Société

Les revers de la représentation médiatique des sectes : entre dénonciation et publicité involontaire

Dénoncer les dérives d’une secte sur les réseaux sociaux : solution ou piège ? Lorsqu’une ex-membre d’un groupe sectaire prend la parole sur des plateformes comme TikTok ou Instagram, son objectif est souvent de prévenir, de témoigner et d’aider d’autres victimes. Mais que se passe-t-il lorsque cette dénonciation renforce paradoxalement la visibilité autour de la secte dénoncée en lui conférant une publicité involontaire ? C’est ce paradoxe médiatique que nous illustrerons à travers le témoignage de Richelle Desrosiers, ex-membre de la Mission de l’Esprit-Saint (MES). Source : LaPresse.ca Les réseaux sociaux : espace d’expression et « d’empowerment » personnel et collectif.  Richelle Desrosiers, jeune TikTokeuse, est née au sein de la secte de la Mission de l’Esprit-Saint, elle l’a quittée en 2020. Une décision difficile et douloureuse, car elle l’a exposée à des représailles non seulement de la part des membres de la secte, mais aussi plus généralement de la société, la percevant désormais au travers de l’étiquette de « victime ».  Cependant, sur des plateformes comme TikTok, Instagram et Facebook, Richelle a choisi de briser ce silence. Elle confie : “Quatre ans plus tard, j’ai envie de partager mon histoire avec vous, de vous parler de mon parcours et de ce que j’ai vécu. J’ai vraiment envie d’honorer mon vécu […] et de partager ma vérité.” Ces mots traduisent une détermination profonde et un courage exceptionnel. Par ce témoignage, elle accomplit un véritable acte d’émancipation en se réappropriant son pouvoir personnel. Elle se positionne ainsi en tant qu’actrice de son propre récit, loin des stéréotypes de victime qu’on lui impose. Cette prise de parole a ainsi pu donner des échos à d’autres récits et, de fait, créer une communauté d’abonnés et un espace de solidarité numérique. Ainsi, les réseaux sociaux comme TikTok deviennent des catalyseurs puissants, où l’intime se transforme en un espace public d’expression, d’affirmation de soi et de renforcement collectif. La dualité des médias : entre dénonciation et publicité involontaire. Bien que l’objectif de cette prise de parole sur les réseaux sociaux soit de dénoncer les dérives sectaires et d’avertir le public, elle a paradoxalement pour effet de rendre la secte plus visible. Ce phénomène de publicité involontaire illustre la dualité des médias, qui, en exposant des pratiques répréhensibles, finissent parfois par en promouvoir certaines facettes. Cette visibilité gratuite profite aux sectes, qui ont pour mission de répandre leur doctrine et d’attirer de nouveaux membres. Richelle évoque même des “assemblées de propagande” au sein de la MES, où des cours étaient dispensés pour apprendre à séduire et recruter de nouveaux membres.  De plus, en raison du mystère qui les entoure, les sectes deviennent des objets de fascination. Cette curiosité est renforcée par une représentation souvent sensationnaliste dans les films et séries. The Path, diffusée sur Netflix, en est un exemple frappant, présentant le mouvement fictif Meyeriste à travers des personnages intrigants et des rituels mystérieux. La série exploite habilement l’ambiguïté morale et spirituelle du groupe, contribuant ainsi à renforcer une image séduisante, presque romantique, de la secte. Cette vision, bien que captivante, masque la réalité des dangers que ces groupes peuvent représenter. En humanisant leurs pratiques et en les présentant sous un angle dramatique, elle crée une perception erronée, où le danger réel est souvent minimisé, remplacé par un attrait malsain. Cela magnifie leur aura de mystère tout en atténuant leur véritable impact. Les défis d’une médiatisation responsable : représenter les sectes sans les promouvoir  D’un côté, il est crucial de parler des sectes et de dénoncer leurs dérives afin de mettre en garde le public, tout en permettant aux victimes de se libérer. Mais, de l’autre, cette médiatisation confère une publicité gratuite à la cause dénoncée, alimentant ainsi une fascination malsaine. Face à cette contradiction, que peut-on réellement faire ? Nous avons posé la question à Richelle, qui répond : “Je crois que ce qui est important, c’est l’éducation. Je crois [qu’on peut], sur les réseaux sociaux, prendre la peine d’éduquer les gens [sur ce qu’est une croyance limitante], l’emprise psychologique, [et ce qui] se passe dans un groupe sectaire. […] On n’attaque pas directement leurs croyances, mais on apporte des informations, des connaissances qui peuvent les faire réfléchir.” Cette approche éducative pourrait être la clé pour responsabiliser les individus, leur fournissant des outils de réflexion qui les amèneraient à remettre en question leurs croyances et à prendre du recul par rapport aux groupes sectaires. Dans cette même logique, la gestion des contenus en ligne pourrait jouer un rôle essentiel. Il est possible, par exemple, de limiter la diffusion de contenus sensationnalistes au profit de