Société

Quel est le mot de l'année ? (Suite)

 
L’illustre dictionnaire Oxford a souhaité commémorer les 25 ans du GIF en le consacrant « mot de l’année 2012 ». Et pour cause : ce dinosaure des Internets est devenu à lui seul un moyen de communication numérique. Influencé par la culture Troll, le GIF transmet une image, un extrait de film, une situation qui parle à l’énonciateur et au destinataire. En somme, une situation simple retirée de son contexte et insérée dans un nouveau et le remplit d’une nouvelle signification. Le digital viral est aussi mis à l’honneur par l’American Dialect Society (association d’académiciens linguistes) qui choisit comme mot de l’année 2012, le hashtag !
Alors, après les professionnels présents lors du forum des entreprises du CELSA, à notre tour de s’interroger sur les mots de l’année 2012 et sur ceux de 2013.
 
Le Fantôme
2012 fut l’année du fantôme. Le fantôme c’est le double revenu du passé, l’artefact d’un temps que l’on préférerait oublier mais qui nous hante. C’est la manifestation physique de cette absence. On a découvert, en 2012 que le fantôme était une entité autant bénéfique que néfaste. Culturellement, l’année 2012 a laissé une grande place à l’ectoplasme, sous toutes ses formes. Après les vampires, ce fut au tour des zombies d’occuper le centre de l’actualité culturelle. Il y a bien sûr The Walking Deads, série américaine de plus en plus populaire. Le zombie symbolise ici la nécrose de la société, l’élément qu’il faut tuer pour pouvoir recommencer sur de nouvelles bases, miroir plein de sens du regard occidental sur la crise qui ne semble jamais finir. Le zombie, c’est l’avatar d’un problème économique qui se transforme en crise de la civilisation. Le zombie, mort revenu à la vie a aussi trouvé un écho bien particulier dans la sublime création originale de Canal +, Les Revenants, dont nous allons beaucoup vous parler dans les prochaines semaines : ici le zombie est un fantôme, les morts deviennent vivants… Et les vivants, eux, plongés dans leurs problèmes, deviennent des morts.   Un peu comme ces zombies-walk qui ont marqué l’année. Ce qui est en jeu c’est la conception que nous nous faisons de la civilisation : le fantôme c’est un objet foncièrement passéiste, c’est-à-dire qu’il nous rappelle un passé érigé comme idéal, et voilà son aspect bénéfique. Il nous renvoie le reflet d’une société ancienne, loin du pessimisme caractérisant 2012. Ce retour vers le passé définit l’ensemble de la société de 2012. Il y a eu les hipsters, ces individus que tout le monde adore détester, affublés de vêtements vintage sortis de fripes hors de prix. A Hollywood on fait des remakes, on fait des reboots, on fait des revivals. On prend des photos avec un appareil numérique mais on l’instagramme pour que ça fasse plus ancien (). Comment s’en sortir ? La publicité nous en offre la possibilité : en 2012, il fallait consommer pour vivre mieux. Pour être plus beaux. Pour voyager plus vite. Pour faire des économies.
Espérons que 2013 marquera une remontée d’espoir et d’optimisme – après tout nous avons survécu à  la fin du monde. L’année qui se présente est lourde d’innovations et d’avenir, signe manifeste d’un renouveau.
 
La vie privée
2013 sera sûrement l’année de la vie privée. On l’a déjà bien segmentée cette vie privée. On râle contre Facebook, contre Google, contre Apple et plus récemment contre Instagram. La CNIL n’a cesse de nous mettre en garde [1]. La vie privée, concept inventé par Habermas dans les années 80 touche à sa fin. Créée par opposition à la vie publique, espace d’échanges avant tout politiques, elle s’est largement répandue lors de la démocratisation d’Internet. On y tient à notre vie privée, mais on poste des photos confidentielles sur Facebook pour avoir quelques moments de franche camaraderie. On ne veut pas se faire cambrioler mais on se géolocalise sur Foursquare pour montrer qu’on fréquente des lieux sympas. La problématique de la vie privée n’a rien de nouveau, mais 2013 y apportera son lot de changements. En France, l’arrivée de Poke – application célèbre aux Etats-Unis, permettant l’envoi de photos qui s’autodétruisent au bout de quelques secondes- va faire parler. Il y a aussi un modèle économique fondé sur la revente d’informations privées qui ne demande qu’à se développer. Facebook essaie en vain depuis des années. Et si ce modèle s’affirmait en 2013 ? Car il y a quelque chose qu’on regarde du coin de l’œil, ici, au CELSA : le Big-data. Ce concept, permettant le tri de la masse incommensurable de données que l’on crée en utilisant Internet, va s’ancrer peu à peu dans les mœurs. Le Big-Data c’est la psycho-histoire d’Asimov : on va pouvoir prédire les embouteillages, affiner les statistiques, mieux jouer sur l’élasticité des prix [2]. Mais on va surtout pouvoir prédire vos habitudes de consommation. Enfin, on détient la formule magique pour cibler individuellement et d’une façon terriblement efficace vos habitudes les plus secrètes. La vie privée sera, dans ce contexte, au centre des débats et polémiques de l’année qui vient de commencer. Jusqu’où iront les internautes dans le renoncement de la sacro-sainte vie privée pour bénéficier de nouveaux services révolutionnaires ? Nous verrons bien.
 
Le marketing sportif
Avec les Jeux Olympiques, en 2012 le sport a été à l’honneur dans le marketing. La mode pour les entreprises a été de promouvoir des valeurs calquées sur le sport. Elles ont été de plus en plus nombreuses dans ce cas.
Prenons par exemple la Société Générale qui suite aux scandales dont elle a fait l’objet (affaire Kerviel notamment) et à la crise de confiance dans les banques, a choisi dès 2011 de redorer son blason en misant sur le rugby et ses valeurs avec l’aide de l’agence Fred & Farid. Leur nouveau slogan « Développons ensemble l’esprit d’équipe » et leurs efforts de sponsoring poursuivis en 2012 en sont les symptômes. Ou encore, il est difficile de dénombrer tous les fournisseurs officiels des Jeux Olympiques ou les campagnes de publicités axées sur cet événement. (Vous pouvez avoir un aperçu des 10 meilleures campagnes autour des Jeux Olympiques ici)
En 2012, malgré les contractions des budgets, le marketing sportif est resté une cible privilégiée. Il faut dire aussi que les valeurs sportives tombaient à pic dans ce contexte de crise. Rien de plus efficace que de recentrer sa communication sur l’équipe et la solidarité dans ces temps difficiles. L’événementiel sportif ou encore le sponsoring étaient les bienvenus.
Mais 2013 n’est pas une année phare pour le sport en France et ailleurs. Il y a toujours les rendez-vous habituels (Grands Chelems dans le tennis, coupes de France dans le rugby et les autres sports) mais pas d’événement assez exceptionnel pour marquer le coup. Cependant, si 2013 est une année plutôt creuse, en 2014 les coupes d’Europe et du Monde de Football ainsi que le Jeux Olympiques d’hiver devraient redonner de l’énergie au marketing sportif.
 
Responsabilité sociale
On le sait bien, dorénavant le consommateur n’est plus un simple acheteur. Il est aussi un citoyen responsable et actif. En conséquence, les entreprises sont de plus en plus surveillées, elles doivent maintenant rendre des comptes sur leur techniques de production au nom de la transparence. Ce phénomène touche tous les domaines de la responsabilité sociale : le respect de l’environnement, le respect des droits de l’homme, des conditions de travail, « les bonnes pratiques dans les affaires » (comme le respect de la concurrence), les droits des consommateurs, etc. En 2012, les débats sur l’obsolescence programmée (avec les nouveaux équipements liés au nouvel iPhone par exemple), le nucléaire (Areva tente justement de communiquer sur la transparence pour rattraper ses bourdes), l’écologie ou le dumping social sont les symptômes de cette responsabilité citoyenne grandissante.
Dorénavant, l’entreprise se doit d’assumer sa responsabilité sociale pour se prévenir de scandales et donc sans cesse se légitimer au près de ses consommateurs. A ce propos, elles choisissent de plus en plus de faire de la RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise). Par exemple, elles sont nombreuses à choisir de répondre à la norme ISO 26 000. Son but est de donner un cadre à cette nouvelle responsabilité des entreprises. Elle a été créée pour répondre aux attentes des consommateurs en terme de transparence et récompense les entreprises s’engageant à lancer des démarches de développement durable, de protection de la santé des personnes et d’encouragement au bien-être de la société (En savoir plus sur la norme ISO 26000 : http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/iso26000.htm) Le fait que la RSE est maintenant institutionnalisée montre bien son actualité et son importance grandissante.
Si les phénomènes autour de la responsabilité sociale existent déjà depuis quelques années, ils seront plus que jamais au cœur des débats en 2013, comme l’annonce le récent scandale autour d’Apple  et les conditions de travail de ses employés. Désormais, les mythiques entreprises ne sont pas épargnées. Si la RSE est une démarche volontaire de la part des entreprises, aujourd’hui les grandes firmes ont du mal à y échapper. On peut penser qu’en 2013, le phénomène s’étendra aux entreprises de plus petites tailles.
 
