève de maternelle pourrait dessiner sa vie. C’est pourquoi, selon les vidéos « Draw My life », les dessins peuvent être grotesques ou bien artistiques.
L’idée est de confier une partie de sa vie personnelle, voire intime. Ce buzz, plutôt récent, invite à se questionner sur l’utilisation et l’évolution des moyens de faire des confidences jusqu’à aujourd’hui. Le journal intime était réservé à son seul auteur. Les blogs s’adressaient à des amis, à un entourage proche. La vidéo Youtube s’adresse à tous les internautes confondus, à cette communauté du web qui partage tout. Les confidences deviennent donc de moins en moins confidentielles et de plus en plus théâtralisées. C’est ainsi que les difficultés sont souvent partagées sur le ton de la plaisanterie, avec un ton enjoué : une technique qui permet de prendre de la distance. Youtube devient ainsi le théâtre de nombreuses confidences.
Le phénomène s’étend rapidement et s’élargit, s’éloignant de la même manière de son objectif initial. C’est ainsi qu’une classe de collège illustre un cours grâce à ce même concept :

Ces élèves dessinent des animaux marins, non des éléments de leur quotidien : on perd alors la dimension primordiale de la thématique personnelle initiée par Sam Pepper dans sa vidéo. Mais cet exemple montre bien l’ampleur prise par  cette nouvelle mode.

Clothilde Varenne

Société

La guerre de l’access prime time

R.I.P #Morandini. Le PAF est en deuil depuis l’arrêt de l’émission « #Morandini – Télé, people, buzz » sur NRJ 12. Avec moins de 1% de part d’audience, l’émission n’aura pas même tenu le cap du mois de septembre et aura été la 1ère victime de la bataille qui fait actuellement rage sur la tranche du 19h 21h. Pourquoi cette case du 18h – 20h, appelée access prime-time est-elle si stratégique pour les chaînes de télévision? FastNCurious vous livre les quelques éléments nécessaires à la compréhension des enjeux au cœur de cette bataille cathodique.
Pourquoi l’access prime time est si important ?
L’access prime-time est une case particulièrement stratégique dans la mesure où il s’agit d’une des plages horaires les plus regardées. C’est donc sur cette case qu’il est possible d’attirer les annonceurs et ainsi d’augmenter le prix de vente de l’espace publicitaire à la seconde. Or, en 2005, lorsque les chaînes de la TNT ont fait leur apparition sur nos écrans, ces dernières ont décidé de casser les prix de leur espace publicitaire afin d’attirer les annonceurs. Face au succès de cette stratégie, les autres chaînes n’ont eu d’autres choix que de s’aligner sur ces nouveaux tarifs. Si cette politique a été favorable aux annonceurs, elle a créé un réel manque à gagner pour l’ensemble du panorama télévisuel français. Aujourd’hui, plus que jamais, il est donc primordial pour les chaînes d’asseoir leur audience sur la case de l’access prime-time afin de continuer à attirer les annonceurs et assurer ainsi une source de revenu cruciale en temps de crise[1].

La « Grande Famille » Canal
Jean-Marc Morandini écarté[2], deux groupes restent dans la bataille. D’un côté Canal+, de l’autre France Télévisions. Le Grand Journal –émission phare de Canal+- a été au cœur des discussions estivales. Tout le monde y est allé de sa critique sur le retour d’Antoine De Caunes y compris Cyril Hanouna -animateur vedette de l’émission Touche pas à mon poste et concurrent frontal du Grand Journal – qui estimait que cette décision était « très très mauvaise [3]». Si Touche pas à mon poste réalise de bons scores d’audience depuis la rentrée (autour de 6%), la nouvelle formule du Grand Journal peine, quant à elle, à trouver son public. Malgré les différents qui les opposent, Hanouna et De Caunes œuvrent au succès du même camp puisque la chaîne D8, sur laquelle est diffusée Touche pas à mon poste, appartient au groupe Canal+.

France Télévisions passe à l’attaque
Face à ces deux émissions on retrouve sur France 5, C à vous présentée depuis début septembre par Anne-Sophie Lapix[4]. Le pari était risqué tant Alexandra Sublet était parvenue à apposer, au cours des six saisons précédentes, sa marque de fabrique à cette émission. Bien qu’elle doive encore trouver ses marques, Anne-Sophie Lapix réalise de bons scores (autour de 4% de part d’audience) et s’inscrit dans la continuité de la stratégie mise en place par Sublet dont les maître-mots étaient convivialité et complicité.
Avec cette émission, France 5 en profite pour affirmer les bases posées par sa dernière campagne de communication lancée en juillet dernier et qui rompt avec une image jugée parfois « intello » et froide, afin d’affirmer le ton décalé de la chaîne[5]. Par effet ricochet, ce positionnement a pour but de dynamiser l’ensemble du groupe France Télévision. Et les débuts victorieux d’Anne-Sophie Lapix sont de bon augure pour l’arrivée de Sophia Aram, sur France 2, avec son émission Jusqu’ici tout va bien, à 18h00, sur une case jugée particulièrement compliquée à faire décoller.
L’ambition de C à Vous est de parvenir à chasser sur les terres de Canal+. Et lorsqu’Anne-Sophie Lapix interroge Michel Denisot sur la concurrence entre Hanouna et De Caunes, ce dernier lui répond que « comparer Touche pas à mon poste au Grand Journal, c’est comme comparer Rires et Chansons à France Inter ». Heureux hasard puisque Patrick Cohen, animateur star de la matinale de France Inter est également intervieweur sur le plateau de C à vous et qu’entouré d’Anne-Sophie Lapix, ils semblent bien prêts à récupérer les téléspectateurs déçus de Canal+.

