Environnement, Société

Le véganisme: mode de vie du futur ou mode communautaire?

Le Veggie World, plus grand salon végan d’Europe, se définit lui-même comme « LA destination végan Européenne : cool, branchée, trendy – et sans souffrance animale ». Comme lui, de nombreux évènements surfent sur cette vague végane qui emporte avec elle de plus en plus d’adeptes. Véritable religion du manger respectueusement, le véganisme est partout, sur tous nos médias. Sur Instagram, le hashtag #vegan est un des hashtags les plus populaires et les plus utilisés, montrant bien à quel point le véganisme devient de plus en plus une des thématiques majeures de notre époque. Comme tout mouvement, celui-ci divise et suscite de nombreuses critiques et polémiques.

Politique

Algorithme et Big Data, pour le meilleur ou pour le pire ?

De plus en plus d’entreprises et d’hommes politiques se dirigent vers le big data – désignant l’analyse de volumes de données (data) à traiter de plus en plus considérables et présentant un fort enjeu marketing – et la géolocalisation afin d’affiner leur stratégie commerciale ou d’affûter leurs stratagèmes politiques.
En outre, les algorithmes – équations complexes programmées pour s’effectuer automatiquement à l’aide d’un ordinateur pour répondre à un problème spécifique – connues uniquement de leurs propriétaires, régissent aujourd’hui le fonctionnement de la plupart des réseaux sociaux et sites d’information. Filtrant notre information, cloisonnant les électeurs dans des cases ou influençant nos comportements d’achat, il est temps de se pencher sur l’éthique et la transparence de ces pratiques.

Société

Le Dash Button d'Amazon : une révolution ?

Il n’était déjà plus nécessaire de se déplacer pour faire ses courses grâce à Internet.
Aujourd’hui, Amazon veut faire oublier l’étape de la sélection et de la connexion sur le site
en ligne grâce au Dash Button.
La promesse de simplifier la vie des consommateurs
Amazon lance le 15 novembre son « Dash Button » en France. Ce petit bouton intelligent existe depuis 2015 aux Etats Unis. Dans sa stratégie de commercialisation, Amazon insiste sur le caractère simple et intuitif du button. Une fois collé au lave linge, à la porte du frigo ou dans la salle de bain, il suffit d’appuyer sur ce dernier pour commander et recevoir le produit désiré en 24h (sous réserve de souscrire à l’abonnement Premium payant). Le Button est relié au Wi-Fi du logement et s’allume automatiquement à chaque utilisation. En cas de commande effectuée par erreur (comme par exemple dans le cas où les enfants jouent avec le Button), il est toujours possible de l’annuler via l’application smartphone. Pour la modique somme de 4$99, Amazon se vante de simplifier la vie familiale, d’éviter le stress de l’achat à la dernière minute car le Button s’occupe de tout. Il n’est plus nécessaire de se connecter à son compte Amazon, et encore moins de se déplacer au supermarché.
La marque revendique un certain succès avec 3 achats par minute aux Etats Unis, pour 500 marques partenaires. Pour les distributeurs, le Dash Button est un moyen de rentrer sur le marché des objets connectés. Une façon d’affirmer sa modernité et son implication dans le domaine des nouvelles technologies. En prenant cette initiative, les marques accompagnent le consommateur vers l’apprivoisement de ces tous nouveaux objets. Elles créent ainsi une association dans l’esprit du consommateur entre leur marque et les nouvelles technologies. Une stratégie ingénieuse dans une période où des innovations apparaissent régulièrement et où le consommateur a besoin de repères. Le Dash Button semble, outre accroitre les bénéfices des entreprises, être un produit d’appel attractif mais aussi une façon d’imprimer leur image dans le quotidien des consommateurs.

Mais on voit rapidement apparaître quelques failles dans ce système. Des utilisateurs américains ingénieux recensent sur des sites internet les utilisations alternatives du Dash Button. On peut par exemple facilement le reprogrammer pour commander des bières, ou encore faire fonctionner sa machine à café à distance en appuyant simplement sur le Button. Amazon ne se réjouit pas de ce détournement qui le prive de bénéfices qu’il touche sur ses abonnements mais aussi certainement des accords commerciaux passés avec les distributeurs.
L’entrée d’Amazon dans le monde réel
Quoiqu’il en soit, le Dash Button rentre dans la grande famille des Objets d’Internet. L’Internet des Objets (IdO) représente l’extension d’internet aux objets du monde physique. Selon l’Union internationale des télécommunications, l’IdO est une “infrastructure mondiale pour la société de l’information, qui permet de disposer de services évolués en interconnectant des objets (physiques ou virtuels) grâce aux technologies de l’information et de la communication interopérables existantes ou en évolution ». Ce sont donc des objets qui ont leur propre identité numérique et qui sont capables de communiquer entre eux. Ils représentent une passerelle entre le monde physique et le monde virtuel d’Internet. Le Button se place dans le domaine d’application de la domotique, c’est à dire l’ensemble des technologies de l’électronique de l’information et des télécommunications utilisées dans les domiciles. On y retrouve les outils d’aide à la gestion de l’énergie, ou ceux qui assurent la sécurité du domicile.
En se reliant par lui-même à la sphère virtuelle d’internet, le Button, bien physique, semble parfaitement ancré dans l’ère d’un internet 3.0 vers laquelle notre société se tourne.