Arthur Guillôme (pour Fantôme et vie privée)
Camille Sohier (pour marketing sportif et responsabilité sociale)

[1] On vous conseille chaudement la lecture du rapport sur la vie privée (http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/DEIP/CNIL-CAHIERS_IPn1.pdf)

[2]   A ce propos, un Américain a réussi à prédire les élections Américaines en devinant les résultats de 48 Etats sur 52. Pour plus d’informations lire cet article du Nouvel Obs (http://obsession.nouvelobs.com/high-tech/20130103.OBS4353/comment-le-big-data-va-revolutionner-2013.html)

Société

Instafail

 
#BoycottInstagram. Voici le hashtag qui figurait en tête des tendances mondiales sur Twitter, les 16 et 17 décembre derniers, après que l’application de partage de photographies ait annoncé ses nouvelles conditions d’utilisation.
Le réseau social à succès avait déclaré qu’il s’octroyait le droit d’utiliser les photographies des utilisateurs à des fins publicitaires sans qu’ils ne soient avertis, encore moins rémunérés. Procédé déjà utilisé par Facebook, maison mère d’Instagram, depuis début 2012. On se souvient du scandale qui avait suivi la révélation par le bloggeur Chris Walter de la modification des conditions d’utilisation. En 2009, il avait dénoncé sur son site consumerist.com le droit de propriété de Facebook sur les contenus publiés et avait réussi à soulever un véritable débat sur la protection de la vie privée sur le net. Devant les réactions outrées des usagers, Facebook avait choisi de reculer dans un premier temps, avant que ces changements soient finalement rétablis.
Cependant, dans les coulisses d’Instagram, la leçon du tollé Facebook ne semble pas avoir été retenue. C’est donc une semaine avant les fêtes de Noël et de la Saint-Sylvestre, et donc avant le tsunami de clichés joliment filtrés de mets et de décorations, qu’ont été dévoilées les nouvelles règles de confidentialité. Si les conditions d’utilisation sont, avouons-le, rarement lues, quelques courageux internautes ont parcouru avec attention la nouvelle charte avant de la dénoncer sur Facebook et Twitter.
Le hashtag #BoycottInstagram a suscité la curiosité des utilisateurs lambda face au mouvement de protestation naissant. C’est notamment à l’initiative des « hacktivistes » d’Anonymous que la vague de désinscription a frappé les cotes du réseau social. Dans une vidéo postée sur Youtube, le groupe appelle au boycott du réseau et au sabotage, en publiant notamment des images « troll », inutilisables pour des fins publicitaires.
Selon le site AppData.com, le réseau Instagram aurait été en perte de vitesse, avec 22% d’utilisateurs connectés quotidiens en moins dans la semaine suivant le 16 décembre.
Comme pour Facebook en 2009, la direction s’est empressée de désamorcer la bombe. Dès le 17 décembre, un post explicatif du co-fondateur Kevin Systrom était disponible sur le blog d’Instagram.
Intitulé « Merci, nous vous écoutons », il y précise qu’il ne s’agit pas de vente de photographies mais de la possible utilisation des clichés non-privés pour la promotion du réseau. Exactement comme Facebook. C’est à l’utilisateur de gérer la confidentialité de ses données.
Malgré le communiqué, la nouvelle clause de confidentialité a été un coup pour Instagram, bien que le réseau ne veuille rien laisser paraître.
Les réactions des utilisateurs laissent tout de même apparaître un paradoxe dans la publication de contenus personnels sur les réseaux sociaux. Les conditions d’utilisation et de confidentialité sont acceptées, leurs applications beaucoup moins.
Il est néanmoins légitime et justifié de s’interroger sur le devenir de nos contenus une fois postés.
 
Khady So
Sources :
Consumerist.com
Crédits photo : © Instagram

Société

Le vintage-revival a enterré Kodak. Définitivement.

 
Kodak a annoncé le 22 décembre la vente de tous les brevets accumulés au cours de ses 131 ans d’existence. S’envole avec Kodak les débuts de la photographie amateur, les souvenirs de l’argentique, le plaisir de l’attente du cliché, le symbole de toute une génération. Pourtant la photo est loin d’être morte, et la photo vintage vit même son heure de gloire. La mode, qui a commencé avec le rush sur la lomographie, s’est poursuivie avec Instagram qui propose de vous faire revivre le caractère d’une photo à peine sortie de votre polaroid.
Nous semblons désormais être rentrés dans le règne sans partage du numérique sur le vintage mais avec tout de même cette étrange volonté de retrouver l’imperfection au travers de clichés saturés, flous et beaucoup trop contrastés. Alors que la science s’évertue à créer le capteur numérique parfait, le traitement d’image le plus fidèle à la réalité, l’utilisateur vient détruire ces clichés en les assaisonnant de telle sorte qu’ils deviennent les tristes témoins d’une photographique analogique aujourd’hui disparue. Le photographe actuel, est aussi créateur de l’imperfection, du bruit, et de la faiblesse technique de la photographie. Un tel grand-écart entre la recherche de la perfection photographique à coup de mégapixels et de sensibilité ISO et cette mode du vintage, souligne bien la recherche de l’émotion dans la photographie, dans le souvenir. L’aspect pratique vient comme adjuvant à la photographie, et non plus comme une motivation du cliché. Ersatz vulgaire d’une technologie passée qui ne recherchait pas la perfection, Instagram s’est révélé être une interface sociale du souvenir en lui apportant, l’émotion vintage du vécu.
Instamatic vs. Instagram.
Instagram devient donc un faire-valoir social qui illustre la capacité d’un individu à vouloir prouver l’authenticité de ses souvenirs, la puissance des instants passés et son souhait de les diffuser sur les réseaux sociaux. Alors que l’on passe de l’Instamatic de Kodak à l’Instagram, on développe la nécessité de partager son existence, ses moments de vie et d’émotion avec les autres. L’album photo thésaurisé se transforme alors en un flux direct d’une succession d’instants non-plus destinés à soi-même, mais à la multitude. Faussaire d’émotion et de vintage, Instagram s’impose donc aussi comme un objet puissant capable de combler les trois derniers étages de la pyramide des besoins de Maslow : reconnaissance par le groupe social, estime et réalisation de soi.
Le temps d’un instant.
Instagram s’est aussi imposé comme une double négation paradoxale du progrès et des « charges » qui s’imposent à celui qui recherche vraiment l’absolu dans la photographie. Faux puristes, les utilisateurs d’Instagram se sont libérés du temps de la photographie, de l’attente qui s’imposait à celui qui devait acheter la pellicule, la charger, prendre les 36 poses puis enfin attendre le développement. À présent, le message de la photographie n’est plus perturbé par le temps. Laswell nous montre que le message se caractérise principalement par l’impact sur le récepteur. Dans le cas d’Instagram, la vitesse de partage entre l’instant de la prise de vue et la diffusion est quasiment instantanée, ce qui renforce la notion de prise directe de l’information qui devient incontestable. L’utilisateur impose souvent son flux de photographie comme symbole d’une vie riche et remplie. Sommes-nous en train de faire dériver les média sociaux vers un monopole propagandiste de l’image au profit de la parole ?
La photographie argentique est indissociable de ces différents temps d’attente, de ces efforts qui amèneront au souvenir matériel d’un instant précis. Le rejet de la perfection est une part essentielle de la photographie amateur, car elle souligne les conditions de la prise de vue. Une plage trop ensoleillée conduisait à des clichés surexposés tandis que les photos de nuit prises avec l’aide d’un flash étaient souvent blanchies par la dure lumière. Ces problèmes techniques donnaient vie à la photo, en replaçant le contexte du cliché. Tout cela semble avoir disparu aujourd’hui. L’infra-ordinaire est omniprésent dans le travail photographique car le support, le matériel, les erreurs et réussites de prise de vue, conditionnent bon nombre d’informations qui font vivre le cliché au delà de la scène représentée. Que choisiriez-vous ? Une pellicule de 36 photos ayant toute une vie, une atmosphère, des ratés et des réussites non-escomptées ou une carte SD remplie de 8 Gb de photos parfaites ?
Clic-clac-fric ?
Cette question, les 80 millions d’utilisateurs d’instagram ne se la sont pas posée car l’application semble vouloir nous faire croire qu’elle a réussi à combler toutes les attentes artistiques et pratiques de la photographie amateur. Cependant, le scandale de la modification des CGU, Conditions Générales d’Utilisation, survenu le 19 décembre dernier a fait énormément jaser la sphère internet. Instagram s’est en effet donné le droit de monétiser les clichés des utilisateurs et de les vendre. Même après un rapide retour en arrière de la part de la société américaine, le scandale reste entier et pose la question de la propriété créatrice en photographie. Un tel choix d’Instagram semble s’inscrire parfaitement dans le fonctionnement de l’application : l’utilisateur se contente d’appuyer sur le déclencheur tandis que l’application va retravailler le cliché, le cadrer, resserrer les contrastes, appliquer le calque nécessaire qui permettra de créer à nouveau l’image. Le logiciel classe aussi le cliché, le thésaurise en le stockant en ligne et en le partageant. L’action de l’utilisateur est devenue faible par rapport au lourd traitement du logiciel. La balance du « qui a fait quoi ? » penche ici, du coté des ingénieurs d’Instagram qui semblent être les vrais créateurs de l’esprit de ces photographies retouchées.
Une photo en ligne appartient-elle toujours à celui qui a déclenché l’obturateur ? Le papier est-il plus durable que le Cloud ? Sommes-nous désormais de simples contributeurs d’une culture photographique mondiale et remasterisée sur des standards invariables ?
 
