Casse de bijouterie, photo de 20 minutes
Société

Le fait divers, conte moderne.

Le 26 novembre 2011 à 18h, une bijouterie de Cannes est braquée par quatre individus lourdement armés. Le gérant de la boutique est abattu d’une balle dans la tête et les quatre braqueurs prennent la fuite.
Si je suis au courant de cette affaire et qu’elle a retenu mon attention, c’est tout simplement parce que ma mère habite en face de cette bijouterie. Cela fait un choc qu’un événement particulièrement violent soit survenu tout près de chez soi alors même qu’on a passé pour sa part une journée tout à fait banale. Lors d’un diner familial, un mois plus tard, j’ai été frappée par le fait que chaque membre de ma famille avait quelque chose de personnel à raconter par rapport à l’affaire. Ma mère était dans cette même bijouterie vingt-quatre heures plus tôt, ma belle-sœur est passée en voiture devant la boutique avec sa fille cinq minutes auparavant. Enfin, mon cousin trouvait que le frère de la victime – le co-gérant de la boutique – était plutôt « antipathique » et n’avait pas l’air assez triste de la mort de son frère lorsqu’il le croisa, une semaine plus tard, dans la rue …
S’il reste assez concevable que ce fait divers ait pu avoir sa place dans un diner à Cannes ; le fait qu’il ait été relayé par le journal de BFM TV, de RTL, dans plusieurs articles du Figaro et encore plus dans le Parisien (1er quotidien national d’information qui assume par ailleurs accorder une place centrale au fait divers dans ses colonnes-NDLR) m’a beaucoup plus surpris. On a ainsi pu retrouver à plusieurs reprises cette affaire dans la rubrique « Société » du Figaro, et encore ce Mercredi 25 janvier, son site internet publiait une « flash-actu » sur cette affaire. Pourtant le Figaro déclare lui même que se sont produits quasiment un braquage de bijouterie par jour en France en 2011 …
De nombreux observateurs critiquent les médias pour la grande importance qu’ils donnent à ces informations jugées sordides. Néanmoins, selon Philippe Madelin, «la presse est née de la fascination du récit du mal ». A tous ceux qui ont l’impression que les faits divers prennent de plus en plus d’importance dans le paysage médiatique, l’ancien journaliste et blogueur de Rue89 rappelle qu’à ses débuts, la presse faisait ses plus grosses ventes sur les scandales et faits divers à sensations, en scandant à la criée les titres les plus racoleurs possibles.
Seulement, les temps ont changé. La mise en ligne de contenu journalistique sur le web, la multiplication de brèves ou « flash-actus » et donc la possibilité de choisir l’information qui nous intéresse et de la commenter nous ont fait passer d’une consommation médiatique unilatérale à l’ère du consommateur-acteur. Ainsi, on aurait pu croire que la préoccupation du public pour le fait divers allait décroitre. Or, il n’en est rien. Les enquêtes de satisfaction le prouvent, le fait divers intéresse toujours autant les gens. Pourquoi ?
Le fait divers, conte pour adulte ?
 
Au delà des poncifs souvent avancés pour expliquer ce phénomène (le voyeurisme naturel de l’être humain, le public qui se sentirait conforté dans le bonheur de sa propre existence au regard des drames qui touchent autrui) ; un des éléments de réponse peut être apporté par l’expression d’« émotion démocratique » théorisée par Christine Chevret. En effet, en informant du fait divers, les médias répertorient les écarts commis par certains par rapport aux normes sociétales. Les histoires tragiques de braquage, d’enlèvement, de viol, de meurtre relatées par les médias – qui répètent d’ailleurs souvent un même schéma – parlent toujours de la déviance d’un individu par rapport à la Loi. Au delà de la notion de crime, le fait divers brille par son caractère extraordinaire : il s’écarte de la banalité.
Derrière la fascination pour ce qui est inexpliqué, qui nous dépasse ou qui rappelle la fragilité et l’absurdité de la condition humaine, l’intérêt du public pour ce qui le choque pourrait être, en plus d’une catharsis médiatique, un besoin inconscient de moralisation. Le fait divers revêt en ce sens les mêmes oripeaux que le conte pour enfants. Choquer pour mieux instruire ; les personnages ne sont plus de jeunes adolescents mais bel et bien des adultes. Tout comme le conte, les faits divers abondent de personnages types : la jeune adolescente écervelée, le mari jaloux, la femme volage, le grand-père détraqué, etc..
Un miroir de la société
 
Ainsi, certains faits divers passionnent tellement l’opinion publique qu’ils finissent par aboutir à de véritables débats sociaux et nous incitent à mener une réflexion collective sur des thématiques souvent taboues, comme les violences conjugales (affaire Marie Trintignant en 2003) ou encore l’euthanasie (affaire Chantal Sébire en 2008).
A ce titre, la passion du public français pour le feuilleton DSK cet été 2011 a soulevé de nombreuses réactions sur la nature des relations hommes-femmes et la représentation de l’agression sexuelle dans la société. Une affaire d’une telle ampleur, lorsqu’elle est commentée et analysée par toute la société devient alors un véritable miroir de nos interactions sociales.
Finalement, il n’y a pas lieu de moraliser les médias en cherchant à déterminer si exposer les faits divers est une démarche bonne ou mauvaise. Ces affaires sont le reflet de notre société, autant pour l’événement qui se produit, que pour le choix de leur exposition par les médias. Les faits divers alimenteront toujours les médias, car ils font partie de notre humanité.
«Avec le fait divers, on est dans l’humain, le trop humain. » – Patrick Eveno, professeur en histoire des médias.
 