Mais on peut se demander si le Dash Button simplifie et améliore réellement la vie des consommateurs, comme Amazon s’en vante dans ses publicités. En effet, plusieurs critiques non négligeables quant à la soutenabilité et l’efficacité de son modèle peuvent être émises.
Une innovation à l’efficacité discutable
Gary Cook, de Greenpeace, déplore la déconnexion totale du Dash Button avec les politiques anti gaspillages que mettent en place les gouvernements européens. Avoir un seul Button pour chaque marque et chaque produit implique la fabrication d’une énorme quantité de produits à composante électronique. Or on connait l’impact de ces nouvelles technologies sur l’environnement, tant dans leur production qu’une une fois qu’ils sont obsolètes. Amazon répond pour sa défense qu’il compte payer le recyclage des buttons.
Le principe de la livraison n’est pas non plus un mode de consommation soutenable, comme le souligne Raz Godelnik, professeur à la Parsons School of Design de New York. Il faut imaginer que pour chaque commande ce sont de nouvelles dépenses de carburant, mais aussi un nouvel emballage en carton, lesquels s’ajoutent au bilan environnemental du produit. Un non-sens écologique quand on critique déjà les packagings souvent trop imposants des biens que nous consommons. Mais aussi quand on promeut une consommation plus responsable passant par une réduction des déchets et une consommation plus locale.
On peut également questionner les avantages fournis par le Dash Button. En effet, chaque Button étant spécifique à une marque et un produit, il réduit la consommation à une seule marque par produit. Ainsi, comment comparer les prix ? Adam Smith doit se retourner dans sa tombe ! Quid de notre homo economicus qui sélectionne le bien qu’il consomme par un minutieux calcul coût avantage ? Un consommateur averti, rationnel ne doit en effet pas acheter compulsivement sans avoir au préalable bien réfléchi sur les autres offres qui se trouvent sur le marché. Sans aller aussi loin, car il a été démontré plus tard que l’individu n’est pas aussi rationnel dans ses choix, on se rend aisément compte que ce Button ne permet pas au consommateur de faire coïncider son besoin avec son pouvoir d’achat du moment.
Finalement, le Dash Button est étonnant de contradiction : résolument moderne dans sa forme connectée, il promet de simplifier la vie de son utilisateur. Pourtant aujourd’hui tout est affaire de choix, de comparaison pour trouver le produit qui correspond le mieux à nos attentes. Les distributeurs eux-mêmes personnalisent les produits pour que chaque consommateur ait l’impression de vivre une expérience unique. Nous pouvons en constater l’essor dans le marché de l’automobile, un secteur industriel et standardisé par excellence en 2007 avec Fiat, qui avait lancé sa Fiat 500 personnalisable avec plus d’un million de combinaisons possibles entre la couleur des rétroviseurs, des pare-chocs, de
l’intérieur etc. Citroën a fait de même avec la DS3, et Mini en a fait son cheval de bataille.

Ainsi, le dash button bride le consommateur et pollue : il ressemble plus à un gadget néo-futuriste qu’une réelle innovation.
Louise Cordier

Sources :

Présentation du Dash Button par Amazon. Pas de date de publication, lu le 14/11/16
 Définition = Internet des objets. Pas d’auteur ni de date. Lu le 14/11/2016
“Amazon Dash arrive en France”, Publié le 09/11/2016 par Morgane Coquais. Lu le 12/11/2016
“26 Amazon Dash Button Hacks You Probably Didn’t Know About” Publié le 16 juin 2016, pas d’auteur. Lu le 12/11/2016
“Amazon Dash: does the world really need more little pieces of plastic?” -Friday 2 September 2016 -Senay Boztas. Lu le 12/11/2016

Crédits photo:

 Les Dash Buttons d’Amazon, photo des produits.
Domadoo, le Dash Button
Parodie critique de l’Internet of things
Publicité pour la Mini de Peugeot illustrant la personnalisation des produits

 

Gluten
Société

Gluten : pourquoi tant de haine ?

« Est ce que c’est sans-gluten? » : ou comment résumer en 6 mots, dont un composé, la tendance qui sévit dans nos assiettes depuis quelques années. Car oui, nous avons tous, dans la file d’attente d’une boulangerie, à table dans un restaurant et même en attendant notre BigMac (ressentez le vécu qui s’exprime) entendu cette question. Mais comment la mode du gluten-free a-t-elle pu se répandre au point de s’intégrer complètement dans nos quotidiens ?
Gluten, qui es-tu?
Le gluten est une des protéines contenues dans le blé. Son intolérance, prouvée scientifiquement, est appelée « maladie coéliaque » et détruit progressivement la paroi de l’intestin grêle. Cependant, il existe également une forme d’hypersensibilité au gluten, c’est-à-dire que l’on observe une amélioration de l’état de santé des individus qui stoppent ou réduisent la consommation de cette protéine, sans pour autant que ceux-ci ne soient atteints de la maladie coéliaque. Aucune preuve absolue n’a aujourd’hui été apportée à cette thèse, ce qui n’empêche pas 5 à 10% des Français de s’auto-déclarer hypersensibles.
Il y a quelques années encore, les partisans du sans-gluten étaient assez marginaux, et pourtant, à voir la multiplication des enseignes de restauration et les marques qui se targuent de proposer des produits « gluten-free », un constat s’impose : le sans gluten est devenu un argument de vente solide et aguicheur, au même titre que le bio ou le local. Bien qu’aucune étude n’ait pu démontrer de façon indubitable que réduire ou stopper notre consommation de gluten ait une incidence positive sur notre santé, il faut bien l’avouer : le sans gluten, niveau marketing, a fait ses preuves. Le nombre d’intolérants au gluten est estimé à 1% de la population Européenne et Nord-Américaine et le marché génère plus de 2 milliards de dollars par an aux Etats-Unis. Autrement dit, c’est un marché bien foisonnant pour si peu de véritables intolérants au gluten …

 
Le gluten: partout sauf dans nos assiettes
Pourtant, malgré le flou scientifique qui plane sur la question du gluten, on retrouve le label « sans gluten » dans de plus en plus d’endroits, toujours plus insolites. Qu’il s’agisse de marques célèbres comme Cheerios, qui a lancé une gamme de céréales gluten-free, ou de toutes jeunes marques spécialisées dans le sans-gluten. C’est évidemment le secteur alimentaire et les cosmétiques qui sont les plus touchés par cette tendance. Plus surprenant, on la retrouve également sur des sites de rencontre comme Glut’aime, ou encore dans the Gluten Free Campaign, un projet dont le but est de réunir assez d’argent pour pouvoir acheter une île paradisiaque (oui, oui) où le gluten n’aura pas sa place.