récits plus sérieux qui présentent les faits de manière neutre, sans dramatisation excessive. Les chercheurs américains Hill Hickman et McLendon ont démontré que l’utilisation de termes péjoratifs dans les articles, plutôt que des termes neutres, empêche une réflexion rationnelle et objective du public. Au contraire, ces termes entraînent souvent des réactions émotionnelles, éloignant le lecteur d’une analyse éclairée des faits. Cette analyse souligne donc la nécessité de lutter contre la représentation biaisée des sectes et de promouvoir une gestion plus rigoureuse des contenus en ligne. Entre adaptation et “présence numérique” : les stratégies de résistance des sectes en croissance D’un côté, les efforts pour lutter contre les dérives sectaires et dénoncer leurs représentations biaisées dans les médias sont constants. Mais de l’autre, de plus en plus de sectes adaptent leurs stratégies de communication pour résister à la critique et maintenir leur influence, transformant les plateformes numériques en un véritable champ de bataille idéologique. La MES, par exemple, dispose d’un site internet où elle expose sa doctrine et ses principes. Ce site s’ancre dans une stratégie de présence numérique, terme développé par la chercheuse en communication Zizi Papacharissi. Cette « présence numérique » permet aux groupes comme la MES de se défendre contre les critiques et de légitimer leurs actions. En publiant régulièrement des articles sur leurs pratiques et rituels, ils consolident leur image et se positionnent comme acteurs légitimes de leur propre récit. En réponse aux obstacles générés par la pandémie de COVID-19, la MES a aussi ajusté sa stratégie de communication pour préserver son influence. Plutôt que d’utiliser les plateformes publiques, souvent soumises à des dénonciations. Elle a privilégié des canaux plus privés tels que les appels vidéo via Zoom ou WhatsApp et l’envoi de newsletters. Ces méthodes ont permis à la secte de maintenir une relation plus intime et discrète avec de potentiels nouveaux membres, notamment en Afrique, où elle a intensifié ses efforts de recrutement. Ces échanges privés offrent un espace sécurisé pour les membres et potentielles recrues, à l’abri des critiques publiques. Ainsi, la secte procède à un déplacement d’enjeu : plutôt que de se concentrer sur les canaux de communication, elle se focalise sur le public, en ciblant des personnes en quête de sens, dans des régions plus isolées. En réalité, ce n’est pas tant pour éviter une exposition négative ou des accusations publiques que la secte recourt à ce détour, mais c’est plutôt dans le but de rester fidèle à ses priorités qu’elle agit. Ce détour met ainsi en lumière la multiplicité et la diversité des réseaux sociaux et canaux numériques qui existent et qui peuvent propager plus efficacement et massivement certaines idéologies. Le mythe de l’objectivité médiatique : viser la neutralité tout en élevant la conscience du public En somme, les médias sont traversés par une double tension : en dénonçant les dérives sectaires, ils finissent parfois par en promouvoir involontairement les intérêts. Ce paradoxe n’est pas seulement lié aux « défauts » des médias, mais à la manière dont ils représentent la réalité, influencée par nos valeurs et expériences personnelles. Comme le dit Davallon, « le sujet construit l’objet ». Si l’objectivité pure reste difficile à atteindre, il est essentiel de remettre en question nos propres biais. Concrètement, cela passe par la diversification de nos sources d’information, comme lire des journaux aux orientations politiques opposées, afin d’obtenir une vision plus complète et nuancée. En fin de compte, nous avons tous un rôle à jouer dans ce processus. Il ne suffit pas de consommer l’information passivement : chacun doit adopter une posture active, remettre en question ce qui est présenté et cultiver un esprit critique. C’est ainsi que nous pourrons construire une vision plus juste et éclairée du monde qui nous entoure. Sources :  Voir la vidéo : https://www.tiktok.com/@richelledesrosiers/video/7426756568445701382) https://croir.ulaval.ca/fiches/m/la-mission-de-lesprit-saint/ (Croire.ulaval.ca.) Hill, H., Hickman, J., & McLendon, J. (2001). Cults and Sects and Doomsday Groups, Oh My: Media Treatment of Religion on the Eve of the Millennium. Review of Religious Research, 43(1), 1-25 Zizi Papacharissi dans son ouvrage Affective Publics: Sentiment, Technology, and Politics (2015). Pour aller plus loin :  https://www.20minutes.fr/arts-stars/culture/3315035-20220624-netflix-pourquoi-documentaires-sectes-multiplient-comme-petits-pains? https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2019-08-21/quotidiens-de-la-responsabilite-des-lecteurs? https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/upload/docs/application/pdf/2019-06/nvelle_version_site_clemi_orme_2019_diapo_de_velopper_lesprit_critiqueavec_les_medias.pdf https://shs.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2012-6-page-467?lang=fr Nithyashri Canessane
Société