 Angelina Pineau

[1] Source de revenu d’autant plus cruciale pour France Televisions qui ne peut plus gagner d’argent grâce à la publicité après 20h.

[2] Rassurez-vous quand même, il reviendra sur NRJ 12 pour présenter l’émission « Crimes ».

[3] #espritdefamille http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2013/06/18/hanouna-de-caunes-au-grand-journal-une-tres-tres-mauvaise-idee_3432250_3236.html

[4] Ancienne de Canal + et actuellement en procès contre le groupe suite à son départ de France 5 pour non-respect de son contrat d’exclusivité

[5] Ladite campagne, à mon sens particulièrement réussie http://www.ozap.com/actu/france-5-lance-une-campagne-de-pub-a-l-occasion-de-sa-nouvelle-signature/447960/m1#scrolldown  

 

Société

A l'école des marques

 
Que peuvent avoir Lego, Free et Google en commun ? Le premier crée une école au Danemark. Le deuxième est à l’initiative de la controversée « Ecole 42 ». Le troisième ne se contente plus de Google Scholar, son moteur de recherche des articles universitaires. Il cherche à se placer dans le commerce de l’e-education par la vente de manuels. Mais comme toujours, le mastodonte d’Internet tente d’anticiper. Ainsi, en plus de s’associer avec EdX, le projet du MIT et de Harvard, Google est en train de mettre en place un site tout simplement appelé « mooc.org » qui devrait être terminé en 2014. Acte qui peut paraître anodin, mais vu l’importance que devraient prendre les MOOCs, cela revient à posséder des noms de domaines tels que ecole.com, video.net… Pour la première fois, Google ne cherche pas à créer un mot en partant de rien (YouTube) et se débarrasse de l’omniprésence de son nom (Google Mail, Google Doc, Google Music, Google Reader…)
En quoi cela va-t-il consister ? Et surtout qu’est-ce qu’un MOOC ?
Le procédé est simple. Les Massive Open Online Course sont des cours en ligne proposés par des grandes écoles : Stanford d’abord, puis Harvard, Yale, le MIT, et depuis peu, en France, Polytechnique. Ceux-ci sont rassemblés sur des plateformes, Coursera étant la plus connue. Elle commence d’ailleurs à trouver un système économique, ce qui était loin d’être évident ; car ces cours sont gratuits.
N’importe qui peut y accéder, il suffit de s’inscrire et de sélectionner des cours entre les deux catégories suivantes :

les cours « fermés » : programmés dans le temps, il n’est pas possible de les rejoindre à n’importe quel moment, et il faut être à l’heure pour le suivre. C’est le format le plus proche de celui auquel nous sommes habitués. Le professeur parle par vidéo par exemple, l’on peut poser des questions sur des forums, et il faut rendre des devoirs

les cours un peu plus sporadiques, souvent moins longs, qu’il est possible de télécharger. Ils sont moins interactifs, mais les forums sont toujours animés.

Certains de ces cours débouchent sur un diplôme numérique (oui, vous pouvez désormais être diplômé de Harvard !) qui atteste la réussite de l’étudiant.
Les MOOCs ont fait, et font toujours face à une vague de scepticisme venant de plusieurs d’acteurs. Il y a d’abord la traditionnelle peur de la dématérialisation et de la disparition du professeur, dont découle le problème de l’assiduité : rester seul devant son écran sans se divertir n’est pas chose aisée. Vient ensuite celui du financement : Coursera a décidé de faire payer les diplômes. Cela fonctionne pour les grandes écoles prisées, mais qu’en sera-t-il pour les plus petites ?
Pour autant, étant donnés les récents positionnements des marques, ce scepticisme a tout l’air d’un leurre. Si même Google décide d’investir, il y a fort à parier que ce secteur a de l’avenir.
Il est clair que l’éducation va être bouleversée par le numérique. Les MOOCs sont loin d’être la seule innovation : entre les classes qui utilisent Twitter pour communiquer et éveiller les enfants, les « serious games », les jeux éducatifs, c’est tout un nouveau marché qui s’ouvre. Etant donné le retard de l’Etat, il pourrait bien être trusté par les grandes entreprises. Reste la question éthique : est-ce sain de passer sa maternelle chez Lego et d’étudier chez (pour ?) Free ?
 
Virginie Béjot

Société

Facebook, ton pire cauchemar ?

