Politique, Société

La photographie politique : une communication par l'art qui nuit aux politiques ?

La photographie politique se situe au croisement de l’art et de la communication, et cette hybridité en fait un subtil vecteur de significations fortes. L’œil du photographe fait jaillir une beauté de l’image qui n’est pas innocente, tout en restant sujette à l’interprétation. Ce pouvoir de l’image ne vient-­il pas déranger et contrarier l’ethos des hommes politiques ?
Loin des clichés, une ouverture du sens par l’image-message
Habitué de certains politiques, le photojournaliste connaît leur gestuelle et attend de figer dans l’objectif la plus emblématique et la plus signifiante. Jeux d’ombres et de regards, mais aussi de positions, la photo peuvent matérialiser des tensions ou bien se faire métaphore prophétique. L’image permet de signifier, plus directement et plus fortement. Sa qualité doit permettre une réception plus favorable des citoyens et étrangers. « J’ai souvent remarqué que, sans doute livré à sa fougue, ce premier ministre [Manuel Valls] respecte rarement le protocole en laissant le président marcher devant lui. Je considère ce «coude-­à-­coude » comme une photographie prémonitoire, depuis l’instant où je l’ai faite », déclare Jean-­Claude Coutausse, photojournaliste pour Le Monde. La beauté de la photographie peut se montrer cruelle quand elle vient dénoncer un comportement ou une attitude… A chaque fois elle vient en effet traduire une opinion: la parole muette du photographe.
Parce qu’elle est image, qu’elle donne à voir de manière uniforme, totale et directe, la photographie politique est une communication subtile et subite. C’est en cela qu’elle est indicielle, et participe de cette « couche primaire » de la communication qu’évoque Daniel Bougnoux. Mais son message ne se lie pas uniquement, il est aussi à déchiffrer.

Les portraits d’Obama mis en regard sont saisissants et contribuent à la nostalgie ressentie suite à son départ. Après huit ans de présidence, ce diptyque frappe par l’évolution qu’il signifie. De face, l’ancien président semble s’adresser directement aux citoyens, ses traits durcis et ses cheveux blanchis matérialisant le travail effectué. Le président neuf, empli d’idéaux et d’espérance qu’il semble incarner dans le premier portrait, n’existe qu’au regard du second où les traces de fatigue, d’usure, mais également de maturité sont perceptibles. Tout le sens de cette photographie ressort de l’association de ces deux portraits en miroir, symboliquement fort, marquant le début et la fin d’une ère. Elle permet également de souligner le parti pris du photographe politique, visiblement attaché à sa muse, qu’il voit s’éloigner avec nostalgie.
C’est en tout cas l’une des interprétations que l’on peut faire de ce diptyque, puisque les stratégies de communication reposant sur les œuvres d’art jouent de cette polysémie. La photographie politique cherche donc à servir certains intérêts, mais n’ancre pas totalement un sujet dans une réalité précise.
Du subjectif à l’objectif : la destruction d’un ethos ?
Mais la photographie politique pose la question de l’ethos de l’homme politique. Elle peut remettre en question l’ethos officiel qu’il s’est construit et que lui construisent conseillers et communicants. C’est en cela qu’elle est crainte, et que chaque homme politique cherche à la maîtriser, pour maîtriser à travers elle leur image. A propos d’un cliché qu’il a fait de François Hollande, Jean-­Paul Coutausse dira que « L’autofocus de [sa] caméra se bloque sur l’encadrement de la portière de la voiture officielle. L’image qui est ainsi suggérée correspond mieux au personnage qu’[il] connaît. Le physique de cet homme ne raconte pas bien sa complexité ». Le photojournaliste d’intérêt est en effet celui qui dévoile un pan de réalité oblique, qui s’intéresse à l’homme. A l’homme tel qu’il est, et donc sous un angle peu habituel. Ainsi, « pas question de [se] placer sur l’axe officiel de prise de vue, trop bien préparé par la communication» pendant le meeting que Nicolas Sarkozy fera au Trocadéro en mai 2012.
Depuis « l’hyperprésidence » de ce dernier, le contrôle des images présidentielles en France s’est trouvé renforcé. Ce contrôle se traduit d’abord par un protocole, qui cantonne les journalistes à un seul angle de vue autorisé uniformisant les photos de chacun ; par l’AFP ensuite qui sélectionne les clichés diffusés selon leur pertinence à l’égard de l’actualité.
Alors le photojournaliste se faufile, déjoue parfois les attendus pour obtenir des images défendues. Discret, il parvient à s’immiscer dans le quotidien de la vie professionnelle des politiques, et parce que « la présence du photographe est admise, assumée, oubliée », il saisit non plus des personnages qui se mettent en scène mais des images subtiles et porteuses de sens.

