Publicité et marketing

La prévention routière : une communication qui tient la route

Depuis sa création en 1982, la Délégation à la Sécurité Routière (DSR) n’a cessé de faire évoluer ses campagnes de communication afin de sensibiliser les citoyens à ce sujet qui nous touche tous, les accidents de la route. En tant que structures interministérielles, les campagnes émanant de la Sécurité Routière doivent faire face à un enjeu immense pour le bien commun, afin de faire prendre conscience aux personnes qui les visionnent des risques encourus quand on déroge aux règles de la circulation routière. Un vrai problème de société sachant que plus de 1000 personnes sont tuées chaque année dans des accidents de la route liés à l’alcool.

Publicité et marketing

Which life matters ?

En avril 2017, le dernier spot publicitaire de Pepsi a très rapidement déclenché un « bad buzz » ou un « gros fail », pour reprendre les expressions utilisées par les titres de l’actualité à ce sujet. Le court-métrage de 2 minutes 40 mettait en scène l’instagrammeuse Kendall Jenner partageant une canette de Pepsi avec des policiers, au cœur d’une manifestation organisée par le mouvement afro-américain « Black Lives Matter » : militant contre la violence et le racisme systémique envers les Afro-Américains aux Etats-Unis. Il n’en a pas fallu pas davantage aux internautes pour déclencher une vague de critiques et pour faire comprendre à Pepsi que les suggestions de cette publicité ne sont pas acceptables.

Publicité et marketing

Aimez vos courbes… mais pas trop !

Le culte voué à la maigreur dans la mode ainsi que le manque de représentativité des mannequins font aujourd’hui débat dans notre société. Preuve d’une certaine prise de conscience en la matière, certaines marques montrent une volonté de progrès, comme Michael Kors qui a fait défiler Ashley Graham, mannequin aux courbes généreuses, lors de la Fashion Week prêt-à-porter à Paris fin février, ou encore H&M qui a offert une véritable ode à la diversité dans la publicité pour sa collection automne 2016. La nouvelle campagne Zara, accompagnée du tendancieux slogan « Love your curves », soit « Aimez vos courbes », semblait donc s’inscrire dans la même logique…
Retour sur l’échec d’une campagne, qui suscita aussi bien l’incompréhension que l’irritation ou le rire.
Dissonance
Récemment, le groupe de prêt-à-porter espagnol lançait une nouvelle campagne pour promouvoir sa ligne « Body Curves Jeans », des pantalons censés mettre en valeur les courbes de celles qui les portent. Sur l’une de ses affiches, Zara met en scène deux jeunes femmes de dos, avec un cadrage et des jeux de lumières travaillés pour attirer l’attention du consommateur sur les courbes sublimées par ces jeans. L’idée est d’expliciter le bénéfice produit : procédé tout à fait habituel dans la publicité.
Mais la marque ne s’arrête pas là, décidant de faire inscrire sur cette même affiche une catchline bien choisie, qui parle à toutes les femmes : « Love your curves ». À l’heure où les complexes féminins sont plus que jamais répandus et persistants, Zara décide de véhiculer l’image d’une marque s’affranchissant des standards de beauté, aimant les femmes telles qu’elles sont et leur donnant l’envie d’assumer leur corps.
Le bémol ? Les deux jeunes femmes sur l’affiche sont filiformes et portent au maximum du 36 (si ce n’est un 34). Aujourd’hui, la taille moyenne du jean des Françaises est un 40 et 50% d’entre elles font entre un 40 et un 44. La question de la représentativité se pose et l’ironie est frappante — les réseaux sociaux se déchaînent.

Les réseaux sociaux : un jugement sans appel
Interloqués. Choqués. Amusés. Quelques soient les réactions des différents consommateurs confrontés à cette publicité, elles ne se sont pas faites attendre. La première critique visant la campagne Zara est venue de Muireann O’Connell, présentatrice radio irlandaise qui a prise en photo l’affiche puis l’a partagé sur la toile.

En quelques heures, son post était retweeté plusieurs milliers de fois. Le bad buzz né à Dublin, n’a pas tardé à faire le tour du monde, comme en témoignent les différents détournements et reprises du print, tantôt parodié, tantôt ouvertement critiqué. Un seul constat pour la marque : la campagne est ratée.

 

L’effet papillon : quand un print entache l’image de marque

Cette campagne est incontestablement néfaste : Zara est très loin de véhiculer l’image souhaitée et la marque est même accusée de favoriser des standards de beauté reposant sur la maigreur, voire même, d’encourager l’anorexie chez la femme.
Les internautes parlent d’ironie, de cynisme, voire d’insensibilité de la part de Zara. Certains se questionnent sur l’énormité de cette affiche : comment est-il possible que personne ne se soit rendu compte d’une telle incohérence ? Et si la réponse à cette question était simplement que cela était voulu ? C’est du moins ce que supputent certains internautes, accusant Zara d’avoir volontairement créé ce bad buzz.

Aujourd’hui, les campagnes associées à des polémiques ou à des flops sont davantage médiatisées et les consommateurs ont bien plus de réactions à leur vue, ce qui favorise finalement et paradoxalement une mémorisation du produit et de la marque, comme ce fut le cas dernièrement pour les campagnes Yves Saint Laurent et SuperGurl pour le Black Friday. Pourtant, même si quantitativement, ce coup médiatique peut sembler intéressant, il ne l’est pas du tout qualitativement, puisqu’il nuit grandement à l’image de la marque.
Alors, véritable échec ou campagne marketing parfaitement calculée ? Sans nul doute, nous sommes face à un échec cuisant.
Lucille Gaudel
 
Crédits  :
• Logo Zara
• Captures d’écran recueillies sur Twitter
 
Sources :
• BERTHET Anne Caroline, 20 Minutes, « A quoi ressemble le Français moyen ? », 4/07/2010, consulté le 02/04/2017
• BOULT Adam, Telegraph, « Zara criticised for ‘love your curves’ campaign – featuring slim models », 1/03/2017, consulté le 30/03/2017
• DUSSERT Margaux, L’ADN, « “Love Your Curves” : quand Zara dérape », 1/03/2017, consulté le 30/03/2017
• LE GALL Elodie, Femmes Actuelles, « Quelles sont les mensurations des Françaises ? » , 7/07/2016, consulté le 01/04/2017
• TRICHOT Ludivine, Huffington Post, « Elles rappellent la définition de « courbes » à Zara qui semble l’avoir oubliée », 1/03/2017, consulté le 5/04/2017
 

Société

Campagne de prévention du VIH : l'homofolie se déchaîne !

Si certains en doutaient encore, maintenant nous pouvons l’affirmer : l’homosexualité n’est pas encore acceptée dans notre société. La polémique qui accompagne la nouvelle campagne de prévention du VIH, destinée aux homosexuels, en est la preuve. Lancée mi-novembre par le ministère de la Santé sur les réseaux sociaux et diffusée sur les panneaux publicitaires, elle met en scène des couples homosexuels s’enlaçant et des messages invoquant la nécessité de se protéger pour des « coups d’un soir ». Vandalisme, censure, tweets scandalisés… Le message a décidément du mal à passer.

