Société

Detachment

Henry Barthes (Adrien Brody) est un jeune professeur d’anglais remplaçant. Chargé d’élèves plus que turbulents d’un lycée difficile de la banlieue new yorkaise, c’est dans un environnement hostile qu’il fait son apparition. Dans cet établissement, il fait la rencontre d’une proviseure à bout de nerfs et de profs désarmés devant le désintérêt flagrant des élèves, mais également celui du gouvernement américain qui a littéralement abandonné sa mission éducative.
« Jamais je n’ai senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde », une phrase d’Albert Camus reprise dans le film pour illustrer la position de détachement adoptée par ce professeur qui refuse de s’engager dans une cause perdue d’avance mais qui continue son combat dans l’espoir d’atteindre ces élèves qui ont délaissé les bancs de l’école pour leur rêves de richesse et de célébrité.
Henry Barthes (la référence à Roland Barthes est évidente) donne désespérément cours devant une classe virtuellement vide : des élèves qui ont métaphoriquement quitté la salle de classe par démotivation, manque d’intérêt ou tout simplement par réalisme concernant leur avenir et se sont réfugiés dans la violence verbale, la recherche de l’affrontement et la recherche des plaisirs instantanés.
Les professeurs, qui ressentent un véritable sentiment d’impuissance et d’abandon, se battent pourtant et refusent de déposer les armes. Par des moyens tout aussi brutaux que la violence morale à laquelle ils sont confrontés chaque jour, ces professeurs tentent de ramener leurs élèves à la raison, comme on peut le voir dans le passage où Lucy Liu annonce à une adolescente insouciante dont la moyenne est en chute libre, le futur sordide et dérisoire de pauvreté et de misère auquel elle – comme tous les autres – est destinée si elle ne se ressaisit pas. Encore une fois, on lit le désespoir de cette conseillère d’orientation qui se sent inutile face à cette jeunesse stoïque et impassible.
L’école américaine est en ruine, c’est le message porté par cette image sur laquelle se termine le film de Tony Kaye : une école qui s’effondre sur elle-même par l’absence de soins malgré les symptômes persistants qui n’ont cessé d’être dénoncés. Le gouvernement américain a complètement abandonné cet aspect de la politique pourtant primordial pour l’avenir du pays. Obama avait lui-même  déclaré qu’il ne fallait négliger « cette priorité nationale qu’est l’éducation, essentielle pour l’avenir de la nation ». « Détachment » montre la défaite d’un système scolaire américain dans lequel la jeunesse a perdu toute confiance et tout espoir de s’en sortir. Une problématique de l’éducation qui nous concerne nous Français aussi. Quels individus voulons-nous former pour prendre la relève demain ? Quelles chances donnera-t-on à nos enfants ?

En 2009, l’administration d’Obama a mis en place le plan d’action American Recovery and Reinvestment pour répondre à la crise économique actuelle. Ce plan a pour but de relancer la croissance par l’emploi en s’attardant notamment sur l’éducation. En effet, selon le Président Obama, pour que les États-Unis se relèvent de la crise, tous les citoyens doivent faire des études supérieures adaptées au marché du travail et le pays doit devenir le premier au monde dans l’achèvement des études secondaires et supérieures. En 2009, selon un rapport de l’OCDE, les Etats-Unis ont été classés au 16ème rang des pays de l’OCDE pour le taux d’obtention d’un diplôme de l’enseignement secondaire dans la population en âge typique de l’obtenir. C’est pourquoi 100 milliards de dollars du budget ont été alloués à l’éducation afin d’améliorer les conditions d’enseignement dans les collèges, lycées et universités, en particulier dans les établissements publics à faibles revenus, ainsi que pour venir en aide aux familles les plus en difficultés. Il reste à voir la portée de cette nouvelle action (en 2002 George Bush avait lancé le plan No Child Left Behind dont le bilan reste contrasté), le monde du cinéma avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 1995 avec « Esprits Rebelles » de John N. Smith.
« Detachment » n’est pas sans rappeler le film récompensé par le Festival de Cannes en 2008 « Entre les murs » qui avait dressé un constat similaire, quoique moins dramatique mais pas pour le moins alarmant de l’école « à la Française ». Deux films à portée commune d’une véritable crise universelle de l’éducation qui se profile en ces temps difficiles et qui en appelleront certainement d’autres si les mesures prises ne se révèlent pas efficaces.
 
Camélia Docquin

1
An employee of South Korean mobile carrier KT holds an Apple Inc's iPhone 4 smartphone and a Samsung Electronics' Galaxy S II smartphone as he poses for photographs at a registration desk at KT's headquarters in Seoul
Société