 
Des conditions générales nébuleuses
Le 26 août dernier, Facebook a dû faire face à une plainte massive. Le groupe de Marc Zuckerberg s’est engagé à reverser 20 millions de dollars aux utilisateurs dont certaines données avaient été revendues à des fins publicitaires, à leur insu. Afin de faire preuve de plus de transparence et de clarifier les paragraphes nébuleux permettant certaines interprétations, Facebook a prévu un changement de ses conditions générales, concernant particulièrement l’utilisation de ses données. Cette annonce s’est faite très discrètement (du moins vis-à-vis des utilisateurs). Pourtant, six associations américaines pour la défense des libertés sur Internet se sont emparées du sujet, ce qui a conduit à un décalage dans le lancement de cette politique auprès des utilisateurs américains. Les modifications ne sont plus qu’une question de temps. L’Europe s’inquiète, même si encore protégée par les autorités de protection des données comme la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) qui restent méfiantes à l’égard de ces pratiques. Des articles soucieux ont fusé, ici et là.
Entre volonté de faire preuve de transparence et d’honnêteté et simple protection juridique, la modification des conditions générales d’utilisation n’en reste pas moins une remise en question de la propriété des données nous concernant.
L’écrire, c’est pire
Cette modification dont nous parlons tant, que signifie-t-elle concrètement? Selon Facebook, il s’agit de clarifier un point qui pourtant, pour les médias, n’est autre que l’annonce d’une abominable vérité que les utilisateurs refusent de voir : Facebook utilise nos données, à notre insu et à des fins commerciales. Après maintes recherches sur Internet et après avoir épluché les conditions d’utilisation version française, il semblerait que le pire se tienne encore aux Etats-Unis. Par exemple, le paragraphe 10 point 1 est beaucoup repris par les médias :
Vous nous donnez la permission d’utiliser votre nom et la photo de votre profil en rapport avec du contenu commercial ou sponsorisé. Par exemple auprès d’une marque que vous avez soutenue en cliquant sur « like ». Ceci signifie que vous donnez votre accord pour qu’un business ou une autre entité rémunère Facebook pour l’utilisation de votre nom, la photo de votre profil et les informations vous concernant, avec votre consentement, sans aucune compensation en échange.”
et on obtient en Français :
Vous pouvez utiliser vos paramètres de confidentialité pour limiter la façon dont votre nom et votre photo de profil peuvent être associés à du contenu commercial, du contenu sponsorisé ou d’autres contenus (tels qu’une marque que vous indiquez aimer) que nous diffusons. Vous nous donnez la permission d’utiliser votre nom et votre photo de profil en association avec ce contenu, conformément aux limites que vous avez établies.”
Entre le pire et le “moins pire”… Une fois décortiquée la langue de bois, Facebook utilise tout de même vos noms et photos pour faire de la publicité sponsorisée, mais il semblerait qu’en France l’on ait encore un choix, ce qui n’est plus le cas outre-Atlantique. Encore faut-il savoir que vos paramètres par défaut sont « tout public ». Peut-être découvrirez-vous un jour votre tête dans une publicité pour spiritueux ou problèmes de peau… A suivre !
Quand l’argent n’a pas honte
Notre première réaction était celle d’une surprise abasourdie, quant à ce que permet le premier réseau social du monde. D’autant qu’ils ne changent pas leurs façon de faire, ils ne font qu’officialiser une pratique qu’ils exerçaient déjà (cf. lien RFI). Le droit français et européen offre encore une certaine protection du droit moral et privé, dont les contours tendent à changer ces dernières années.
Certes, il est grave qu’une entreprise prenne autant de libertés avec notre propre liberté et vie privée mais au final, on se demande si le plus grave, ce n’est pas cette indifférence générale qui gangrène les utilisateurs. Même si l’information a été relayée par les médias, sur un ton plutôt alarmant d’ailleurs, les internautes n’ont pas massivement crié leur opposition aux nouvelles conditions d’utilisation et n’ont pas non plus décrié l’abus qui en est fait. Oui, ils ont grincé des dents. Mais pas avec assez de conviction pour quitter Facebook, ce qui aurait (peut-être ?) permis de remettre en cause l’utilisation de la plateforme.
 
Sophie Pottier et Pauline St Macary
Sources:
RFI
Commentçamarche
Le Monde
Gentside
Un dernier lien datant de 2009 mais toujours intéressant
Crédits image : zombie-parade.net