Un cercle vicieux : informer, censurer, résister
Peu après la diffusion de 8000 affiches dans 130 villes de France, les attaques fusent de toutes parts. Les mairies les plus conservatrices, comme celles d’Aulnay-Sous-Bois et d’Angers, exigent le retrait des affiches, aux abords des écoles en particulier, car elles sont jugées susceptibles de heurter la sensibilité des enfants. La censure commence, la guerre est lancée.
Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, riposte immédiatement ; elle sollicite non seulement la communauté des réseaux sociaux, en invitant à partager les visuels, mais aussi la justice, en portant plainte pour censure. Certes les principaux révoltés se comptent parmi les fervents militants de la Manif pour tous et les membres des associations de familles catholiques, mais le débat devient très vite, et avant tout, d’ordre politique. S’envoyant des tweets comme des balles de ping-pong, la droite et la gauche se positionnent en faveur, ou non, du retrait des affiches et élargissent la polémique à la question épineuse de la place de l’homosexualité dans notre société.
Le schéma est classique : les plus réactionnaires s’offusquent d’une atteinte à la sensibilité de l’enfant alors que les défenseurs des homosexuels se battent pour l’égalité des couples et l’acceptation de l’homosexualité aux yeux du grand public. Les arguments des élus contre la campagne se basent sur la protection de l’enfance et la défense des bonnes mœurs bafouées par ces affiches « volontairement provocantes ». Christophe Béchu, maire d’Angers, justifie alors le retrait des affiches en spécifiant que la même demande aurait été effectuée s’il s’agissait de couples hétérosexuels.
Hypocrisie tendancieuse ou argument recevable ? Quoiqu’il en soit, c’est la question de l’acceptation des homosexuels qui se pose : l’homosexualité, selon les défenseurs de cette campagne, n’est pas une anomalie que l’on doit cacher aux enfants.
Une polémique confuse : deux combats opposés, un ennemi commun
Le problème ne s’arrête pas là. Dans une logique de mise en abîme, la seconde couche du débat questionne la stigmatisation des homosexuels dans la société. Et si cette campagne n’était non pas une atteinte à la décence mais une énième condamnation de l’homosexualité ? En effet, trop souvent accusés d’être à l’origine du virus du Sida et d’entretenir majoritairement des relations instables, les homosexuels tentent d’échapper à ces stéréotypes dégradants. Pourtant cette campagne de prévention, en visant uniquement une population homosexuelle, renforce ces idées. « Coup de foudre, coup d’essai, coup d’un soir », « Avec un amant, avec un ami, avec un inconnu » : un message qui peut effectivement porter à confusion. Triste paradoxe en effet : une campagne grand public qui pour une fois met en avant l’homosexualité semble s’inspirer des plus grands clichés qui l’entourent.

Il est évident que l’objectif n’a jamais été de critiquer le mode de vie ou la pratique homosexuelle, mais d’inciter à visiter le site « sexosafe » où se trouvent les différents moyens de contraception pour homosexuels. Car, dans les faits, ceux-ci sont encore les plus touchés par le Sida (43% des nouveaux cas en 2015), et doivent donc être particulièrement ciblés par la prévention. C’est, du reste, ce qui est clairement précisé par le slogan présent sur chacune des affiches : « les situations varient, les modes de protection aussi ».
La question se pose néanmoins : à qui revient le droit d’être scandalisé ? Aux homosexuels qui se sentent stigmatisés par le message transmis ou bien à une droite réactionnaire effrayée par la portée idéologique de ces affiches ? Dès lors, cette campagne, aux conséquences de plus en plus notables et curieuses, fait ressortir deux combats aux directions radicalement opposées, ayant pourtant la même cible.
Finalement, puisque la démarche du ministère de la Santé fait face à de telles polémiques, doit-on parler d’une réussite ou d’un échec communicationnel ? Certes la campagne a fait parler d’elle, mais il semble trop tôt pour se prononcer sur sa portée effective. Ajouter des visuels avec des couples hétérosexuels aurait peut-être révélé si les attaques étaient dirigées contre l’homosexualité en elle-même, ou bien contre une représentation trop suggestive de la sexualité.
Quand la pub touche une corde sensible
Cette polémique révèle les contraintes et les responsabilités qui pèsent sur la publicité, et sur les contenus médiatiques en général. En effet, en nous alignant sur l’opinion favorable à cette censure, un contenu publicitaire ne doit jamais être trop provocant et ne doit pas heurter la sensibilité d’une population. Et lorsque la sexualité, sujet délicat voire tabou dans nos sociétés, est abusivement présente dans une publicité, cela peut être choquant. Cependant, le scandale est ici clairement axé sur la question de l’homosexualité, puisque le message ne peut pas, selon les opposants à la campagne, être compris par les jeunes.
Dès lors, ce débat n’est que le reflet d’une société confuse.
Au cœur de cette polémique sociétale, médiatique et politique, la question demeure : en quoi ces affiches sont-elles plus choquantes que de nombreuses publicités invoquant la sensualité voire la sexualité de la femme ou d’un couple hétérosexuel ?
Prenons pour exemple la marque de lingerie Aubade qui a lancé une campagne de publicité intitulée « Leçons de séduction ». Sur diverses affiches, sont mis en évidence des corps féminins presque nus, légèrement recouverts de dentelle, dans des positions aguicheuses. La dimension sexuelle est d’autant plus renforcée par les messages qui accompagnent ces photos : « le mettre au pas, au trot, au galop », « être légèrement culottée », « lui remonter le moral »… Promotion d’une sexualité libérée et d’une image quelque peu réductrice de la femme : un cocktail qui ne nous est pas inconnu ! Et pourtant, cette campagne n’a suscité aucune polémique, bien au contraire, il semble qu’elle soit plutôt appréciée aussi bien par les hommes que les femmes.