Jakadi qu’un brevet, c’est sacré

Si le duel du moment est celui que se livrent Hollande et Sarkozy à coups de phrases assassines et de meetings, il en est un qui se déroule à échelle mondiale et dans lequel il faut aussi choisir son camp.
Cette guéguerre oppose le grand gourou de la technologie, Apple, à son concurrent sud coréen Samsung depuis déjà avril 2011. La cause officielle ? L’utilisation par Apple de brevets Samsung et des similitudes de design de produits Apple par Samsung. La probable cause officieuse ? La tête du marché, jusque là largement aux mains d’Apple.
Au commencement, Apple leader incontestable lance sa tablette sur un marché sans concurrence. Jusque là tout va bien. Mais dans une économie mondialisée, il faut s’attendre à attirer des envieux.  Le monopole d’Apple prend fin avec la gamme Galaxy de Samsung qui fait de la marque un concurrent plus que sérieux pour la pomme.  Ainsi, la Galaxy Tablet 10.1 ne serait qu’une copie de  l’iPad, et le smartphone est lui aussi concurrencé.
Les 2 marques, jusqu’alors partenaires commerciaux deviennent les deux grands opposants d’un feuilleton judiciaire plein de rebondissements, de quoi nous consoler de la fermeture de megaupload.
Episode 1 : Apple attaque Samsung en justice. En effet, la Galaxy Tablet 10.1 possède un design trop proche de l’ipad et serait donc une contrefaçon. Apple demande donc à plusieurs tribunaux, notamment européens, d’en interdire la commercialisation
Mais la marque coréenne ne s’avoue pas vaincue. Puisque c’est le design épuré cher à la pomme qui est en cause, elle travaille sur une nouvelle version de sa tablette. Et comme il est bien connu que la meilleure défense est l’attaque, elle demande à son tour l’interdiction de commercialiser des produits Apple. Cette fois, c’est l’iphone 4S qui est visé car il enfreint selon Samsung plusieurs de ses brevets, notamment sur la téléphonie 3G.  Il en faut plus pour décourager Apple qui entame des poursuites pour violation de propriété intellectuelle. Bref, le feuilleton n’en finit pas.
Où en sommes-nous aujourd’hui ? Rien n’est encore tranché semble-t-il. Le conflit a des répercussions  aux Etats-Unis, en Australie, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Japon, en Corée du Sud et en France et les décisions sont différentes selon les pays. Les Galaxy Tablet 10.1 sont par exemple interdites en Australie et Allemagne, mais ce dernier pays a autorisé la vente des tablettes modifiées, la Galaxy Tab 10.1N qui se distingue suffisamment de l’ipad. Quant à la Corée du Sud, berceau de Samsung, elle menacerait de bloquer la sortie de l’Iphone 5. Cette vidéo résume bien l’affaire :

Outre les questions financières et juridiques,  le conflit peut avoir un impact sur les images de ces marques et sur les autres entreprises du secteur.  Quelle image donne Samsung lorsqu’il loue temporairement un local à Sidney à quelques mètres de l’Apple Store pour vendre des Galaxy SII à des prix plus que compétitifs ? Apple semble encore moins se soucier son image dans la mesure où bien souvent, « tu l’aimes ou tu le boycottes ». Ce n’est pas un conflit avec des coréens du sud qui peut ternir la réputation de l’œuvre de Steve Jobs
Alors, stricte application des lois ou recherche frauduleuse de monopole, je vous laisse forger votre opinion, la mienne est faite…
 
Manon Levavasseur
Sources :
Clubic.com
Crédits photo :
©Jo Yong hak
Menly.fr

Oiseaux pris en photo en contre-plongée volant tous ensemble
Société

Twitter, la parole qui fourmille

Jeudi soir, Marine Le Pen était invitée de l’émission politique de France 2 orchestrée par David Pujadas et intitulée « des Paroles et des Actes ». Cette émission a pour but de faire passer les candidats face aux mêmes chroniqueurs pour qu’ils puissent expliquer et défendre leurs propositions de manière équitable. Ainsi, comme c’est l’usage dans cette émission, la candidate du Front National a fait face aux différents chroniqueurs (Nathalie St Cricq, François Lenglet et Fabien Namias) et à deux contradicteurs (Henri Guaino et Jean-Luc Mélenchon). Jusqu’à 5,9 millions de téléspectateurs[1] ont assisté à cette somme d’échanges plus ou moins instructifs.
Parallèlement, sur Twitter, le hashtag[2] « #dpda » a été très employé. Plus de 11.000 twittos sévissaient sur la toile et plus de 42.000 tweets avec le hashtag de l’émission ont ainsi été postés. Ces Tweets étaient de natures très diverses. Certains étaient émis par des journaux et renvoyaient à des articles en ligne relatifs à ce que disaient les protagonistes du débat pour permettre de mieux comprendre ce qui se disait. D’autres étaient émis par des journalistes ou des acteurs politiques et apportaient une analyse sur le fond ou sur la forme du débat. Enfin, une bonne quantité de tweets provenaient de simples téléspectateurs à la culture politique plus ou moins fine qui regardaient le débat en attendant l’arrivée de Mélenchon avec une excitation pareille à celle que l’on ressent quand on attend le début d’un match de foot. A cause du petit nombre de caractères possibles pour chaque message (140), certains sonnaient comme des maximes politiques ne pouvant souffrir d’aucune objection. Il y avait aussi beaucoup de messages pour commenter la prestation de David Pujadas ou la chemise à carreaux d’une fille dans le public.
Twitter s’est ainsi présenté comme un prolongement de l’émission. Une plateforme interactive où chacun peut donner son avis immédiatement à tout le monde. Pas de hiérarchie ni d’encadrement des twittos, juste un fourmillement de paroles. Mais tellement de tweets qu’on ne peut en aucun cas tous les voir. Quelqu’un suggérait de faire comme dans l’émission qu’animait Marc Olivier Fogiel sur France 3 il y a quelques années : mettre en place un bandeau en bas de l’écran de France 2 pour diffuser les tweets à tous les téléspectateurs. Imaginez la vitesse de défilement des tweets ! Et si on sélectionnait les meilleurs ? C’est contraire à l’idée de Twitter qui consiste à réduire les asymétries de parole… Et d’ailleurs cela poserait des problèmes de réalisation.
 
Thomas Millard

[1] Francetv.fr

[2] Thème du tweet précédé du symbole « # » pour en faire un mot clé. Ainsi, en un clic, on peut consulter tous les messages émis par les twittos du monde entier qui se rapportant à ce thème.

wax-tailor-olympia
Société

Wax Tailor, la révolution numérique s'exprime aussi par la musique

La révolution numérique est paradoxale. Certes, Internet, les blogs, les smartphones et Twitter ont révolutionné notre rapport à l’écrit et sacralisent une écriture intuitive, rapide et fragmentée; mais ces mêmes outils s’inscrivent dans une tradition de l’écriture et revendiquent bien souvent des référents anciens (l’icône correspondant à la composition d’un nouveau tweet est celle d’une plume et d’un parchemin).
Toutes les formes d’art sont touchées par le paradigme propre au numérique de l’articulation du passé et du moderne. A l’heure ou David Fincher est qualifié de cinéaste du numérique; dans le milieu musical aussi, l’innovation prend forme. Les musiques dites « électroniques » sont une fusion détonante entre la nostalgie et l’innovation. Wax Tailor explique très bien cette synthèse, lorsqu’il expose dans le blog de l’Atelier, son double rapport au vinyl et aux platines: « Il faut garder le meilleur des deux mondes […]. J’ai une collection de Mp3, des outils qui me permettent de voyager léger. Quand je vais faire un DJ set, je vais être capable d’aller jouer avec des fichiers […] mais cela ne m’empêche pas de collecter des vinyls. Il y a un rapport affectif à l’objet, à son histoire. C’est quelque chose qu’on ne peut pas nous enlever. » 
Zoom sur Wax Tailor, alias Jean-Christophe le Saoût, compositeur et Dj mixant le trip-hop, le hip-hop et la down tempo. Voici 6 raisons pour lesquelles sa musique me semble particulièrement emblématique des nouvelles tendances la révolution numérique.
 
