fruits et légumes moches
Société

Parce qu’il n’y a rien de mal à être moche !

 
Clémentine introvertie, pomme rejetée, carotte démotivée ? Tel est le nouveau combat d’Intermarché qui lutte en faveur de ces laissés pour compte, ces imparfaits. En effet, c’est à l’occasion de la journée mondiale contre le gaspillage, le 16 octobre dernier, que la marque de grande distribution a choisi de diffuser sa campagne contre le gaspillage des « talents » de nos chers fruits et légumes, mais pas n’importe lesquels : les fruits et légumes moches !

La carotte démotivée

La clémentine introvertie

La pomme rejetée

En réalité, cette campagne avait déjà été lancée par l’hypermarché dès mars dernier à Provins, en Seine-et-Marne, et avait eu un succès immédiat autant auprès des consommateurs locaux que dans les médias. Déclinée à travers différents supports (affichage, vidéos mises en ligne sur Youtube, dégustations sur place), la campagne met en scène des fruits et des légumes exclus du système de distribution pour des raisons esthétiques et de calibre, alors que leurs qualités gustatives restent les mêmes, voire supérieures (un fruit que l’on qualifierait de « moche » car il serait trop mûr ou abîmé, aurait ainsi tendance à être plus sucré que les autres !). En effet, d’après la FAO (l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) environ 40% des fruits et légumes récoltés ne remplissent pas les critères de beauté imposés par les centrales d’achat et par leurs cahiers des charges, et ne sont donc jamais consommés. Certains même sont condamnés à pourrir au pied de l’arbre qui les a vus mûrir. Invités à goûter des préparations issues de ces produits rejetés (soupes de carottes et jus d’orange en tous genres), les clients du supermarché de Provins leur reconnaissent des qualités gustatives bien réelles et achètent volontiers ces déshérités, qui, soulignons-le, sont vendus 30% moins cher que les produits « normaux ».
 

 

Très vite, l’idée se répand, et Monoprix, Auchan et Leclerc commencent à commercialiser leurs propres légumes moches, notamment sous le label « Quoi ma gueule ? » créé par le collectif Les gueules cassées de Renan Even et Nicolas Chabanne. Les fruits et légumes sont toujours aussi laids, classés hors calibre et présentés dans un emballage sommaire, mais ils sont vendus moins cher que les autres. Rapidement, radios et journaux s’emparent du thème et relayent l’initiative des Gueules cassées, qui finissent même par faire l’objet d’une émission culinaire sur M6, « Gaspillage alimentaire : les chefs contre-attaquent ».

 
C’est lors de la journée mondiale de la lutte contre le gaspillage qu’Intermarché décide de généraliser son initiative de début d’année, et va même jusqu’à s’associer au food truck « Cantine California » à Paris. Et ce sont les vidéos, cette fois-ci diffusées à la télévision, qui ont le plus de succès. En effet, comment ne pas s’attendrir face à cette clémentine complexée par sa petite difformité ? Comment ne pas s’enflammer face aux discriminations que subit cette pomme rejetée ? Car après tout, comme il est dit à la carotte : « il n’y a rien de mal à être moche ! ». L’initiative semble aussi s’élargir à d’autres produits alimentaires – ainsi, certains artisans (boulangers, confiseurs, bouchers et charcutiers) ont décidé de mettre le pied à l’étrier, et commenceront à commercialiser à la mi-novembre sous le label des Gueules Cassées leurs produits difformes, mais tout aussi bons, et surtout moins chers. La lutte contre le gaspillage devient sexy, surtout si elle se fait à moindre coût pour le consommateur, et si elle permet à l’enseigne qui s’en réclame de se (re)construire une image de marque.
L’imparfait, nouvelle norme ?
Derrière l’initiative d’Intermarché et les efforts faits par les enseignes de grande distribution, on retrouve une nouvelle tendance de communication qui cherche à déplacer la norme vers l’imparfait : ainsi, la vidéo sur la clémentine a des airs de lutte contre le body-shaming et celle sur la pomme semble prôner la diversité et se battre contre l’uniformité… Par conséquent, on assiste à une montée en force de la défense de l’imparfait et de l’irrégulier dans la publicité et dans le marketing. Et cela ne se limite pas au secteur de l’alimentation : Maisons du Monde nous dit dans ses dernières publicités : « soyez fous, soyez-vous », GAP défend le « dress normal », et on peut même acheter une poupée Barbie alternative aux mensurations semblables aux nôtres, la poupée Lammily ! Enfin, la marque Desigual a fait de Winnie Harlow, mannequin canadienne de 19 ans atteinte de Vitiligo, une maladie de peau, sa nouvelle égérie pour sa collection automne-hiver 2014-2015, en soulignant que « les différences sont le sel de la vie ».
Désormais, les fruits et les légumes peuvent être eux-mêmes, puisque l’imperfection n’est plus une tare, mais une preuve d’authenticité et de qualité. Et s’il en était de même pour nous ?
Léa Lecocq
@LeaLcq
Sources
Nouvelobs.com
Lesgueulescassées.org
Laréclame.fr
Liberation.fr
Slate.fr
Gala.fr
Crédits images:
Lareclame.fr- Pomme – Patate – Carotte
Intermarche.com
Lesgueulescassees.fr

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