La responsabilité de ces campagnes de prévention est de délivrer un message à toute une société mais aussi de diffuser l’image de cette société, ce qui la dessine et la définit. L’homosexualité entre peu à peu dans les mœurs mais cette polémique montre qu’elle n’a pas encore une place stable et approuvée.
Sur Twitter, un internaute, se demandant ce qu’il va dire à sa fille de 8 ans face à ces affiches, touche involontairement du doigt le problème, et peut-être sa solution : les parents ne devraient pas craindre que leurs enfants soient choqués par la vision d’un couple homosexuel; au contraire, la jeunesse est une arme essentielle pour combattre les préjugés et soutenir l’évolution des mentalités. Atteindre une cible jeune serait le seul moyen de faire de l’homosexualité une norme légitime, médiatiquement, socialement et idéologiquement parlant. Les modes de prévention varient, les mentalités aussi ?
Madeline Dixneuf
Sources :
• 20 minutes, Sida: Pourquoi les affiches d’une campagne de sensibilisation dérangent, Damien Meyer, publié le 23/11/2016, consulté le 10/12/2016
• Le monde, Affiches de prévention du sida : Touraine saisit la justice à la suite d’une « censure », François Béguin, publié le 22/11/2016, consulté le 10/12/2016
• La croix, Une campagne contre le sida fait polémique, Christine Legrand, publié le 20/11/2016, consulté le 11/12/2016
• L’express, Une campagne de prévention anti-VIH visée par des anti-mariage gay, express.fr, publié le 18/11/2016, consulté le 13/12/2016
• France Tv info, Vidéo la campagne de prévention contre le VIH qui créé la discorde, Nicolas Freymond, publié le 22/11/2016, consulté le 20/12/2016
• Huffington Post, Non, ces affiches de prévention contre le sida ne sont pas un cliché sur les homosexuels, Marine Le Breton, publié le 01/12/2016, consulté le 20/12/2016
• Huffington Post, Plusieurs maires Les Républicains censurent une campagne de prévention contre le SIDA, le gouvernement les attaque en justice, Anthony Berthelier, publié le 22/11/2016, consulté le 20/12/2016
• Têtu, La campagne publique de prévention gay menacée de censure, Julie Baret, publié le 21/11/2016, consulté le 20/12/2016
Crédits :
• Affiches de la campagne de prévention contre le VIH par le Ministère de la Santé
• Capture d’écran Tweet de Louis Ronssin
• Capture d’écran Tweet de Marisol Touraine Affiches de la campagne de prévention contre le VIH
• Capture d’écran Tweet marst76
• Capture d’écran Tweet Nicolas Sévilla, Laurence Rossignol, Baptiste C_A
• Affiche campagne publicitaire Aubade
 

Publicité et marketing

"Emmenez vos enfants voir des gens tout nus" VS Take me (I'm Yours): vous reprendez bien un peu d'art ?

Force est de constater que les stratégies communicationnelles et structurelles évoluent dans le monde de l’art. Ces dernières semaines, deux exemples représentatifs des ces évolutions nous ont été donnés. Les parisiens ont pu en effet être les spectateurs, dans le métro, de campagnes publicitaires singulières.
Mais avant cela, rappelons que les rapports entre publics et arts n’ont jamais été évidents, et à l’heure d’une société de consommation exacerbée, le manque de glamour de l’art classique ne joue pas en la faveur d’une simplification de ces rapports.
Il faut néanmoins remarquer la naissance d’une nouvelle forme d’art: en effet, n’importe qui peut s’approprier le titre d’ artiste grâce aux applications de photographie telles qu’Instagram : le glamour reprend vie, devient art et le voilà qui confère à présent à l’image des qualités artistiques ! Mais dans quelle mesure cette dernière, rapidement produite, rapidement exposée, et consommée à la même allure peut être être classée dans le monde de l’art ? C’est un autre débat, mais on voit que le jeu de l’artiste est de plus en plus répandu, et que l’art est devenu l’affaire de tous, produite et consommée par tous.
De fait, il faut observer les modifications opérées au sein même du monde de l’art : j’entend par là le monde institutionnalisé, celui qui correspond à des règles définies et qui, par essence, est moins glamour. Et bien les choses changent! Mais dans quel sens ? Prenons deux ovnis qui ont fait surface dans les couloirs du métro parisien entre les mois de septembre et novembre : d’une part, la campagne de publicité du Musée d’Orsay et du Musée de l’Orangerie et d’autre part, celle pour l’exposition Take me (I’m Yours) prenant place à la Monnaie de Paris.

Le musée , c’est glamour
On observe ici deux campagnes étonnantes qui attirent l’oeil du badaud et c’est normal. La première fait sourire par son décalage (en effet, l’écart entre oeuvre classique et slogan provocateur ou faisant écho à des références très actuelles est décliné sous plusieurs formes : “Emmenez voir des gens tous nus” accolé sur un nu d’Auguste Renoir ou encore “Emmenez vos enfants voir ni Fast ni Furious” sur une carriole emmenée par un cheval de Douanier Rousseau). Ici, la campagne de pub menée par l’agence Madame Bovary veut inciter les parents à emmener leurs enfants découvrir les chefs d’oeuvres de la peinture, photographie et sculpture du XIX ème et début du XX ème siècle. Pour ce faire, cette campagne cherche à donner une nouvelle vision de l’art classique : tout d’un coup, aller au musée devient aussi cool qu’aller au ciné voir Taxi 7. Cet art là est alors montré comme de l’entertainment : la culture est accessible, consommable, standardisée. Venez au musée, c’est divertissant, venez au musée, vous ne serez pas perdus au milieu de références incompréhensibles, le musée c’est facile, (et ça se consomme comme tout le reste).
Mmm, Y’a bon l’art
De l’autre coté, nous avons Take Me (I’m Yours) qui succède à la Monnaie de Paris aux nains de Noël phalliques de la Chocolate Factory de Paul McCarthy. Take Me (I’m Yours) c’est un projet artistique conçu par Christian Boltanski et Hans Ulrich Obrist et recréé vingt après sa première exposition à la Serpentine Gallery à Londres. Ici, toutes les oeuvres sont à la disposition du spectateur, elles font lieu d’interaction entre celui-ci et les artistes, elles sont vouées à se disperser et à modifier chaque jour la forme de l’exposition. L’exposition prend fin avec la dissémination totale de ses oeuvres, emmenées par les spectateurs. Si cette exposition interroge la valeur d’échange de l’art, elle n’en est pas moins dérangeante, elle aussi. Et si le rapport de l’homme à l’art était réellement celui-ci, celui de la consommation? Et que cette relation n’était pas montrée du doigt, comme avec cette exposition qui propose un méta regard sur le lien homme-art, mais bien entretenue par nos institutions culturelles ? Il est dangereux de mettre en place ce type de performances complaisantes et de croire que les spectateurs y vont pour réfléchir sur la valeur d’échange de l’art. C’est bien ce types de performances qui entretiennent la dégradation du lien entre l’art et le monde, et le modifient : on n’est plus liés aux oeuvres par l’émotion, mais bien par la consommation boulémique de représentations.