• La duplication et la répétition
 
Dans la chanson We be (clip ci-dessous), l’anaphore du « We be », la répétition du même discours en fond (« Power to the people! ») semble faire écho au matraquage médiatique, au flux incessant des réseaux sociaux… Cette pratique est à lier à celle du morcellement, du découpage en petites unités, qui est au fondement d’un média comme Twitter. Wax Tailor utilise des petites phrases répétées inlassablement, des répliques de films sorties de leur contexte et re-mixées avec d’autres paroles. Ces segments sont comme ces phrases volées par les médias et journalistes, partagées et naviguant d’utilisateur en utilisateur grâce au partage et au retweet, qui personnifie pleinement cette notion de fragmentation.
 
• L’importance de l’écriture
 
La pratique de l’écriture est une forme de communication hyper prégnante et magnifiée par les nouveaux médias (le règne du commentaire, de l’ « exprimez vous! », l’application « Notes » pour les Iphones designé comme du papier brouillon…)
Dans l’univers visuel de Wax Tailor, c’est une forme de communication efficace. Dans ses clips, on retrouve souvent de l’image et du texte mixés ensemble. Dans Positively Inclined (2e clip ci-dessous), le graphe est mis en valeur, et les mots qui s’inscrivent ont un pouvoir performatif qui doit donner l’inspiration au rappeur-poète :« inspiration », « insulation », « intonation »…
 
• Les thématiques du rassemblement
 
Dans son morceau We be, les paroles expriment un besoin de se regrouper autour d’une identité commune, de se rassembler en transcendant les différences: « We be… Joinin’ the endless convoy of cultural hegemony. »; « We be…oh so many… like the multitudes of souls, lost… in the wars of men…/Over gold, over power, over god & hate/; « Why can’t we be more peaceful? Why can’t we be… nicer… to one another? Why can’t we be… we be… what we were meant to be: LOVE ». C’est un discours souvent tenu par les nouveaux médias et qui se matérialise par la création de plus en plus de communautés virtuelles qui transcendent les nationalités, les âges, les idées politiques pour se concentrer sur d’autres intérêts tel que la musique, justement.
 
• L’emprunt, le patchwork
 
« Wax Tailor », le tailleur de cire en anglais: la matière est celle qui est commune à tous. Ici, le tailleur, c’est celui qui mixe, qui fait un montage, un patchwork: les musiques de Wax Tailor sont un vrai « melting pot » d’influences diverses et d’emprunts.
Dans le clip Positively Inclined, cette pratique est illustrée par le flux de couleur noire, le matériau de l’inspiration musicale qui passe de personnage en personnage, de l’objet à l’humain dans un mouvement constant de va-et-vient. On rejoint la pratique du partage, qui est commune à tous les médias 2.0.
 
• L’héritage du passé
 
Cet emprunt se fait selon des référents universels, une sélection parmi une culture populaire qui symbolise notre héritage.
Comme les multiples applications smartphones opérant un fascinant retour au vintage (Vintage caméra, Instagram), Wax Tailor utilise (et c’est bien sa marque de fabrique) des répliques de films (la plupart des années d’après-guerre: Welles, Lubitsch, Ford, Hitchcok.. ou des années 70 Forman, Cassavetes) pour ponctuer des rythmes innovants. De plus, il recycle des musiques cultes (comme le « Feeling Good » de Nina Simone dans How I Feel).
 
• Le laboratoire de l’innovation : réaliser un synthèse
 
Mais ces emprunts nostalgiques ne s’inscrivent justement pas dans une vision passéiste et poussiéreuse.
Le collectif franco-suisse-argentin de tango Gotan Project est un autre exemple d’artiste de la génération 2.0. Ils expliquent en 2010, interviewés par l’Express, que le titre de leur dernier album « Tango 3.0 » « symbolise la collision entre l’ancien et le moderne, le tango qui a un siècle d’histoire et le Web 3.O qui commence tout juste la sienne. Notre parti est celui d’une expérimentation autour du tango et de la musique électronique. ». En mixant par exemple des instruments très traditionnels avec du rap ou de la techno minimale allemande, le projet de Gotan Project peut somme toute, résumer celui des NTIC: elles innovent et créent des usages sans précédant, mais restent néanmoins fidèles aux usages hérités du passé, s’inspirent de traditions instituées pour les faire rentrer dans des nouveaux cadres, ceux de la modernité.