 
Less is more…
Pour expliquer ce succès, il faut le lier à une tendance plus générale qui est celle du « sans » : la chimiste Ni’Kita Wilson explique au magazine Pure Trend : « Nous sommes dans une ère du marketing « sans » : sans parabens, sans parfum, sans huile, et maintenant, le petit dernier de la famille, le sans gluten ». Il semble que nos produits du quotidien ne peuvent devenir sains que par un retour aux sources. Il faut donc qu’ils se débarrassent de tous ces additifs qui ont été intégrés dans l’imaginaire collectif comme néfastes. Les marques ont bien compris qu’une grande partie des consommateurs (et généralement celle qui dispose d’un plus grand pouvoir d’achat) choisit ses produits en fonction de cette nouvelle variable. La santé et le bien-être sont les nouveaux critères de sélection de notre société d’abondance occidentale.
Comment le gluten-free vous envahit
Comment toute cette histoire a-t-elle commencé ? C’est en 2011 que le docteur Peter Gibson publie une étude, affirmant l’existence d’une forme d’hypersensibilité au gluten, créant maux de ventre et autres migraines. A partir de ce moment, c’est l’engouement et on voit se multiplier les formes de régime qui excluent la méchante protéine, notamment chez les people … Gwyneth Paltrow, guru du « healthy lifestyle » n’hésite pas à partager sur les réseaux sociaux ses nouveaux choix de vie (elle crée d’ailleurs la polémique en affirmant avoir supprimé les pâtes et le pain de l’alimentation de ses enfants). Elle finit même par publier un livre de recettes sans gluten, permettant aux intolérants et hypersensibles de se régaler en prenant soin de leur santé. Et c’est surtout ce type de personnalités, avec une forte présence médiatique, qui a pu donner de l’importance à ce mouvement. Novak Djokovic (qui a d’ailleurs sorti un livre sur son régime sans gluten), Oprah Winfrey, Lady Gaga ou encore Victoria Beckham sont tous adeptes de cette tendance et n’hésitent pas à le partager … A chacun la figure people qui le convaincra peut-être de franchir le cap de l’alimentation gluten-free.

Une chose est sûre : quand bien même la tendance s’essoufflerait (notamment à cause de son prix relativement élevé), une autre prendrait sa place et le cycle merveilleux des modes et tendances de consommation continuerait… Après le sans gluten, who’s next ?
En attendant : bonus !

Sana Atmane
Sources : 

http://www.lexpress.fr/styles/saveurs/faut-il-ceder-a-la-folie-du-sans-gluten_1106427.html
http://okmagazine.com/get-scoop/gwyneth-paltrow-shares-how-going-gluten-free-changed-life-her-family/
http://www.puretrend.com/article/des-cosmetiques-sans-gluten-pour-quoi-faire_a80429/1
http://www.lsa-conso.fr/gerble-et-novak-djokovic-s-associent-autour-du-sans-gluten,170541
Vanity Fair n°26 (août 2015)

Crédits images : 

– Cheerios
– Gerblé
– Alimentation Générale

1
paywwhatyouwant PWYW
Archives

Seriez-vous prêts à payer avec le PWYW ?

 
Depuis plusieurs années on assiste à une transformation de l’attitude du consommateur. Force est de constater que ce dernier rejette de plus en plus la passivité qui lui a longtemps été attribuée. La tendance est en effet à une émancipation croissante du consommateur vis à vis des opérations de marketing en se rendant maître de ce qu’il consomme et de l’argent qu’il dépense.
Il se dessine aujourd’hui devant nous un sujet qui décide de la publicité qu’il souhaite voir sur les écrans − comme nous en avons eu l’exemple avec la marque Nespresso et le sexy George Clooney − un sujet qui décide de quand il veut regarder son programme télévisuel préféré, avec le service de TV à la demande, et même un sujet qui décide du prix qu’il souhaite dépenser pour un produit proposé.
Cette dernière évolution s’exprime dans le « pay what you want » (payez ce que vous voulez), ou le PWYW pour les plus initiés. C’est un système de prix participatif au sein duquel l’offrant n’impose plus un prix fixe pour le produit qu’il propose, mais laisse le consommateur en décider lui-même, générant ainsi une implication exclusive de ce dernier dans la chaîne de valeur.

D’où vient cette tendance ?