C.P
 
Crédits photo : ©20 minutes – ©BFMTV – ©Le Parisien

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Flashmob dans la rue
Société

Le flashmob : rite tribal dans un village planétaire?

« Il n’est pas donné à chacun de prendre un bain de multitude: jouir de la foule est un art; et celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, à qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du masque, la haine du domicile et la passion du voyage.» Charles Baudelaire, «Les Foules», Le Spleen de Paris.
Le bain de foule peut se révéler pour le poète un véritable voyage, une démarche artistique, comme s’il était poussé par une volonté de mêler sa solitude à la multitude.
Si je cite Baudelaire pour entamer mon article, ce n’est pas que pour faire une jolie captatio, tentant ainsi d’éveiller l’attention des littéraires. C’est parce que j’ai décidé d’écrire à propos du phénomène des flashmobs et que je trouve, aussi discutable cela soit-il, qu’il a une dimension éminemment poétique.
En effet, le flashmob (entendez: mobilisation éclair) se veut être un rassemblement de personnes dans un lieu public, effectuant d’un même élan des actions préétablies, avant de se disperser rapidement. Oui, une mobilisation éclair, quoi. Pour être antichronologique, je parlerai d’abord de la plus connue, datant du 8 septembre 2009.

Pour célébrer le lancement de la 24ème saison de son émission, Oprah Winfrey accueillait les Black Eyed Peas, interprétant leur nouveau titre «I Gotta Feeling» devant plus de 20 000 personnes. Jusque là, rien d’étonnant… Sauf qu’au son de ce tube voulu entraînant, une seule personne danse, au premier rang. Et là, dans un effet de cascade, le flashmob se met en route, avec d’abord dix autres personnes qui se déhanchent, puis cent. Puis mille. Jusqu’à ce que des milliers de gens dansent en rythme, coordonnant leurs mouvements devant une Oprah Winfrey plus qu’abasourdie. Je défie qui que ce soit de ne pas frissonner devant un tel exploit.
Mais qu’importe l’effet, la cause en est d’autant plus intéressante; car ce sont bien les réseaux sociaux qui sont à la base des flashmobs. Or, si nous sommes des êtres solitaires derrière les écrans, il est curieux de voir comment les réseaux peuvent amener les individus à se rassembler et, l’espace d’un court instant, à ne former plus qu’un seul et même mouvement. De la solitude à la multitude, c’est là que se situe le voyage.
Mais derrière cette poésie du rassemblement se lit une problématique communicationnelle forte. En effet, à moins que je ne sois obsédé par le cours de «Réseaux» que nous avons eu l’occasion d’avoir ce lundi au Celsa; il y a selon moi comme un écho au fantasme du «village planétaire» que l’on retrouve chez McLuhan. Selon cette théorie, les médias de masse auraient le pouvoir de fondre les micro-sociétés en une seule, constituant ainsi un «village global», une communauté partageant une même culture. Or prenons un nouvel exemple de flashmob, ayant cette fois-ci eu lieu en juin 2009 à l’occasion de la mort de Michael Jackson. Un grand nombre de mobilisations éclairs ont eu lieu dans des grandes villes du monde à l’instar de Chicago, Paris, Stockholm, Montréal ou encore Taipei; où la chorégraphie de «Beat It» a été réalisée simultanément par bon nombre de participants. Une telle démarche se veut en réalité être un «hommage» rendu à un défunt, faisant partie de notre culture à tous.

Dans cet exemple précis, on passe donc d’un réseau dit «social», dans lequel des communautés se sont mises d’accord sur Internet, à un réseau physique, où des gens rendent hommage à une même personnalité, en même temps, aux quatre coins du monde. N’est-ce pas là l’exacerbation de l’âge néo-tribal qu’observait déjà Marshall McLuhan avec la télévision; cette fois-ci rendu concret par la mise en pratique d’une «danse» commune?
Un nouvel exemple de ce déploiement d’une culture commune, plus récent cette fois, est la célébration du nouvel an chinois… à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, ce lundi 23 janvier.

C’est en effet l’agence W&Cie, à la tête de cet évènement, qui a permis de voir des danseurs en tenue de soirée exécuter un charleston autour d’un couple unifiant une chinoise et un français. Mélange des cultures à travers la danse, donc, la portée communicationnelle du flashmob n’a pas échappé aux agences.
Concluons que, par sa consistance poétique et communicationnelle, le flashmob est un pas de plus vers un brassage des cultures, par la danse.
D’ailleurs, n’oubliez pas de réviser les pas du prochain flashmob qui se déroulera au Parc Botanique de Bruxelles le 2 février prochain à 16h30, sur le rythme de la «Danse des canards»!