Wax Tailor « We Be » By Mathieu Foucher

Wax Tailor, « Positively Inclined » by Tenas
 
Camille Principiano

Sources :
« l’Express.fr » : interview de Julien Adigard
« le blog de l’Atelier », Lila Meghraoua

Whitney Houston sur ABC News
Société

Crack is whack

Dans la nuit de samedi à dimanche, une superstar de la musique est décédée, la grande Whitney Houston. Et bien sûr s’en est un suivi un rabâchage médiatique intense dans la presse, à la télévision, à la radio, sur internet, bref, partout, comme le veulent les règles du très lucratif marketing des célébrités disparues. Nous avons donc eu droit à quantité de témoignages larmoyants, d’hommages vibrants, tout ça arrangé avec la sauce nostalgique adéquate. Mais plutôt que de nous intéresser à tout cela, examinons de plus près la vie de cette femme qui, si elle a connu des hauts très hauts, a également connu des bas vraiment bas. Et les médias étaient toujours là pour nous les exposer.
Cette chère Whitney appartenait au catalogue des Pop Stars, mais elle avait tout d’une vraie Rock Star, dans le comportement et dans les excès. Surtout les excès.
Car, on le sait tous, la vie de Whitney n’a pas toujours été rayonnante.
Rapide retour en arrière. A la fin des années 90, Miss Houston est au sommet. Elle est admirée par le public et encensée par les critiques, elle est mariée et a une petite fille, tout va pour le mieux dans le meilleur des monde.
Puis soudainement, au début des années 2000, c’est le début de la chute. En janvier, la sécurité de l’aéroport d’Hawaii trouve de la marijuana dans ses valises et celles de son mari, mais les deux filent en avion avant l’arrivée des autorités et s’en sortent blancs comme neige. Peu de temps après, elle doit chanter pour les Oscars une version du légendaire « Over The Rainbow » du magicien d’Oz, mais se fait virer par son ami Burt Bacharach, car elle est incapable de produire un son potable. Ca s’annonce mal.
Et puis en 2002 survient la célèbre interview avec Diane Sawyer, prévue à la base pour la promotion de son prochain album. C’est lors de cet échange que Whitney parlera en public de son addiction aux drogues (et oui, les stars prennent de la drogue des fois). Mais elle ne prend pas n’importe quel type de drogue. En effet lorsque Diane Sawyer insinue que l’artiste prend du crack, Whitney répond directement, un peu offusquée tout de même, avec cette formule restée dans les mémoires : « Je me fais bien trop d’argent pour fumer du crack. Le crack c’est naze ». Argument qui se vaut, d’un certain point de vue.
Donc à ce moment là, pour Whitney, ce n’est pas la grande forme. Cette interview va être diffusée un nombre incalculable de fois et faire des records d’audiences.
Même si son album se vend bien, elle prend des décisions assez peu banales. Comme son voyage en Israël en 2003 avec un groupe sectaire, les « Black Hebrews », qui sont des végétariens de l’extrême. En revenant quelque temps plus tard, elle certifie qu’en Israël, elle se sent « chez elle ». La spiritualité est partout.
Est-ce que c’est ce voyage qui l’a incitée à accepter de faire une téléréalité sur sa vie avec son mari Bobby Brown ? Dieu seul le sait … Mais en tout cas le résultat laisse le doute subsister, tant les critiques ont cloué au pilori ce show, qui n’a jamais connu de seconde saison.
Elle avait tenté récemment de faire son come-back, suite à son divorce. En 2009, pour son nouvel album, elle fait une grande tournée promotionnelle, en passant même par la case France en chantant au Grand Journal, se montrant dans une grande forme vocale. En si bonne forme qu’au lieu de répondre aux questions, elle se contentait de chanter. Et tout le monde applaudissait. Avec le temps, elle a vraiment appris à y faire avec les médias.
Malgré nombre de performances désastreuses qui lui ont attiré les foudres des fans et des critiques, elle tentait tant bien que mal de revenir sur le devant de la scène, avec succès parfois.
Et donc Whitney est partie. Clairement, elle était une icône, et on peut choisir de se rappeler d’elle ainsi, ou comme la chanteuse à qui notre Gainsbourg national avait si délicatement déclaré « I want to fuck you » devant un Michel Drucker ma foi un tantinet surpris. Pour se consoler, on pourra toujours se gaver des futures rediffusions du Bodyguard.
 
Emilien Roche
Crédits photo : ABCnews

2
Affiche We Are Reputation
Société

We Are Reputation

« Plus cruel que la guerre le vice s’est abattu sur Rome et venge l’univers vaincu »
Juvénal