C’est le groupe Radiohead qui, en 2007, a initié cette tendance en proposant à ses fans de payer ce qu’ils souhaitaient pour le téléchargement de leur nouvel album « In Rainbows ». Si l’objectif affiché était de se libérer de l’emprise des maisons de disque, il n’en est pas moins vrai qu’ils ont créé le buzz et donc transformé l’évènement en une opération de marketing. En effet, si la majorité des personnes ont téléchargé l’album pour un euro seulement, 40% d’entre elles ont tout de même décidé d’y consacrer 8 euros. L’opération peut sembler ne pas avoir été profitable sur le plan commercial, pourtant presque la moitié des acheteurs ont reconnu la valeur marchande du produit alors qu’on leur laissait le choix de ne rien dépenser du tout.
Depuis, ce système a prospéré dans le monde de la musique et s’est étendu à d’autres domaines marchands tels que la restauration, l’hôtellerie, le tourisme et même la vente en ligne.
Ainsi, cet été, à Paris, cinq hôtels, dont certains étoilés, ont lancé une opération similaire sur une durée d’une vingtaine de jours. Et ça a marché ! Les clients ont dans l’ensemble joué le jeu en payant un prix avoisinant celui habituellement appliqué par les établissements.
Un modèle qui marche quand le lien social est plus fort
En revanche, en 2009, Brandalley, le célèbre site de vente de vêtements en ligne, avait proposé, sous le slogan « rendons le pouvoir d’achat aux français », plus de dix mille articles vendus au prix proposé par les cyberacheteurs eux-mêmes. Malheureusement pour le site, 85% de ces derniers n’ont payé qu’entre 1 et 2 euros, sans tenir compte du prix recommandé par le site, ce qui avait poussé l’e-commerçant à déclarer qu’il regrettait « l’instinct d’appropriation pur et simple [des consommateurs]» et que pour eux l’opération « payez- ce-que-vous-voulez [serait] la dernière ».
Le problème, dans ce cas-là, est bien que le consommateur paie « what he wants » et non « what he thinks is fair ». La nuance, si elle est mince, se doit d’être relevée. On remarque ainsi que l’opération est beaucoup plus concluante dans des domaines qui impliquent un rapport direct entre l’offrant et l’acheteur. Il semblerait que le lien social ait un impact sur l’attitude du consommateur et sur son éthique, élément indispensable à la viabilité de ce système. Le consommateur ne jouerait le jeu que lorsqu’il se trouverait en face de la personne offrante, ou, mieux encore, en face de la main créatrice qui a façonné le produit proposé (un concert, un hôtel, un repas…). L’expérience hôtelière menée à Paris cet été le prouve.

Le PWYW, un idéal ? …
Le PWYW serait-il un système idéal qui révolutionnerait la relation existant entre le consommateur, le produit et l’offrant ? Au vu des expériences citées précédemment, ne devrait-on pas doubler le PWYW d’une action d’éducation du consommateur à la valeur marchande des produits qu’on lui propose pour que ce système soit viable ? Ou devrait-on plutôt le transformer en un système où chacun paie ce qu’il peut payer, et non plus ce qu’il veut payer ? Dans ce dernier cas de figure, l’avancée vers l’autonomisation du consommateur en serait atténuée. En effet ce dernier y perdrait son pouvoir de décision puisque l’effort consenti dépendrait de ses moyens financiers et non plus d’une volonté personnelle.
… Ou une réalité beaucoup plus terre à terre ?
Cependant il faut bien l’admettre, plus qu’un idéal, l’idée du PWYW est une utopie. Ce système est proposé par les offrants non pas avec l’intention de le maintenir durablement, mais plutôt dans l’optique de fidéliser le client par des opérations ponctuelles et accrocheuses.

Ainsi, la société Brandalley qui avait pourtant annoncé ne plus vouloir reconduire l’opération a, contre toute attente, décidé de la renouveler les 13,14, 15 et 16 novembre prochains, mais en fixant cette fois un prix minimum d’achat et un nombre maximum de produits achetés. Si en 2009, l’opération n’a pas été rentable sur le plan financier, elle l’a bien été sur le plan du marketing : le site a pu accueillir 10.000 nouveaux adhérents et donc 10.000 nouvelles cibles publicitaires. Cette opération marketing n’est pourtant pas assumée publiquement puisque dans ses déclarations le e-commerçant assurait « vouloir avant tout faire plaisir à ses clients ».
En effet, plus qu’une nouvelle façon de consommer, le PWYW est une nouvelle façon de concevoir une action de marketing : le consommateur se laisse attirer par des manœuvres accrocheuses qui ont pour seul but de fidéliser les clients ou d’en attirer de nouveau. Ce système serait alors la version moderne de la carte de fidélité.
 
Valentine Cuzin
 
Sources :
influencia.net
lesechos.fr
ladepeche.fr
Crédits photos :
spinnakr.com
eil.com
lesbonsplansdenaima.fr

Archives

L'explosion du service à domicile : la consommation à portée de souris

 
Consommer à distance aujourd’hui n’a jamais été aussi facile, et tout porte à croire que le phénomène ne va cesser de s’amplifier. En effet, nous assistons depuis quelques années à un véritable combat opposant les plus grands groupes d’e-commerce, et le vainqueur sera le premier à atteindre votre palier.
Uber, application dédiée au service de transport avec voitures de luxe, vient d’ailleurs d’investir près de 1.4 milliard de dollars pour se lancer dans un projet de livraison à domicile de produits d’épicerie générale, qui seront livrés chez le client en moins d’une heure chrono. Pendant ce temps, Amazon effectue des recherches sur le développement d’un système de livraison par drone, qui permettrait à ses clients de recevoir leurs petites commandes (jusqu’à 2,26 kilos) entre 30 et 90 minutes après avoir cliqué sur « valider ».