Lucas Vaquer
Crédits photo : ©Grenier aux nouvelles

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Teaser "The Bark Side" par Volkswagen célébrant le Big Game
Société

Il n'y a pas si longtemps dans une galaxie pas si lointaine…

Vous l’avez sûrement deviné, je vous parle de Volkswagen (vous allez croire que j’ai des actions chez eux à force). La marque automobile et son agence Deutsch Los Angeles continuent de nous étonner avec cette année un orchestre de toutous « so geek » !
A l’occasion du Super Bowl, Volkswagen sort à nouveau son sabre laser du jeu avec ce nouveau spot qui vient un an après le fameux « The Force ». Souvenez-vous (bien que je doute que cela vous soit difficile) d’un mini Dark Vador déterminé à faire bouger de multiples choses grâce au pouvoir de la force. Pour ceux qui l’aurait loupé (coincés dans une grotte ou en prison) :

Le spot de cette année ne semble pas destiné à faire le tour des télévisions mais bien du web. « The Bark Side » (joli le jeu de mot) est en effet un teaser en l’honneur du Big Game (première journée du 46ème Super Bowl) qui fait le buzz sur la toile avec déjà 6 704 869 vues depuis le 18 janvier sur Youtube uniquement ! Découvrons ensemble ce qui fait aboyer tout le monde :

Volkswagen n’aurait pas pu choisir mieux que Star Wars pour parler de la force et donc du pouvoir de l’ingénierie allemande (attention à ne pas tomber dans la métaphore fasciste cela dit). Le tout bien sûr avec humour et légèreté, on doit avouer que c’est vraiment bien joué !
 
Marion Mons

Exemple d'un troll 9gag
Société

Le Troll, sadisme et spectacle

Peut-être avez vous manqué ce concept du troll, peut-être ne trainez-vous pas, à vos heures perdues, où les neurones cherchent désespérément à se connecter, sur des sites comme 9gag, ou d’autres encore… Vous n’avez rien manqué d’essentiel, si ce n’est un phénomène social intéressant du web : le troll. Le troll est une figuration graphique de diverses tendances qui parcourent le web. Il s’agit de ces petites BD, ou de ces montages photo, qui visent à faire rire à travers la moquerie, l’ironie, voire un peu de sadisme (voir illustrations).
On retrouve les blagues qui portent sur notre infra-ordinaire, déjà exposées sur des sites comme VDM. Par exemple, les thèmes exposés les plus importants concernent la fameuse « friendzone »*, les situations à l’école, les conversations qu’on trouve sur les réseaux sociaux, les moments de tous les jours dans lesquels tout le monde se reconnaît avec une certaine autodérision. Mais c’est aussi la démocratisation de l’illustration de notre quotidien : à l’origine, ce sont les auteurs de bande dessinées plus ou moins amateurs qui ont lancés cette vogue dans les blogs d’illustrer des anecdotes et des routines. Avec le troll, tout le monde peut se mettre à cette illustration car l’exigence graphique et artistique est minime (comme on peut le constater sur les sites en lien), et cette simplicité séduit d’autant plus qu’elle fait appel à l’imagination. Dernière tendance présente dans cette tête au sourire moqueur : la Fashion Geek. On a vu depuis quelques années se développer la mode du « nerd », les grosses lunettes, le look faussement négligé, et la conviction ferme que tout ce qui touche à cet univers un peu codé et fermé est cool. Le troll, en soi, existe depuis très longtemps, mais ce n’est que maintenant qu’il devient populaire et qu’il est utilisé par divers type de publics, sur pratiquement tous les réseaux sociaux. (Il faut tout de même noter que le troll fait constamment référence à un « patrimoine geek » qu’il est nécessaire d’avoir pour comprendre les blagues : du Seigneur des anneaux, aux jeux vidéos des années 90, la culture est vaste).
La métaphysique du troll reste cependant mystérieuse… Au départ, « troller » c’est intervenir dans un forum ou sur un site d’échange pour énerver l’audience, produire un débat, créer du conflit, ou tout simplement pour provoquer l’hilarité des complices et un certain plaisir sadique. C’est de là que sont ensuite venus les dessins, comme pour mieux représenter une pratique tellement vaste qu’elle ne concerne plus nos seuls échanges en ligne, mais envahit notre quotidien. Mais pourquoi « troller » ? Quelles sont les motivations des « trolleurs » ? Il y a cette première évidence qui vient à l’esprit : « on rit toujours plus facilement du malheur des autres » ; mais dans notre société moderne pessimiste et quelque peu dépressive, cela va au-delà de ça : la moitié des trolls, en effet, verse dans l’autodérision. Il y a cette idée que n’importe qui peut scénariser son quotidien, le représenter, ou simplement créer un événement : que l’on dessine sur Paint la petite BD de sa vie, ou qu’on aille se moquer d’une population sur un site, on crée un événement, quelque chose à raconter, qui atteindra toujours une audience. On se donne à voir, et on s’illustre à travers un humour particulier, qui a ses codes, ses règles, ses symboles, son langage. Du même coup, on intègre aussi une communauté, on partage des valeurs, des pratiques (pour un exemple concret du pouvoir de 9gag, voir ici comment les utilisateurs ont spammé Nescafé pour venger un des leurs : Nescafail. C’est bien là tous les avantages des nouveaux médias…
Pour finir, je voudrais revenir à la dimension historique du phénomène : en fin de compte, quand on y pense, le trolleur a toujours existé. C’est par exemple, celui qui durant une prise de vue en direct au journal télévisé, va se mettre en arrière plan du journaliste pour faire des grands signes de mains, ou des grimaces. En réalité, si on devait rendre toute son innocence au geste, on pourrait dire simplement que le troll est une grimace à l’endroit où ne l’attend pas.
 