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she started it
Société

Entrepreneur[e]s

 
A l’heure où la parité gagne du terrain en France grâce aux sanctions financières imposées par le gouvernement, l’inégalité professionnelle entre femmes et hommes demeure forte dans de nombreux secteurs. Le bilan 2013 de la loi pour l’égalité des salaires en entreprise, votée le 2 novembre 2010, fait état de 4 entreprises sanctionnées et plus de 400 mises en demeure (elles ont 6 mois pour régulariser leur situation). Cependant, note la ministre des Droits des Femmes Najat Vallaud-Belkacem, dans l’émission de Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV ce mercredi 4 septembre, le chiffre le plus significatif du réveil des consciences est celui des 2700 plans d’égalités présentés par « les entreprises qui ont compris que le couperet désormais tombe ».
Loin du « name and shame » américain, les entreprises en faute ne sont pas expressément désignées. Il nous est donc permis de nous interroger sur les secteurs d’activités les plus concernées par la question de la parité. Comme souvent, les apparences peuvent être trompeuses et les secteurs les plus jeunes et dynamiques ne sont pas toujours les plus justes à l’égard de leurs membres actifs.
Cet été, entre le biopic de Steve Jobs, la sortie du livre de Sheryl Sandberg et le voyage dans la Silicon Valley de notre ministre de l’Economie Numérique, Fleur Pellerin, la question de la position des femmes du secteur « tech », devient brûlante. Mais la médiatisation récente de figures féminines exemplaires dans l’industrie technologique ne parvient pas à masquer la réalité d’une industrie souvent inégalitaire.
A y regarder de plus près, il s’avère que l’écosystème digital, partout dans le monde, n’est pas tendre à l’égard du sexe féminin. De nombreux projets veulent mettre à mal les stéréotypes en encourageant les femmes à se lancer dans l’industrie numérique.
En juillet sur Indiegogo, le projet de deux journalistes (l’une française, l’autre américaine) a récolté  des fonds pour la production d’un documentaire sur entrepreneuriat féminin intitulé « She Started It ». Nora Poggi et Insiyah Saeed ont débuté le tournage dans la Silicon Valley et elles ont prévu de l’achever à l’automne en Europe, notamment à Paris. Le but d’une telle production est de mettre en lumière le parcours atypique (ou non) de ces femmes à la tête d’entreprises numériques, mais aussi d’influencer une nouvelle génération de femmes nées avec le digital. Un programme qui se résume par « Si elles l’ont fait, alors pourquoi pas moi ? »
Un projet plus qu’utile quand on s’attarde un peu sur les chiffres de l’entrepreneuriat féminin, en France et ailleurs. Pas une femme à la tête d’une entreprise du CAC 40, et 21 seulement dans le classement Fortune 500 2013 (dont Marissa Meyer, à la 494ème place !). La France affiche un retard flagrant en terme de femmes occupant des postes à hautes responsabilités, loin derrière de nombreux pays européens et asiatiques. Un problème propre à « la culture d’entreprise française » selon Viviane Chaine Ribeiro, administratrice de Syntec Numérique, le premier syndicat professionnel de l’écosystème numérique français.
Dans ce secteur, les efforts sont nombreux pour unir et former les femmes. Girls in Tech, par exemple, fédère une communauté des femmes entrepreneurs dans le milieu technologique, en organisant des évènements qui mettent en avant les talents féminins. La fondatrice de la branche française du réseau, Roxanne Varza, évoque elle aussi la nécessité d’un changement de mentalités. Elle s’étonne notamment de l’absence de fondatrices de sites de rencontres, sites qui s’orientent pourtant vers un public très féminin. AdopteUnMec et Gleeden, qui se démarquent en étant « 100% pensés par des femmes » et au service des femmes, sont tout deux dirigés par des hommes !
A travers ce type de stratégie communicationnelle, c’est l’attitude d’un secteur tout entier qui est remise en question.
L’évolution, plus politique, des femmes dans le monde professionnel depuis ces dix dernières années est en décalage avec le rythme effréné de l’innovation technologique. Pourtant, la population féminine est chaque jour plus présente dans la sphère numérique, comme en témoigne de nombreuses études qui attribuent aux femmes l’utilisation majoritaire de réseaux sociaux tels que Facebook, Pinterest et Instagram. Il semble donc nécessaire pour le secteur des hautes technologies de reconnaître le rôle que les femmes peuvent jouer en son sein, notamment dans leur capacité à comprendre et influencer les utilisatrices qui font vivre l’économie numérique.
L’exode professionnel des femmes s’opère très tôt dans la scolarité, et peu de femmes s’orientent en ingénierie et science de l’informatique. Le taux de reconversion vers d’autres secteurs atteint des sommets au niveau universitaire.
Pour Nora Poggi, la médiatisation des femmes entrepreneurs de l’industrie numérique est un moyen d’inspirer les jeunes générations et de les convaincre de sauter le pas de l’entreprenariat. Elle nous évoque les raisons de son projet et ses aspirations pour le tournage en France : « Notre projet est à vocation globale. Mon but final est de pouvoir aller sur tous les continents à la recherche de ces femmes entrepreneurs dans l’industrie technologique. J’ai donc commencé par ce que je connais : la Silicon Valley où je vis depuis deux ans, et l’Europe d’où je viens. […] En France, j’aimerais interviewer Anne-Laure Constanza de Envie de Fraises, Céline Lazorthes de Leetchi, Fanny Pechiodat de MyLittleParis, et bien d’autres. Je veux m’intéresser aux histoires personnelles et professionnelles de ces femmes. En établissant le contexte de leurs parcours, ainsi que leurs réussites et les difficultés auxquelles elles ont été confrontées, je pense que nous verrons apparaître de manière sous-jacente les différences culturelles à l’œuvre. Il n’y aura pas de comparaison faite entre les femmes, mais plutôt une mise en contexte. Nous voulons aussi partir tourner à Berlin et à Londres, où tant de femmes entrepreneurs peuvent témoigner. »
Dans cette même lignée, un plan de sensibilisation à l’entrepreneuriat féminin a été présenté mardi 27 août par Najat Vallaud-Belkacem, Geneviève Fioraso et Fleur Pellerin. Aujourd’hui les femmes représentent 30% des entrepreneurs, un chiffre que les trois ministres voudraient voir grimper à 40% en 2017. Et dans le secteur numérique, elles composent 28% de la population active (selon Syntec Numérique), un chiffre bien en deçà de la moyenne nationale.
Ce plan de sensibilisation vise à agir tout au long de la scolarité en rendant l’entrepreneuriat attractif et accessible aux femmes. Un site de référence doit voir le jour en octobre 2013, et des fonds spécifiques vont être alloués aux projets d’entreprises menés par des femmes.
 