Si l’on regarde en arrière, on peut constater que la livraison à domicile de produits alimentaires a été relancée au milieu des années 90, et que son développement n’a cessé de s’intensifier avec l’explosion d’Internet et des nouvelles technologies. Les commerçants ont ainsi saisi l’énorme opportunité que leur offraient le net et la généralisation des smartphones, dont les logiques d’instantanéité et d’immédiateté se prêtaient parfaitement au lancement de services de vente à distance. Désormais, un clic sur l’écran de son smartphone suffit pour recevoir des services et produits toujours plus innovants, tout en vivant une expérience originale.
Une offre qui explose, un choix pléthorique : « on vous livre quoi aujourd’hui » ?
Recevoir à domicile un barman professionnel qui animera nos soirées et préparera nos cocktails, découvrir nos courses sur le pas de notre porte en pleine nuit alors que tous les magasins sont fermés, ou encore nous faire livrer nos plats favoris, préparés dans un restaurant bondé et inaccessible physiquement : tout cela est désormais possible. Nous assistons chaque semaine à la naissance de nouveaux sites qui ne cessent d’élargir la palette de produits et services disponibles en livraison à domicile. Pensons à toktoktok.com, plateforme permettant de faire appel à des coursiers qui se rendent dans les boutiques indiquées par les clients et leur apportent les produits désirés, ou encore à getcleanio.com, un service de pressing en 24 heures. Si la livraison est longtemps restée une affaire de spécialistes, réservée à des domaines spécifiques comme l’alimentaire, il semble aujourd’hui que tous les domaines et tous les distributeurs l’aient adoptée : du pressing à la librairie, il vous est désormais possible de tout obtenir en ligne, sans quitter votre canapé.
Et ce ne sont pas seulement les livraisons des produits ou de services qui existaient avant internet qui poursuivent leur développement : nous assistons à l’apparition de services totalement nouveaux, qui misent sur cette tendance du tout à domicile. Ainsi, Book-a-friend vous permet désormais de « louer » un ami pour la soirée : il suffit de remplir un questionnaire permettant de cibler vos attentes pour que, quelques heures plus tard, la sonnette retentisse, avec derrière la porte un ami d’un soir supposé correspondre à votre profil. Ce ne sont plus uniquement nos courses de la semaine que vise à faciliter le service à domicile, mais bien tous les pans de notre vie. On voit bien apparaître ici les limites de l’expérience : sommes-nous prêts à tout commander à distance, et à mettre dans le même panier (d’achat) nos amis et nos carottes ? Rien n’est moins sûr…
La livraison à domicile : bien plus qu’un simple service pratique, une expérience à part entière.
Ce qui se dégage de tous ces exemples, c’est la nécessité pour les entreprises d’être originales afin de se démarquer, devant l’offre pléthorique qui caractérise le monde du service et de la livraison à domicile aujourd’hui. Quand Serge Alleyne, fondateur et CEO de TokTokTok, explique que « le client est roi », on se rappelle combien les souverains aimaient être divertis et constamment étonnés : il en va de même pour les clients de ces services, qui recherchent désormais des expériences toujours plus originales et hors du commun. Il ne s’agit plus simplement de faciliter la vie du consommateur, mais de lui proposer quelque chose d’inoubliable, qu’il pourra raconter à ses amis et partager sur les réseaux sociaux. Des initiatives de plus en plus ambitieuses voient ainsi le jour, telle que la possibilité pour le client de TokTokTok de se faire livrer par le célèbre sportif Taïg Khris (Triple champion du monde de roller sur rampe, qui a participé à de nombreuses émissions télévisées) : plus le consommateur commande sur le site, plus il aura des chances de se faire livrer par cette personnalité.

Plus qu’une simple innovation en termes de produits et de services proposés à la livraison, on observe donc un réel renouvellement de la livraison à domicile. L’expertise numérique réactualise ces pratiques en leur redonnant toute leur pertinence, dans un monde caractérisé par la rapidité des échanges.
Que ce soit par manque de motivation, de temps, ou tout simplement pour s’essayer à de nouvelles pratiques, chacun peut désormais trouver son bonheur sur les sites de service en ligne, quitte à mettre de côté l’aspect relationnel et humain de la vente directe, au profit d’un commerce dématérialisé et toujours plus ludique.
 
Sarah Revelen
 
Sources :
Article de Stylist (septembre 2014) par Raphaelle El-krief
pro.clubic.com
frenchweb.fr
toute-la-franchise.com
Crédits photos :
lejdd.fr
pcworld.com
01net.com

Mauboussin
Société

Un Noël de luxe (pour tous) !

 
Des campagnes de publicité affichant le prix, des partenariats avec des marques de grande distribution bon marchés, le lancement de gammes accessibles… Le luxe et son élitisme traditionnel serait-il aujourd’hui paradoxalement à la portée de tous ?
Rappelons d’abord que le luxe n’a cessé de se rapprocher du plus grand nombre : dans les années 1970 avec le passage au prêt-à-porter et aux accessoires, puis dans les années 1980/1990 avec la démocratisation du luxe et la recherche de cibles plus larges et diversifiées. Aujourd’hui, c’est autant de guests designer pour H&M que de magasins Zara. Stella McCartney, Lanvin, Versace, Marni, Jimmy Choo, Maison Martin Margiela et plus récemment Isabelle Marant, y sont passés, rendant leurs produits accessibles au consommateur moyen. Si les avantages pour la marque ne se comptent bien évidemment pas en termes de chiffre d’affaire, ce genre de partenariat permet un gain en termes d’image de marque et de notoriété, sous le thème du « accessible à tous » démocratique et tendance.