Marine Gianfermi
 
* la friendzone, c’est le statut atteint parfois auprès de la personne qui nous intéresse lorsqu’on échoue à la séduire. La phrase fatale, clôturant toutes tentatives, se résumant à un discret mais terrible : « Tu es un(e) super ami(e) ».

Publicité pour Yummypets représentant un chien triste de ne pas avoir son profil
Société

Jakadi qu’il fallait inscrire son minou sur Yummypets…

Il n’est pas véritablement le premier réseau social pour animaux, comme on a pu le lire ou l’entendre dans les médias. Yummypets arrive après Woopets, Zanibook, ou encore Mypety – autant de plateformes qui permettaient déjà aux internautes de créer une sorte de profil Facebook à leurs minous, toutous, et autres bêbêtes. En cela, il semble que l’agence de communication bordelaise Octopepper qui a lancé le projet ait plutôt réussi son coup : de nombreuses chaînes télévisions y ont consacré un mini reportage (pas très fouillé, puisque toutes ont présenté le réseau comme un concept absolument innovant), et l’information a également été relayée sur le web. Mais pourquoi 150 maîtres de plus chaque jour y inscrivent-ils leur Médor, et pourquoi cela a-t-il tant intéressé les médias ?
La plateforme de Yummypets est bien plus accueillante, plus séduisante que celle des réseaux concurrents – si l’on peut parler de concurrence. Le design est agréable, les diverses catégories apparaissent clairement et le tout semble très simple d’utilisation. Aucun internaute un peu familier des réseaux sociaux n’aurait de mal à comprendre comment l’utiliser, ni à s’approprier ses fonctionnalités. Le propriétaire, après avoir renseigné quelques informations personnelles, établit un profil pour son animal, exactement comme il l’aurait fait pour lui-même : pseudo, description, photos, etc. Les rubriques livres, émissions et films favoris, grâce auxquels nous nous caractérisons sur Facebook, ont été remplacées par « plats », « jouet préféré », « place préférée » ou encore « plus grosse bêtise »… Je vous passe les florilèges et vous laisse le soin d’aller voir par vous-même, les Curieux…
A côté de cela, les utilisateurs ont la possibilité de se faire des amis, ou encore de devenir fan d’autres animaux – de les « suivre », un peu comme sur Twitter. D’ailleurs, certains profils « privés » sont accessibles uniquement si l’on est inscrit sur Yummypets et que l’on suit l’animal en question. Restreindre les contenus visibles, ou augmenter la part d’invisible : une manière d’inciter les simples visiteurs curieux à s’inscrire… D’autant que le réseau social propose plusieurs fonctionnalités invitant les internautes à interagir, tel que le « cute or not cute », qui permet d’élire parmi deux toutous/minous/pioupious le plus mignon ; le nombre de participations s’élève déjà à 20 000. Les concepteurs organisent également chaque mois un concours photo à thème – en ce moment, c’est « le plus bébé du mois »… Le but de toutes ces manœuvres est bien évidemment d’augmenter le temps passé sur le réseau à chaque visite : aujourd’hui, les membres y restent en moyenne 15 minutes par jour ! Cela pourrait sembler peu, mais c’est déjà considérable compte tenu la jeunesse de Yummypets et le nombre encore assez réduit de membres et de fonctionnalités. Et le virus est amené à se propager grâce à la page Facebook et au compte Twitter dédiés au réseau, qui sont incroyablement bien animés.
Le potentiel du réseau social apparaît donc plutôt intéressant. Si pour l’instant les fondateurs d’Octopepper disent ne pas vouloir « monétiser très vite » – « on n’est pas des marchands d’animaux. On veut conserver l’affect. » –, le concept pourrait devenir rapidement rentable. Les entreprises exerçant dans le secteur animalier devraient y voir un support publicitaire formidable – quel meilleur endroit qu’une communauté complètement dingo des bêbêtes pour trouver de nouveaux clients ? –, et M. Glayrouse parle déjà de la mise en place éventuelle d’une boutique en ligne… Ingénieux. D’autant que l’application pour Iphone est prévue pour fin février…
Mais mettons entre parenthèses ce que Yummypets rapporte d’un point de vue stratégique et économique pour se pencher sur ce qu’il apporte aux utilisateurs. « On s’est dit que, comme ça, les gens allaient beaucoup plus se lâcher », déclare le concepteur. Et il n’avait pas tort : le réseau social animalier rapproche ses membres, et il les rapproche certainement plus que Facebook ou Twitter, sur lesquels ils s’efforcent souvent d’entretenir une certaine image, promouvant leur profil dans une logique de personal branding. Sur YP, les utilisateurs se permettent des réactions plus spontanées – plus « bêtes » aux deux sens du terme ! – parce qu’ils savent qu’ils sont entre eux, entre grands amateurs d’animaux, et qu’ils parlent et agissent de toute façon derrière le masque de leurs compagnons poilus. Non non non, ce n’est pas moi qui fait/dit cela, c’est Caramel, mon cochon d’Inde !
Si tout cela apparaît fort sympathique, et fort commode, il reste un risque important : celui de commencer à se voiler la face et vivre par procuration…
 
Elodie Dureu
Crédits photo : ©Yummypets

Al-Jazi Foot
Société

Al-Jazi quoi ?

