Médias

(1) Nouveau message de Dieu

Non, ceci n’est pas une énième intervention des témoins de Jéhovah,  je ne chercherai pas à influencer un quelconque point de vue religieux, j’ai bien trop peur de toute représaille miraculeuse. Mais parce qu’aujourd’hui religion rime avec communication, il semble que la modernité technologique touche directement la foi. Nos réseaux de partage se présentent alors comme un outil éminemment pertinent dans une logique de mise en relation, d’échanges et même d’évangélisation. Mais est-ce toujours en accord avec l’éthique inculquée par la morale religieuse souvent basée sur la discrétion ? Tour d’horizon des cieux 2.0.
I believe i can tweete
Sœur Nathalie Becquart, spécialiste des réseaux sociaux pour l’Eglise de France, affirme que ce serait dans la nature de la religion catholique de communiquer, Dieu étant trinitaire donc communication en Lui-même. Les versets courts de la Bible, sont parfaitement appropriées et adaptables aux modalités d’expression propre à Twitter.
Hervé Giraud, 54 ans, décrit son métier d’évêque comme le fait « d’annoncer l’Evangile et de le commenter ».  Très actif sur le réseau social, ses « tweet-homélies » nourrissent ses 1091 fidèles followers. « Autrefois, on était sur la place publique, aujourd’hui il faut habiter l’arène numérique », explique Monseigneur Giraud. « L’idée est de semer une goutte spirituelle sur les réseaux sociaux, en proposant une pensée incisive, incitative mais pas impérative. »
Le débat fut le même pour le media prédécesseur d’internet, la télévision. Si regarder la messe par retransmission télévisuelle était d’abord destiné aux personnes invalides et malades, aujourd’hui cela touche bon nombre de croyants . A ce sujet, le pape Benoît XVI était clair : “… celui qui assiste à ces retransmissions doit savoir que, dans des conditions normales, il ne satisfait pas au précepte dominical. En effet, le langage de l’image représente la réalité, mais il ne la reproduit pas en elle-même. » (cf. Exhortation post-synodale sur l’Eucharistie, 2007).
Si Benoit XVI pouvait apparaître quelque peu archaïque dans sa réticence au monde 2.0, il n’en est pas de même pour le dit évolutionniste François. Quand Benoît XVI prônait le silence et le recueillement pour une communication réussie, le nouveau pape accueille avec bienveillance ses alliés Facebook et Twitter qui participent amplement à sa popularité actuelle. François, de son nom twittos @pontifex, s’adonne donc à l’apprentissage de ces nouveaux langages dans une perspective d’innovation. Oubliez Pôle Emploi et postulez au poste de Community Manager pour le Vatican, il paraît que ce domaine est en pleine expansion.

St Facebook, priez pour nous
Les réseaux sociaux sont donc le fer de lance de la Nouvelle Evangélisation. Ils permettent aux croyants de se réunir, de s’exprimer et de se confier sans contrainte.
L’avenir est aux réseaux sociaux dans leur dimension communautaire, d’ou la multiplicité de groupes Facebook pour des événements comme les Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) qui réunissent à ce jour plus de 120 000 membres. Les réseaux sociaux s’affichent aussi comme le support idéal pour partager des causes qui tiennent à cœur, le sort des Chrétiens d’Orient par exemple, en mettant en photo de profil le symbole du noun par solidarité chrétienne.

 

Tout comme le fameux #PrayforParis avait suivi la mise en place d’une photo de profil aux couleurs du drapeau français. A ce propos nous avons interrogé Domitille, jeune croyante catholique connectée :  « Evidemment, on est sur des groupes de prières, c’est un peu le mode 2.0 pour se retrouver, et oui on participe à des événements via Facebook (messe des Etudiants à Notre-Dame de Paris, JMJ, messe en l’honneur de quelqu’un en particulier, etc), cela permet de lier l’utile à l’agréable. On peut également suivre des blogueurs cathos (du type Koz Toujours, Padreblog) qui ont souvent des pages Facebook, ou des assos religieuses. Les cathos sont des jeunes comme les autres, et donc utilisent les réseaux sociaux comme les autres. Le monde se modernise, et la religion s’adapte du coup ».