Cependant, un luxe accessible n’est-il pas justement impossible, le luxe étant par définition rare et réservé à une sorte d’élite économique ? Même si la qualité et la marque demeurent, le luxe se base encore sur des prix élevés et la promesse d’une certaine singularité du produit à l’inverse des fabrications en série. C’est le standing du « pas comme tout le monde » et de la série limitée qui attire tant dans une société de plus en plus uniformisée aux membres en quête d’affirmation individuelle. En outre, dans cette démocratisation du luxe, l’autre prise de risque des marques semble se situer au niveau de ces consommateurs de la première heure : ces classes supérieures vebleniennes à la consommation ostentatoire visant la différenciation par rapport au « reste » de la société. Quels pourraient alors être les arguments faisant pencher la balance vers un tel choix marketing ?
L’idée d’un luxe investi dans une cause sociale, celle égalitaire démocratique, ne colle pas. Le luxe a depuis longtemps fait le choix marketing du haut de gamme et surtout du haut revenu. Cette tendance d’accessibilité, même ponctuelle et éphémère, doit se comprendre autrement. La réalité est telle que ces collections capsules citées précédemment permettent davantage de donner envie au consommateur lambda d’avoir plus, de lui mettre « l’eau à la bouche » afin d’orienter ses futurs choix de consommation vers une « grande » marque, quitte à ce que l’achat du produit de luxe se fasse au détriment d’autres consommations. C’est le choix classique du « quantitativement moins  pour du qualitativement mieux ». C’est également un moyen de faire découvrir une marque par des prix d’entrée accessibles pour ensuite attirer le consommateur vers des produits plus chers. « Il faut au luxe une entrée de gamme et un haut de gamme… C’est de la « tension » entre les deux que naît le désir. » écrit Michel Gutsatz. Que cette entrée se fasse via un partenariat avec H&M pour Jimmy Choo ou la mise en vente de bagues Mauboussin en série limitée à 500€ l’unité, elle passe par un payement facilité. « La modernité du luxe, c’est le partage. » écrivait en 2010 Alain Némarq, président de la célèbre marque de joaillerie de la Place Vendôme.

C’est qu’en terme de luxe accessible, Mauboussin domine : que ce soit en vitrine ou sur ses affiches publicitaires, le prix est toujours renseigné, et ce depuis 2004. Cette pratique de mass-market, renforcée par des lieux privilégiés de diffusion de masse, à savoir le métro parisien et plus récemment la radio RTL, permet ainsi d’éviter au client d’avoir à subir le moment délicat de la demande et de l’annonce du prix, surtout si celui est au-dessus de ses moyens. Si cette pratique demeure très contestée, autant par les professionnels que par les consommateurs (qui aurait envie d’offrir une bague dont tout le monde connaît le prix ?), une autre stratégie d’accessibilité envahit aujourd’hui le marché du luxe pour attirer de nouveaux clients moins fortunés : celle du fameux « payable en x fois sans frais ». Chez le joaillier Mauboussin, on peut ainsi se payer une bague à 2 000 euros en 12 fois sans frais. Chez Porsche, on peut repartir au volant d’un bolide avec un crédit spécial « sans engagement ». Et la dernière tendance c’est la montre pour homme à 8 000 euros en crédit-bail.
Autant de pratiques destinées à agrandir le marché des enseignes du luxe en cette période de crise économique. Car si les riches ne suffisent plus à remplir les objectifs de chiffre d’affaire, les classes moyennes (supérieures), elles, n’y manquent pas. Tout le monde semble alors y trouver son compte. La question reste cependant la même : se rendre accessible à un plus grand nombre ne va-t-il pas à l’encontre même de la définition du mot luxe ? Comme le rappelle Michel Gutsatz l’étymologie du mot vient de « luxus » signifiant « qui ne pousse pas droit », « déviant ». Le luxe renverrait alors à un comportement du consommateur qui ne consommerait pas comme tout le monde, qui dévierait de la norme du plus grand nombre…
Eugénie Mentré
Sources :
Michelgutsatz.typepad.com
Webandluxe.com
Influencia.net
M6.fr

protestation contre les tests sur les animaux
Archives, Environnement

Jacques a dit : vert-ueux ?

 
Le phénomène est loin d’être nouveau : depuis que certains consommateurs se sont rendus compte qu’ils n’avaient aucune idée de ce qui pouvait bien se cacher derrière la liste des composants inscrite sur le papier d’emballage, un besoin de transparence a vu le jour. Madame veut savoir ce qu’il y a dans son beurre pour le corps, Monsieur exige la traduction de mots obscurs comme « anthocyanes », « tartrazine » ou « sulfure de sélénium. »
Les différentes marques l’ont vite et bien compris. Loin de cantonner l’envie du bio à la population bobo parisienne, de nombreuses entreprises ont au contraire décidé d’alimenter la tendance et d’en profiter pour viser cette toute nouvelle population. Au point d’en faire un peu trop ?
Si la publicité éco-friendly a rapidement envahi les médias, il existe des marques qui, dès le début, ont choisi de jouer la carte de la transparence. Ainsi, Lush propose ses cosmétiques végétariens et « testés sur les Anglais » depuis 1994. Des noms d’ingrédients intelligibles pour tout être normalement constitué, une possibilité pour les clients de gagner un masque en ramenant cinq pots pour qu’ils soient recyclés, utilisation de la carte de l’humour so British jusque dans le nom des crèmes et des shampoings (Jasmine hair’oïne, Hot en couleur, Mieli mielo ou encore Les fleurs du mâle)… Tous les ingrédients sont réunis pour faire du bio hype et rigolo.
Cependant, Lush est aussi l’illustration d’une surenchère communicationnelle, ce qui lui vaut parfois un retour de bâton de la part des consommateurs, en témoigne la promotion de leur engagement pour la cause des animaux, qui donnerait presque à la marque l’image de filiale de la SPA. Par exemple, Lush s’oppose brutalement au gavage des oiseaux sur son site officiel ou lors de mises en scène dans certains magasins.

Il en va de même pour la dénonciation de la cruauté des tests sur les animaux, lorsqu’est exposée en vitrine une comédienne subissant les mêmes traitements. Autant de situations qui peuvent parfois choquer les clients et ne pas avoir les conséquences escomptées. Il en résulte une surenchère qui peut, à terme, lasser les clients vaguement adeptes du principe.