Clémentine Malgras
 
Sources :
She Started It Itw de Viviane Chaine Ribeiro pour Les Echos Plus d’infos sur le plan de sensibilisation : http://www.gouvernement.fr/gouvernement/entrepreneuriat-au-feminin-un-plan-pour-lever-les-obstacles

Société

Jacques a dit c'est encore Lui

 

La semaine dernière, un magazine à la fois tout neuf et déjà vintage sortait dans les kiosques. « Lui », relancé cette rentrée par Frédéric Beigbeder, c’était le mensuel des vrais hommes dans les années 70 : moitié macho, moitié intello, alternant entre rubrique ciné signée François Truffaut et pin-up nue en page centrale, avec un petit côté BCBG gentiment subversif. Mais le ton particulier de cette ligne éditoriale, à l’époque assez anodin, aura-t-il la même résonnance dans une époque où la guerre des sexes a repris du poil de la bête ?
Le cap fixé par Beigbeder et son équipe semble à la fois très simple et difficile à tenir. « Lui » s’adresserait donc au vrai mâle qui sommeille en chaque métrosexuel à la virilité malmenée. Il faut dire que le contexte s’y prête. Entre « La fin des hommes » d’Hanna Rosin et «Le premier sexe »  d’Eric Zemmour, l’heure est à la proclamation de la domination féminine, que ce soit pour la déplorer ou la célébrer. Le magazine se présente donc comme l’alternative à une presse masculine trop aseptisée, paralysée par cette inversion des rapports de force. Or, pour siphonner le lectorat de GQ et compagnie, rien de plus simple : il suffirait de combiner la nudité et les articles cash pour stimuler l’inconscient archaïque de ces messieurs.
Le problème, c’est que le magazine de charme a pris un sacré coup de vieux. Avec internet les filles nues sont désormais à portée de clic, donc plus besoin de les associer à des articles de fond pour légitimer l’achat du lecteur. Il en a résulté une totale dissociation entre revues pornographiques estampillées « beauf », et une presse plus sérieuse où les rubriques géopolitique et culture ne laissent plus de place à un intermède coquin. Le challenge sera donc de fédérer ces deux types de lectorat en n’étant ni trop vulgaire ni trop pointu. Pari plutôt réussi avec ce premier numéro, auquel Léa Seydoux apporte sa caution bobo « film d’auteur », ce qui ne l’empêche pas de montrer ses seins. Mais l’équilibre est précaire, et le parti pris dangereux : si on ferme aisément les yeux sur l’objectification de la femme dans tous les journaux féminins, il est très probable que les censeurs ne seront pas aussi indulgents avec ce mensuel à la réputation déjà sulfureuse.
 
Marine Siguier 
 

Société

Informer, tout simplement ?

 
 « Donner la parole ne signifie pas approuver, ni cautionner » écrit Alexis Brézet, directeur des rédactions, dans l’éditorial du Figaro du Mardi 3 Septembre, édition dans laquelle les lecteurs ont pu lire en première page une interview exclusive du dirigeant syrien Bachar el-Assad. A travers dix-huit questions, le journaliste Georges Malbrunot permet au dictateur de réagir à la volonté de la France et des Etats-Unis de lancer une intervention militaire suite au recours à des armes chimiques le 21 août dans la banlieue de Damas.
Dans son éditorial, permettant de proclamer la légitimité de la publication d’un tel entretien dans un grand quotidien national français, Alexis Brézet justifie le souhait du Figaro « d’apporter à (leurs) lecteurs, à l’opinion française et internationale, un élément essentiel à la compréhension du drame qui se noue ». Ce à quoi François Hollande a répondu lors d’une conférence de presse : « On ne remerciera jamais assez le Figaro pour son sens civique que d’avoir permis à l’opinion française d’être éclairée par l’interview de ce dictateur. Maintenant, nous savons qu’il veut liquider son opposition ».
Il convient en effet d’interroger le choix du quotidien d’accorder une telle tribune à Bachar el-Assad. Certes, les questions du journaliste sont loin d’être partisanes, ni timides. Du bain de sang syrien à l’emprisonnement de journalistes français en Syrie, Georges Malbrunot espère fait parler son interlocuteur sur des sujets sensibles et même dramatiques. Certes, interviewer un tyran dans une démocratie peut avoir du sens si l’on met en avant la nécessité informationnelle de la profession de journaliste. Certes, il est possible de le comprendre comme un devoir civique. Certes, le style journalistique employé ici, l’interview, permet d’afficher une certaine neutralité de la part du journaliste qui se contenterait de poser des questions. Alors la parole du tyran apparaîtrait sous sa forme la plus « brute », « naturelle », et « libre ».
Mais n’était-il pas possible de replacer d’avantage cette interview dans son contexte géopolitique et humain (tentative veine de l’éditorial d’Alexis Brézier) ? N’aurait il pas été préférable, dans une perspective démocratique et déontologique, de confronter la parole de Bachar el-Assad à celle d’un(e) autre, chef ou représentant de l’opposition syrienne, d’un dirigeant français, d’un insurgé ?
A la première question posée sur l’usage d’armes chimiques, le dictateur syrien se prête littéralement  à un jeu de rhétorique lors duquel il détruit cette accusation, en appelant à l’usage de la raison et de la « logique » (« Quelle est la logique ? »). Il enchaîne en effet pas moins de cinq questions rhétoriques.  On ne peut que regretter que le quotidien n’y ait pas apporté de réponses pour faire office de contrepartie à l’argumentation du dictateur. Plus que « raconter (…) donner la parole aux acteurs », le Figaro aura surtout permis d’informer ses lecteurs sur les capacités rhétoriques et le niveau de démagogie de Bachar el-Assad.
Faut-il en appeler à la liberté d’expression pour comprendre ce choix de la rédaction du Figaro d’accorder une interview à un dictateur ? En mars 2011, le quotidien avait déjà interviewé le dictateur libyen Kadhafi. En 2009, en visite en France, ce dernier avait publié une annonce dans Le Figaro, dans laquelle il « invitait » les lecteurs du quotidien à consulter son site internet. La publicité, qui occupait plus d’un quart de page, représentait un portrait du dirigeant libyen se tenant les mains et ce « message »: « Mouammar Kadhafi vous invite à consulter son site internet www.algathafi.org ». Le Figaro avait été le seul quotidien national à la publier.
Dans une interview parue sur le site internet de la Libre Belgique, Yves Thréard, directeur adjoint de la rédaction du Figaro, tente à nouveau de légitimer l’interview de Bachar el-Assad. Ainsi, à la question « Après la guerre, si vous aviez pu avoir une interview d’Hitler, l’auriez-vous également diffusée ? », le journaliste français répond : « Cela n’a rien à voir. Il ne faut pas comparer ce qui ne doit pas l’être.  Vous ne devez pas comparer Hitler et Bachar el-Assad. Il faut quand même garder la mesure. Est-ce que vous savez si c’est Assad qui a lancé des frappes chimiques ? On n’en sait rien pour le moment. Personne ne sait, pas même les experts français puisqu’on attend les conclusions des experts de l’Onu. Attendons de voir avant de condamner. »
En effet, 60 millions de personnes ont péri lors de la Seconde Guerre Mondiale et sous l’Allemagne nazie. Dans un rapport rendu le 13 juin 2013, l’ONU ne dénombre que 93 000 morts dont 6 500 enfants depuis le début du conflit en Syrie il y a deux ans. Bien que la question soit peu pertinente, la définition quantitative du niveau de tyrannie d’un homme que propose ici Yves Thréard peut être aussi effrayante.
 