Le procès des « viols de Mazan » : un tribunal médiatique symbolique qui s’oppose à la culture viol

Le 2 septembre 2024, Gisèle Pelicot prend la décision d’ouvrir le huis-clos traditionnel de son procès et de le médiatiser. Elle invite les journalistes à pénétrer l’enceinte du tribunal pénal d’Avignon, laissant l’opinion publique se saisir de son histoire personnelle. Au cas où vous auriez raté les infos depuis début septembre, Gisèle Pelicot a été droguée régulièrement par son mari qui la livrait, endormie et apprêtée coquinement, à des hommes. Une cinquantaine d’hommes sont entrés dans l’intimité de Mme Pelicot, sous l’œil directeur de son mari et devant une caméra qui a enregistré toutes les entrevues. Cette décision inverse la honte généralement ressentie lors de procès pour viol : celle (injustifiée) de la victime tout en soulignant la dignité et le courage de Mme Pelicot. Elle choisit le revers de la médaille et récupère le pouvoir en occupant la place centrale de ce procès. Haut et fort, elle fait retentir son nom afin qu’il reste monument de son courage et qu’il ne soit pas sali par son mari pour ses enfants et petits-enfants.  Femmes devant le palais de justice soutenant Gisèle Pélicot. Source : France 24 Bien souvent, un procès se déroule en huis-clos, ce qui entraîne une dynamique presque contradictoire : ceux qui savent, les participants, doivent se taire sur le sujet et ceux qui ne savent pas, les journalistes, ont pour mission de relayer l’information.  Or dans ce cas, la médiatisation est ouverte donc tout le monde a accès aux informations et aux prises de paroles, ce qui est une avancée primordiale pour ce genre d’affaires dans la mesure où les médias permettent de placer les acteurs du procès sur une scène de visibilité. Antoine Garapon, un essayiste et magistrat français relève notamment dès 1995 la puissance croissante des médias qui abandonnent progressivement leur rôle de rapporter ce que fait la justice pour entrer dans une sorte de proximité avec elle : les journalistes interrogent les témoins comme les avocats et les personnalités misent en cause éprouvent souvent la nécessité de s’expliquer devant les médias.  Dominique Pélicot lors du procès. Source : Sud-Ouest Gisèle Pélicot remet sur la scène le fait que le privé est politique et que la lutte continue contre ces violences bien trop souvent admises par la culture du viol. En effet le jugement qui sera rendu fera office d’exemple pour tous, s’inscrivant en quelque sorte dans la jurisprudence et clamant les failles du système vis-à-vis des violences faites aux femmes. Le procès pénal agit alors comme une forme de spectacle dans lequel la culture se met en scène, dictant ce qu’il est toléré de faire ou non et la réaction de la justice est primordiale. L’avocate générale Laure Chabaud a d’ailleurs signifié clairement l’importance du jugement aux cinq juges de la cour criminelle du Vaucluse concernés par la décision en leur disant de but en blanc : « Par votre verdict, vous signifierez que le viol ordinaire n’existe pas. Que le viol accidentel ou involontaire n’existe pas. Qu’il n’y a pas de fatalité à subir pour les femmes et pas de fatalité à agir pour les hommes. Et vous nous guiderez dans l’éducation de nos fils. C’est par l’éducation que se fera le changement. ». Suivant ce même élan, la secrétaire d’État Salima Saa se dit favorable à l’inscription de consentement dans la loi, affirmant qu’il « faut que ce soit écrit explicitement, sans ambiguïté ».  Le procès pénal concerne effectivement des enjeux de justice et de citoyenneté au-delà du seul cas jugé et l’accusation estime que le verdict que donnera la cour portera « un message d’espoir aux victimes de violences sexuelles ». Agissant comme une sorte de jurisprudence, les peines requises vont de quatre à vingt ans de prison, fixant une sorte de « peine plancher » pour tous les autres jugés pour viol et inscrivant cette sanction dans l’opinion publique, renforçant la gravité symbolique du crime. Ces réquisitions sont de fait sensiblement plus sévères que la moyenne générale des condamnations pour viol en France qui était de 11,1 ans en 2022 selon le ministère de la justice et qui vont dans ce procès de quatre ans contre Joseph C. pour « atteinte sexuelle », seul dans son cas, puis de dix ans jusqu’à dix-sept ans (ce qui concerne plus de 30 des accusés). Les accusés. Source : RTL La jurisprudence est un domaine privilégié de signification sociale, le social étant considéré comme système des rapports entre des sujets qui se constituent en se pensant. En ce sens, le procès agit comme une méta-narration culturelle et devient l’occasion d’exercer un jugement sur les limites des pratiques admises dans un contexte socio-culturel précis. Les commentaires médiatiques permanents et la procédure pénale fonctionnent alors de paire en créant des « mondes possibles », comme faisceaux de pratiques socio-culturellement acceptées.  Ce procès a eu un retentissement médiatique international, braquant les projecteurs sur la malheureuse récurrence des VSS (Violences Sexistes et Sexuelles). De plus, la banalité des profils des 51 accusés (dont 37 sont pères de famille) et le mécanisme d’action sordide de D. Pelicot ébranlent visiblement la tranquillité d’esprit des hommes. Dès lors, il convient de considérer l’importance des rôles endossés par chacun ainsi que l’image qu’ils renvoient. L’onde de choc de ce procès tient également à l’insistance des accusés à répéter qu’ils ne sont pas des violeurs et à clamer leur innocence, se cachant derrière une manipulation opérée par Dominique Pelicot. Ce dernier, principal accusé et principal accusateur s’est attribué le beau rôle de celui qui a tout avoué et semble presque s’amuser des contorsions de ses coaccusés n’ayant rien avoué. La perversité de l’organisateur de ces viols est ce qui aura fort heureusement causé sa perte : alors que la soumission chimique