Ces derniers jours quelques espaces publicitaires du métro ont accueilli cette affiche de l’entreprise We are Reputation.com. Elle a la particularité d’employer une œuvre d’art (ce qui se fait rare dans les publicités qui ne font pas la promotion de musées). L’œuvre s’intitule Les Romains de la décadence, et a été réalisée par Thomas Couture en 1847. La question qu’on choisit de se poser face à cette affiche est : quelle place aujourd’hui a la culture, que nous appellerons ici « classique », dans la publicité, et dans les médias ? Quelle relation avons-nous aujourd’hui avec elle, au quotidien ? Pour alimenter cette réflexion j’ai pu poser quelques questions à Cécile Istin, responsable de ce projet de gestion de l’e-reputation des professionnels et des particuliers, qui a eu la gentillesse de m’accorder un entretien.
La méthode d’analyse à employer pour cette affiche est un peu compliquée ; en effet, l’image possède deux niveaux : celui d’abord de l’œuvre d’art, puis celui de l’œuvre dans le cadre publicitaire. C’est pourquoi on peut examiner de plus près le texte qui l’encadre. La première chose qui nous frappe est le parallélisme entre les deux phrases de légende en haut, construit autour d’une répétition : « Heureusement pour ». Ce balancement est accentué par le fait que chacune de ses phrases est elle-même divisée en deux, et que  l’opposition entre le noir et le blanc partage et structure l’affiche. Cette bipolarité générale donne une impression de maîtrise et de contrôle de l’image, mais aussi une impression de fort contraste. On retrouve dans cette esthétique l’idée que m’a présentée Cécile Istin selon laquelle chaque homme a une part de bon et de moins bon en soi ; une ambivalence dont il est préférable de contrôler la visibilité. L’encadrement publicitaire s’appuie également sur un jeu de pronoms : « pour eux » se positionne en parallèle de « pour vous », et l’entreprise s’exprime à la première personne du pluriel – en faisant écho à son propre nom. On voit ici le lien que tisse ce cadre, entre le passé de la Rome antique, le client, et l’entreprise, dans l’idée qu’un changement est survenu depuis ce temps, que l’entreprise peut nous aider à gérer, comme une sorte de médiateur qui pourrait nous aider à conserver une part de la simplicité des romains, tout en s’en protégeant.
Le reste du cadre publicitaire fonctionne en majorité sur une logique d’implicite. Le premier se trouve entre les deux premières phrases ; entre « Internet n’existait pas », et « nous avons la solution », se glisse en effet l’idée que depuis Internet est devenu une pratique courante et un outil commun de diffusion de l’information et que cela constitue un danger. Cette ellipse, le lecteur doit s’arrêter trente secondes sur l’affiche pour la combler, car le non-dit « Internet est apparu » contraste avec ce qu’il y a de plus lisible dans l’ensemble: l’image.
On observe donc une tension (un contraste ou une distance) dans le rapport du présent (publicitaire) au passé (culturel). L’œuvre d’art sert l’énonciation publicitaire et s’en éloigne en même temps, par son histoire, son sujet et son statut même d’œuvre picturale.
On retrouve ce même effet lorsqu’on en vient à étudier le tableau de Couture, tel qui nous est présenté par le cadre publicitaire. Il apparaît comme lointain et distant au sein de l’affiche même (elle est séparée du cadre par un léger ombrage), puis par son éloignement historique et culturel : en plus d’avoir été peint au XIXème siècle, il est sensé représenter les mœurs de la Rome décadente. Thomas Couture l’a d’ailleurs réalisé dans l’idée de dénoncer aussi bien la décadence des romains que celle des français sous la monarchie de juillet. Tant et si bien que ses contemporains appelaient ce tableau « Les Français de la décadence ». Il inclut donc également une distance critique, qu’on peut lire, au sein même du tableau, dans le regard accusateur des deux personnages à droite, et dans la manifeste souffrance du jeune homme tout à gauche (à eux trois, ils retracent encore un cadre de lecture critique, à l’intérieur même du tableau). Est-ce que le choix de cette œuvre est donc une approche critique de notre société aussi ? L’intention de cette campagne de communication, selon Cécile Istin, est davantage de critiquer l’insouciance des utilisateurs du web (si critique il doit y avoir), plutôt qu’un fait social. Elle et ses collègues conçoivent cette affiche comme une sorte de campagne de sensibilisation aux dangers de la toile.
On remarque donc qu’on peut se projeter dans cette toile (picturale), s’y reconnaître. En effet, bien que la nécessité de lire le tableau cible un certain public, il n’en reste pas moins qu’on y trouve facilement des points communs avec notre actualité. Le sentiment d’une grande abondance et d’une intensité, visible dans le symbole de la jarre renversée devant, et dans la force des mouvements et des drapés dans l’ensemble du tableau, ainsi que cet abandon à la sensualité et aux plaisirs, sont des choses présentes également dans notre société. Mais le plus important c’est que dans ce choix de description, le peintre a choisi de mettre en scène la décadence, de la « spectaculariser ». Cette femme qui nous regarde au premier plan, point central du tableau, choisit pour nous une posture de lecture et de réception très ambivalente : l’esthétisme des corps, des mouvements, des couleurs, semblent presque valoriser cette décadence, et on ne sait plus si on doit lire dans son regard et dans son abandon face à son public, une invitation à y participer ou la tristesse de son état. C’est là que réside la force de cette œuvre, et le principal point commun avec notre actualité : la mise en scène de l’intime sur les réseaux sociaux rejoint cette exacte même notion. Finalement, dans une discrète mise en abyme,  le tableau lui-même devient contenu médiatique avec la présence de la souris d’ordinateur en bas de l’affiche. Cécile Istin a confié qu’à un moment, ils avaient même pensé tagguer les personnages de la composition, comme on pourrait le faire sur Facebook, mais qu’ils s’en étaient abstenus pour ne pas « dénaturer » l’œuvre.
Cette simple remarque montre à quel point l’art  peut conquérir sa propre autonomie dans un média hybride et complexe comme celui du support publicitaire. En fin de compte, ce qui plaît dans cette publicité, ce qui fait son humour et sa légèreté, c’est précisément ce décalage et cette tension qu’on aime à ressentir et à vivre, vis à vis d’une œuvre à laquelle on adhère et qu’on rejette à la fois.
 
Marine Gianfermi

Merci beaucoup à Cécile Istin pour l’interview accordée. Pour plus d’informations sur l’offre faisant l’objet de cette campagne ou sur l’offre en e-reputation, rendez-vous sur We Are Reputation.com
Lien vers Les Romains de la décadence

Pinterest Image 1
Société

Pinterest, mode d’emploi

Palo Alto. Californie.
Non, ce n’est pas du collège invisible, ni de Paul Watzlavick ou de Gregory Bateson dont il s’agit mais d’une jeune Start-up : Pinterest. Relativement méconnu, surtout en France, Pinterest est pourtant le réseau social qui monte. En termes de sources de trafic, les résultats de janvier le placent au-dessus de Google + et LinkedIn.
Retour sur un site qui se retrouve propulsé dans la cour des grands.
D’abord, comment ça marche ?
 