Le premier biais que rencontre l’éco-friendly dans la publicité actuelle découlerait alors de cette volonté des marques d’en faire toujours plus. Cela se vérifie d’autant mieux que la majorité des entreprises en question a décidé de surfer sur la vague de la com’ verte sans que leurs produits aient un quelconque rapport au bio.
Devant l’engouement pour les produits green, beaucoup d’annonceurs n’ont eu d’autre choix que de prendre ce tournant, ou du moins faire semblant. Est apparu alors un nouveau phénomène, celui de « greenwashing » (traduisez « écoblanchiment »). Le concept est assez basique : prenez un bien de consommation qui n’a pas la moindre qualité écologique apparente et faites en sorte qu’il apparaisse au contraire comme le dernier-né tout beau tout bio.
Si le consommateur est fatigué de voir du vert partout, c’est bien parce qu’il s’agit d’une véritable tendance actuelle : l’air du temps est au sauvetage des arbres et des bébés phoques. Les marques cherchent à verdir leur image.
L’OIP (l’Observatoire Indépendant de la Publicité) donne d’ailleurs un classement des pires campagnes en termes de greenwashing, aux rangs duquel figurent Le Chat, Mercedes, Audi ou encore Herta. L’OIP analyse les différents procédés auxquels a recours  la publicité : certains mots induisant le consommateur en erreur, la composition graphique, l’absence de preuves ou simplement l’exagération de la composante verte du produit.  La possibilité est également donnée aux internautes de voter ou bien même de créer leur propre publicité mensongère sur le site.
Entre une surabondance de bonne volonté – qui entraine parfois un ras-le-bol des consommateurs – et la mise en avant parfois illégitime de produits loin d’avoir l’étiquette bio, il semblerait possible que le verdure… pas tant que ça.
Annabelle Fain
Sources
Stratégies
MPJ2009
Observatoiredelapublicité
Dailymail
Lush
Crédits photos
Dailymail
Lush
Animaux

Société

L'affaire Virgin

 
Les faits
La catastrophe avait pourtant été annoncée. Le 7 janvier 2012, la direction de Virgin réunit un comité exceptionnel d’entreprise. Ca y est, l’entreprise est en cessation de payement. Et les choses ont continué. Personne ne semblait remarquer l’absence de ces vitrines, au Louvre ou sur les Champs. Une grève des employés avait bien eu lieu, dès décembre, suite à la résiliation du bail du magasin phare de l’enseigne sur la grande avenue parisienne, mais en vain. Virgin devrait subir la valse des repreneurs et propositions, comme une entreprise traditionnelle. Pourtant, l’entreprise a bien connu son heure de gloire, même si les profits n’étaient plus au rendez vous (« plus que » 286 millions d’euros en 2011). Lors de son ouverture il y a quinze ans sur les Champs Elysées, Virgin était déjà décrit comme « le plus grand magasin de musique du monde ». Mais on en aurait presque oublié ce paradis tombé en ruine… Jusqu’à cette semaine, qui signèrent les derniers soubresauts d’une lente agonie.
Le 13 mai à minuit, l’enseigne qui cherche à rentabiliser le peu de temps qui lui reste à vivre, et pensant attirer par cette opération d’avantage de repreneurs décide d’organiser une grande braderie. Jusqu’à -50% sur tout le magasin, et -20% supplémentaire pour les détenteurs de sa carte de fidélité. La suite se passe de commentaires :
.
Virgin, cadavre exhalant, est maintenant surmédiatisé. L’article de Rue89 met en lumière les nombreuses violences de cette journée de folie : magasin pillé, modèles d’exposition arrachés, vitrines détruites… Mais surtout, l’effet sur les salariés, traités comme de vulgaires coursiers. L’enseigne a du fermer ses portes a 19h pour filtrer l’intégralité des clients restant, et les employés n’ont vraiment terminé leur journée qu’à 22h.

Le bilan ? Une offre vite retirée, et une agonie qui n’en finit plus. En effet, le lendemain de la vente, le potentiel principal repreneur de la marque, Rougier et Plé, a retiré son offre. Cette dernière concernait notamment la survie du principal magasin parisien. Et aucun autre repreneur ne s’est fait connaître à ce jour.
A qui profite le crime ?
Il est relativement simple d’expliquer cette descente aux enfers de Virgin. « Le plus grand magasin de musique du monde » existe toujours, mais dans nos ordinateurs. L’iTunes Store a explosé, là où la marque écarlate a peiné à prendre le virage, préférant se spécialiser, sur la téléphonie mobile par exemple.
Mais bien plus que le simple prix des loyers de ses magasins pointé du doigt par la direction, il y a un grand coupable. Son nom est sur toutes les lèvres : Amazon. En effet le géant américain propose des prix défiant toute concurrence, et pour cause : grâce à de l’optimisation fiscale et diverses astuces, le groupe ne paye que de modiques sommes d’impôts à des pays où il emploie pourtant des centaines de personne et possède plusieurs grosses infrastructures. Et cela commence à irriter. En Angleterre, la marque au sourire a décidé de rendre publique son imposition. Et celle-ci fait réagir : Amazon a payé 2,4 millions de livres (2,8 millions d’euros) d’impôt sur les sociétés l’an dernier alors que le chiffre d’affaires de sa filiale britannique s’est élevé à 320 millions de livres. Il semble alors impossible pour des groupes comme Virgin de rester compétitif en face de telles marques, omniprésentes en ligne.
Qui est le suivant ?
Virgin n’est pas seul. Une autre enseigne vacille et pourrait bien connaître le même sort. La FNAC est elle aussi en danger. Depuis 2007, le groupe multiplie les plans sociaux, et ses bénéfices continuent à chuter. Au total, plus de 1500 salariés ont déjà été reclassés ou licenciés. Depuis 2009 une épée de Damoclès plane sur le groupe. Son propriétaire, François-Henri Pinault a annoncé son intention de vendre le groupe au Wall Street Journal. Malgré de nombreuses offres et une présence importante en ligne, la FNAC n’arrive pas à endiguer la saignée de ses clients vers l’eldorado Amazon. La bataille pour la survie des enseignes de distribution culturelle n’est donc pas finie. Elle ne fait que commencer.
 