représente le crime parfait et improuvable, il a filmé les entrevues avec sa femme endormie. La puissance des images dans ce procès est prépondérante : si la parole de la femme est souvent malheureusement remise en cause, la preuve que constitue la vidéo est indéniable. Souillée par ces projections, Gisèle Pelicot n’a jamais cédé à la tentation d’exprimer sa colère aux micros et aux caméras et ses seules paroles en dehors de l’audience ont été quelques remerciements échangés avec les femmes lui dressant chaque jour une haie d’honneur dans l’entrée du palais. Son comportement est donc irréprochable, elle n’a laissé aucun espace aux détracteurs pour tenter de la décrédibiliser. Les journalistes même ont alors dressé d’elle un portrait de guerrière, le terme « combattante » étant souvent accolé à son patronyme. Pour résumer, le procès pénal charrie des figures du bien et du mal dans l’objectif de produire une manifestation de vérité. Il donne une image du fonctionnement de l’institution et possède une fonction de régulation des rapports sociaux en frappant les imaginaires, orientant publiquement l’opinion. C’est un moment de négociation de l’opinion politique et dans cette mesure, le fait que l’ouverture du procès soit le choix de la victime met en exergue la valeur de lutte qui lui est conféré : Il existe une possibilité d’influencer l’opinion publique par la visibilité médiatique. Médiatisé, le procès sort du cadre de la cour et prend la forme d’une sorte de tribunal populaire, ayant même la possibilité d’influencer le tribunal pénal en termes d’attentes sociales d’une punition publique et cathartique de la déviance. Sources et pour aller plus loin : INA. LA médiatisation du procès pénal, histoire d’un enjeu démocratique. 2020.  Claire Sécail.  Sémiotique et procès médiatique : les médias et la formation de l’opinion publique en thèmes de justice. Giuditta Bassano. revue Actes Sémiotiques. N°128. 2023 Les affaires dans la presse : traitement et dérives. Bruno Thouzellier. Au procès des viols de Mazan, une plaidoirie sobre et subtile contre « la culture du viol », Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/21/au-proces-des-viols-de-mazan-une-plaidoirie-contre-la-culture-du-viol_6406603_3224.html « Est-ce que je fais partie du problème ? » : comment le procès des viols de Mazan suscite introspection et division chez les hommes, Le Monde : https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2024/11/19/honnetement-on-ne-sait-plus-ou-se-mettre-comment-le-proces-des-viols-de-mazan-suscite-introspection-et-division-chez-les-hommes_6401988_4497916.html Du procès d’Aix, en 1978, à celui des viols de Mazan, « la honte a changé de camp », Le Monde : https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2024/10/18/du-proces-d-aix-en-1978-a-celui-des-viols-de-mazan-la-honte-a-change-de-camp_6354767_4500055.html Procès des viols de Mazan : Gisèle Pelicot dénonce une « société machiste et patriarcale », son ancien mari parle de « fantasme » de « soumettre une femme insoumise », Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/19/le-proces-des-viols-de-mazan-est-le-proces-de-la-lachete-denonce-gisele-pelicot-qui-reclame-que-la-societe-patriarcale-change_6402505_3224.html Huit semaines dans le « marécage » du procès des viols de Mazan : les chroniqueurs judiciaires du « Monde » racontent, Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/20/proces-des-viols-de-mazan-quarante-huit-jours-dans-le-marecage-du-proces_6404776_3224.html « C’est sa femme, il fait ce qu’il veut avec » : comment Dominique P. a livré son épouse, qu’il droguait, aux viols d’au moins 51 hommes, Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/06/20/c-est-sa-femme-il-fait-ce-qu-il-veut-avec-comment-dominique-p-a-livre-son-epouse-qu-il-droguait-aux-viols-d-au-moins-51-hommes_6178465_3224.html Le journaliste et écrivain Mathieu Palain, à propos du procès des viols de Mazan : « C’est difficile de se rendre compte qu’on fait partie du camp des violents », Le Monde : https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2024/11/19/le-journaliste-et-ecrivain-mathieu-palain-a-propos-du-proces-des-viols-de-mazan-c-est-difficile-de-se-rendre-compte-qu-on-fait-partie-du-camp-des-violents_6403276_4497916.html Le procès des viols de Mazan est un « testament » pour « les générations futures », disent les avocats de Gisèle Pelicot, Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/20/le-proces-des-viols-de-mazan-un-testament-pour-les-generations-futures_6405335_3224.html Fin des réquisitions au procès des viols de Mazan : des peines allant de quatre à vingt ans demandées contre les 51 accusés, Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/27/proces-des-viols-de-mazan-peines-de-4-a-20-ans-demandees-contre-les-51-accuses_6416698_3224.html Refus du huis clos, face-à-face avec les accusés, interrogatoires de la défense… Le parcours de la combattante Gisèle Pelicot au procès des viols de Mazan, FranceInfo : https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/affaire-des-viols-de-mazan/recit-ce-n-est-pas-du-courage-c-est-de-la-determination-le-parcours-de-la-combattante-gisele-pelicot-au-proces-des-viols-de-mazan_6904682.html Procès des viols de Mazan : « il y a un avant et un après », estime Salima Saa, secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, FranceInfo : https://www.francetvinfo.fr/societe/proces-des-viols-de-mazan-il-y-a-un-avant-et-un-apres-estime-salima-saa-secretaire-d-etat-chargee-de-l-egalite-entre-les-femmes-et-les-hommes_6908672.html Le procès des viols de Mazan a créé chez vous une prise de conscience sur la culture du viol ? Racontez-nous, FranceInfo : https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/affaire-des-viols-de-mazan/appel-a-temoignages-le-proces-des-viols-de-mazan-a-cree-chez-vous-une-prise-de-conscience-sur-la-culture-du-viol-racontez-nous_6910805.html Héloïse Durand
Société