Basé sur un principe de curation, Pinterest propose de sélectionner, d’éditorialiser et de partager du contenu. Images, vidéos,  voilà ce que les utilisateurs de Pinterest punaisent ou épinglent sur leur tableau en liège virtuel. À l’image du Facebook Wall, ce site ressemble à une sorte d’album photo social sans limitation de stockage. Pinterest rend aisée la sauvegarde de certaines trouvailles et permet de les partager avec les « pinners » qui vous suivent. Les internautes peuvent ainsi partager différents types de contenus, classés par catégories : photos, déco, mode, lectures, voyages; et les recommander à leurs amis.  Simple mais efficace, ce phénomène est d’autant plus impressionnant qu’il n’est pas ouvert à tout le monde. L’accès est en effet réservé et fonctionne sur un système d’invitation. Seuls les happy few pourront s’adonner au plaisir de « piner » et « repiner ». Eh oui, parce qu’à chaque réseau social son vocabulaire. On abandonne le « like » et le « poke » de Facebook et on se met au pin (épingler).
Pinterest emprunte les attributs et caractéristiques de ses aïeux. Il se présente à la manière d’un « tableau d’annonce », dans la poursuite du « like » de Facebook. Avec les images publiées, c’est par exemple un sens de la mode que l’on veut partager ou une appétence particulière pour le jardinage. Les images parlent d’elles-mêmes, elles sont à l’image de l’identité que l’on cherche à véhiculer. Dans la même logique que Twitter et Facebook, « j’affirme qui je suis » par ce que je publie. Les centres d’intérêts et le contenu sont créateurs d’identité. Pinterest dit lui-même être investi d’une mission : relier le monde entier à travers les choses intéressantes que les gens ont en commun. Pinterest poursuit donc cet idéal de la grande communauté de partage, celle qui met en avant ce qui rassemble et non ce qui sépare. On retrouve également avec ce site une volonté de faire « être ensemble », caractéristique des médias selon Wolton. Sa logique de flux, avec une actualité en temps réel des personnes abonnées, le rapproche de Twitter. Les contenus, abondants et divers, et les multiples rubriques correspondent bien à cette économie de l’attention. Le site essaye d’entretenir une relation privilégiée avec les pinteresters au travers d’une offre pléthorique. Par ailleurs, le site a tout compris en adoptant un modèle qui permet aux utilisateurs d’être émetteurs et producteurs. Liberté, autonomie, facilité, indépendance, les internautes sont ravis. Ils peuvent y chiner la perle, la bonne idée ou le bon plan. À chacun d’y trouver son utilité.
Avec sa profusion d’images, Pinterest s’apparente à un véritable écrin publicitaire, idéal pour le placement de produit. Les sites qui s’appuient sur Twitter, Facebook ou Google + pour partager des liens et générer du trafic vers leur site web vont-ils désormais se tourner vers Pinterest ? Une chose est sûre, Pinterest a tout d’un grand.
 
Rébecca Bouteveille
Crédits photo : Pinterest.com

3
nfl-dollars
Société

Super Bol

Dans la nuit de dimanche à lundi, il y avait ceux qui dormaient, puis les autres — masochistes sur les bords — qui enchainaient les canettes de Red Bull pour ne pas sombrer devant le Super Bowl. Depuis quelques saisons, W9 diffuse cette grande messe du football américain — sport totalement confidentiel de ce côté-ci de l’Atlantique — mais qui rassemble pas loin de 150 millions de téléspectateurs chez les Américains, véritable miracle étant donné le morcellement du paysage audiovisuel états-unien.
La NFL — petit nom donné au football US (National Football League) — est le sport numéro Uno au royaume d’Obama, et dont la finale est surtout l’occasion de se marrer entre amis autour d’ailes de poulet et devant le meilleur de la pub mondiale. Ce que l’on sait moins c’est que cette joyeuse petite sauterie qui opposait les Giants made in New-York et les Patriots de Boston — doux ennemis de la Côte Est — aurait pu ne jamais avoir lieu.
Flashback en mars 2011. Le 25 au matin la NFL cesse toute activité. Les propriétaires se mettent en grève pour cause d’un désaccord sur le CBA — en VO, Collective Bargaining Agreement, en VF, l’accord syndical qui lie joueurs et propriétaires sur les conditions salariales et contractuelles de la ligue. Pour faire simple, quand les propriétaires se mettent en grève la saison s’arrête puisqu’ils sont aussi détenteurs des stades et employeurs de tous les soldats qui font tourner la League.
En NBA — la National Basketball Association — on a aussi vécu le même problème pendant l’été 2011. Début juin, les Dallas Mavericks sont sacrés champions, mais quelques semaines plus tard l’ambiance retombe assez sèchement. Même problème que chez les cousins du foot US, les joueurs et proprios ne trouvent pas d’accord sur la répartition des revenus tirés de la ligue — répartition définie par le CBA.
Alors en NBA comme en NFL, le « lockout » est décrété. Littéralement, les joueurs se trouvent « enfermés dehors ». Les entrainements et matches ne peuvent avoir lieu puisque les salles restent closes tant qu’un accord ne sera pas trouvé sur les répartitions de la juteuse manne financière qui découle du basket et du foot US.
Côté NFL, aucun matche n’a été annulé puisqu’un accord a pu être trouvé avant le début de la saison. Mais pour les amoureux de la gonfle orange, l’attente fut bien plus longue et préoccupante.
David Stern — le NBA Commissioner, en gros le patron de la Ligue — annonce le 28 octobre que les deux premières semaines de la saison (censée commencer début novembre) sont annulées étant donnée l’absence d’accord et l’affolante apathie qui entoure les débats. Finalement ce seront près de  deux mois de compétition qui seront supprimés. Le 26 novembre, après des centaines d’heures de réunion, l’intervention d’un médiateur envoyé par Washington et des millions de dollars envolés, un nouveau CBA a pu être signé. La saison commencera le jour de Noël, histoire de faire oublier aux fans les mois de chamailleries.
De juillet à fin novembre, les LeBron James et autres Chris Paul se sont étripés avec les propriétaires sur la répartition des gains que rapporte la ligue. Jusqu’ici les joueurs récupéraient 57% du gâteau et les proprios se partageaient le reste. Cependant il apparaissait assez clairement qu’un tel accord ne pouvait plus durer puisque les propriétaires clamaient perdre énormément d’argent. Les joueurs eux faisaient la sourde oreille avec une ligne de défense unique : sans eux, pas de spectacle ni de ligue.
Alors pendant 5 longs mois, les fans ont vu des joueurs multi-millionnaires batailler pour quelques 5 ou 6 misérables pourcentages — donc une bouchée de pain rapporté à leurs revenus qui s’élèvent pour les plus talentueux à 20 millions de dollars par saison. Les principaux sites de basket reprenaient tous en coeur le même refrain « Qu’ils nous rendent notre sport favori, et qu’ils arrêtent de pinailler pour si peu ». Ainsi nombreux étaient ceux à se dire littéralement dégoutés par l’attitude de leurs idoles, les plus virulents n’hésitant pas à appeler à un boycott en cas de reprise de la saison. Ainsi d’importantes pertes en termes d’audience étaient à prévoir lorsque le basket daignera reprendre.
Le mois dernier les chiffres des premières audiences sont tombés. Résultats accablants pour les fans excédés il y a quelques semaines de ça : la NBA et la NFL sont encore plus populaires post-lockout. Dans le LA Times, Helene Eliott a pu observer que les salles NBA étaient plus pleines cette année que l’année passée et que les audiences télé avaient elles-aussi augmenté — sur la même période.
Le Super Bowl a réalisé dimanche dernier les meilleures audiences de son histoire. Que ce soit en NFL ou en NBA, les fans semblent donc touchés d’une amnésie profonde quand on repense aux réactions ulcérées qui tapissaient Twitter et la rubrique commentaires d’ESPN.
Apparemment les fans viennent de donner le feu vert aux responsables des deux ligues majeures — NBA et NFL — pour se comporter comme ils l’entendent, en tout cas dans l’irrespect total du public — public qui fait d’ailleurs vivre tout ce beau monde. Les fans avaient pourtant là l’occasion de montrer qu’ils étaient — eux et eux seuls — ceux qui faisaient tourner ce cercle vertueux, véritable machine à billets vert. Mais apparemment le spectacle offert par le basketball et le football américain fait oublier toutes les péripéties. Ainsi ces chiffres actent une amnésie certaine du fan de sport qui avait enfin le pouvoir de réclamer son dû pour sa passion — essence indispensable du moteur rugissant de l’industrie sportive.
 