Catho Style par Spi0n
 
 
Dieu débarque également dans votre AppStore, avec notamment cette toute dernière application Hozana. Comment ça, vous ne connaissez pas ? Cette application chrétienne se donne pour vocation d’utiliser le web comme un réseau de prières.

 
 
Une autre application se distingue sur le web : Praywithme.com qui permet de donner des prières et d’en recevoir à travers le monde entier. 

 
On pourrait également évoquer concernant la religion musulmane, les divers groupes de soutien pour le Ramadan. Car si les savants religieux préfèrent les canaux de communication traditionnels, les mises en réseaux de musulmans sont multiples. Tout comme le catholicisme, l’islam s’est d’ailleurs clairement développée avec les réseaux sociaux, elle incarne d’ailleurs d’autant plus l’avant-gardisme de la pratique de la foi concernant l’utilisation d’internet. A cet effet, UmmaUnited, le réseau social premium du monde musulman se présente comme « une fenêtre ouverte sur l’universalité fraternelle », selon Zouhair Amri son cofondateur. On y trouve aussi bien des groupes de travail, de discussions en ligne, que des vidéos de recherche d’emplois, de logements mais aussi… des plateformes pour trouver l’âme sœur ! Ce qui distingue ce réseau de Facebook ou Twitter est son caractère confidentiel : les écrits et photos sont garantis non visibles sur les moteurs de recherche. Cette discrétion plaît aux musulmans connectés car elle est en accord avec le principe de réserve de l’éthique religieuse musulmane.
Au final, il semblerait que les réseaux sociaux représentent tout de même des outils de l’immédiateté tandis que la religion au contraire prône la prise de temps, la maturation.
Pourtant selon Sœur Nathalie Becquart, un phénomène contraire aux préjugés est à observer : plus on utilise ces outils, plus les gens sentent qu’il faut remettre de l’incarnation. La visée de ces contacts virtuels reste donc la rencontre en direct en amont ou en aval. On te laisse le temps de méditer tout cela. En attendant, lève toi et tweete.
Ségolène Montcel
Sources :
Geneviève Delrue. « Les religions et les réseaux sociaux », in RFI, mis en ligne le 16/12/12  
Stéphanie Le Bars. « Les tweets-homélies de Mgr Giraud, évêque de Soisson », in LeMonde, mis en ligne le 23/12/11 
Pray with me
« L’appli Hozana – Coming soon, prie avec tes amis ! »
 
Crédits images : 
http://ethique-tic.fr/2013/habemustweetum/index.html
https://www.bakchich.info/international/2013/06/07/arabie-saoudite-twitter-c-est-perdre-son-ame-62497
Spiritualité 2.0 : les médias sociaux une nouvelle religion? Mange-réseaute-aime!

je suis passé chez sosh
Société

« Je suis passé chez Sosh » : quand la communauté fait vendre

 
C’est un bien étrange casting que l’opérateur de téléphonie mobile met en scène dans sa nouvelle campagne, lancée il y a quelques semaines. En effet, on peut y voir (ou y entendre, la publicité se déclinant également à la radio) des clients de la marque tenter vainement d’articuler le virelangue « je suis passé chez Sosh », entre deux éclats de rire. Les petites scènettes s’enchainent, mettant en avant des clients de tous âges, de toutes nationalités et de tous sexes. Les participants croient participer à un vrai casting, et se retrouvent mis en difficulté au moment de prononcer cette phrase. Tout cela donne des scènes que les réalisateurs affirment « spontanées » et « naturelles ». Cette publicité, qui ressemble finalement plutôt à un bêtisier invitant le spectateur à rire avec les protagonistes, se termine d’ailleurs par un jeu de mots percutant : « Passer chez Sosh, c’est plus facile à faire qu’à dire ».