I’m lost in the supermarket
Quand le premier cas s’adresse à un public large, en lui faisant miroiter la promesse d’un entertainment (les enfants vont être bien déçus en arrivant au musée), la promesse d’une culture facile d’accès, facile à consommer; le second cas s’adresse lui à une élite, qui a déjà vu les classiques, et qui recherche le moderne, le nouveau, la crème de la réflexion contemporaine sur l’art. Cette exposition, où tout s’emporte, est d’un ludique désarmant, et répond à cette demande actuelle par rapport à l’art : Allez-y, consommez ! Mais elle devient aussi un noyau de réflexion creuse de “spécialistes” qui ont déjà tout vu, d’une élite qui y va non pas pour prendre les objets mis à disposition du spectateur mais bien pour réfléchir sur l’éventuel impact de cette exposition.Néanmoins, quelle est la valeur réflexive de cet impact quand il produit l’effet probablement inverse de son but initial et participe bien au glissement de l’art vers la consommation, du musée vers le supermarché (c’est d’ailleurs Karl Lagerfield qui avait transformé le grand Palais en Chanel supermarket à la Fashion Week de mars 2014 – il avait déjà tout compris lui-). Un supermarché où on achète notre entrée pour faire le plein de références contingentes, qui s’envoleront dans les prochaines heures ou bien les prochaines semaines. Et si le musée devenait un médium qui transporterait les oeuvres de manière aussi fluctuante et rapide qu’Instagram ?
On n’attire pas les mouches avec du vinaigre, et quand le grand public et l’élite sont attirés par la même sauce dans laquelle les institutions font baigner l’art, celle de la consommation, il faut se demander une chose: l’art classique va-t-il disparaitre ? Plus personne ne pleurera jamais devant Le Radeau de la Méduse ? Est-ce la fin des rêvasseries face aux couchers de soleil de Monet ? On croit souvent que le temps forge les classiques en art, mais est ce que les classiques, obsolètes, ne sont attirants que s’ils sont montrés aujourd’hui comme des biens de consommation ?
Il faut espérer que la consommation ne soit pas le nouveau classique artistique. Et comme dirait Baudelaire :
“La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien. »

 
Maud Cloix
Crédits photos : 
Chanel Shopping center au Grand Palais, fashion week mars 2014 
Publicité pour  l’exposition musée d’Orsay et musée de l’Orangerie
Exposition Take me I’m yours, Monnaie de Paris
Eugène Boudin, Deauville, coucher de soleil sur la plage, 1893
 

JO Paris
Publicité et marketing

#JO 2024: le poids de la communication digitale

Elles sont cinq villes candidates: Budapest, Hambourg, Rome, Los Angeles et Paris. Chacune d’entre elles propose un projet en adéquation avec les nouvelles orientations éthiques du Comité International Olympique (CIO) : innovation, respect de l’environnement et abaissement des coûts. Au delà de la pertinence du projet, il est déterminant d’obtenir l’adhésion des populations. Puisque ce sont les jeunes générations qui feront les Jeux 2024 et qu’elles passent aujourd’hui beaucoup de temps derrière leurs écrans, quoi de mieux que la communication digitale pour obtenir cette adhésion ?
Sur la ligne de départ : 5 villes disparates
Avec un budget réduit, Budapest ne part pas favorite. C’est qu’elle a affaire à une concurrence rude. Hambourg présente un programme axé autour de l’écologie qui pourrait séduire le CIO, mais ce n’est pas une capitale et les infrastructures permettant d’accueillir les Jeux y sont quasi inexistantes. Rome mise quant à elle sur un patrimoine culturel imposant ainsi que sur la mise en place du recyclage des installations des JO de 1960. Mais la peur des dettes et une récente affaire de corruption viennent mettre à mal cette candidature. En effet le scandale « Mafia capitale », un réseau de corruption au sein de l’administration principale, secoue la ville depuis qu’il a été démantelé en décembre dernier. Le réel poids lourd face à Paris est donc Los Angeles. En tant que ville organisatrice des jeux de 1932 et 1984 elle est un adversaire sérieux. Seulement, après l’Amérique avec l’attribution des JO 2016 à Rio et l’Asie avec celle des JO 2020 à Tokyo, l’équilibre voudrait que les JO 2024 soient attribués à une ville européenne. Dans cet perspective, Paris pourrait prendre l’avantage. Un budget à « taille humaine » de 6,2 milliards partagé entre financements publics et privés et infrastructures existantes, profitant des chantiers du grand Paris : la ville a une longueur d’avance.

L’atout clé pour obtenir les Jeux reste cependant l’engouement des populations. A cet effet, de véritables stratégies de communication sont mises en place, à commencer par une intense web-communication.
La communication digitale comme tremplin des candidatures
Réseaux sociaux et sites officiels : la bataille commence. Et elle s’arbitre d’abord en nombre d’abonnés. Rome domine sur Facebook avec ses 26 000 fans mais sur Twitter c’est Paris qui écrase la concurrence avec 17 000 abonnés, laissant loin derrière les 2 239 de Los Angeles ou, moins brillant, les 11 de Budapest. Sans être l’unique objet de la course aux jeux, le nombre d’abonnés reflète toutefois les stratégies de communication digitale des villes : avantage à Paris, là encore. Au delà des chiffres, Paris est aussi la seule à s’adresser aux citoyens en les prenant à parti: « avec vous, Paris se lance dans la course ».
Si Paris a autant d’abonnés tandis que Budapest peine à convaincre, c’est que chaque ville n’a pas la même stratégie. En effet la ville de Paris, bien qu’elle ait beaucoup d’atouts dans la course aux Jeux, doit obtenir l’adhésion de ses citoyens. C’est pourquoi elle mise d’ores-et-déjà sur une web-communication dense, présente sur les réseaux sociaux les plus influents. Ce que ne fait pas, pour l’instant, Budapest, qui prend ainsi un train de retard. Hambourg attend quant à elle les résultats du référendum qui doit sonder l’engouement de sa population le 26 novembre. Peut-être lancera-t-elle alors une campagne de web-communication plus intense.
Deux écoles pour les sites officiels : Budapest et les autres. Los Angeles, Rome, Hambourg et Paris ont des sites modernes, épurés et attractifs. A la vidéo de campagne de la première page succède un simple scroll pour découvrir d’autres informations. Paris se démarque encore en proposant de cliquer sur un « participer » dès la page d’accueil. Le site de Budapest s’illustre lui par un design accumulant des informations visuelles diverses, bien moins attractif donc.

Le rêve Parisien
Le rêve est le thème phare de la campagne de communication de Paris. Le slogan « Je rêve des jeux » est véhiculé par les plus grands sportifs français, répété par des enfants dans les publicités télévisées et inscrit sur chacune des publicités de la candidature de Paris.