Clément Francfort

Société

Amicalement pas vôtre

 
En période d’évolution et de changement, il est intéressant de constater des comportements qui se cristallisent, voire qui se radicalisent : le modèle économique des grandes majors de la musique, des grandes maisons d’édition est en pleine mutation, si bien qu’elles se montrent de plus en plus intraitables dans la défense de leur propriété. De même, les partisans du libre et du partage gratuit radicalisent leurs actions en même temps que leur raison d’être tend à se faire moins évidente.
 
Pour le meilleur ou pour le pire ?
Dans le cas du livre, le succès insolent d’Amazon, notamment aux États-Unis, ne le dément pas : il ne vous est plus permis de posséder, on vous concède une licence d’utilisation sur un bien dont vous n’êtes plus le propriétaire. Le livre que vous achetez ne peut être revendu, transmis, échangé ou prêté. Il est la propriété d’Amazon. La musique tend à suivre le même chemin, après l’interdiction des DRM (verrous numériques limitant l’usage) avec des services comme Deezer ou Spotify qui proposent des abonnements. De même, le jeu vidéo, qui bénéficiait d’un marché de l’occasion important, s’en trouve privé puisqu’il est de plus en plus téléchargé et non acheté sur des supports physiques, ce qui rend dès lors impossible la revente, le prêt, la transmission…
Fini donc le temps où vous récupériez les livres ou la musique de vos parents.
Mais cette évolution est à l’œuvre partout : le vélo en libre service, la voiture en libre service, l’abonnement annuel à des logiciels comme la suite Office, l’abonnement aux éditions en ligne des médias d’information plutôt que l’achat au numéro…
 
Du propriétaire à l’usager
Tout cela participe de ce que l’on appelle l’économie de la fonctionnalité : on cherche à monétiser un usage et non plus une propriété. Ce système permet beaucoup de choses, parce qu’il facilite par exemple l’évolution du bien dont vous achetez l’usage ; vous n’êtes plus tenu d’acheter à chaque fois le nouveau produit pour bénéficier de nouvelles fonctionnalités. De même, il y a l’idée que vous payez pour ce que vous utilisez plutôt que d’acquérir un surplus inutile. Un bel exemple de cette évolution est le ChromeBook de Google, un ordinateur, couplé à son OS (Operating System ou Système d’exploitation, logiciel qui gère la partie matérielle d’un ordinateur et permet l’interaction avec l’utilisateur : Windows, MacOs ou Linux sont des systèmes d’exploitations) : ChromeOs. En effet, cet ordinateur de faible capacité (relativement à ce que l’on trouve aujourd’hui) fonctionne grâce à des applications hébergées en ligne, accessibles et utilisables en ligne, mais non installées sur votre ordinateur.
Cela permet, en théorie, de réduire les coûts, puisque vous ne payez qu’en fonction de vos stricts besoins.
Beaucoup de ces entreprises et marques qui se lancent dans l’économie de la fonctionnalité mettent en avant les avantages en termes de coûts, d’environnement (notamment pour l’automobile, le vélo et le papier), la mobilité en ce qui concerne le contenu comme la presse, les livres, la musique…
Cet argumentaire s’intègre d’autant mieux aujourd’hui que la Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE, ou ESG pour les anglo-saxons) et, de manière générale, le bilan extra-financier des entreprises prend de l’importance dans les choix des investisseurs et des consommateurs.
Par exemple, la page d’accueil de Deezer joue sur la mobilité : « Faites entrer la musique dans
 une nouvelle dimension. Écoutez tout ce que vous aimez, 
partout, tout le temps »
Sur le site d’Autolib’, la rubrique avantages met en évidence la réduction des coûts et l’environnement : « Économique, pratique, écologique, simple »
En présentation de l’abonnement mensuel ou annuel de la suite Office, on retrouve la mobilité : « Utilisez Office quand et où vous en avez besoin »
 
De l’usager à l’aliéné
 Mais cette économie de la fonctionnalité est, dans la pratique, moins convaincante : parce que l’on accroît sa dépendance à l’égard de ces différents acteurs. Si Google ou le Groupe Bolloré rencontrent un problème, vous n’avez plus accès à vos documents ou applications hébergés en ligne, et vous n’avez plus de moyen de transport. Ceux à quoi certains, auxquels les événements ont donné tort, répondront que ces acteurs sont « too big too fail » ; de quoi être rassuré sur la pérennité de ces services, non ?
En dehors de cette forme d’aliénation à un nombre croissant de prestataires extérieurs, cela soulève un deuxième problème : la disparition de la propriété. Or cette même propriété est aussi garante d’un usage non marchand des biens que l’on acquiert. L’économie de la fonctionnalité, des usages, en dépit de ses avantages avancés, est une percée conséquente de l’économie marchande dans le non-marchand : prêt, échange, transmission, héritage… Et la disparition de telles structures aurait des répercussions telles qu’il apparaît aujourd’hui impossible d’en circonscrire toutes les implications.
Plus rien ne vous appartiendra, c’est le mot d’ordre de demain.
 
Oscar Dassetto