M. L. J.
 
Sources :
Le Figaro du 3 Septembre 2013
Peut-on donner la parole aux dictateurs ? sur Lalibre.be
Interview de Kadhafi par Delphine Minoui dans le Figaro en 2011
Kadhafi fait sa publicité dans le Figaro – le Nouvel observateur politique – 2009

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Société

La Ligue des Justiciers à la rescousse des enfants qui luttent contre le cancer !

 
La maladie chez les enfants reste un sujet encore sensible aujourd’hui, un sujet sur lequel on tente de communiquer, mais dont on ne parle finalement pas tellement. Et pourtant, ces enfants atteints du cancer auraient besoin que l’on sache, besoin d’être accompagnés, que l’on se sente concernés. Et ça, les Brésiliens semblent l’avoir compris…
C’est en effet, dans cette optique que l’hôpital de A.C.Camarguo de São Paulo a fait appel à l’agence JWT Brazil pour créer un discours sensible et sensibilisant, destiné aux enfants, pour les aider à se battre pour guérir et vivre. De cette alliance entre JWT, A.C.Camarguo et Warner Bros., est donc née une volonté de changer la perception de la dureté de la chimiothérapie en la transformant en « Superformule » pour super-héros.
La première étape dans la lutte contre le cancer, c’est de croire en son traitement et en sa guérison. Cependant, commencer une chimiothérapie peut être effrayant, autant pour la famille que pour l’enfant. En partant de ce constat, l’idée qui a fait naître ce projet est ici plutôt simple à présenter, mais très riche en termes symboliques : combiner le monde des super-héros et les soins, afin de pouvoir expliquer aux enfants la difficulté du processus de traitement avec des mots qui leur parlent. Ainsi, en mai 2013, l’hôpital A.C.Camargo, qui s’occupe donc de patients touchés par le cancer, et notamment des enfants atteints de leucémie, a lancé ce projet de « Superformule » pour aider ces derniers à trouver de la force et du courage pour surmonter leur maladie et le traitement long et pénible.
Avant tout, ce sont des boîtes. Des boîtes pour dissimuler les poches de traitement par intraveineuse. Le thème ? Les vedettes de la Ligue des Justiciers afin de créer pour la première fois, une vision douce et adaptée aux enfants. Superman, Batman ou encore Green Lantern volent donc au secours de ces enfants malades en stimulant leur imaginaire, la meilleure arme qui soit. De plus, ces boîtes ont été inventées et fabriquées en partenariat avec des médecins : elles sont donc faciles à stériliser et à manipuler et répondent à toutes les normes d’hygiène de l’hôpital.
Mais le discours ne s’arrête pas là. JWT est allé plus loin dans la construction d’une nouvelle identité du traitement contre le cancer, voire de la maladie elle-même : ils ont produit une série spéciale de dessins animés et de bandes dessinées dans lesquelles les super-héros traversent des épreuves similaires à celles des enfants atteints du cancer. Dans ces petites histoires, les héros de l’enfance parviennent à retrouver leurs forces grâce à la « Superformule » et se présentent donc comme un miroir de ces bouilles désormais pleines d’espoir de l’hôpital brésilien. L’expérience transcende ainsi les simples boîtes posées sur les perfusions pour devenir un monde presque réel : la salle de jeu des enfants de l’hôpital a été transformée en « Hall of Justice »*, les couloirs et les portes ont été décorés dans le même thème et une entrée spéciale pour ces nouveaux « petits héros » fut créée.
Pour voir en image la présentation de ce merveilleux projet, c’est par ici :