Emmanuel de Watrigant
Nous vous donnons rendez-vous demain dans la rubrique Flops à l’appui où Khady So reviendra en détail sur la polémique Instagram.

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Société

Keep calm and read this article

 
Vous avez forcément vu cette phrase un jour, sur un mug ou une photo de profil Facebook. Que ce soit l’original « Keep calm and carry on » ou un dérivé comme « Keep calm and eat chocolate »…
Keep calm and learn history
Et oui, même une affiche a une histoire, et celle-ci est plutôt insolite… Car il faut le rappeler, même si cette phrase fait actuellement fureur dans le monde, c’est du talent anglais dont nous parlons.
C’est en 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale que le gouvernement britannique crée une affiche destinée à relever le moral de l’opinion publique du pays en cas d’invasion. « Keep calm and carry on », ou comment générer un buzz 70 ans après, à partir du pire scénario possible !
Néanmoins, seulement quelques exemplaires furent distribués, contrairement à ses consœurs de la même série, les fameuses « Your Courage, Your Cheerfulness, Your Resolution Will Bring Us Victory » (Votre courage, votre gaieté, votre résolution nous apporteront la victoire) et « Freedom Is In Peril, Defend It With All Your Might » (La liberté est en péril, défendez-la de toutes vos forces) qui furent diffusées massivement à travers le pays pour remotiver la population.
Si le concepteur de l’affiche reste anonyme, c’est bien le Ministère de l’Information qui est à l’origine du slogan… De quoi en prendre de la graine sur le plan communicationnel !
Cependant, cette affiche est restée inconnue durant toutes ces années… Jusqu’à aujourd’hui !
Keep calm and create a slogan
Il faudra attendre les années 2000 pour redécouvrir cette petite merveille au fond d’une boîte de livres achetée aux enchères par Stuart et Mary Manley, le couple propriétaire d’une libraire d’occasion du Northumberland, Barter Books.
C’est la naissance du Keep calm and carry on : ils encadrent l’affiche dans leur boutique et… Ce fut un succès puisque de très nombreuses copies furent commandées ! Car il faut le savoir, le Crown Copyright (©) sur les œuvres artistiques créées par le gouvernement britannique expire après 50 ans : l’image appartenait donc au domaine public !
Le buzz prend forme : la phrase est sur des vêtements, des tasses et autres objets dérivés, tel qu’un livre de citations de motivation. Et ça continue ! Des entreprises privées de différents pays réimpriment ce slogan à la mode ; la phrase devient la devise officieuse des infirmières britanniques, affichant cette dernière dans les salles de garde du personnel des hôpitaux, et elle apparaît même sur les murs de lieux aussi surprenants que l’unité de la stratégie du Premier ministre au 10 Downing Street, le bureau de Lord Chamberlain à Buckingham Palace ou encore l’ambassade américaine en Belgique.
Face à cet engouement, les détournements humoristiques ont commencé, avec notamment la couronne à l’envers et la mention « Now Panic and Freak Out » (Maintenant paniquez et flippez) ! Mais ce n’était que le début…
Keep calm and buzz on
Ainsi, c’est en 2012 que le buzz explose avec des parodies toutes plus originales les unes que les autres – et parfois même un peu tirées par les cheveux, on peut le dire !
Dans The Economist, un article explique la popularité de l’affiche en l’associant à l’idée qu’elle « exploite directement l’image mythique que le pays a de lui-même : courageux sans prétention, juste un peu guindé, buvant du thé pendant que les bombes tombent ».
Néanmoins, la résonance puissante de ce slogan à travers le monde réside bien dans ce contexte de crise globale qui lui a réellement donné une nouvelle vie et de la pertinence. Les commandes d’entreprises financières américaines et d’agences de publicité illustrent tout à fait cette appropriation du « Keep calm and carry on » devenu plus qu’une simple affiche : c’est une devise, un art de vivre, dans lequel chacun peut se retrouver.
Cependant, si des personnalités telles que Mark Coop, en ont fait un véritable produit de consommation – voir son site – il ne faut pas fermer les yeux sur la dimension incitative (à la consommation bien sûr !) des innombrables parodies : Keep calm and buy shoes ou encore Keep calm and go shopping…
Et ça marche ! Le marché en ligne Etsy par exemple, propose plus de 10 000 articles différents autour du slogan. Encore mieux, vous pouvez désormais créer votre propre « Keep calm and » ce que vous voulez, grâce au Keep Calm-o-matic !
La logique fonctionne, parce que ces petites phrases titillent nos envies de tous les jours et font référence aux mèmes de la culture populaire, du mariage royal à Batman, en passant par le jeu vidéo Mario ou encore Justin Bieber !
L’affiche et ses détournements sont dans tous les médias : même si le texte, l’icône, les couleurs ou la police sont modifiés, l’impact reste le même dans l’imaginaire collectif. Il s’est formé un véritable mouvement de rassemblement autour de cette nouvelle maxime, comme avec le groupe Flickr par exemple, qui présente de nombreuses variations sur le design.
A la fois symbole de la lutte contre la crise mais aussi conseil pour garder notre calme et tenir bon dans la vie quotidienne, le « Keep calm and carry on » semble symboliser le XXIème siècle, tant sur le plan idéologique que publicitaire.
 