 
Au-delà de l’aspect comique et engageant de cette publicité, on peut analyser la volonté affichée de Sosh de mettre en avant sa communauté, et de la consolider en donnant envie de la rejoindre à ceux qui n’en font pas encore partie. En effet, tous les figurants sont également clients chez Sosh dans la réalité : le simple fait qu’ils aient accepté de se prêter au jeu (et avec bonne humeur s’il vous plait) est déjà un argument pour l’opérateur, qui prouve ainsi à quel point ses clients sont satisfaits et au-delà, investis dans la marque. Car le but ici, c’est bien de montrer qu’en s’engageant chez Sosh, il ne s’agit plus seulement de signer un contrat par téléphones interposés avec un opérateur dont on ne connait que le nom, et de craindre d’avoir affaire aux longues minutes d’attente d’un service après-vente déshumanisé. Ce que promet l’opérateur au client qui fait la démarche de le rejoindre, c’est de l’accueillir, presque de l’accepter au sein de cette grande communauté solidaire et joyeuse qu’il met en scène dans cette campagne. La phrase «Il y a plein de bonnes raisons de passer chez Sosh, et c’est vous qui le dites » est d’ailleurs une parfaite illustration de la stratégie mise en œuvre: la marque n’a même plus à vanter ses mérites, puisque les clients le font eux-mêmes. Dans un marché ultra concurrentiel, Sosh a donc décidé de se démarquer, en ne jouant plus sur les prix, mais sur la communauté.

Car Sosh, c’est avant tout la réponse de l’opérateur historique Orange à l’attaque du challenger Free Mobile. En proposant des prix défiant toute concurrence, celui que l’on qualifie souvent de « quatrième opérateur » a ainsi tout misé dès le départ sur l’argumentaire du prix. Et avec quelques années de recul, il semble possible d’affirmer sans trop s’avancer que Free reste imbattable dans ce domaine, malgré les efforts des autres opérateurs pour s’aligner. Il fallait donc trouver une autre manière d’attirer des clients, et Sosh a choisi le fun, le décalé, bref, de se présenter comme une marque accessible et « amie » des consommateurs. La charte graphique utilisée en est déjà un indice, avec des couleurs pétillantes et des caractères ronds et épais. Les anciennes campagnes avaient déjà posé les jalons de cette stratégie communicationnelle : on peut penser notamment au « social rush », une initiative de Sosh mêlant téléréalité et médias. Les internautes étaient invités à voter pour leur candidat préféré sur les réseaux sociaux, et à la fin de la campagne, un prime time avait été organisé (en partenariat avec Direct Star) au cours duquel les candidats sélectionnés par les votants devaient réaliser des défis. Tout cela a permis à la marque de se constituer une véritable communauté, qu’elle met désormais clairement en avant comme un argument de vente.

Tous les ingrédients étaient donc réunis pour lancer une campagne comme celle que nous analysons ici. Mélangeant subtilement une pointe de storytelling (elle s’inspirerait d’une private joke qui se serait diffusée dans les bureaux de Sosh) à un peu de la tendance des vidéos sur internet (avec un making of dans lequel les réalisateurs du spot avouent eux-mêmes avoir eu du mal à prononcer cette phrase, tout en échangeant des blagues complices avec les participants), elle utilise tous les procédés efficaces pour construire une véritable symbolique autour de Sosh. On notera d’ailleurs que l’opérateur a un onglet spécial « communauté » sur son site internet, en plus du traditionnel espace client. Chaque abonné peut ainsi se créer un « profil communautaire » qui lui permettra d’interagir avec les autres clients, du simple conseil à la discussion plus personnelle. A l’ère des réseaux sociaux et de l’émergence des communautés dans tous les domaines, Sosh ancre donc sa stratégie de communication dans une tendance plus qu’actuelle. Des questions demeurent cependant: entre les promesses d’une campagne de publicité et la réalité de la complicité entre un individu et une marque, quelle distance demeure ? Et surtout, en intégrant les sentiments dans la relation vendeurs/clients, le risque n’est-il pas d’altérer l’esprit critique de ces derniers ? Voilà les problématiques profondes sur lesquelles cette campagne semble nous inciter à méditer.
Sarah Revelen
Sources:
La réclame
Sosh
Il était une pub
Crédits photo :
La réclame
La réclame
Mode-digital.fr