PAL

Photo tirée de The Book Of Mormon, comédie musicale de Broadway
Société

My name is Jeff Decker I am a sculptor for Harley Davidson and… I'm a Mormon.

 
Aucun parti pris politique ni jugement sur la religion mormone n’est revendiqué.
 
L’image mormone dans les médias : entre parodies, caricatures, campagnes politique et publicitaire :
 
Bien qu’elle ne représente que 2% de la population, établie majoritairement dans l’Utah, la communauté mormone ne cesse d’être mise sur le devant de la scène. Les candidatures aux primaires républicaines de Mitt Romney et Jon Huntsman, la série télévisée Big Love et plus récemment une comédie musicale co-écrite par les auteurs de South Park n’ont de cesse de rendre les Mormons plus présents dans la sphère médiatique.
 
Meet the Mormons :
 
L’Eglise Fondamentaliste de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours prend naissance au XIXe siècle, sur le territoire américain même. Leur fondateur, Joseph Smith, aurait gravé sur des assiettes en or un texte en égyptien ancien, racontant comment Jésus serait revenu, il y a plus de 1 500 ans, prêcher la bonne foi aux américains. Ce testament aurait été déterré par Smith après que l’ange Moroni lui eût révélé l’endroit où il se cachait.
Beaucoup de choses ont été dites sur les Mormons. On leur reproche notamment d’être polygames, comme la série Big Love se plaît à le montrer. En effet, le personnage principal, Bob, entretient des liaisons officielles avec trois femmes différentes. Pourtant la pratique de la polygamie, auparavant revendiquée comme respectant la volonté divine, a été abandonnée dès 1890. Les Mormons se débattent avec ce stéréotype qui leur colle à la peau, c’est pourquoi Mitt Romney s’est bien appliqué à préciser qu’à soixante ans, il n’a connu qu’une femme, rencontrée au lycée et devenue mère de ses enfants.
Le rapport qu’entretiennent les américains avec la communauté mormone n’est pas nécessairement hostile, mais tient à fréquemment tourner en dérision leurs valeurs et croyances. Le fait que 10% des revenus de chacun des membres reviennent à l’Eglise et les appellations en vigueur au sein de leur hiérarchie les font aisément passer pour une organisation sectaire. Le président est nommé Prophète, et est secondé par deux Conseillers et douze Apôtres.
Selon un article paru dans The Economist, il paraît étrange que les Mormons peinent à se faire comprendre dans la société américaine puisqu’ils partagent le passé et les valeurs d’un héritage qui a profondément influencé l’esprit américain. Les Mormons aussi ont été pionniers, s’exilant à Great Salt Lake (actuel Utah) pour assurer leur liberté de culte. Le mormonisme est même la seule religion à être née sur le sol américain et à être, donc, influencée par les valeurs du continent. Ils se définissent comme patriotiques, dévoués au service public et croient en l’origine divine de la Constitution des Etats d’Amérique. Aucun désaccord sur ce plan. Les Mormons soutiennent l’entrepreunariat, l’audace et le libéralisme (l’autorité doit s’exercer au seul sein de la famille ou de la communauté) et estiment qu’il est de leur devoir de propager leurs idées par le biais de missions à l’étranger. Enfin ils valorisent le travail, le mariage et les familles nombreuses. Le cœur de leur philosophie s’enracine dans l’idéal du self-improvement, quoi de plus américain ? Ils jouissent même d’une excellente réputation en tant que citoyens modèles, il faut dire que lorsqu’on interdit la consommation de cigarettes, d’alcool et même de café, difficile de se laisser déborder par un tempérament de feu. Le work ethic mormon semble parfaitement adapté à la vie moderne. Harvard est principalement fréquenté par les trois M : les McKinsey, les militaires et les Mormons. Wall Street et la CIA en recrutent souvent. Pour finir, quand seulement 2% de la population est mormone, 3% des membres du Congrès sont mormons. Si US et mormons ont des valeurs communes, pourquoi l’éventualité de retrouver un membre de l’Eglise Fondamentaliste à la tête du pays laisse-t-elle aussi dubitatif ?
 
I’m Gabe, I’m a Mormon.
 