Laura Lalvée
Le site officiel…
Quelques exemples de parodies…
Sources
New York Times
The Gardian
The Independant
BBC

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Société

La fin du monde, décembre 2012

 
L’Apocalypse attendue pour le 21 décembre 2012
« La menace extraterrestre (…) est réelle et actuelle. Je maintiens que des communications ont bien eu lieu entre les deux groupes belligérants extraterrestres en présence de moi « . Aussi Jean-Pierre Delord, maire du désormais célèbre village de Bugarach, se voit-il submergé de lettres de ce type concernant la fin du monde présumée. D’après les rumeurs, le pic de ce petit bourg de l’Aude serait épargné par l’Apocalypse du fait de ses pôles magnétiques inversés. Face à cette notoriété soudaine et à l’afflux de visiteurs, l’accès au village a été interdit. En attendant, l’annonce de la fin du monde a fait grimper en flèche les ventes de vin à Bugarach. Des vignerons indépendants ont eu la bonne idée de créer des cuvées spéciales « Fin du monde », et leurs bouteilles ont connu un succès foudroyant. C’est notamment le cas de Jean Pla, négociant en vin à proximité du village. Il a su jouer avec les légendes locales, qui racontent que le pic de Bugarach serait le lieu de rendez-vous privilégié des extraterrestres, et a lancé « La Cuvée du Rescapé » le 22 décembre.
Les personnes qui croient et se préparent à l’Apocalypse sont appelés les « survivalistes ». Elles apprennent généralement des techniques de survie, construisent des abris et stockent de la nourriture en prévention d’une hypothétique catastrophe mondiale. Néanmoins, si les survivalistes qui se préparent à la fin du monde ont mauvaise presse et se voient qualifiés d’ « illuminés », la plupart se contentent d’anticiper des aléas plus quotidiens de la vie, tels que la perte d’un emploi ou une catastrophe naturelle. Leur but est davantage d’acquérir une autonomie afin de ne pas dépendre de l’Etat en cas de pépin. Avec l’annonce de la fin du monde, de nombreux sites de survie ont connu une hausse de fréquentation (voir par exemple Survivre.com ou encore Survivalisme-et-Survivaliste.fr).
La fin du monde, une opportunité marketing
L’annonce de la fin du monde constitue une opportunité marketing de choix, et les marques l’ont bien compris. Différentes stratégies sont mises en œuvre, majoritairement fondées sur l’opportunisme : il s’agit de jouer avec les peurs et les émotions collectives pour accroître la notoriété de marques ou de produits. C’est ce qu’explique Thomas Jamet, président de Moxie (du groupe Publicis) :  » L’émotion est un excellent stimulus pour générer une hausse des intentions d’achat ou augmenter l’affinité envers la marque. Le digital permet de vivre cela de manière plus intense. On est dans le pur « storytelling », dans la pure émotion. »
A ce sujet, il peut être intéressant d’analyser quelques exemples de campagnes publicitaires.
Le marketing de destination
Le Mexique a lancé une campagne axée sur la fin du monde afin d’attirer les touristes dans ce berceau de la civilisation Maya. A cette occasion, le site Mundo Maya 2012 a été créé afin de promouvoir des destinations Mayas, avec un compte à rebours du temps restant avant l’Apocalypse. Le pays attend donc environ 52 millions de visiteurs.
Protéger ses proches
De nombreux slogans du type « Protéger sa famille avec un abri atomique, c’est possible » prolifèrent sur internet. Sur ce thème de refuge pour survivalistes, le fort de Schœnenbourg, situé en Alsace, s’est offert un coup marketing de taille. Il s’agit d’un fort comportant des caractéristiques exceptionnelles : trois kilomètres de galeries, une série d’appartements permettant de vivre à plus de 500 à trente mètres sous terre dans un air filtré, un abri antiatomique. Autant d’atouts qui en feraient un refuge idéal en cas d’Apocalypse. Accessible tout au long de l’année, le fort a ouvert ses portes la nuit du 20 au 21 décembre, créant à cette occasion un formidable coup de pub et attirant un grand nombre de visiteurs.
Une fois les proches réfugiés en lieu sûr, il s’agirait de penser à la suite. C’est ce que propose l’entreprise Costco, qui offre toute une gamme de produits pour survivre à la fin du monde, comme une étagère pouvant contenir 6 mois de nourriture en conserve ou encore des denrées suffisantes pour un an de survie.
Dans la même veine, l’agence mexicaine Menosunocerouno a créé un kit de survie pour la fin du monde. Il s’agit d’un produit qui n’est pas mis en vente, mais qui sert à promouvoir l’image de l’agence auprès des clients et de faire une démonstration de sa créativité, avec des slogans humoristiques tels que : « The perfect gift for friends and clients (only the ones we want to keep). »
Les canulars
Les éditions Edilivre se proposent d’éditer et protéger vos mémoires en cas d’Apocalypse avec la formule « Fin du monde ». Pour la modique somme de 6000 euros, le client peut choisir les packs « Immortalité » ou « Eternité » afin d’écrire et mettre à l’abri ses mémoires dans un bunker. Un canular qui a malgré tout piégé quelques 10 000 personnes, ces dernières ayant essayé d’acheter les packs proposés..!
La marque LDLC, spécialisée dans la revente de matériel informatique, a quant à elle lancé une opération humoristique sur son site. Elle propose de vendre des places limitées pour un bunker, vantant la résistance de la forteresse et « l’accueil chaleureux ».

Mais lorsque l’internaute clique sur la réservation, il tombe sur cette page :

La méthode semble fonctionner puisque le nombre de visites en ligne pour la marque a augmenté de 25%.
C’est la fin du monde, profitons-en !
Les marques exploitent largement la thématique de l’hédonisme fataliste dans leur communication. C’est notamment le cas de Pepsi ou encore de Shock Top, qui invitent à jouir de la vie tant qu’il en est encore temps.

Le créatif Daniel James Evans a conçu une campagne publicitaire pour les préservatifs Durex axée sur la fin du monde. La campagne est largement diffusée sur internet et louée pour son originalité.
La marque Axe quant à elle propose une vision de l’Apocalypse fidèle aux valeurs de la marque à travers un film publicitaire qui promeut une édition 2012 « spéciale fin du monde ». On y voit un homme fabriquant une arche de Noé, destinée à accueillir des centaines de femmes attirées par l’odeur du déodorant Axe.
La faim du monde
 
Alors que de nombreuses marques détournent avec humour le thème de l’Apocalypse, des organisations humanitaires invitent à se préoccuper de la faim dans le monde qui constitue, elle, une menace réelle. Elles lancent des appels aux dons, avec par exemple la campagne de l’Aide médicale internationale, qui rappelle que plus de 870 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde.

 
Clara de Sorbay
Sources :
L’Express
Slideshare.net
Adviso.ca
La Tribune
Blog Préparation Québec

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Société

Jacques a dit : « j'accuse, tu accuses, il accuse…» : rhétorique de l'insulte et victimisation