 
Sur le site éponyme, une communication originale : le crowdfunding. Le financement participatif repose sur une démarche habile : la mise aux enchères d’objets appartenant aux meilleurs sportifs français, dédicacés et utilisés lors de grands évènements. Cette semaine on s’est ainsi disputé le maillot de Thierry Omeyer, porté lors des qualifications de l’Euro 2016 et dédicacé par celui qui a été élu meilleur gardien de handball de tous les temps en 2010, finalement adjugé à moins de 200€. L’originalité de l’appel au financement ne s’arrête pas là. Vente de rubans « je rêve des jeux » à 2€ et envoi de sms à 0.65€ : chaque participation compte.
Cependant, bien qu’en avance sur celle des villes concurrentes, la web communication de Paris reste à améliorer. Elle peine par son manque de dynamisme et de cohérence. Le site « je rêve des jeux » ne figure qu’en page 3 des résultats d’une recherche google « Paris 2024 ». Rares seront ceux qui s’aventureront jusque là lorsqu’on sait qu’une page 2 de Google est déjà reconnue comme « l’endroit idéal pour cacher un cadavre », pour citer un même devenu viral sur tweeter. Très faible visibilité donc. Autre défaillance : les comptes des différents réseaux sociaux ne redirigent pas dans leur description vers le site officiel. Un problème d’unité difficilement concevable. Le compte Instagram, pour sa part, mérite un bon point pour son unité visuelle et ses graphisme épurés et ludiques.

La communication digitale pour remporter les Jeux ? Paris s’est dotée du meilleur atout en terme de communication en la personne de Mike Lee, celui qui a réussi à faire basculer quasiment chaque campagne en sa faveur. Le directeur du cabinet de communication Vero a déjà décroché Londres 2012, Rio 2016 et la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Un vrai guerrier, son cabinet est connu pour ses méthodes peu tendres, capable de déstabiliser chaque adversaire. Son rôle est de crédibiliser la candidature de Paris auprès du CIO. Pour cela, il va connaître les 102 membres de l’organisation sur le bout des doigts car ce sont eux qui éliront la ville des JO 2024. Le poids lourd de la communication réussira-t-il à porter Paris jusqu’aux Jeux ?
Adélie Touleron
LinkedIn
Sources : 
http://www.lexpress.fr/actualite/sport/jo-2024-les-points-forts-et-les-points-faibles-des-adversaires-de-paris_1716079.html
JO 2024 : Un mois après l’ouverture de la course, Rome vire en tête sur Facebook et Paris sur Twitter
http://abonnes.lemonde.fr/jeux-olympiques/article/2015/06/25/paris-2024-la-boite-de-com-qui-fait-gagner-les-jeux_4661244_1616891.html
http://tempsreel.nouvelobs.com/sport/20150623.OBS1362/jo-2024-mike-lee-le-roi-du-lobbying-qui-peut-faire-gagner-paris.html
Crédits : 
Captures des comptes officiels de la candidature de Paris aux JO: Facebook, Instagram, Twitter 
AFP 
Site officiel de la candidature de Budapest 

Freakshow
Publicité et marketing

Le freak, c'est chic ! L'imperfection est-elle tendance ?

Depuis une petite dizaine d’années, la différence a le vent en poupe ! Elle est valorisée : l’étrangeté et l’imperfection sont représentées, et mises en scène. Handicapés, albinos, roux, « gueules », autrefois délaissés, appartiennent désormais à l’espace de la publicité. L’image publicitaire révèle un esthétisme nouveau qui vient briser les canons classiques de la beauté pour mieux percuter celui qui la regarde. La différenciation est une stratégie marketing évidente qui joue sur l’idée que le public se remémore bien plus l’extra-ordinaire car il ne s’y attend pas. La récente campagne de publicité pour « les légumes moches » du groupe Intermarché réalisée par l’agence Marcel dont le succès a été immédiat et la commercialisation des biscuits abîmés à un prix très avantageux encouragent fortement l’action citoyenne dans la consommation. Mais elles soulignent également un engouement sous-jacent pour ce qui sort le public de l’ordinaire. L’esthétique publicitaire, dès lors déplacée, nous invite à questionner les enjeux qu’implique l’imperfection à travers l’image publicitaire.
Contre une monotonie du beau
Dans la publicité, la différence est prise pour ce qu’elle incarne, soit une distance manifeste avec les canons classiques de la beauté et le laid est souvent choisi parce qu’il est laid. La monstruosité est effectivement recherchée pour elle-même, pour ce qu’elle évoque et connote. Ainsi le difforme, l’étrange, contre son gré, provoque des sentiments passionnés car il frappe et choque, lorsque le beau, d’après le principe kantien, suscite une satisfaction désintéressée, proche de l’évidence. Le beau, répété dans l’image, paraît monotone et lisse. La conception actuelle et euro-centrée a imposé un idéal physique (minceur, type eurasien…) qui ne cesse de se répéter. A contrario, dans sa célèbre préface de Cromwell,  Victor Hugo, précurseur, explicita la qualité non négligeable du laid en esthétique : « La beauté n’a qu’un type. Le laid en a mille.»
Déclinable, la difformité paraît toucher à l’authentique car elle offre un spectre plus important de variations dans l’image. L’imperfection profite donc d’un avantage par rapport au beau, comme l’a notamment expliqué Umberto Eco dans son Histoire de la laideur : celui de la différenciation. La figure laide se démarque et se remarque, notamment dans les représentations picturales où longtemps, le peintre a cherché la Beauté à travers la perfection. Le beau a toujours été la finalité des représentations publicitaires : les images publicitaires médiatiques, ou de mode (dispositifs publicitaires également), ont toujours cherché la perfection inégalée, allant même jusqu’à user d’outils techniques (Photoshop) pour faire illusion. Le renouvellement et la nouveauté de l’image de marque semblent désormais passer par le laid, au moment même où le beau est, peut-être, parvenu à sa forme la plus parfaite. La beauté n’est-elle pas, à force, devenue monotone ? La beauté est-elle épuisable, et a-t-elle été épuisée dans (ou par) la pub?  Ces questions se posent d’autant plus actuellement que le laid apparaît aujourd’hui comme une clé-marketing pour se différencier et pour attirer l’œil, un peu endormi, du consommateur.
Freak show et  voyeurisme : les monstrueuses coulisses du marketing ?

En 2006, John Galliano avait déjà imaginé un défilé Dior autour des « freaks », soit les monsters shows tels qu’on pouvait en voir dans les cirques. Cet imaginaire est vendeur car il suscite la fascination. Ainsi, la récupération récente de ce même thème dans la série tendance « American Horror Story » (The Freak show, saison 4) illustre l’importance du spectaculaire comme argument marketing.  Une autre série, plus ancienne, « Ugly Betty » basait son synopsis sur une dimension voyeuriste, alimentée par la curiosité et la surprise. Habitués aux plastiques parfaites des télénovelas, les spectateurs étaient invités à suivre les prouesses d’une jeune femme « laide » (grimée pour l’occasion) dans le monde du journalisme de mode.
Le monde de la mode est le premier à y avoir vu une plus-value pour l’image des marques en engageant des handicapés, des albinos, et même des « femmes à barbe » (Conchita Wurst pour Jean-Paul Gaultier). Diesel et Desigual ont par exemple pris pour égérie le mannequin Winnie Harlow, atteinte de vitiligo (une maladie qui consiste en l’apparition de grandes tâches blanches sur la peau). Elles ont surpris, peu importe la critique, et ont donc réussi le pari de faire parler d’elles. Les médias les relayent davantage, et leur « vedette », choisie avec soin pour incarner cette qualité de distinction tant recherchée, apparaît comme le clou du spectacle. La volonté dans la publicité de vouloir « embellir » le laid est en cela significatif : l’étrange pour apparaître doit être sublimé. Les sociétés humaines semblent en effet depuis leurs origines motivées par le perfectionnement, si ce n’est par la perfection elle-même. Les plus pessimistes diront qu’aujourd’hui l’imperfection est un commerce, avant toutes visées démocratiques. Elle permettrait aux marques d’exister par la différence, valorisant la transgression mais aussi accordant une image philanthrope et sociale à la marque. Mais est-ce si négatif ?