Le 6 décembre 2011, Al-Jazeera (ou Jazira pour les intimes) rentre dans la danse de l’attribution des droits télé de la Ligue des Champions, jusqu’à présent détenus par TF1 et Canal+. Pour les passionnés de curling ou ceux qui ne jurent que par « les valeurs de l’ovalie » — le rugby quoi —, la Champions League en VO c’est le top of the top du football européen. Pendant huit mois, les trente-deux meilleures équipes européennes se livrent une lutte sans merci pour régner sur le vieux continent. Outre la gloire — pour un footeux, remporter la CL, c’est aussi beau qu’une coupe du monde — une telle compétition c’est aussi l’occasion de remplir les caisses des clubs grâce aux juteux droits télé que l’UEFA (l’instance dirigeante du football européen) distribue en fonction de leurs performances dans la compétition. À titre informatif, l’UEFA balance plus de 750 millions d’euros chaque année aux Real Madrid, Manchester United et autres Milan AC ; le vainqueur de la coupe aux grandes oreilles — comme Mickey ouais c’est marrant — pouvant récolter à lui seul plus de 30 millions d’euros.
Tous les quatre ans les droits sont renégociés entre l’UEFA et les chaines de télé intéressées. Des appels d’offre sont lancés, et les plus généreux raflent la mise. Problème, cette année un petit nouveau coiffé de son keffieh est venu bouleverser le game : les Qataris d’Al-Jazira Sport. Jusqu’ici TF1 et Canal+ se partageaient les lots mis en jeu: TF1 récupérait les 13 premiers choix dont la finale, pendant que Canal+ raflait le reste (133 matchs, plus des émissions spéciales).
Côté qatarien on n’a pas pour habitude de s’embarrasser avec des histoires d’argent. Alors si Canal+ proposait 31 millions pour ses 4 lots habituels, les Qataris ont posé 60 millions sur la table. Le double, en toute décontraction. Bertrand Méheut — PDG de la télé du Plus — essayait de camoufler l’échec avec des « oh mais vous savez le foot n’est qu’un élément parmi d’autres de notre offre ». Ouais, pas à nous Bertrand. Humiliation suprême, Charles Biétry, ex-directeur des Sports chez Canal viré comme un malpropre en 1998, prenait la tête d’Al-Jazeera Sports France. Belle quenelle glissée à son ex-employeur. Pour sauver la face, et éviter de virer la ribambelle de consultants sportifs qui officient sur Canal — sachant que chaque ex-entraineur de Ligue 1, ou pseudo international français aussi mauvais soient-ils avec un sifflet, un ballon ou un micro peuvent postuler à un poste chez Canal, ça fait un sacré nombre — Méheut a ramassé les miettes en piquant le lot historique de TF1.
Résultats des courses, les soirées Champions League vont coûter un peu plus cher que la Domino’s pizza à 7€99 du mardi soir. Il faudra s’abonner soit à Al-Jazira soit à Canal+ pour se régaler devant les exploits de Benzema et ses copains.
Cette information faisait en fait écho à une précédente brève qui est passée un peu plus inaperçue. La même Al-Jazira s’était offert un petit lot de matchs de Ligue 1 — le championnat français qui nous offre parfois des petits bijoux comme un succulent Dijon – Valenciennes au stade Gaston-Gérard —, et ce pour 90 millions d’euros. Les emplettes des Qatariens font en réalité partie d’un dessein bien plus grand.
Petit rappel : si vous étiez sur une autre planète l’été dernier, le PSG — club de la capitale, éternel prétendant à devenir un « grand d’Europe »  — a été racheté par les mêmes Qatariens via Qatar Sport Investment. L’objectif est donc simple: promouvoir le club et le football français en France mais aussi dans tout le Moyen-Orient par le biais du championnat de France et la Ligue des Champions à laquelle le PSG participera l’année prochaine, sauf cataclysme. Effectivement, le Qatar accueillera sous 45 degrés le Mondial 2022, donc il est urgent de s’y mettre pour essayer d’insuffler la passion du football dans une région pas particulièrement portée sur le ballon, mais prometteuse puisque 65% de la population a moins de 25 ans.
Cependant Al-Jazira ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Plus ambitieux, Al-Jazira Sport pourrait jeter son dévolu sur la retransmission des Euro 2012 (Polo-Ukraine) et 2016 (France) diffusés en règle générale sur TF1 et M6.
Petit à petit, Al-Jazira vient grignoter le peu de sport retransmis gratuitement qui survivait sur les chaines gratuites. La question n’est pas tant de savoir si l’action d’Al-Jazira est légitime étant donné que de tels rachats profitent au football français dans son ensemble, et qu’il est normal que le plus offrant récolte son dû. En effet, le résultat est le même avec Canal+ qu’Al-Jazira : le foot quitte la sphère du gratuit. Que les matches de Ligue des Champions se retrouvent sur les chaines payantes est somme toute la conséquence attendue d’une compétition qui se place dans une logique purement économique ; certains clubs — comme l’Olympique Lyonnais — frisant la banqueroute en cas de non-qualification. Mais que des compétitions comme l’Euro mettant aux prises les équipes nationales du continent échappent peu à peu aux chaines gratuites semble être un dévoiement non souhaitable. Effectivement, le football et le sport en général ne peut se résumer à une affaire de gros sous. La télévision reste aujourd’hui le seul moyen de vivre ensemble — pour un pays — un moment de communion que seul le sport peut nous offrir. Il serait dommage que certains soient privés de ce spectacle parce que certaines chaines auraient failli à leur mission.
 