Le fait divers : fascination malsaine pour le morbide

Xavier Dupont de Ligonnès, le petit Grégory, Michel Fourniret, Nordahl Lelandais… Des noms ancrés dans l’imaginaire collectif et qui nous ramènent directement aux affaires criminelles les plus marquantes de ces cinquante dernières années. Ces histoires morbides, parfois mystérieuses, ont suscité et suscitent encore une grande curiosité et de nombreux questionnements. Depuis les débuts du genre, le public amateur de faits divers criminels ne cesse de croître. On retrouve ce genre dans tous les médias et sous tous les formats, contribuant à la construction d’une fascination malsaine par rapport à ces récits sanglants. Les origines du fait divers criminel Le 19e siècle invente les faits divers, une rubrique journalistique qui devient une véritable stratégie éditoriale pour capter le lectorat. À l’origine c’est la presse qui conçoit et s’empare du fait divers en relatant une histoire horrifiante. En septembre 1869 à Pantin, 6 cadavres d’une même famille sont retrouvés poignardés, l’affaire prend le nom du meurtrier : Jean-Baptiste Troppmann. C’est la première histoire criminelle si marquante, en raison de son retentissement et de son succès inédit. Le jeune quotidien intitulé Le Petit Journal va tout miser sur cette affaire. Pendant 4 mois, à partir de la découverte des corps et jusqu’à la mise à mort du mort meurtrier, ils vont rédiger un feuilleton judiciaire. Le journal fait sa fortune sur cette affaire. Au lendemain de l’exécution de Troppmann, Le Petit Journal est tiré à plus de 594 000 exemplaires. Le propriétaire du média, célébrera d’ailleurs ces ventes record par une kermesse tenue sur les lieux du crime. Un franchissement indéniable des limites de l’entendement et de la bienséance. L’évolution du genre  Le fait divers, notamment criminel, devient une rubrique et un sujet qui contribue grandement à l’attrait du public pour la presse. On voit alors se développer le leadership des titres à grands tirages : Le Petit Journal, Le Journal, Le Petit Parisien, Le Matin. Des périodiques qui vont avoisiner le million de lecteurs chacun. Dès la fin du 19e siècle, une presse spécialisée dans les faits divers voit le jour avec des titres, tels que L’Oeil De La Police, qui connaissent un succès considérable. Des écrivains se sont ensuite approprié la matière du fait divers. Des grands noms tels que Flaubert, Dumas, Balzac ou Zola, s’y sont intéressé puisque ce genre offre au récit et aux personnages un ancrage dans la réalité. La récente popularité du True Crime Le fait divers criminel fait vendre, ainsi le genre, au fil des années, s’est vu décliné sous tous les formats possibles : émissions de télévision, bandes dessinées, podcasts, chroniques radiophoniques, documentaires, vidéos YouTube, séries… Toujours en pleine mutation, le fait divers suscite depuis quelques années, un intérêt nouveau à travers le true crime, étant la réécriture d’un crime réel pour en faire un récit, mis en son ou en image sous forme de podcast ou de série principalement. Le genre des faits divers s’actualise avec la promesse de donner plus de sens aux histoires, et s’adapte aux nouveaux modes de communication en vogue. Netflix est la plateforme reine pour les amateurs de true crime, adaptant les plus grandes affaires criminelles pour en faire des mini-séries. En 2019, deux des dix documentaires du géant du streaming les plus vus en France étaient consacrés à ce type d’histoires sordides : Grégory et Dont’t f**k with cats : un tueur trop viral. Les producteurs ont conscience de l’intérêt que suscite le genre et tentent ainsi de mettre à profit le voyeurisme des potentiels spectateurs. Un genre parfois trop captivant  Depuis ses débuts, on constate une réelle fascination, entendue comme une curiosité excessive, pour les faits divers criminels. Un voyeurisme morbide se rapprochant parfois de l’obsession malsaine.  Un grand nombre de justifications existent pour expliquer le succès, qui ne diminue jamais, des faits divers criminels. Certains de ces arguments paraissent sains et rationnels. Ainsi, la consommation de faits divers relèverait parfois d’une “vigilance protectrice”. Les gens se serviraient des histoires, de l’observation des mécanismes des criminels et des réactions des victimes pour éveiller leurs sens, et se préparer à identifier des personnes dangereuses dans la société en voyant comment ils vivent au quotidien. Ils voient les faits divers comme une manière de s’informer sur le danger pour mieux s’en prémunir. Pour certains il s’agit également d’un moyen de mieux comprendre le fonctionnement de la société. En effet, à travers le récit d’histoires criminelles, on se rend compte qu’elles sont susceptibles de toucher chacun d’entre nous, sans distinction de classe sociale.  De plus, les affaires criminelles passionnent en raison de leur capacité à refléter les transformations de l’époque. Elles sont un miroir des changements de notre appréhension du temps. Jusqu’à peu, plus nous nous éloignions du moment où le crime avait été commis, plus les chances de le résoudre diminuaient. Cependant, avec la prolifération des indices génétiques, cette dynamique s’est inversée : plus le temps passe depuis le crime, plus les chances de le résoudre augmentent.  Ainsi, les faits divers les plus fascinants sont ceux qui restent non élucidés. Pour nous fasciner, les histoires criminelles vont au-delà du simple acte délictueux, impliquant une énigme qui remet en question la possibilité d’atteindre une vérité quelconque. Mais les faits divers sont aussi captivants puisqu’il s’agit d’une curiosité naturelle chez les humains d’après de nombreux psychologues, puisque ces histoires portent sur des problèmes fondamentaux, permanents et universels : la vie, la mort, l’amour , la haine, la nature humaine, la destinée… Ainsi ce sont des sujets auxquels chacun d’entre nous peut se raccrocher en trouvant des points de comparaison. Le fait divers vient également combler notre incommensurable et éternel besoin d’histoires. En effet, dès le plus jeune âge, nous sommes bercés par les récits et, tous autant que nous sommes, ils nous passionnent par leur inventivité, et les rebondissements qu’ils contiennent. Les histoires criminelles, bien que non-fictionnelles, sont les récits parfaits pour satisfaire nos désirs. Mais ce genre est aussi captivant pour des raisons qui révèlent des parts sombres de la nature humaine. En effet, il permet de nous rassurer du fait que nos actions dans la société relèvent de nos choix et ne sont pas contraintes. Les consommateurs du genre ne sont pas attirés par le mal en soi, mais sont intéressés par celui qui le perpètre. Les délinquants et criminels captivent parce que leur transgression offre une forme de réconfort. Leurs actions démontrent la possibilité de désobéir aux normes morales et sociales. Par conséquent, en respectant ces normes de notre côté, il semble que nous ayons fait le choix opposé, indiquant ainsi que nous nous conformons de manière volontaire plutôt que par obligation. Cela réduit le poids des diverses formes de contrainte sociale qui pèsent sur nous. L’attrait pour les faits divers criminels s’explique aussi par le fait de ressentir, à distance, un malheur dont on est épargné. On est soulagé de ne pas l’avoir vécu personnellement. Ainsi