Monsters, Inc. : un échange de bons procédés ?
Pour autant, il ne faut pas oublier que la stratégie marketing n’exclut pas la portée sociale de la représentation du différent, voire du laid, dans la publicité. Les marques prennent tout de même le risque que leurs messages soient perçus comme le comble de l’hypocrisie. Il est envisageable que le consommateur se méfie et accorde du discrédit aux campagnes faussement bien-pensantes de certaines marques. Ce qui ne semble pas être le cas, car le consommateur a secrètement conscience que ce nouvel esthétisme, tendance « pérenne » ou éphémère, participe à introduire les physiques hors-normes dans les images de nos sociétés. Cette tendance de l’imperfection et de l’étrange a permis l’émergence d’agences de mannequins aux physiques atypiques telles que « Ugly People » aux Royaume-Uni et « Wanted » en France. Le choix délibéré de ces mannequins, anciens anonymes, d’appartenir à ces agences, de poser pour une publicité ou de défiler souligne l’ambiguïté du difforme représenté dans la pub : s’ils prêtent leur image à une marque – tel Madeline Stuart, jeune fille trisomique qui a défilé à la Fashion Week de New York en février 2015 – c’est qu’ils ont conscience qu’elle sera valorisée et qu’elle sera l’étendard de la tolérance et de l’authenticité. Il y a deux semaines, le premier défilé de femmes de petites tailles a par exemple eu lieu à Paris. Ouvert à tout public, les codes classiques du défilé y étaient « renversés » : dans le public se mêlaient personnes de taille normale et de petite taille, mais seules ces dernières étaient invitées à défiler.

La charge sémiotique du « laid », dans la mesure où il incarne souvent la différence, est donc complexe et plurielle dans la publicité : il stigmatise la différence mais, en la sublimant, il la rend aussi concevable, et autonome par rapport à la beauté. La différence choque au premier regard puis on s’y habitue. Si elle n’est qu’une pénétration encore rare dans l’espace public, elle n’en est pas moins remarquée et elle sert certainement une cause sociale. Les dispositifs médiatiques donnent peu à peu à ces physiques différents la possibilité d’exister à l’image, alors qu’ils étaient niés jusqu’ici. L’actrice espagnole Rossy de Palma au physique atypique et quelque peu « picassien », réinvente ainsi la définition de la beauté en disant : « Pour moi, c’est ça la beauté, ce mélange entre la réalité de tous les jours et quelque chose de très recherché. Il faut que la vie s’engouffre là-dedans ! Sinon, la beauté, c’est un peu ennuyeux, non ? ».
Emma Brierre
Linkedin
Sources :

Ugly Models : l’agence de mannequins pour gens « moches »


http://www.vice.com/fr/read/la-fashion-week-des-nains-en-images-182
http://weekend.levif.be/lifestyle/mode/l-imperfection-comme-strategie/article-normal-389549.html
Crédits photos :
Défilé Dior, 2006
Desigual
Direct Matin
Ugly people agency

Couteau
Société

[À savoir n°34] : trois tutos pour un avortement parfait

« EnjoyPhenix a sorti une nouvelle vidéo, t’as vu son dernier tuto ? »
Cela fait quelques temps maintenant que les fameux « tutos » envahissent nos pages Youtube. Premièrement, posons une définition précise de la chose, en clair :  « un tuto, c’est quoi ? »
Un tuto, ou tutoriel, est un mot utilisé pour désigner une brochure informative destinée à enseigner des données, de quelque type que ce soit, même si le terme s’est largement développé au niveau de l’informatique.
Une vague  de tutos en tous genres a donc déferlée sur nous autres internautes: tutos cuisine, tutos coiffures, plus populaires encore les tutos beauté des fameuses « youtubeuses », mais les tutos qui suivent sont d’un tout autre genre et risquent bien de vous glacer le sang. Exit le tuto qui nous donne le secret du parfait maquillage pour l’automne qui arrive, ici sont listées les meilleures astuces pour… avorter.

Des tutos « coups de poing »
Remettons les choses dans leur contexte : ces vidéos sont diffusées depuis avril dernier au Chili, l’un des pays les plus conservateurs en terme d’avortement. L’idée originale est celle de l’ONG Miles Chile, résolument féministe et qui entend bien faire bouger les choses.
En effet, depuis 1989, sous la dictature de Pinochet, l’interruption volontaire de grossesse est interdite au Chili, comme dans six autres pays à travers le monde. Les femmes enceintes qui ont recours à cette pratique s’exposent à une peine allant jusqu’à cinq ans de prison. Seul l’avortement dit « accidentel » est dépénalisé. Rappelons, à titre indicatif, que les femmes françaises, elles, bénéficient de ce droit depuis déjà 40 ans.
Miles a donc décidé de frapper fort : sur chaque vidéo, une femme explique comment avorter soi-même en mimant un accident : se faire renverser par une voiture, s’enfoncer un talon aiguille dans le ventre ou bien encore tomber dans les escaliers, autant de façons de pratiquer un avortement maison, souvent au péril de sa vie.
Les vidéos se veulent courtes et incisives, même s’il ne faut évidemment pas les prendre au pied de la lettre. La mise en scène de l’avortement n’en reste pas moins violente et crée un contraste avec le choix du support que représente le tutoriel, habituellement objet futile et de divertissement. C’est ce contraste qui rend la campagne de Miles particulièrement originale.
Derrière ce cynisme se cache la volonté de moquer et ridiculiser un Chili trop conservateur, et donc en retard sur son époque, face à des pays tels que la France ou les Etats-Unis, où le coût de l’avortement est partiellement pris en charge par l’Etat, et à une société qui ne cesse d’aller de l’avant.
Aux grands maux, les grands remèdes
Miles se paie les services du géant de la publicité Grey Chile, et joue la carte du cynisme et de l’humour noir pour dénoncer une réalité qui l’est d’autant plus. En effet, aujourd’hui encore, elles sont plus de 150 000 chiliennes à pratiquer l’avortement maison comme dernier recours face à une grossesse non désirée.
Les vidéos sont principalement diffusées sur la Toile et sont ponctuées du hashtag, #LeyAbortoTerapéutico. Vidéos tuto, hashtag, diffusion sur Youtube… Le mouvement a largement pris pour cible principale les jeunes générations, qui se trouvent être en première ligne dans cette bataille en faveur du droit à l’avortement.
Le message très clair: le Parlement doit voter la proposition de loi pour dépénaliser l’avortement au Chili.