PAL

Bourse-metro-station
Société

Nous indigner ?

 
Ces attentats à la morosité ne seront certainement pas passés inaperçus auprès des usagers du métro parisien. Et, plutôt que de saluer la prouesse technique de ce « terrorisme comique » ou de retracer la généalogie des démonstrations indignées, nous allons nous contenter de « lire » ces opérations de braconnage qui, pour ne pas être subliminales, ne sont pas moins ambigües.
La première illustration est la plus délicate à interpréter. Elle se heurte rapidement à un public sceptique et à la surprise où elle fonde son artifice. Son message est trop plausible, trop rigoureusement semblable aux messages parodiés pour que le spectateur juge de son sérieux sans appel. En fait, ce premier habillage mime les pompes et les tournures du discours officiel pour en usurper la crédibilité ; il pastiche les formes plastiques et rhétoriques de la communication institutionnelle pour en récolter la légitimité – donc le pouvoir. En somme, la reproduction du ton attendu en pareilles occasions suffit à ce que la supercherie du costume opère. Les plaisantins sont grimés ; les énonciateurs sont confondus. Or, cette dangereuse confusion, cette impossibilité à se rassurer est, en définitive, la condition du guet-apens émotionnel – cette embuscade conative – où les larrons veulent surprendre leurs spectateurs. Pour renverser la situation en leur faveur, pour séduire, ils ont besoin que les certitudes chancellent…
Les illustrations suivantes concluent la plaisanterie et aboutissent aux sourires convoités. Nous ne nous attarderons pas sur les derniers messages. Nous supposerons toutefois que la dérive du registre employé est une métaphore du déclin financier condamné… En revanche, les trois discours pris ensemble révèlent une forme de protestation originale. En effet, la guérilla discrète et sarcastique est ici préférée aux démonstrations débordantes de revendications agressives, impératives et sans nuances qui se discréditent en même temps que le système fustigé. Les chenapans reprennent à leur compte le fameux « divertir pour instruire » et appliquent à leurs revendications les dernières vogues de la communication publicitaire, mêlant morale et humour. La complicité subtile et pédagogique devient donc le mode de contestation privilégié des pirates anonymes face à un régime impuissant à se renverser spontanément… Ne laissant à ces chevaliers blancs – pourfendeurs des ordres sourds et sclérosés – que les ressources de la révolution civique – cette indignation clémente.
 
Antoine Bonino

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science po
Société

Sciences Po fait du ménage

Le fleuron de l’éducation française, Sciences Po vient de supprimer son épreuve de culture générale. LA grande école par excellence a décidé de réformer les modalités du concours d’entrée dans le sens d’une discrimination positive. Après l’admission de bacheliers issus de ZEP sur dossier, Richard Descoings souhaite par cette mesure « diversifier » le recrutement et miser davantage sur la personnalité des élèves. Magister dixit.
La nouvelle se répand comme une trainée de poudre. Véritable institution, symbole de l’éducation française et d’une certaine élite, la décision de Science Po suscite des réactions partagées. Certains parlent de révolution, d’autres d’évolutions.
Du côté de Sciences Po, on avance qu’on ne recrute pas des copies mais des individualités. D’autres disent que l’épreuve de culture générale semble l’épreuve la moins utile, et surtout comment peut-on prétendre en avoir une à l’âge de 17 ans ? D’autres, véritables défenseurs et porte-parole de la culture se disent atterrés. La France, terre de nos aïeux philosophes, berceau des lumières supprime une partie de notre patrimoine.
L’apocope « Sciences Po » a gagné en notoriété à l’étranger. Presque un symbole à part entière de l’identité française, comme le foie gras, le champagne et la haute couture, elle rivalise avec les grandes universités américaines, anglaises et asiatiques. Bien que sa place fluctue dans les classements mondiaux, elle reste suffisamment appréciée des élites pour rassurer notre chauvinisme.  In fine, quelle image dorénavant pour Sciences Po et l’éducation française à l’étranger ? Les français toujours connus pour leur héritage culturel, leurs racines sur le vieux continent, souvent un brin arrogant quand il s’agit de leur culture générale risquent de se sentir démunis. Quand on interroge les étudiants étrangers en séjour d’études à Sciences Po, ceux-ci vantent la manière française d’étudier et de vivre, l’expérience d’un point de vue universitaire mais surtout culturel ! Et la culture générale en fait partie. Toute la communication renforce cette image galvanisante du mythe français, du « vieux pays », de la vieille démocratie. La France toujours vue comme active dans la participation à la construction européenne avec une vocation universaliste en matière de droit de l’homme vient de faire une croix sur ce qui faisait son charme à l’étranger. En faisant ce choix, il semble que la culture G jusque là portée aux nues vient d’être reléguée au second rang. Bien plus qu’une simple réforme de grande école, c’est un véritable coup de pied dans la fourmilière, c’est revenir sur ce qui, pendant des années était le graal de la nomenclatura française mais aussi remettre en cause l’image bien ancrée à l’étranger de notre « appétence » pour la culture.
Bien sûr, l’archaïsme n’est pas une solution, il est évident qu’il est important de miser sur les personnalités et d’autres facteurs que les compétences intellectuelles, mais fallait-il aller jusqu’à supprimer l’épreuve de culture G ? Réforme et non suppression n’aurait-il pas suffit ?
 