on se réjouit en quelque sorte que le malheur soit celui d’un autre que nous. Mais si être intrigué et captivé par les faits divers criminels se justifie de manière saine, ou plus discutable, il n’y a qu’un pas entre curiosité et voyeurisme. Effectivement, qui n’a pas ressenti le désir d’explorer minutieusement tous les aspects d’un homicide dès sa découverte, y compris les détails les plus macabres ? Le compte Instagram américain de l’entreprise Spaulding Decon, pousse ce voyeurisme à l’extrême et vient nourrir la curiosité déplacée de ses 710 000 abonnés. Ce compte d’une entreprise de nettoyage, illustre à travers des photos explicites les scènes de crimes avant leur nettoyage. Les risques de la “romantisation” des criminels Les faits divers ne sont pas toujours accueillis de la bonne façon par le public, leur diffusion à travers les séries va parfois contribuer à leur romantisation. En effet, les séries basées sur des histoires criminelles, vont parfois livrer une image permettant de créer de l’empathie, de la sympathie, ou de l’amour dans certains cas, pour le meurtrier chez les spectateurs. Ainsi les tueurs en séries deviennent une tendance malsaine, des objets de la pop culture, retirant toute gravité à leurs actions, faisant oublier les souffrances des familles des victimes. L’ajout fictionnel des séries aux faits divers vient amplifier la fascination que ressentent certains spectateurs. En donnant vie à ces personnages et en les idéalisant, elle ne fait que renforcer l’attrait qui les entoure. Ainsi, la série Dexter a réussi à conférer au tueur en série éponyme une aura quasi-sympathique : son charme provient de son absence de morale et de son code éthique qui le guide. Du personnage de M Le Maudit à ceux de Seven et Psychose, le tueur en série est devenu une figure récurrente du cinéma.  La réalité offre une version bien plus crue des tueurs en série que la fiction : une version brute exposant les faits sans tentative de pénétrer la psyché des dits tueurs pour comprendre leurs motivations ou leurs traumatismes, et ainsi leurs potentielles justifications et axes de défense.  Avec la série Dahmer, produite pour Netflix, le réalisateur, Ryan Murphy, voulait conter l’histoire des meurtres de celui qu’on surnomme le « monstre du Milwaukee », un meurtrier multirécidiviste et cannibale, mais du point de vue des victimes. Comme un hommage à leur mémoire. Sauf que, l’effet a été inverse, et nombreux sont ceux à avoir développé de la compassion pour lui. C’est bien le problème des films et des séries true crime : le personnage central est un tueur en série. Donner le rôle titre à Evan Peters, icône et sex symbol, a aussi contribué à la romantisation du personnage de Jeffrey Dahmer. Ce sont des productions qui se situent à mi-chemin entre le journalisme et la fiction, car des enquêtes approfondies ont été menées pour narrer de manière précise les diverses histoires, qui sont simultanément adaptées pour la télévision ou les plateformes de streaming. Le problème ne réside pas tant dans le concept de la série en question, mais dans la manière dont elle est exécutée, et aussi la façon dont elle est reçue. Revenir sur les meurtres commis par Jeffrey Dahmer en mettant en avant le point de vue des victimes est effectivement intéressant. Certains peuvent également être captivés par la compréhension du mécanisme de réflexion d’un tueur en série et de ses motivations. Cependant, bien que Ryan Murphy ait contacté une vingtaine de proches des victimes avant le tournage, comme il l’a mentionné lors d’une projection à Los Angeles, il aurait peut-être dû attendre leur consentement et leurs témoignages. Sans ces autorisations, la série peut être perçue comme du voyeurisme, car elle fouille dans la vie des personnes impliquées et expose des détails à l’origine de la souffrance des familles des victimes. Un genre à appréhender avec prudence En somme, produire des faits divers criminels, quel que soit le format, n’est pas un problème. Lorsqu’on raconte des histoires aussi sombres, tout est une question de point de vue, de mise en scène, et surtout d’interprétation. Il est tout à fait normal de vouloir les regarder et s’informer, cela s’explique de manière rationnelle et saine. Cependant certains comportements et types de réceptions s’apparentent à du voyeurisme et de fascination malsaine, sur laquelle jouent les producteurs de contenus de ce genre puisqu’ils maximisent ainsi leur audience et leurs profits. Il est important de prendre de la distance face à ce type de contenu pour ne pas adopter de comportements excessifs et pouvant mettre en cause l’intégrité des victimes et de leurs familles. Sources et références pour aller plus loin : Articles universitaires :  Hd., J. (1994). Kalifa (D) — Petits reporters et faits divers à la « Belle Époque ». Population, 49, 826-827. . Vidéos :  France Culture. (2021, 2 juillet). Faits divers : l’obsession du réel [Vidéo]. YouTube. France Culture. (2023, 7 avril). Ce que le fait divers dit de nous [Vidéo]. YouTube. France Inter. (2020, 24 septembre). À l’origine : les faits divers # CulturePrime [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=-h6Q2oeQXpE Articles de presse en ligne : 20minutes, J. (2011, 22 avril). Pourquoi les faits-divers nous fascinent-ils autant ? www.20minutes.fr. https://www.20minutes.fr/societe/712209-20110422-societe-pourquoi-faits-divers-fascinent-ils-autantBeauchet, G. (2020, 28 mai). Pourquoi les faits divers nous fascinent-ils autant ? Marie Claire. https://www.marieclaire.fr/,pourquoi-les-faits-divers-nous-fascinent-ils-autant,845914.aspDe Sousa, C. (2022, 20 mars). Pourquoi sommes-nous tant fascinés par les faits-divers ? Le Dauphiné. https://www.ledauphine.com/magazine-sante/2022/03/17/pourquoi-sommes-nous-tant-fascines-par-les-faits-diversGratien, A. (2023, 25 juin). L’avis de l’expert : pourquoi sommes-nous tant fascinés par le crime ? Konbini – Musique, cinéma, sport, food, news : le meilleur de la pop culture. https://www.konbini.com/pepite/lavis-de-lexpert-pourquoi-sommes-nous-tant-fascines-par-le-crime/Malaure, J. (2023, 30 avril). Le goût pour les affaires criminelles est-il (forcément) un plaisir coupable ? Le Point. https://www.lepoint.fr/societe/le-gout-pour-les-affaires-criminelles-est-il-forcement-un-plaisir-coupable-30-04-2023-2518343_23.php#11Mourani, M. (2022, 26 octobre). Le voyeurisme morbide, un mal qui nous touche tous. Le Journal de Montréal. https://www.journaldemontreal.com/2022/10/25/le-voyeurisme-morbide-un-mal-qui-nous-touche-tousRopert, P. (2017, 20 novembre). De Jack L’Eventreur à Charles Manson, pourquoi les tueurs en série fascinent. France Culture. https://www.radiofrance.fr/franceculture/de-jack-l-eventreur-a-charles-manson-pourquoi-les-tueurs-en-serie-fascinent-9779102 Pages Internet :  L’irrésistible attraction du fait divers | BNF Essentiels. (s. d.). BnF Essentiels. https://essentiels.bnf.fr/fr/societe/medias/2976bcba-5115-409a-8191-d1e925cfea5a-genres-presse-presses-genre/article/d3e0053d-0acb-4f7f-a1f0-1352a5fd5a8b-irresistible-attraction-fait-diversZiani, A. (2020, 10 décembre). True Crime, le renouveau du fait divers – stratégies. Stratégies. https://www.strategies.fr/etudes-tendances/tendances/4049111W/true-crime-le-renouveau-du-fait-divers.html Marie Desforges
Société