Miles a gagné une bataille, mais pas la guerre…
La victoire se trouverait-elle au bout du chemin pour Miles ? Le projet de loi est aujourd’hui discuté, controversé même, mais l’ONG a réussi son pari: ouvrir le débat. Le projet est appuyé par la présidente socialiste Michelle Bachelet. Il vise à dépénaliser l’avortement sous certaines conditions: la raison avancée doit être valable. L’avortement pourrait donc être légal dans les cas suivants: viol, malformation du foetus ou risque pour la vie de la mère.
Ce premier pas vers l’éveil des consciences n’est pas du goût de l’Eglise catholique chilienne, qui a exprimé son mécontentement dans la presse à pas moins de cinq reprises. Les pays hispanophones sont les plus restrictifs en terme d’avortement: en Amérique Latine, l’avortement n’est libre qu’à Cuba, en Uruguay, à Porto Rico et à Mexico. Cette politique conservatrice  s’explique par leur proximité avec l’Espagne, pays colonisateur, et donc par l’influence exercée par l’Eglise catholique, aujourd’hui toujours très importante dans ces pays.
L’écho de cette victoire en terme de communication autour de l’épineuse question de l’avortement n’atteindra pourtant pas l’autre rive de l’Atlantique, puisque la classe dirigeante espagnole, malgré la récente démission du premier ministre Mariano Rajoy, tente toujours de faire machine arrière et de limiter le droit à l’avortement à deux cas: le viol et le risque vital pour la mère.
A quand donc un tuto « être une bonne mère sans même vouloir en être une » ? À cela, Miles répondrait que « la maternité est un droit, non une obligation ».
 
Manon DEPUISET
@manon_dep
Sources : 
Le Monde : http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/05/29/des-tutoriels-pour-avorter-afin-de-denoncer-la-loi-chilienne/
Crissementathee : http://crissementathee.com/2015/05/30/au-chili-une-ong-militant-pour-le-droit-a-livg-propose-une-campagne-choc/
Crédits images
Europe 1
Youtube
RFI.fr

Make America great again
Politique

The Trump show

Magnat de l’immobilier, star et producteur d’une émission de téléréalité et aujourd’hui, candidat républicain à la présidentielle, Donald Trump est plus qu’un simple homme d’affaires. C’est un phénomène médiatique et politique.
A quatorze mois des élections, les sondages le donnent largement gagnant pour la primaire Républicaine. Trump écrase ses adversaires avec au moins 30% d’opinions favorables. Des chiffres surprenants face au comportement médiatique du candidat, avant tout connu pour ses propos misogynes et racistes. Pourquoi ce qui devrait lui porter préjudice lui donne-t-il un statut de favori au sein de cette primaire républicaine?
Un discours populiste à la rhétorique bien huilée
Son discours d’annonce, prononcé symboliquement dans la Trump Tower, abordait les principaux thèmes de sa campagne. Des thèmes articulés autour d’un nationalisme assumé qui pointe notamment du doigt la Chine comme un danger économique et diplomatique pour les Etats-Unis (« There are no jobs, because China has our jobs »). Un discours démagogique comme première arme pour toucher le cœur des électeurs.
Sa conclusion est éloquente : les Etats-Unis ont besoin d’un leader, d’un homme providentiel. Et cet homme n’est autre que lui-même. Le discours est percutant, les phrases courtes, imaginées comme des slogans dont on retient l’essentiel : Donald Trump « is going to make the America Great again ». Le schéma est simple : « eux », les politiciens, le gouvernement, les médias, ne sont pas capables de rendre aux Etats-Unis leur statut de leader mondial. « Eux », les pays étrangers, les immigrés illégaux « nous » mettent en danger. Ce sont « eux » contre « nous », le vrai peuple. Mais « moi », Donald Trump, je peux assumer ce rôle et c’est pourquoi je me présente. La rhétorique est efficace, en témoignent les sondages mais aussi son omniprésence dans les médias.

Une stratégie du scandale et du buzz médiatique
Cette rhétorique est couplée à une autre stratégie de communication : celle de faire le buzz. En effet, dès le lancement de sa campagne, Donald Trump a su créer la polémique. Sa déclaration sur les immigrés mexicains, les taxant de « violeurs », a été diffusée en continu sur les chaînes de télévision américaines, octroyant une place de choix à sa campagne sur la scène médiatique et dans les esprits des électeurs. Parallèlement, soulignant une fois de plus le paradoxe de sa montée dans les sondages, elle a également provoqué (à dessein) l’indignation de toute une communauté ainsi que des autres candidats républicains.
Sa popularité dans les sondages surfe également sur sa notoriété de star de la télé réalité. Cette identification des deux personnages créés – le showman et l’homme politique – repose sur la similitude de sa campagne avec un grand spectacle dans lequel le personnage de Donald Trump se met en scène dans le costume d’un homme politique. Il exerce une fascination liée à une attirance naturelle du spectateur pour tout ce qui est spectaculaire, divertissant, choquant. Un statut de vedette des médias que Barack Obama résume en ces termes « He knows how to get attention. He is the classic reality TV character ».
Enfin, comme l’explique le journaliste Howard Fineman dans le Huffington Post, son succès reflète un désenchantement politique. Il utilise une lassitude générale des hommes politiques classiques et surtout une érosion de la confiance populaire en la capacité de ces hommes à améliorer leur situation matérielle pour mettre en avant sa différence : c’est un homme d’affaires. Les Américains ne veulent plus d’un homme politique, ils veulent un gestionnaire efficace.