L’idée est donc bien d’aider les enfants dans leur lutte contre l’un des plus grands méchants du monde réel : le cancer. Si l’imaginaire est alors stimulé de manière forte, il ne s’agit en aucun cas d’enfermer l’enfant dans un monde parallèle qui lui ferait fermer les yeux sur la dure réalité des choses. Il s’agit bien d’utiliser la métaphore des Justiciers pour mieux faire comprendre les tenants et les aboutissants du traitement et l’implication nécessaire de l’enfant et de sa famille dans le processus. Tout est basé sur l’idée de « victoire », avec laquelle s’accorde l’identité des super-héros mais aussi les enjeux de toute maladie : il s’agit de vaincre la douleur, de surmonter les problèmes, de dépasser les épreuves et de continuer à se battre pour guérir. Le discours d’accompagnement de JWT est donc tout aussi touchant que le projet lui-même : l’identification de l’enfant malade au super-héros qu’il a toujours admiré serait une aide efficace et stimulante dans cette tragédie qu’est le cancer. Le gentil doit tout faire pour triompher sur la méchante maladie à laquelle le psychique, tout comme le physique, doit faire face. Car à la fin de ces histoires, qu’il s’agisse de Batman ou Wonder Woman, tout le monde sait qui gagne…
 
Laura Lalvée
Sources :
La Réclame
JWT.com

Société

Wesh, ta Com’ se porte bien ?

 
Les jeunes, c’est bien connu, ne captent strictement rien à ce qui se passe dans la vraie vie des adultes. Du coup, il faut leur parler comme à des enfants, et adapter sa communication à cette faune étrange et incompréhensible. Parce que clairement, une campagne normale, avec des mots normaux, on ne la comprendrait pas.
Deux secteurs sont particulièrement touchés par ce jeunisme linguistique qui passe rarement à côté d’un énorme flop ; le secteur bancaire, et les campagnes anti-substances plus ou moins louches (drogue, alcool, et autres objets de dépravation).  Une publicité de La Poste et son service Bagoo, résume assez bien le casse-tête que représente la jeunesse aux yeux des communicants :

La publicité date de la fin des années 2000 mais conserve sa fraîcheur, contrairement à d’autres publicités plus actuelles qui sont ringardes avant même d’être diffusées. C’est bien simple, les communicants ont beau tous avoir été jeunes un jour, ils ne conservent aucun souvenir précis de cette époque-là. Pour beaucoup de communicants et comme le prouve cette vidéo, il est essentiel de pouvoir se mettre dans la peau de sa cible (attention les jeunes je ne vous parle pas de votre target en boîte de nuit mais bien de cible marketing). Ce changement de peau, ce rajeunissement est rarement une réussite, souvent parce qu’il y a du trop dans à peu près toutes les tentatives.
J’en veux pour preuve plusieurs campagnes plus ou moins récentes.
La Caisse d’Épargne : petit Larousse des expressions désuètes
La Caisse d’Épargne, pour sa nouvelle campagne dans les stations de métro a choisi, entre autre, de s’adresser aux jeunes, intrinsèquement novices dans l’univers de la banque, des finances et de l’épargne. L’idée de départ n’est pas mauvaise : proposer un mot courant et le faire suivre de la définition que donne la banque a ce même mot. Sauf que, et c’est là que j’ai du mal à comprendre, lorsque la banque s’adresse aux jeunes, le vocabulaire proposé n’est pas courant, il est soi-disant djeuns, du genre « halluciner grave » ou « ça déchire ». Mouais. Un parti pris pas vraiment cohérent avec le reste de la campagne qui n’était pas outrancière et qui commençait par ce visuel :

Bien que la définition soit du flou propre au jargon des banquiers, la Caisse d’Épargne n’essaie pas de se faire passer pour un jeunot ou une jeunette. En revanche, dès que jaillissent les expressions prétendument sorties du vocabulaire de notre génération, le ridicule frappe à leur porte. Et le pire, c’est qu’on ne sait pas vraiment qui est ridicule entre :
–          Le communicant qui a décidé de placer « halluciner grave » en pensant que c’était d’actualité et resplendissant de jeunesse
–          La jeunesse à qui l’on prête ces mots
–          Les mannequins sur les photos
Bref, une mauvaise opération de communication, le communicant semble s’être abaissé pour parler aux jeunes qui, de fait ne peuvent se sentir que plus bêtes qu’ils ne le sont réellement. L’idée de départ était bonne, la réalisation est à mon sens un joli raté.
Les communicants doivent eux aussi éviter les substances illicites
Ce  qui m’a décidé à écrire cet article n’est cependant pas la campagne de la Caisse d’Épargne, mais l’apparition d’une vidéo, relayée par un ami via Brain Magazine, qui ne peut que faire horreur.