Bullshit Jobs : Pourquoi se tuer au travail quand on peut vivre (tout court) ?

Quand bosser ne fait plus rêver : le casse du siècle sur la notion de travail Le travail est central dans nos sociétés. Quand on rencontre quelqu’un, la deuxième question posée après avoir demandé son prénom, est de lui demander ce qu’il fait dans la vie. Les enfants ne sont pas épargnés. On leur demande dès le plus jeune âge ce qu’ils voudraient faire quand ils seront grands. Ainsi, le travail est valorisé, et ceux qui n’ont pas de travail sont étiquetés comme fainéants. Le travail est si important qu’aujourd’hui, presque tout le monde veut occuper un emploi à tout prix, quitte à en oublier d’y donner un sens. Les « Bullshit jobs » ou faire semblant de travailler… Vous vous êtes peut-être demandé un jour si votre (futur) métier était utile. C’est vrai, on ne voit pas bien ce qu’un consultant en Ressource Humaine, une avocate d’affaires, ou bien un coordinateur en communication apporte de positif aux communs des mortels. Il est plus facile d’admettre que des métiers comme mécanicien, agent d’entretien ou boulanger sont utiles. Les bullshits jobs: c’est le terme employé par l’anthropologue états-unien David Graeber, pour désigner un emploi rémunéré qui est si inutile, superflu, voire néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son existence, bien qu’il se sente obligé, pour honorer les termes de son contrats, de faire croire qu’il n’en est rien.…Pour le dire plus simplement : ce sont des jobs auxquels on donne un certain prestige, des cols blancs qui travaillent dans des bureaux, mais qui eux-mêmes ne justifient pas l’existence de leur job. Souvent contraints à une flopée de paperasses, réunions et validations hiérarchiques, les bullshits jobs se caractérisent le plus souvent par des procédures inutiles, histoire de faire “semblant “ de travailler… Avec l’essor du secteur des services et la volonté de redistribuer le profit à des haut placés, on a créé des jobs de cadres et de services à tire-larigot , pas toujours nécessaires…Il ne faut pas confondre les bullshits jobs avec les “shit jobs” qui sont quant à eux peu valorisés et ont des mauvaises conditions de travail, mais qui sont pour autant très utiles.  Des personnes se rendent compte de l’arnaque des bullshits jobs et témoignent mais parfois, il est difficile d’admettre que son job ne sert à rien,  surtout si le job paye bien et est prestigieux. Les gens diraient “mais t’es déjà chanceux d’avoir ce job”. Sur les réseaux sociaux certains s’amusent de ces jobs à la cons… Source : @galansire Travailler a-t-il un sens? La définition du travail est aujourd’hui troublée par de multiples situations ambiguës. De plus en plus de gens s’interrogent sur le sens du travail, et plus spécifiquement sur l’utilité de leur travail, comme vu précédemment avec les bullshits jobs. Nous avons tellement l’habitude de travailler, d’étudier, que nous ne savons plus si c’est vraiment utile. On peut même considérer qu’un travail est utile, à partir du moment où il permet de gagner de l’argent et donc de subvenir à ses besoins. Mais qu’en est t-il de l’éthique? Un travail doit-il être forcément en vue du bien?  Comme dit précédemment, il existe des tas d’emplois qui sont inutiles, voire néfastes. Des étudiants d’AgroParistech (école d’ingénieur du Ministère de l’Agriculture) l’avaient proclamé avec amertume lors de leur remise de diplômes. Contrairement aux métiers écocidaires auxquels on les formait ;  ils appelaient à des métiers véritablement sensés pour la santé de notre planète.  Mais après tout, un job peut être utile pour un tel et néfaste pour un autre, non ? Par exemple, forrer pour le pétrole détruit les coraux mais nous fournit en énergie. Ainsi, ce  sens recherché à tout prix dans le travail est soumis aux intérêts des uns et des autres. Pas facile alors de donner un sens au travail. Travailler moins pour mieux vivre : une solution ? Mais alors une question sulfureuse apparaît : doit-on travailler moins ? Il est difficile d’imaginer qu’on puisse travailler moins, alors qu’encore beaucoup occupent des emplois précaires. Le plein emploi reste le saint Graal. On apprend aux jeunes à choisir un métier lucratif, un logement , une voiture, un CDI… (d’où l’émergence des business schools qui garantissent un certain train de vie) ; et une fois entré dans ce schéma, il est difficile de faire retour en arrière.  Toutefois, une conception plus frugale de la société est envisagée par certains penseurs pour que tout le monde puisse travailler, mais moins et mieux. Selon la philosophe Céline Marty dans son essai Travailler moins pour vivre mieux : Guide pour une philosophie antiproductiviste, nous mettons la “valeur travail” sur un piédestal, ce qui nous empêche d’envisager une vie avec moins de travail. Il vous est peut-être arrivé de vous surprendre à vouloir rentabiliser tout votre temps pour être productif : se dire que regarder Netflix en anglais vous aidera à avoir des meilleures notes, penser qu’une expérience de bénévolat ferait bien sur le CV, ou encore considérer nos proches comme un bon réseau. Pour Marty, cette logique productiviste omniprésente est dangereuse. Il serait possible de réorganiser la société sous un autre prisme que celui du travail. Au-delà de la réduction du temps de travail pour éviter les bullshits jobs qui a déjà été discutée, on pourrait supprimer les emplois polluants et inutiles. Par exemple, faire la publicité de la marque Louis Vuitton ne serait pas un besoin essentiel, et est en plus non-écologique, On pourrait alors dire adieu à ce métier.…en bref : produire moins et mieux. Il faudrait revenir à une définition plus utilitaire du travail: simplement une activité de satisfaction des  besoins, d’autant plus à l’aune d’une crise climatique. Une fois que les besoins sont satisfaits, plus besoin de travailler. Doit-on avoir peur pour nos futurs métiers ?  Le mythe du « travailler plus pour réussir » à l’épreuve des générations. Par ailleurs, on voit un mouvement chez la jeune génération qui rejettent cette vieille vision du travail. La Gen Z refuse le badge de ‘workaholic’ et l’assume ! Pour caricaturer, la jeune génération ne reste plus au bureau des heures et des heures pour prouver son engagement à son manager et ne néglige plus sa santé mentale ; il change d’entreprise tout le temps, et sa pire phobie : le CDI ! Au lieu de rêver carrière, il rêve de voyages et de projets personnels. En bref, ce spécimen choque la génération qui ne jurait que par un emploi établi et prospère. Source : Instagram @alexandra.glow_ Source : TikTok @zenifonline En tant que Celsien.ne.s, ces réflexions sont  plus pertinentes que jamais. La  réorganisation d’une société plus frugale paraît encore bien loin à l’heure du capitalisme. Toutefois, des petites vagues à l’horizon commencent à faire chavirer la valeur travail comme le montre l’actualité: semaine de 4 jours, Grande démission, la ras le bol de la GenZ…autant de petits signes qui montrent peut-être le début de la fin de la tyrannie travail.  Pour aller plus loin : John Meynard Keynes, Perspectives économiques pour nos petits enfants  (travaux économiques pour une semaine de 15 jours) Témoignage documentée par des experts un bullshits jobs par Arte Radio https://www.youtube.com/watch?v=5PNKqsL8VS8 Reportage d’HugoDécrypte sur le livre de David Greaber : Entretien avec Marie-Anne Dujarier sur le sens du travail aujourd’hui par Arte dans le format Les idées larges : Sources :  Remise de diplômes Agroparistech : https://www.youtube.com/watch?v=SUOVOC2Kd50 Marie-Anne Dujarier, Troubles dans le travail David Geaber , Bullshits Jobs Céline Marty, Travailler moins pour vivre mieux. Guide pour une philosophie antiproductiviste Ariane Marin-Curtoud
Société