Rébecca Bouteveille

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LOL Project
Société

Jacques n’a rien dit, il a ri

 
Naissance d’une idée
 
L’abréviation anglaise de « laughing out loud » (mort de rire) est très rapidement devenue l’expression favorite des jeunes internautes. Aujourd’hui elle est passée dans le langage courant de l’internet et s’utilise presque davantage comme une ponctuation que comme une expression véhiculant un sens : « lol » diminue l’aspect sérieux d’un discours qui pourrait sembler trop blessant.
Mais c’est bien la première signification de ce mot qui a inspiré deux hommes, un jour de Septembre 2009. William Lafarge, directeur de création d’une agence marketing pour de grandes marques, et David Ken, photographe, en viennent à parler de la captation d’un instant précis, unique, à travers la photographie. Automatiquement l’exemple du rire leur paraît le plus parlant, car quoi de plus éphémère qu’un fou rire ou qu’un éclat de rire ? Ils songent alors à prendre une série de photos de personnes en plein fou rire et d’en faire une exposition. Mais après tout, pourquoi se cantonner à une seule galerie temporaire alors que la France a tant besoin de rire au milieu de cette crise économique sans précédent et du danger de la grippe aviaire ? Non, ce qu’il fallait, c’était une action qui dure, un réel projet.
 
LOL Project
 
L’idée de base du LOL Project n’est donc pas commerciale, elle ne vend aucun produit. Out les jolies filles aux dents parfaitement alignées qui tiennent un tube de dentifrice ! Sur ces affiches, on voit des enfants, des adolescents, des adultes, des un peu plus qu’adultes, des personnes âgées, des personnes très âgées, des garçons et des filles, des gens de toutes les couleurs de peau… Et toujours, des rires. Le principe est simple : on s’inscrit sur le site, puis lorsque le LOL Project passe dans notre ville, on signe un papier pour le droit à l’image, on se fait prendre en photo et l’on se retrouve sur le site internet du projet. C’est tout.
On aurait pu croire qu’un projet pareil, sans commercialisation de produit, sans valeur monétaire, allait s’essouffler en quelques mois pour ne donner que de jolies photos de profil sur facebook et une petite exposition parisienne. Or depuis plus de deux ans, ce projet n’a cessé de gagner en importance, passant de Paris à la France entière grâce à la tournée de 2011, de quelques photos de proches ou de voisins à des milliers de photos et encore d’avantage de spectateurs.
L’une des grandes forces du LOL Project est une campagne de communication basée sur un seul concept : faire sourire. Grâce aux réseaux sociaux, cette « viralité du sourire » (comme le nomme Gregory Pouy sur le site du LOL Project) s’est largement étendue et leur a permis des apparitions médiatiques plus variées sur le net, comme sur le site de Marianne. A travers le projet un peu fou « I LOL Paris », qui prévoit de couvrir tous les espaces affichables de la capitale, monuments compris, de gigantesques photos tirées de participants bénévoles du LOL Project, ce dernier a attiré les regards des internautes et des médias. Radios et télévisions nationales comme RTL, le JT de France 3 ou encore l’émission « Leurs secrets du bonheur » de France 2 se sont intéressées à cette action peu commune et ont largement étendu son champ d’action et ses possibilités.
Ainsi La création et la vente du livre du LOL Project, réunissant plus de 2000 rires sur quelques centaines de pages, ont également contribué à son implantation dans le paysage médiatique et ont permis de débloquer des fonds pour leurs projets majeurs : des journées de shooting photo dans des hôpitaux comme celui de Garches (dans le cadre de l’association « regarde la vie » au nom tout à fait approprié au projet), ou encore un mur LOL Project à l’hôpital Robert-Debré. Les visages souriants qui accueillent malades et visiteurs, médecins et personnel soignant, ont eu un réel impact d’abord sur les travailleurs et les malades de l’hôpital, mais aussi sur l’image du projet qui s’en est trouvée magnifiée.
 