 
Gérard Depardieu a claqué la porte du territoire et enclenché, par la même occasion, chez diverses personnalités, une salve de diatribes verbales à son égard. De son pied de nez spectaculaire au fisc français – spectaculaire car donné à voir en spectacle – surgit un enjeu de taille pour le phénoménal Cyrano : son fameux panache. « Je ne demande pas à être approuvé, je pourrais au moins être respecté ! » insiste-t-il dans la lettre ouverte adressée au Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Cette prise de parole accusatrice se trouve à l’origine d’un chassé-croisé d’injures et d’indignations véhémentes au sein de l’espace médiatique de la presse.
Le poids de l’injure
Le Premier ministre a été invité à s’exprimer le 12 décembre sur le cas Depardieu : « Je trouve cela minable (…) C’est une grande star, tout le monde l’aime comme artiste. Payer un impôt, c’est un acte de solidarité, patriotique ». L’acteur, blessé, ripostait dans le journal du JDD au moyen d’une lettre ouverte. Le commentaire de M. Ayrault a fait mouche. Sa botte secrète : l’emploi d’un seul petit mot, « minable », pourtant lourd de sens. C’est bien pour cela qu’il est préférable, afin d’éviter des ennuis, de peser ses mots, qui plus est en politique et a fortiori sur une chaîne publique de télévision. Tout bon orateur sait déguiser la vindicte directe, facilement répréhensible, par quelques habiles détours. De fait, le mot n’est rien sans le contexte qu’on lui donne, et c’est précisément ce que M. Ayrault a tenu à souligner pour sa défense. À droite on lui reproche d’avoir été insultant le 12 décembre. L’injure serait-elle donc un faux pas de la communication ? « Je n’ai pas traité de minable M. Depardieu », dixit M. Ayrault, « j’ai dit que ça avait un côté minable effectivement » d’établir sa résidence en Belgique pour payer moins d’impôts. Le qualificatif visait donc davantage le comportement de l’exilé fiscal que l’homme-même. Or voilà bien le centre de cette effusion polémique, à laquelle ont ensuite participé Philippe Torreton, Catherine Deneuve, Brigitte Bardot et tant d’autres encore : l’argument ad hominem, cher aux pamphlets et autres coups de gueules engagés depuis la nuit des temps.
Une tradition historique
La polémique sur la fuite des exilés fiscaux est donc déplacée, puis supplantée par la question de l’honneur. Il s’agit même d’un code de l’honneur, qui réactualise dans l’écriture pamphlétaire la tradition des duels entre gentilshommes. Plus généralement, l’argument ad hominem a pour but de décontenancer l’adversaire. Il discrédite sa position au regard de sa personnalité, ce qui est le propre de l’attitude sophiste. Repérer ces piques verbales permet parfois de redécouvrir la violence rhétorique de certains évènements cruciaux dans l’histoire contemporaine de la France. Zola, en son temps, avait provoqué, en « accusant », une folle farandole d’insultes lors de l’affaire Dreyfus. On pense également aux termes ouvertement antisémites, utilisés par les opposants à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), à l’endroit de la ministre Simone Veil en 1974. Sans aller aussi loin dans l’insulte, le sarcasme est réputé pour être un excellent outil de sape, dans le champ politique en particulier ; et ce, du célèbre « Napoléon le Petit » lancé par Victor Hugo le 17 juillet 1851 au tacle plus récent d’un Charles Pasqua : « Monsieur Fabius est au Premier ministre ce que le Canada Dry est à l’alcool ».
Argument ad hominem, communication abominable ?
La meilleure illustration de cette stratégie rhétorique, dans la polémique qui nous occupe, est la tribune publiée par Philippe Torreton, « Alors Gérard, t’as les boules ? », dans Libération. À la lettre ouverte répond la tribune : même type de mise en scène. Il s’agit bien d’un exercice oratoire, puisqu’ il se livre au public. Philippe Torreton apostrophe directement son confrère du septième art et lui rentre littéralement dans le lard. « Tu voudrais qu’on te laisse t’empiffrer tranquille avec ton pinard, tes poulets, tes conserves, tes cars-loges, tes cantines, tes restos, tes bars, etc. (…) Nous faire avaler (…) que l’homme poète, l’homme blessé, l’artiste est encore là en dépit des apparences… » C’est tendre le bâton pour se faire battre, car la méthode est peu orthodoxe. L’attaque personnelle risque d’être contre-productive, puisque l’assaut mène à la victimisation de l’adversaire. Catherine Deneuve monte ainsi au créneau : « Ce n’est pas tant Gérard Depardieu que je viens défendre, mais plutôt vous que je voudrais interroger. Vous en prendre à son physique ! A son talent ! ». Et Brigitte Bardot d’insister que M. Depardieu est « victime d’un acharnement extrêmement injuste ».
Jeter l’opprobre publiquement, c’est prendre le risque paradoxal qu’on vous renvoie l’ascenseur, en vous collant l’étiquette du bourreau. C’est un risque communicationnel que M. Hollande a bien compris, lui qui a ainsi préféré les félicitations au blâme, en soulignant le patriotisme fiscal de ceux qui demeurent en France.
 
Sibylle Rousselot
Sources :
Stéphane Lembré, « Thomas Bouchet, Noms d’oiseaux. L’insulte en politique de la Restauration à nos jours », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2010, mis en ligne le 22 mars 2010, consulté le 21 décembre 2012.
Libération, ici et là.
U-Bourgogne.fr

Société

Quel est le mot de l'année ?

 