Le scandale permet donc d’attirer l’attention : l’électeur est plus attentif dès lors qu’un discours provoque en lui une réaction guidée par l’affect. Ainsi, sa campagne est avant tout articulée autour d’un constat qu’il fait du monde contemporain : les Etats-Unis vont mal, socialement, économiquement, et sur le plan militaire. Il instille ainsi la peur, celle de l’étranger, de la concurrence, de la destruction du système américain dans la conscience américaine : les Etats-Unis ne sont plus ce qu’ils étaient.
Un buzz dont l’efficacité est mesurable dans les sondages mais aussi sur les médias sociaux.
L’homme se finance seul : une image du rêve américain, celle du « self-made-man », et un argument pour revêtir ce costume d’homme qui dit la vérité, qui dit non au politiquement correct parce qu’il n’est pas manipulé par les différents lobbies. Pas de campagne de publicité à la télévision ou sur YouTube donc. Un compte facebook, un compte Twitter et un site internet. Mais près de quatre millions de likes sur Facebook et 4.38 millions de followers sur Twitter. A titre de comparaison, Hillary Clinton totalise « seulement » 1.5 millions de likes sur Facebook et Ben Carson, « seulement » 719 000 followers sur Twitter. Donald Trump n’est pas seulement un invité régulier des médias : il est une star sur internet. Donald Trump est en effet le nom le plus recherché sur Google parmi tous les candidats à la présidentielle. Sa personnalité outrancière exerce une véritable fascination sur les électeurs américains, qui le retrouvent sur les réseaux sociaux pour suivre ses clashs par tweets interposés et ses commentaires de l’actualité. Une fascination entretenue mutuellement par les médias et par le public, par le biais des sondages d’une part et de la couverture de l’actualité de l’autre.
How many trumps has he now ? (« Combien d’atouts a-t-il encore ? »)
Le personnage de Donald Trump ne s’est pas construit politiquement, sur un programme ou des idées fortes, mais sur des icônes, un slogan et sa personnalité. Son comportement heurte les fidélités partisanes : par ses propos insultants et haineux, mais aussi par sa vantardise omniprésente (« I beat China all the time »). Il entraîne une inertie du débat politique et neutralise ses adversaires. Il est ainsi perçu comme un danger par ses adversaires républicains : il est l’homme à abattre.
Cependant, sa stratégie ne tient qu’à un fil : l’attention que lui portent les médias et le public. Sera-t-elle toujours récompensée dans les sondages dans les 14 mois de campagne restants ?
 
Julie Andréotti 
Sources : 
https://www.donaldjtrump.com/
http://time.com/3923128/donald-trump-announcement-speech/
https://en.wikipedia.org/wiki/Nationwide_opinion_polling_for_the_Republican_Party_2016_presidential_primaries

Donald Trump Is The World’s Greatest Troll


http://www.huffingtonpost.fr/2015/07/27/donald-trump-sondages-election-presidentielle-americaine-2016_n_7881178.html
http://www.rollingstone.com/politics/news/obama-on-trump-i-dont-think-hell-end-up-being-president-20151012
 
Crédits photos : 
Daily News 
 
 

bannière eco resp fastncurious
Publicité et marketing

Biocoop : quand la communication devient écoresponsable

Alors que la COP 21 (conférence sur le climat) qui se tiendra à Paris à la fin de l’année 2015 fait de plus en plus parler d’elle, et qu’il devient toujours plus tentant pour les entreprises de communiquer autour de leur respect de l’environnement pour se donner une image « verte », Biocoop nous prouve qu’il faut aller plus loin. En effet, la marque a sorti une toute nouvelle campagne de communication le 1er avril dernier, la campagne responsable. Comme son nom l’indique, il s’agit d’étendre les engagements de la marque en matière d’impacts sur l’environnement à sa communication elle-même, et ainsi d’éviter le paradoxe auquel beaucoup d’entreprises sont confrontées : de grands et sincères engagements écologiques (en ce qui concerne leurs produits), mais des campagnes de communication aux bilans carbone et énergétique élevés. C’est pourquoi Biocoop a décidé de relever le challenge d’une communication écoresponsable. Verdict final : une campagne innovante dont le bilan carbone est 3 fois plus faible que celui d’une campagne équivalente menée avec des moyens classiques.
Aller à l’essentiel et éviter le superflu
L’agence chargée de porter le projet de Biocoop, Fred & Farid, a pris le problème à bras le corps pour pouvoir mettre au point un processus de production aussi respectueux de l’environnement que possible. Toute la campagne, composée de 3 affiches, d’un spot vidéo de 30 secondes, d’un making-of de 3 minutes, d’un site internet, et finalement déclinée sur Twitter, a été organisée autour de cette préoccupation.
Les films ont été réalisés à l’aide de caméras manuelles des années 70 construites à la main, équipées seulement d’une manivelle, sans batterie ni composant électronique. Ils ont été ensuite montés à la main directement sur la pellicule pour éviter toute numérisation inutile. Voix off et musique ont été enregistrées sur l’image en une seule prise, de manière à ne pas dépenser des ressources inutilement.
De plus, les photos ont été prises à l’aide d’un sténopé, ancêtre de l’appareil photo qui n’est composé de rien de plus qu’une boîte percée d’un trou et de papier photographique où s’imprime directement l’image. Les logos et les accroches ont été peints à la main directement sur les photos à la peinture écologique par un typographe, et les photos n’ont jamais été retouchées. Enfin, tous les produits utilisés pour développer les images ont été intégralement et systématiquement recyclés.
Des économies ont aussi été faites sur les équipes et leurs déplacements : train, voiture hybride et vélo ont été de la partie. L’équipe de production a même fait construire un vélo générateur d’électricité par un artisan de la région qui a utilisé pour cela des matériaux récupérés. Les équipes, le matériel et la déco ont été restreints, et il n’y a pas eu de casting puisque Biocoop a directement fait appel à des producteurs bretons de produits de saison associés au réseau.

Et le résultat est au rendez-vous 

Une campagne également développée sur internet
La campagne est également digitale : un site qui lui entièrement dédié () décrit la totalité de la démarche de la marque. Mais il est également le reflet des engagements de Biocoop, puisque tous les efforts ont été faits pour qu’il soit aussi léger que possible. Au bout du compte, il ne pèse que 3Mo. Cela impliquait notamment de bannir l’usage des photos, c’est pourquoi les illustrations ont été entièrement réalisées en code ASCII (les lecteurs nostalgiques de l’époque des skyblog s’en souviendront : il s’agit d’utiliser uniquement des caractères typographiques pour créer une image).

Ci-dessus, des vaches, des arbres, un nuage et un vélo en ASCII tirés du site Biocoop
Le compte Twitter de Biocoop s’en est aussi mêlé, et s’est lancé le 1er avril dernier dans un concept innovant : le recyclage de tweets. En retweetant des posts qui semblaient à première vue totalement aléatoires et dignes d’un poisson d’avril, Biocoop a en réalité composé une histoire :

Faire du neuf avec du vieux, c’est donc toute la philosophie de Biocoop. Avec sa toute dernière campagne, le premier réseau de magasins bios et équitables en France nous démontre qu’il est possible pour une entreprise de tenir ses engagements jusqu’au bout, y compris dans sa communication… Alors pourquoi on aime ? Parce que c’est une campagne efficace, innovante, et sans hypocrisie, d’autant plus que Biocoop s’est engagé à prolonger sur le long terme cette initiative et à continuer à produire à l’avenir des campagnes écoresponsables…
L’écoresponsabilité : un bel avenir pour la communication.
Léa Lecocq
Sources :
biocoop.fr
lacampagneresponsable.fr
cbnews.fr
greenetvert.fr

zegreenweb.com
lareclame.fr
webdeveloppementdurable.com
Crédits photo :
Commerce équitable nord nord
Agriculture Bio
Produits locaux
Tweets
 Bannière