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La prévention routière : une communication qui tient la route

Depuis sa création en 1982, la Délégation à la Sécurité Routière (DSR) n’a cessé de faire évoluer ses campagnes de communication afin de sensibiliser les citoyens à ce sujet qui nous touche tous, les accidents de la route. En tant que structures interministérielles, les campagnes émanant de la Sécurité Routière doivent faire face à un enjeu immense pour le bien commun, afin de faire prendre conscience aux personnes qui les visionnent des risques encourus quand on déroge aux règles de la circulation routière. Un vrai problème de société sachant que plus de 1000 personnes sont tuées chaque année dans des accidents de la route liés à l’alcool.

Ces campagnes, qu’elles soient choquantes,humoristiques ou bien tragiques, ont pour point commun de marquer les esprits de manière innovante. Leur dernière campagne, sortie le 14 décembre et qui fait honneur à Sam, le conducteur désigné des retours de soirées, apparaît en décalage avec la ligne communicationnelle tenue jusqu’à présent. Originalité ou déjà vu ? On décortique pour vous ce virage communicationnel qu’a entamé l’association.

Les campagnes de communication Sécurité Routière, un temps d’avance caractéristique

Dès ses premières apparitions dans l’espace médiatique, la Sécurité Routière a eu à faire face à un enjeu de taille. En effet, comme le décrit justement Dominique Wolton dans son interview pour les 40 ans de l’association, étant donné qu’elle est la première à s’exprimer sur ce sujet en France depuis la démocratisation de l’accès aux automobiles, la Sécurité Routière a dû créer un espace sémantique de mots qui devront être associés à la conduite. Le premier slogan de la sécurité routière apparaît en 1972 et pose le cadre d’un nouvel espace symbolique qui sera affilié aux accidents de la route : « sécurité = vitesse limitée » avec l’instauration des premières limitations de vitesse. Ce réseau, bien que loin d’être imparable, permet de sauver 500 vies humaines chaque année.

La Sécurité Routière fera donc de cette absence de champ lexical propre aux dangers routiers un atout, en opérant à une sélection soignée de ses slogans dont certains résonnent encore aujourd’hui à nos oreilles lorsque l’on parle d’alcool au volant, tels que « Boire ou conduire, il faut choisir » ou bien « Un petit clic vaut mieux qu’un grand choc » (en référence à la popularisation des ceintures de sécurité, en 1978).

Dans les années 2000, la ligne communicationnelle de l’association se transforme afin d’augmenter son impact et l’on passe des mots aux images. En 1999 une série de vidéos est réalisée par le réalisateur Raymond Depardon, connu pour ses documentaires, dans lesquelles on peut observer l’atrocité des accidents de la route et ainsi marquer les esprits des conducteurs. Après des campagnes que l’on pourrait aujourd’hui qualifier de « désuètes », la Sécurité Routière essaye de choquer, afin d’associer des images aux mots qu’elle avait déjà instaurés. Cette ligne éditoriale sera conservée dans les années qui suivent, avec des images toujours plus violentes, brisant le tabou de la mort afin d’impacter et d’obtenir un taux de pénétration important dans l’inconscient du récepteur.

Cette stratégie du shockvertising correspond à une nécessité d’attirer l’attention afin de ne pas se noyer dans la foule des autres publicités. Dans cette logique de démarcation, on observe également l’utilisation de l’humour avec la campagne d’affiche mettant en scène le grand couturier Karl Lagerfeld vêtu du fameux gilet jaune, accompagné du slogan « C’est jaune, c’est moche mais ça peut servir ».

 

Ces stratégies, axées sur le pathos, sont très intelligemment menées. Le récepteur est toujours mis en valeur, le message s’efface petit à petit afin de montrer les conséquences de la mise en danger au volant pour les proches de la victime. L’objectif final, réduire l’écart entre bonne conscience collective et mauvaise foi individuelle, est atteint. En effet, l’association mène régulièrement des enquêtes sur l’impact de leurs publicités, menées par TNS Sofres elles enregistrent des scores d’efficacité entre 85 et 90%, attestant de l’universalité de ces campagnes qui touchent le public indépendamment de leur âge ou de leur classe sociale.

Sam et la sécurité routière, une nouvelle stratégie de communication au virage ?

Avec sa dernière publicité, La Sécurité Routière modernise en tout point sa communication et se détache de l’universalité générationnelle de ses actions. En effet, le spot publicitaire reprend les codes des clips musicaux actuels. On y voit des jeunes de milieux sociaux très variés, représentés dans leur cadre nocturne festif. Un fil rouge instaure une cohérence : Sam, l’ami bien intentionné est représenté sous tous ses aspects, en se détachant totalement de l’aspect moralisateur des campagnes précédentes.

On s’aperçoit aussi que l’association tient à prendre à parti chaque jeune qui le visionne, en s’adressant à lui directement avec la répétition du « toi » tout au long du clip. Cette campagne offre un rafraichissement à l’image de la communication publique actuelle, jusqu’au choix de la bande sonore, qui nous vient du duo parisien électro Scratch Massive.

Finalement, la sécurité routière entame un nouveau virage vers une modernisation de son identité de marque, semblable aux campagnes mondiales de grandes compagnies comme Uber. On retrouve ainsi l’utilisation du storytelling, et le maintient une logique très novatrice de recherche de « l’authenticité parfaite » dans la représentation de la vie festive des nouvelles générations, à l’image de la campagne publicitaire Meetic « Love your imperfections » ou Mc Donald « Venez comme vous êtes », dans le but de toucher également la communauté des Millénials.

Cette publicité surfe également sur un concept très contemporain décrit par Anne Boussarie, directrice générale France de Getty Images, qu’on appelle le « voisinage planétaire », qui consiste à ne pas utiliser de lieux identifiables, les individus étant de nos jours moins liés à l’endroit ou ils vivent. Ce choix permet une identification par tous dans la lignée de l’évolution de notre société qui prône une ouverture sur le monde ; faisant de l’association une entité au carrefour des destinations.

La Sécurité Routière réussit donc avec cette campagne à moderniser son image, tout en conservant son aspect universel qui la caractérise. On se retrouve donc avec une publicité dynamique et innovatrice, qui fait le pari rafraichissant de compter sur la nature altruiste de l’homme, qui a envie de respecter l’autre et nous fait oublier que l’association se cantonne à un rayonnement national.

Elise Batifort

Sources: 

Sécurité Routière – nouvelle campagne choc, Challenges.fr, le 28/04/2003

Sécurité routière en France, Wikipédia

La Sécurité Routière modernise avec brio son SAM, La Réclame, le 14/12/2017

Prévention routière : un peu de douceur pour en finir avec les clips trash, Le Figaro, le 16/10/2014

Publicité : le choc c’est le chic, Libération, le 09/06/2017

Sécurite-routiere.gouv

QUELLES SERONT LES TENDANCES EN COMMUNICATION POUR 2017, My communication manager

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