Le 4 Décembre dernier s’est tenu le forum des entreprises du CELSA à l’Espace Charenton.
Pour son premier édito, la nouvelle équipe de FastNCurious a décidé de demander l’avis des professionnels présents sur la question « quel est le mot de l’année dans le monde entrepreneurial de la communication ? »
Agences et annonceurs se sont prêtés au jeu de notre question. Si beaucoup insistent sur la difficile crise passée, d’autres montrent que celle-ci n’a pas empêché de nombreux projets de voir le jour et de ne pas perdre le sens de l’humour.
Système Hopscotch voit dans la crise l’avènement en 2012 du « one shot ». Les budgets étant resserrés, les clients préfèrent de plus en plus faire appel aux agences ponctuellement. Les contrats sont de plus en plus courts, il a donc été difficile cette année pour les sociétés de conseil de se projeter.
De leur côté, si les représentants d’SFR regrettent aussi la crise car elle est responsable du départ dans le monde de la communication de nombreux jeunes employés, ils voient en 2013 un espoir qui viendra sûrement de la politique. « On aura aussi besoin d’espoir, disent-ils, pour tout reconstruire après la fin du monde ! ».
Equancy and Co insiste aussi sur « l’espoir » pour l’année 2013. Pour eux, il faut rester persévérant et garder espoir dans le désir de réconciliation, la réconciliation étant le mot de l’année 2012. Les crises économiques, financières et sociales ont engendré un besoin dans l’entreprise de réconcilier, de retrouver une confiance pour continuer de se développer. Ils ont d’ailleurs écrit un ouvrage sur le sujet, L’abécédaire de la réconciliation.
Burson-Marsteller veut aussi montrer que le plus difficile est derrière nous en choisissant « rebond » et « renaissance » pour l’année 2013. En effet, les mots importants de 2012 sont pour eux « rentabilité » et « précarité ».Tout d’abord rentabilité, car le monde de l’entreprise prend la pleine mesure d’avoir des activités rentables. Tout cela renvoie à la culture économique actuelle, qui crée des conséquences non négligeables, et notamment une précarité déplorable chez les jeunes. Précarité donc car aujourd’hui, les directeurs de ressources humaines prennent comme variables d’ajustement des masses salariales la précarité des jeunes. Plutôt que de licencier des employés de quinze ans d’expérience, par exemple, qui ne sont plus au niveau des exigences, on préfère licencier le jeune récemment employé, les contrats en CDD. En faisant cela, on précarise l’emploi, ce qui est selon eux, une chose terrible et regrettable.
A ce propos, Thalès met en avant pour l’année 2012 le mot « talent » « car il y a un besoin important de recruter les bonnes personnes, les entreprises ont besoin de jeunes talents. C’est aussi un gros enjeu de marque ». De quoi redonner espoir aux jeunes diplômés cherchant un travail, d’autant plus que pour 2013, Thalès axe sa campagne sur le mot « promesse ».
Angie reste nuancé. Si le mot de l’année est « fluidité », c’est parce que selon eux, « le monde est de plus en plus complexe, il y a de plus en plus de contraintes. Le climat social est assez mauvais, il est difficile de trouver un travail, et les entreprises ont du mal à garder une bonne image. De manière générale, il n’est pas aisé de donner du sens. » A ce propos, ils citent J.P. Baudin, élu personnalité de (Grand Prix de Communication d’entreprise) qui le but de la communication est d’abord de répondre à la question : pourquoi ? Le public attend donc une fluidité dans l’accès aux informations, une certaine ergonomie du site web en plus du format mobile. La fluidité se fait sur la forme, mais aussi sur le fond : il faut fluidifier l’accès à l’info par la curation, qui permet de lutter contre « l’infobésité »
Angie fait donc de la veille stratégique tous les mois en postant 10 à 15 articles (à lire sur leur site) car pour eux, la fluidité s’inscrit dans la notion de simplicité et de gentillesse.: (dernier paragraphe)
L’association APEC met en avant la stratégie sous un autre angle. Pour eux, les mots de l’année sont « adaptabilité » et « stratégie » parce qu’il est important pour les stagiaires voulant se lancer définitivement dans le monde professionnel, d’élaborer une véritable stratégie afin de se faire une place dans une conjoncture économique difficile. Il ne faut pas hésiter à identifier des cibles et à définir les critères qui sont décisifs pour nous.
Mais la crise n’a pas empêché le changement. Les représentants d’Havas et Euler Hermès ont tous insisté sur ce mot qui serait la clef de 2012.
Pour Havas, la multiplicité des projets et les changements des sujets sont la clef de la réussite car ils entraînent aussi la capacité d’adaptation. Euler Hermès remarquent qu’on a beaucoup entendu ce mot cette année, en politique et en communication. Il s’applique en 2012 à tous les domaines, qu’ils soient privés ou professionnels.
Pour l’année 2013, Havas a choisi de mettre en avant « la globalisation ». Aujourd’hui, il y aurait une sensation de généralisation de la communication. Elle s’internationalise, il y aurait de moins en moins de communication française dans le « corporate », par exemple. Les métiers de la communication se globalisent aussi. En fait, tout est lié aux évolutions politiques et économiques. Le monde de la publicité est lui aussi influencé par la globalisation.
Ce n’est donc pas un hasard si Euler Hermès choisit « l’international » comme mot de l’année 2013. Pour eux, il y a eu un important développement vers le worldwide cette année et c’est encore un secteur de développement sur lequel ils miseront l’année prochaine. L’entreprise effectue en effet ses meilleurs pourcentages de croissance à l’étranger, du point de vue communicationnel.
La crise n’a pas non plus empêché l’aboutissement de projets conséquents.
Ainsi, pour CMA CGM, le mot de l’année est « Marco Polo » : « Le Marco Polo est un mot qu’on a entendu toute l’année à la CMA CGM, car il est en effet l’aboutissement d’un projet faramineux : c’est le nom du conteneur que l’entreprise à lancé cette année. C’est le plus gros conteneur du monde, avec ses 400 mètres de long soit 16 000 pieds. Pour 2013, plus anecdotique, « à déguin » ou « marroner » sont des expressions marseillaises que l’on a pu beaucoup entendre cette année. A degun signifiant « il n’y a personne », et marroner «  râler ».»
Mais elle n’a surtout pas empêché les buzz de se perpétuer et le net de se développer.
Dans le digital, chez Point Ligne Plan, on a aimé le buzz autour du mot « omnishambles ». Il provient de la série de la BBC, The Thick of It. Il désigne une succession de catastrophes dans un temps très court, une situation chaotique sous tous les points de vue possibles. Reprise par le Democrat National Comittee critiquant les campagnes de Romney, pour Point Ligne Plan, l’expression serait le signe que la fiction dépasse la réalité. Mais plus sérieusement, les années 2012 et 2013 sont dans le numérique celles du Big Data. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de savoir qu’en faire, comment les gérer.
DDB choisit aussi d’élire mots de l’année « data » et « web 3.0 ». Pour eux, l’année et l’avenir appartiennent aux partages des applications. Le nouvel enjeu pour les agences est de bien intégrer de nouvelles compétences digitales. Désormais, la publicité passe par la télévision comme par le web. Il permet de cibler beaucoup plus précisément. Mais le danger est bien de respecter les données. « Certaines marques embauchent des gens pour les analyser, ce sont des postes qui montent ». Data pourrait donc être l’autre mot de l’année : il faut les collecter et les analyser. C’est ce que les marques cherchent avant tout, sans se soucier de la méfiance grandissante du public : il faut des données avant tout.
Chez Weber Shandwick, on pense aussi que cette année, tout l’enjeu était dans la maîtrise des évolutions du Web. Pour leurs représentants, l’avenir de la communication tient dans le renversement des rapports de force entre médias traditionnels et le digital. 2012 et 2013 seraient deux années clefs puisqu’on arriverait à un moment ou la tendance entre les deux s’inverserait, le digital prenant le pas. Au constat que sur Internet, il est plus facile d’éviter les pubs, il répondent que les publicités intelligentes et celles qui fonctionnent bien, sont les publicités contextuelles, faites de manière intelligente, comme celles qui se présentent sous la forme de recommandations. Internet reste donc l’avenir du monde de la communication. 2013 est ainsi l’année « du commencement » d’un nouveau monde encore plus dicté par le digital que 2012.
Les représentants de La Poste choisissent l’humour en élisant pour mot de l’année « swag » : « En 2012, on a beaucoup entendu ce mot, dans les couloirs du bureau, mais aussi dans les médias, et surtout sur Twitter. On a aussi utilisé ce mot dans les textos ou dans les bandes défilantes de bas d’écran à la télévision, pendant les gros événements »
Enfin, une mention spéciale pour l’entreprise Ecriture Studio créée par une ancienne celsienne. 2012 a été l’année de la «  Newsletter », car l’entreprise s’est beaucoup axée sur l’envoi de Newsletter. Mais pour 2013, le mot sera le «  Tweet », Ecriture Studio se dirigera davantage vers la communication digitale sur les réseaux sociaux comme Twitter. Le but est de communiquer de manière plus synthétique, de réduire les contenus afin d’être plus incisif.
 
Camille Sohier
Marie-Hortense Vincent
Virginie Bejot

Société

« Vous trouvez ça normal ? »

 
Non, nous ne vous parlerons pas ici de l’émission de vendredi dernier présentée par Bruce Toussaint sur France 2. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est le buzz créé la semaine dernière suite à la parution d’une certaine publicité dans le TéléObs de la semaine précédente.
Pris dans la frénésie du scoop et la nécessité de couvrir un maximum d’informations, les journaux et leurs journalistes ne peuvent pas toujours éviter certaines maladresses qui seront toujours accueillies avec bienveillance dans cette section. Cette semaine, c’est Le Nouvel Observateur qui passe à la casserole.
Sauvez un bébé, mangez une baleine
Il y a quelques jours paraissait dans le supplément du Nouvel Obs daté du jeudi 6 décembre, une publicité qui a embrasé la toile et qui a dû marquer un grand nombre d’entre vous. En haut, une baleine plongeant dans l’eau dont seule la queue est visible ; en bas, un embryon. Les deux sont séparés par un carré de texte qui vient clarifier ce parallèle étonnant. L’accroche « Vous trouvez ça normal ? » introduit donc une comparaison entre les baleines en voie de disparition et un embryon. La publicité laisse entendre avec le slogan « On arme des bateaux pour défendre des baleines alors qu’on laisse l’embryon sans défense » que sa survie à lui n’est pas plus assurée que celle du cétacé. Deux alternatives sont proposées au lecteur en bas de l’affiche. Celui qui « trouve ça normal » est invité à aller s’informer sur le site du commanditaire de la publicité, la Fondation Jérôme Lejeune. À l’inverse, celui qui « ne trouve pas ça normal » est redirigé vers une pétition.
On ne s’attachera pas ici à développer les tenants et les aboutissants du slogan ou à décrypter le vocabulaire employé. Notre position sera de revenir sur une campagne dont le propos a été sorti de son cadre principal.
Le buzz a été déclenché le dimanche 9 décembre par le tweet de la journaliste Sandrine Bajos, spécialisée dans les médias, qui s’étonne de voir une « pub anti IVG dans le supplément télé du Nouvel Obs ». Beaucoup ont été consternés devant un tel décalage avec les valeurs du Nouvel Observateur. Rappelons que cet hebdomadaire avait été le premier en 1971 à publier le manifeste des 343 salopes, dans lequel plusieurs personnalités affirmaient avoir eu recours à l’IVG alors même qu’il s’agissait d’une pratique illicite. Elles insistaient par là sur la nécessité de légaliser l’IVG. Devant la multiplicité des réactions, Le Nouvel Observateur, à travers son directeur Laurent Joffrin, s’est publiquement excusé, invoquant une « erreur de fonctionnement interne » qui aurait conduit à cette publication. Explication obscure mais crédible. Le Nouvel Obs n’aurait pas eu grand intérêt à sciemment nier son ethos.
Il est certain que le thème de l’IVG est toujours sensible et le rôle de FastNCurious n’est pas de débattre là-dessus, mais revenons sur un point. Si la fondation Jérôme Lejeune, par les valeurs de bioéthique qu’elle défend, est contre l’IVG, la campagne « Vous trouvez ça normal ? » n’est pas en premier lieu une campagne anti-IVG. Elle s’inscrit en effet dans une lutte contre un projet de loi qui vise à « autoriser sous certaines conditions » l’utilisation de l’embryon dans la recherche (introduisant par là un changement de conception d’avec la terminologie actuelle « interdiction avec dérogation »). D’ailleurs, l’affiche du Nouvel Observateur est la seule qui peut être mal comprise (décidément, le Nouvel Obs doit subir le mauvais œil, et ses rédacteurs avoir la main malheureuse pour mettre un texte aussi polémique dans leur chemin de fer !). Les deux autres publicités, qui peuvent se retrouver sur le site de la Fondation, ont des slogans bien plus explicites et qui ne concernent absolument pas l’IVG dans leur discours (même s’il est de notoriété publique que la Fondation Lejeune est également un organisme assez actif dans la lutte contre l’avortement, ou plutôt, « pour la vie »). Mais terminons en insistant sur le fait que, si certains sont montés au créneau l’interprétant tout d’abord comme une pub anti-IVG, c’est par extension du propos. La campagne a un but bien plus général que celui de revenir avant tout sur l’IVG.
L’art du petit flop
Ce n’est pas la première fois que Le Nouvel Observateur se retrouve, malgré lui au coeur de controverses de la sorte, plus ou moins triviales selon le sujet.
On se souvient par exemple de la vive polémique provoquée suite à la publication d’un billet – là aussi vite retiré – intitulé « Cette grosse qui remue me révulse : je ne supporte pas la pub Castaluna »
L’auteur de l’article, une journaliste de la maison, était tombé dans des clichés humiliants contre les rondes avec sarcasme et franche cruauté. Le web s’était emparé du sujet, chacun y allant de son cri de cœur, qu’il soit gros… ou pas.
Dans la série humour noir : le 5 octobre 2011, scoop sensationnel du Nouvel Obs : Bill Gates est mort. L’information, d’abord publiée sur le site en ligne du journal, est rapidement relayée sur le web avant que les rédacteurs se rendent compte qu’il s’agissait en fait de la mort de Steve Jobs… L’erreur est corrigée dans la foulée, mais la boulette restera dans les mémoires.
Allez, une dernière pour la route (et parce qu’on les aime bien, au Nouvel Obs), nous retiendrons ce petit moment de malaise qu’avait subi Laurent Joffrin sur le plateau de Yann Barthès le 11 novembre 2011. Ce dernier lui avait présenté les petites annonces (coquines, dira-t-on pour rester politiquement corrects) parues dans son magazine. A la suite de quoi, les annonces ont été retirées définitivement. Une pensée nostalgique pour Irina s’impose : on ne verra plus ses propositions de massage naturiste publiées dans l’hebdomadaire.