La palme du jour du flop le plus gargantuesque revient sans conteste à la Sécurité Routière. De manière générale, on peut se demander quelle agence fait donc ces campagnes toujours plus ou moins ratées. Revenons à nos jeunes inconscients et emplis « de seum ». Nous avons ici le parfait exemple de ce qui fait TOUJOURS rater une campagne de communication pour les djeuns : essayer de jouer avec leurs (nos) codes et tenter de les imiter, surtout de manière aussi ridicule que celle-là. C’est tellement raté que l’on aurait presque envie de conduire à 5 grammes, histoire de faire un pied de nez à la Sécurité Routière qui semble volontairement vouloir se mettre ses cibles à dos.
Le jeune a un cerveau, par conséquent il est probable qu’il comprenne les mots « Ne pas conduire après avoir bu ». C’est un peu comme si l’on faisait une publicité pour les couches pour bébés en séduisant les parents avec un slogan du style « la cou-couche c’est pour faire popo dedans et en plus ça sent bon ! » Au temps pour ma mauvaise foi.
Vouloir jouer avec les codes sociaux est toujours un jeu dangereux et rarement réussi en manière de communication. En sortant de ses propres codes de langages, on tend à se ridiculiser soi-même et plus encore sa cible. Un peu comme si vous parliez français à un étranger et que vous imitiez son accent ou ses erreurs de grammaire, sans le faire au second degré.
Pour un communicant dans la fleur de l’âge, vouloir se mettre intégralement dans la peau d’un jeune ne peut pas réussir, parce qu’il met en avant un fossé entre deux générations et donne à sa cible l’impression d’être fondamentalement différente et pis encore, inférieure. Alors que s’il lui parle avec un langage neutre, il établira un terrain d’égalité et, plus favorablement, d’entente.
Comprendre sa cible, oui, l’imiter non.
 
Noémie Sanquer
Sources :
Brain Magazine
La Dépêche

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Société

Pimp my visibility

 
Lorsque les marques ont investi Internet, elles ont du bouleverser leurs usages et s’adapter aux logiques de la Toile. Ce nouvel espace leur a fourni une visibilité sans précédent. Mais celle-ci doit être exploitée et constamment entretenue. Jusqu’ici, la visibilité dépendait de l’argent que les marques investissaient dans leurs campagnes. Désormais leur visibilité ne dépend plus d’elles seules : elles doivent comprendre et jouer avec des acteurs tiers, comme les moteurs de recherche qui sont devenus les principaux outils pour accéder au Saint Graal. Analyse.
Lorsqu’une marque se déploie sur Internet, elle doit être référencée. C’est le seul moyen pour qu’elle puisse atteindre ses clients. Plusieurs stratégies existent : les stratégies de buzz, qui ont pour but de créer le plus de bruit pour gagner en visibilité et le référencement naturel sur les réseaux. Là où le premier élément prend souvent place dans une campagne ponctuelle, le référencement permet d’avoir de la visibilité sur le long-court.
Le référencement naturel est né avec les moteurs de recherche. Il s’agit d’avoir un site suffisamment visible pour qu’il puisse être trouvé en première page de ces derniers. Sous l’impulsion de Google, leader du marché, les moteurs fonctionnent selon une logique de méritocratie. Lorsqu’un internaute recherche quelque chose, l’algorithme trouve les sites correspondants à ces mots clés. Il classe les sites selon leur popularité et le bruit qu’ils ont produit c’est-à-dire que plus un site aura été partagé et linké, plus il sera mis en avant dans les résultats de recherche.
Une méthode proche du buzz a été mise en place par les marques. Il s’agit de faire un maximum de bruit autour d’un sujet précis qui est celui du site que l’ont veut promouvoir. Par exemple, une marque alimentaire va faire de la création de contenu dans son domaine d’exercice et non sur un de ses produits.
Or, ces contenus doivent être facilement repris et linkés pour mieux s’afficher sur les moteurs de recherche. C’est dans ce contexte que l’on assiste actuellement à une mutation des méthodes d’écriture sur Internet. Sous l’emprise de la recherche de la visibilité, les marques s’emparent des méthodes journalistiques pour produire du contenu. Elles deviennent des médias à part entière, se déployant à 360 degrés, sur les réseaux sociaux, les sites Internet, les sites de vidéos… Tout cela pour créer un contenu partageable augmentant leur visibilité. Ce contenu portant les artifices du journalisme fait office de porte d’entrée vers un site.
Cette nouvelle stratégie, dans un premier temps propre aux marques, se diffuse largement au sein du journalisme. Les marques se font médias et les médias se font marques en adoptant leurs stratégies de référencement. C’est particulièrement visible sur les sites de pure-players, ces journaux gratuits disponibles exclusivement en ligne. En regardant la liste d’articles d’un site comme Slate, on remarque que les articles sont souvent écrits à l’infinitif (car on ne conjugue pas ses verbes quand on fait une recherche) et les titres prennent la forme d’une question et sont écrits en mots-clés. On évite les articles de fond, peu adaptés aux usages de lecture fondés sur la rapidité de la lecture. Les contenus écrits tendent clairement vers la simplification.
Pour le bien de la visibilité on assiste à une mutation des contenus qui s’emparent des règles de référencement et sont présentés d’une manière à attirer le plus de clics. Par un phénomène de contagion, cette tendance s’est ancrée dans les usages des marques et des médias. On peut donc se demander si l’ont n’assisterait pas à une baisse de la qualité des contenus disponibles sur Internet ?
 
Arthur Guillôme