Le problème, c’est que le Mormonisme est le dernier né des religions et est particulièrement fermé, ce manque de communication et de racines ne convaint pas, pire il nourrit le scepticisme. C’est pourquoi l’année dernière, l’Eglise mormone a décidé de lancer une campagne vidéo pour revendiquer sa « normalité » et son enracinement dans la culture américaine – il s’agissait également de limiter le scandale qu’avait suscité le financement d’une campagne anti-gay par la communauté mormone. Une série de vidéos met en scène des jeunes surfeuses, des pères athlètes, des mères débordées mais souriantes et blogueuses, des maris qui font de la Harley Davidson… des personnes lambda qui nous paraissent, à nous européens, faites de carton pâte tant elles débordent de bons sentiments, mais qui n’en semblent pas moins correspondre à l’average American citizen. Ce speech finit par délivrer son message-cible, leitmotiv de la campagne : « and I’m a Mormon ».
 
Forget Hipsters, Get The Mormon Look[1] ?
 
Il est indéniable qu’en lançant cette campagne (très vite parodiée par des you-tubers concluant leur présentation par un « and I’m a Moron »[2]), l’Eglise Fondamentaliste cherche à donner un coup de frais à l’image que véhicule sa communauté, donnant ainsi la parole au mormon-rocker Brandon Flowers, chanteur des Killers. A cette occasion, The New York Times est entré en contact avec la jeune communauté mormone pour en apprendre plus sur ces teetotallers et leur manière de concilier la fougue de leur âge avec la rigueur de leur foi. Mini jupe, alcool, tatouage et barbe sont interdites – rassurez-vous, la fine moustache est autorisée et si votre peau ne supporte pas le passage de la lame vous pourrez bénéficier d’un laissez-pousser, « the beard card ».
 
Lola Kah
 
Sources :
Campagne « I’m a Mormon »
The Economist, When The Saints Come Marching in – Can a Mormon Get in The White House
New York Times, Young Mormons Find Ways To Be Hip
South Park, « All About The Mormons »
 

Crédits photo :
© The Book Of Mormon, comédie musicale de Broadway.
 

[1] « Get The Mormon Look » parodie le célèbre slogan de Rimmel, marque de cosmétiques anglaise : « Get The London Look ».
[2] Moron = bouffon.

1
Campagne du Bon Marché pour les TBM par Les Ouvriers du Paradis
Société

The Mistaken Identity

On le sait tous, enfin tous ceux qui ont vu le chef d’œuvre cinématographique The Social Network, Facebook est né d’une envie de vengeance et de valeurs peu catholiques. Alors quoi de plus étonnant que l’usage parfois « détourné » que l’on en fait maintenant ? Dans une vision du monde toute rose, Facebook ne serait qu’un réseau destiné à nous réunir en toute convivialité pour un pur moment d’amitié bien ordonnée. Seulement, une fois les lunettes de soleil hyper kitsh ôtées du pif on se rend vite compte qu’il n’en est rien. Sans tomber dans l’extrême malveillance, il me semblait intéressant de vous faire part d’une récente expérience.
Je ne vous apprends rien en vous disant que Facebook est la plateforme rêvée pour lancer des rumeurs en tout genre. Les statuts apparaissent depuis longtemps sur un fil d’actualité visible par tous les contacts (et parfois plus) mais cela ne fait que quelques mois que les statuts jugés les plus intéressants restent en haut de l’affiche afin d’être vus et revus par tous ceux qui auraient eu la malchance de ne pas les lire dès leurs postages. Les photos prennent de plus en plus d’importance. Celui qui a dit qu’une image valait un millier de mots devait être un fan des Motivational Pictures : ces fameuses photos que les gens se postent sur leurs wall respectifs entourées d’un cadre noir avec un message parfois moqueur, parfois blagueur.
J’aurais adoré que l’on m’explique le rapport entre le nom qui leur a été attribué – Motivational – et l’actuelle photo visible sur mon fil d’actualité d’une femme au fessier important se tenant devant une voiture conduite par un chien…
Enfin, je divague, mon but n’étant pas du tout de vous parler d’un chien très doué mais d’une simple expérience. Hier matin, la filière Marketing, Publicité, Communication du Celsa a été conviée à une conférence des plus intéressantes sur le Branding par le Groupe Medinge. Ce groupe, basé en Suède, est un Think-Tank ou laboratoire d’idées qui décerne chaque année les prix « Brands with a Conscience »*. Tout ça pour dire que nous étions entourés de têtes pensantes dont une qui a particulièrement attirée notre attention. Sur la base d’un quiproquo, une femme du nom de Brigitte Stepputis a été confondue avec Vivienne Westwood. Il semblerait que cette femme travaille pour la marque mais n’ayant été présentée que sous le nom de celle-ci, vous comprenez bien que nous ayons eu un doute. Sans compter que la ressemblance physique (de dos) était trompeuse. D’un élan enthousiaste, mes doigts font leur chemin sur le clavier pour partager au mieux cette information :

En quelques minutes seulement, mon statut a été liké plus de fois que mes derniers statuts mis ensemble (vous me direz, je suis pas bien populaire non plus). Alors que les likes augmentaient, le fait que personne ne remette en question la véracité de cette information me taraudait. En effet, il m’est apparu que de plus en plus de gens tendaient à croire naïvement ce qu’ils lisent sur Facebook. En dehors de la première dimension gossip du site – qui ne nous leurrons pas est aussi la raison de notre présence accrue – on peut également trouver celle de l’actualité, mais pas n’importe laquelle. L’internaute se plaçant en médiateur n’est pourtant jamais incité à prouver la véracité de ses propos. Bien au contraire, il a tendance à être instantanément cru car qu’en retirerait-il ? Surtout que dans un objectif de m’as-tu-vu, légitimé par le site, il serait bien mal venu de sa part de propager une information dite d’actualité qui soit fausse.
Ou bien, on peut se demander s’il est véritablement important que celle-ci soit véridique ou non, tant qu’elle alimente les débats… On en revient donc à la bonne vieille rumeur et à toutes les conséquences dévastatrices qu’elle peut engendrer. Sans tomber dans l’exagération, il faut reconnaître que la plupart restent gentillettes.
Il me fallait tout de même vous le dire, mon statut était faux !
Brigitte pardonne nous notre ignorance…
 
Marion Mons
Crédits photo : ©Le Bon Marché / Agence : Les Ouvriers du Paradis

6