Ouvrez l’œil camarades! Notre petit doigt nous dit que vous n’avez pas fini de rire devant les petites boulettes de notre journal de la semaine !
Qui aime bien châtie bien
Mais que cet article, traité non sans une certaine provocation, ne soit pas mal interprété ! Le Nouvel Obs, malgré ses petites gaucheries (un comble pour un journal qui se revendique de gauche !), n’en reste pas moins une presse de grande qualité qui se bat pour sa réputation, et ce, non sans quelques réussites. Nous irions même jusqu’à ajouter que certaines des petites bévues du journal (les plus légères du moins) en font un écrit à échelle humaine avec ses qualités et ses défauts, qu’il faut savoir les prendre avec un peu d’humour. Pour les polémiques, comme les deux premières que nous avons évoquées, retenons simplement qu’elles ne sont pas assez fortes pour entacher la renommée de l’hebdomadaire auprès de son public régulier et qu’elles procèdent plus d’erreurs de gestion que de véritables actes significatifs.
Souhaitons au Nouvel Observateur que le scandale suite à l’affiche de la fondation Lejeune ne se reproduise pas ni ne lui nuise, mais qu’il continue à nous amuser avec ses petites bourdes ponctuelles. Elles sont d’autant plus de raisons de nous rappeler qu’il faut rester critique et distant quant à l’information que l’on reçoit.
 
Pauline St Macary & Sophie Pottier
Sources
Huffington post
Ozap
Tribune de Genève
Programme-TV.net
Voustrouvezçanormal.com

Société

Les Gérard

 
Il n’y a pas que Gérard Depardieu dans la vie, il y a aussi les Gérard. Ce lundi s’est en effet tenue la septième cérémonie des Gérard de la Télévision récompensant les plus mauvais programmes et animateurs de la télévision française. Cette parodie des Sept d’Or créé en 2007 par trois amis écrivains et journalistes décerne à chaque lauréat un énorme parpaing doré surmonté d’une plaque portant la catégorie de la récompense.
Des rédacteurs de FastNCurious se sont rendus à Bobino dans le 14ème arrondissement.
19h30
La file d’attente débouche sur la rue de la Gaité. Dans la foule, les invités n’ont pas l’air surpris d’être là mais plutôt habitués et détendus. Tout le monde semble se connaître, c’est un peu comme un spectacle de fin d’année où sont invités parents, amis et lointains proches.
19h45
Les animateurs sont présents à l’entrée, dans le courant d’air. On se serre la main, on se félicite, on se claque la bise. On est entre nous après tout. Les présentateurs jouent la carte de la proximité avec un public qu’ils connaissent bien et qu’ils ont, en grande majorité, eux-mêmes invité.
20h00
Nous pénétrons dans la salle Bobino aménagée façon Hollywood, des énormes spots lumineux de toutes les couleurs, un tapis rouge, un grand écran : ambiance 20th Century Fox. La plupart des sièges sont « réservés ». A qui ? Aux professionnels de la télévision, aux personnalités de la télévision et aux journalistes, plusieurs d’entre eux composent d’ailleurs le jury des Gérard. Ce soir, la télévision s’adresse à la télévision. Les autres sont des curieux. Les deux types à côté de nous ne tiennent plus en place : ils veulent voir du « people. »
20h (‘Gérard de la super soirée au El Crétino Circus’)
Stéphane Rose, chargé de la fausse veille médiatique en direct annonce la couleur et le ton très fin que prendra l’émission : « puisqu’on parle de « Qui veut épouser mon fils », je voudrais vous signaler le lancement en 2013 d’une émission dérivée : Qui veut fister mon époux ? »
20h45

La cérémonie débute. En fait, elle a débuté il y a quelques semaines lors de l’annonce, tant attendue, des catégories et des personnalités en lice.  On nous informe que Stéphane Rose animera un live-tweet qui est en fait un détournement alimenté de faux tweets d’Audrey Pulvar sur sa rupture avec Montebourg et son “kikou love” avec Booba et Matt Pokora.

21h00
Raphael Mezrahi (oui, il existe toujours !) apparaît sur scène en envoyé spécial abruti, à l’image de son passé. Il a ponctué la soirée de faux reportages en direct des grandes chaînes de télévision.