Actualité
 
Aujourd’hui, grâce à son rayonnement notamment sur internet, le LOL Project bénéficie de davantage de fonds. Les dirigeants inscrivent également la ligne communicationnelle dans un projet plus large, de niveau mondial, comme le montrent les derniers trailers du LOL Project qui ont été traduits en Arménien, en Camerounais, en Mandarin et en Italien, ou encore leur shooting photo à Montréal. Tout laisse à penser que ce n’est qu’un début, et que cette formidable communication menée de main de maître permettra au LOL Project de faire sourire le monde à l’unisson.
 

LOL Project Trailer by David Ken on Vimeo.
 
Héloïse Hamard
Merci au LOL Project pour sa coopération !
Crédits photo et vidéo : ©LOL Project
 

Profil facebook faux d'Adam Barak Janvier 2012
Société

Avec ou sans drogue, la Timeline c’est toujours aussi inutile

Ou inversement….
Quand un annonceur décide de s’approprier le nouveau Facebook Timeline, ça donne ? Une campagne anti-drogue basée sur une asymétrie « avant/après » ou plutôt « avec/sans ». L’idée est bonne et originale mais selon moi inefficace ou du moins, mal exploitée (sans compter qu’il y a violation du règlement du réseau social en ce qui concerne les « faux » profils). Inefficace, dans une perspective préventive, j’entends ! C’est en revanche une bonne « pub » pour l’IADA (l’Israël Anti-Drug Authority), qui en est à la base. Pour les ignares (comme moi), sachez qu’il s’agit d’une organisation israélienne quasi-gouvernementale, sous la coupe du Premier Ministre, mise en place en 1988, chargée de mener une véritable guerre contre la drogue et, plus récemment, contre l’abus d’alcool. Pour ce faire, elle conçoit et coordonne des campagnes de prévention et de sensibilisation, facilite l’accès aux cures et aux divers traitements, aide au respect de la loi, mène des recherches sur le sujet.
J’invite ceux qui ne seraient pas encore tombés sur le faux profil d’Adam Barak, à y jeter un œil. Le concept est bien trouvé : pas de meilleur moyen pour toucher les principaux intéressés que de s’immiscer dans leur petit monde virtuel, mais cela aurait certainement pu être utilisé à meilleur escient. Pas de quoi engendrer une réelle prise de conscience, ni de quoi vous choquer. En réalité, sept photos se battent en duel sur cette ligne du temps, censée opposer un an d’une vie « avec » drogue à un an d’une vie « sans ». En ce qui me concerne, cela m’a (presque) fait sourire. Quoique ! Au final, s’il n’y a rien d’attrayant, ni de risible (j’en conviens) dans la vie du Adam drogué de gauche, celle de l’Adam clean de droite n’est pas plus folichonne. Au même titre que la saga des « Martine », Adam va au cinéma, Adam joue au basket, Adam s’habille, Adam est pris en photo dans son lit le matin. Mouais… On a vu mieux en matière de sensibilisation ! Le Adam « sans » aurait pu réaliser de grands projets, avoir un job intéressant, voyager. Non. Il ne lui arrive rien, à tel point qu’il semble avoir trouvé refuge dans la drogue ! De même que la vie du Adam « avec » est bien loin de la réalité d’un toxicomane. Seule trace de sa débauche : un bang (vide), des mégots de joints et un visage complètement tuméfié. D’ailleurs, à voir le résultat, le type a plutôt l’air d’un consommateur de crack ou de crystal meth et non de cannabis. Comble de la maladresse, une des légendes : « anyone got shit to burn? im running low… »*. Soyons réalistes, c’est un profil Facebook, et non un réseau de dealers.
En revanche, il faut souligner la dimension psychologique de l’initiative. La drogue est un calvaire pour votre entourage, détruit ceux qui vous aiment et vous enferme dans la solitude, alors que sans elle vous vivez d’amour et d’eau fraîche, vous avez une vie sociale, des amis (pas toujours !). C’est tout de même un peu léger. Finalement, seuls ceux qui ont été confrontés à une telle situation dans leur entourage, avec un proche, saisiront toute l’ampleur de ce message. Or, le jeune collégien ou lycéen tenté par ses amis, sa curiosité ou la peur de paraître ringard, n’y verra aucune mise en garde effrayante, aucun frein réel.
Alors pourquoi ne pas être allé plus loin dans le parallèle ? Pourquoi ne pas en avoir montré plus ? Pour des raisons de mœurs, sûrement. Évidemment, à chaque société, à chaque communauté, sa propre jauge du politiquement correct, du honteux, du dégradant, du vice.
Or, si la campagne s’était adressée à une culture « occidentale », aurait-il fallu être plus trash pour autant ? Ce n’est pas si évident. De nos jours, plus c’est « gore », plus c’est drôle. À l’instar des images choc des paquets de cigarettes, que les buralistes d’Ile-de-France soupçonnaient de devenir « les nouvelles vignettes Panini », il n’est pas certain que cette campagne aurait eu de toute façon les effets escomptés.
Alors, oui, nous entendrons certainement parler de ce « détournement de Timeline », mais pour ce qui est de la problématique de fond ? Pas sûr, parce que la réalité est beaucoup plus complexe que ce schéma binaire bien trop simpliste.

 
Harmony Suard
 
* « quelqu’un a de quoi fumer? j’ai presque plus rien… »  

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