Les Incels, une réelle idéologie de la misogynie, favorisée par internet

Les incels : qu’est-ce que c’est ?  In – cel : contraction de involuntary et de celibate, en français “célibataire involontaire”. Vous l’aurez compris, aujourd’hui, Fast N Curious s’attaque aux fameux incels, ces individus masculins qui, sur Internet, relâchent une vague de haine envers les femmes. Sous prétexte de ne pas réussir à avoir des relations affectives et/ou sexuelles avec celles-ci, les incels les critiquent, font la promotion de la violence envers elles, et tiennent des propos extrêmement misogynes. Actuellement, on en compte plusieurs dizaines voire centaines de milliers, même s’il est difficile d’estimer parce que cette communauté est majoritairement présente sur le web. Si FastNCurious a déjà exploré un sujet similaire sous l’angle du marketing d’une figure masculiniste, Andrew Tate (article ici), nous souhaitons avec cet article explorer le sujet sous un autre regard.  Ainsi, nous voulons montrer de quelle manière internet favorise cette idéologie de la misogynie
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Société

Les paradoxes du body positivity

Entre marques, troubles alimentaires, représentation du physique et réseaux sociaux, l’article d’aujourd’hui traite du fameux body positivity, en explorant ses débuts, ses paradoxes et ses limites.
Société

Astrologie et tarots : les nouveaux cupidons de l’amour

À l’heure des restaurants et boutiques fermés, une nouvelle forme de publicité est apparue, plus digitale et numérique. Avec la multiplication du télétravail ces dernières années, les marques ont dû s’adapter, s’immisçant dans les lieux privilégiés des consommateurs : les réseaux sociaux. Les plateformes Instagram et Tiktok ont connu un bond d’activité impressionnant pendant les périodes de confinements, démultipliant ainsi les offres présentes sur internet. Dès lors, on note depuis quelques années des nouvelles demandes de la part des consommateurs qui se tournent de plus en plus vers des comptes dédiés à l’introspection et à la méditation. Au milieu de ce marché florissant, des pseudo-professionnels des tirages de cartes s’adonnent chaque jour à répondre aux questions — existentielles — des internautes, de plus en plus nombreux à se réfugier derrière ces tirages pour mieux comprendre leurs sentiments.
Société

Vers un Green Luxury ? Les maisons de luxe face aux problématiques écologiques contemporaines.

Alors que vous vous rendiez aux Galeries Lafayette du Boulevard Haussmann pour vous faire transporter par la magie de Noël et admirer cet énorme sapin dont la décoration, soyons honnêtes, se dégrade d’années en années ; vous vous perdez au milieu de la foule grouillante quand, soudainement, votre regard se pose sur un étrange panneau « [RE]Store » : mais qu’est-ce ?
Société

Quand les adolescents starifiés lèvent le tabou sur la santé mentale

En 2022, il n’est plus surprenant de voir des adolescents se lancer dans la quête insatiable de la célébrité, promue par Youtube, Instagram ou plus récemment Tiktok. Mais comment expliquer l’accélération de ce phénomène de starification chez les plus jeunes ?  Récit d’une génération déchantée, qui ose (enfin) mettre des mots sur un mal-être… inévitablement marchandisé.