21h15
Arnaud Demanche et quelques comédiens parodient TF1 avec l’émission “Saw Lanta”: « Alors les rouges, en ce moment c’est pas facile … Pas de feu … Pas de nourriture … Armand qui a dû être évacué par hélicoptère après s’être transpercé la jambe avec un bambou … Patrick qui est mort de faim avant-hier… C’est pas la joie, hein ? » Les catégories contribuent certes au succès de la cérémoniemais les animateurs l’enrobent de sketchs, de parodies d’émissions et de fausses improvisations qui apportent de l’humour et du rythme à la soirée.
21h36
(« Gérard de la personnalité à qui on aurait bien aimé remettre un Gérard, mais voilà, trop tard »)
Comme bien souvent, Fred Royer et Arnaud Demanche rebondissent sur l’annonce du lauréat pour provoquer des éclats de rire : « Je suppose que Thierry Roland n’est pas dans la salle ? » Les trois amis sur scène prennent un malin plaisir à adopter une liberté de ton, rare pour un direct, mais que permet une chaîne comme Paris Première.
22h
(« Gérard de l’animateur embourgeoisé qui se regarde dans le miroir en repensant aux années où il avait des cheveux, des abdos, des idées l’envie de provoquer, de conquérir le monde (…) avant d’aller repasser sa cravate fluo pour son jeu du midi »)
Après la victoire de Naguy, Christophe Dechavanne, lauréable, orchestre une parodie de l’UMP en critiquant un trucage des votes. Il exige un recomptage des voix en direct en faisant participer le public qui salue son fair-play. Qualifiés chaque année de bobos gauchistes en quête de reconnaissance, les Gérard utilisent volontiers ce ton décalé pour anéantir les critiques qui finissent par tourner en rond.
22h20
Le « Gérard de l’émission où on t’explique que t’as tout à apprendre de pygmées de 1m40 qui ont des frisbees dans les lobes d’oreilles, des anneaux de pêche dans le nez, des plateaux de cantine dans les lèvres, des nichons en forme de bananes, plus une dent et la bite dans un tube en bambou » est décerné à « Rendez-vous en terre inconnue » de France 2.
Le sondage « TV Notes 2012 » du site Puremedias.com montre que les Gérard correspondent aux personnalités télé les plus appréciés des Français, il en va de même pour les émissions. Parmi les nominations aux Gérard 2012, nous avons repéré le meilleur magazine de société « Enquête exclusive » (M6), la meilleure émission événementielle « Rendez-vous en terre inconnue » (France 2), la meilleure série française « Bref » (Canal +), le meilleur présentateur du JT Laurent Delahousse (France 2). Les Gérard ne récompensent donc pas les plus mauvais de la télévision. Ils cherchent les piques d’audience et les chouchous du public. Plus que les nominés, c’est la qualité des catégories qui importe.
22h36
Christian Jeanpierre, commentateur phare de l’Equipe de France de fooball reçoit le « Gérard du GROS MALADE QUI HURLE COMME UN GROS MALADE QUAND THOMAS VOECKLER EFFECTUE UNE REMONTEE FANTASTIQUE DANS LE TOURMALET OU QUAND FRRRRRRRRRRRRANCK RIBERY MET LE BUT DU KOOOOOOOOOO !!! ».
22h40
Après la victoire d’Arthur pour le « Gérard de l’animateur qui fait de la scène, mais qui ferait mieux de se jeter dedans », nous commençons à comprendre que les auteurs utilisent les têtes à claques de la télévision, ceux que les gens adorent critiquer : Sébastien Follin, Jean-Marc Morandini, Audrey Pulvar, Eric Zemmour, Christophe Hondelatte.
 
23h
On sort de la salle, certains d’avoir passé une bonne soirée. Réintroduire un retour sur critique de la télévision, tel semble être l’objectif des Gérard. Tout le monde en mange pour son grade, Laurence Ferrari est élue plus mauvaise animatrice de l’année, Vincent Cerruti plus mauvais animateur, au grand dam du public qui réclamait la tête de “Morandini”. Les Gérard rappellent que la télé n’est que de la télé et qu’il ne faut pas trop se prendre au sérieux, au risque de repartir avec un joli parpaing.
 
Steven CLERIMA
Recommandations :
Article du Nouvel Obs
Palmarès TV Notes 2012, organisé par Puremedias
Article de Paris Première
 

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Société

Jacques a dit : Scriptez le réel !

 
À la fin du mois d’octobre dernier, Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, s’en prenait à la scripted reality expliquant que ce nouveau type de programme, de qualité médiocre selon elle, n’avait pas sa place sur le service public. La ministre s’est effectivement exprimée sur les ondes de France Inter au sujet de France Télévisions et de ses obligations envers l’audiovisuel français. Elle signait le 28 Octobre une tribune dans Libération intitulée Notre politique culturelle dans laquelle elle rappelle l’une des promesses de la télévision publique : une réelle qualité de programme. Promesse qui, d’après elle, serait compromise par l’arrivée en septembre de programmes tels que « le jour où tout a basculé » (France 2) ou « si près de chez vous » (France 3), des fictions à bas prix qui permettraient aux chaînes de remplir les quotas de création imposés. Le SPI (Syndicat des Producteurs Indépendants), faisant une comparaison habile avec la presse populaire, parle d’un format tabloïd (de type journaux à scandale ou presse people).
Si ces programmes déplaisent à beaucoup, ils se multiplient tout de même dans le PAF avec des déclinaisons sur le service public aussi bien que sur les chaînes privées. L’occasion pour FastNCurious de revenir sur ce nouveau genre télévisuel dont le nom, déjà de l’ordre de l’oxymore, révèle la subtilité.
 
La scripted reality c’est quoi ?
Comme son nom l’indique la réalité scénarisée emprunte à la fois aux codes de la téléréalité et de la fiction, qui se base sur le scénario. On savait la téléréalité en partie scénarisée, mais ici, le procédé est pleinement assumé. Le concept est né en Allemagne dans les années 1980, on parle alors de Soap-doku. La résonance du terme soap permet effectivement de se faire une première impression sur la qualité du programme. En France, c’est Julien Courbet qui est le premier à exploiter ce type de format. Sa société de production (La Conceptoria) utilise les faits divers comme la base d’élaboration de scénarios courts et simples qui vont être réalisés à la manière d’un documentaire en favorisant tension, émotion et empathie.
 
L’exploitation du fait divers
Ce n’est probablement pas un hasard si le présentateur est le premier à lancer ces réalités-fictions sur le marché de l’audiovisuel. Le point commun entre « Sans aucun doute » et « Les sept péchés capitaux » – deux émissions qui ont aidé à sa popularité – saute aux yeux : le fait divers.
Le thème principal de ces premières émissions était d’aider les familles en difficulté, tout en nous plongeant dans leur quotidien. Avec la scripted reality il n’est plus question d’aide, le fait divers est placé au centre de l’intrigue mais les codes restent les mêmes : l’aspect reportage avec des commentaires ou des interviews des personnages ,  la voix off , la musique mélodramatique… L’imperfection, le mauvais goût, le kitsch, la France d’en bas qui suscitaient le rire et généraient l’audience sont recréés par le scénario et les comédiens.
 
 
L’exploitation de la notoriété
Cette forme, axée sur le fait divers, n’est pas la seule dont s’inspire la scripted reality. NRJ 12, chaîne de la TNT, innove avec « Hollywood Girls ». La formule se présente dans la continuité de la téléréalité première génération (« Secret story », « Loft story », « L’île de la tentation »…). Mais elle rappelle aussi des nouveaux programmes – dans lesquels la chaîne s’est spécialisée – qui réunissent plusieurs anciens candidats les suivant dans la réalisation de leur projet professionnel  ou mis en scène dans un nouveau jeu (« Les anges de la télé-réalité », « L’île des vérités »). Dans cette troisième génération, les mêmes visages emblématiques demeurent. L’intrigue principale est inspirée de faits plus ou moins vrais, Une nouvelle vie Californie pour Ayem et Caroline, mais on bascule dans la fiction grâce aux autres personnages et à l’évolution de l’histoire. Là encore : scénarisation et intentions de dialogue, donc improvisation et effets de réalité. L’enjeu n’est plus dans la curiosité suscitée par le fait divers, il vient de la notoriété des « comédiens » et de leurs compétences en tant qu’acteurs.

 
Un public réceptif
On l’aura compris, dans les deux cas, il n’est pas question de faire de la qualité. C’est d’ailleurs l’un des points qui rapprochent ces deux versions de scripted reality. Les producteurs ne prennent pas de risques. Leurs programmes sont à bas prix et leur succès est anticipé d’abord parce qu’ils reprennent des codes connus et déjà appréciés ; et ensuite parce que ce qui est de l’ordre du commentaire ou de la critique devient aussi l’un des premiers facteurs d’audience. Aussi médiocre qu’il soit, le genre plait et les spectateurs en redemandent.
Le CSA, qui a dû se pencher sur ces créations hybrides le mois dernier pour déterminer leur nature, devrait s’attendre à en voir de nouvelles se développer dans les nouvelles années. Depuis l’arrivée du mot téléréalité à la télévision française, le genre n’a cessé de se décliner et de s’adapter. Et bien souvent, quelles que soient les réactions et jugements du public, l’audience est au rendez-vous.
 
Esther Pondy
 
Sources :
http://www.franceinter.fr/emission-le-billet-d-eric-delvaux-qu-est-ce-que-la-scripted-reality
http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/09/24/scripted-reality-aussi-vrai-que-nature_1764087_3246.html
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/676061-scripted-reality-et-tele-publique-pourquoi-filippetti-a-raison-de-s-y-attaquer.html
http://www.franceinter.fr/video-aurelie-filippetti-ministre-de-la-culture-et-de-la-communication