Cette phrase de Raymond Depardon prend ici tout son sens: « La photo est essentielle dans l’image des hommes politiques. Devant une photo, les gens peuvent mieux ressentir leur vérité ». C’est pourquoi l’auteur de la photo officielle de F. Hollande a voulu le montrer comme mal à l’aise dans son corps, voire timide, les bras ballants, afin de donner plus de naturel et de transparence à la pose.
Toutefois, le photographe demeure un intermédiaire : ses choix sont ceux d’une mise en scène de la situation et de la réalité. Sa subjectivité artistique, son but et ses intérêts rentrent en compte dans son travail et dans la photo qu’il soumet à notre regard. De même que le politique peut influer sur les choix scénographiques des portraits réalisés, à l’image de ces clichés de Donald Trump (pas encore Président des Etats-­Unis), homme d’affaire et homme politique qui a une main mise sur sa communication. Que l’on soit raillé ou bien couvert d’éloges suite à un cliché, la puissance de l’image est telle que les enjeux autour du photojournalisme sont grandissants, et que ses libertés parfois remises en question.

Ici, nous voyons clairement que D. Trump n’est pas le même homme.
Rappelons enfin que l’objectif premier du photojournaliste n’est pas tant de nuire ou soutenir, mais de porter un regard singulier sur l’actualité et de partager sa vision du monde politique. Ses clichés font part d’une réflexion sur la vie politique, ils attirent notre attention et la retiennent en saisissant l’imperceptible. Par son regard décalé, le photojournaliste fait émerger une nouvelle compréhension de l’actualité et de ses enjeux.
Lucie Couturier
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Sources :
­‐ « Jean-­Claude Coutausse, douze années de photographie politique au Monde », Le Monde, juin 2016.
‐ « La photographie, entre art et politique », Paul Grunelius, Profondeur de champs, janvier 2014.
­‐ Emission « Com en politique » (LCP), via CSA, « L’image présidentielle dans les médias ».
Crédits :
‐ Le Times
‐ L’Internaute
‐ Le Monde

Société

"Un président ne devrait pas dire ça": quand la langue présidentielle se lit et se délie

12 octobre 2016. L’Obs publie un entretien avec le Président de la République. Il y délivre une parole formelle, sérieuse, qui lance (peut-être ?) sa campagne pour 2017 avec sa déclaration « Je suis prêt ». Mais, coup de théâtre : le même jour, la parution du livre Un président ne devrait pas dire ça, Les secrets d’un quinquennat de Fabrice Lhomme et Gérard Davet produit l’effet d’une bombe. Ce livre est d’un tout autre registre que l’entretien dans L’Obs, celui de la confession. Tout ce que l’entretien construisait, ce livre le déconstruit, voire l’anéantit. Alors, coup de grâce ou coup de maître communicationnel ? Tout le monde s’interroge. Un véritable coup d’éclat médiatique, ça c’est sûr.
Un président qui n’a pas sa langue dans sa poche
La parution de Un président ne devrait pas dire ça questionne l’essence même de la parole présidentielle. À la maîtrise verbale normalement attendue d’un président, François Hollande y oppose une logorrhée qui interroge. Le président a en effet un devoir de contrôle de sa parole, car celle-ci représente la parole de l’Etat. Sa fonction de président impose une maitrise absolue de ses propos pour une communication efficace, qui incarne notre pays. Or, dans ce livre, il se prononce sur tous les sujets, parle sans filtre et longuement, puisque l’ouvrage fait 600 pages environ ; autrement dit, c’est un livre fleuve. Mais gare à la crue : quand le président parle trop, on ne l’écoute plus, et sa parole est discréditée. En communication politique, le silence est d’or.
Sur Radio Notre-Dame, l’avocat Louis Soris déclare « On a l’impression que c’est un candidat de télé réalité qui va dans le confessionnal et se livre sur son aventure présidentielle ». Sa parole n’est alors plus considérée comme la parole officielle, celle qui prend les grandes décisions et dirige la France. La confession ne fait pas partie des fonctions de la parole présidentielle, et le devoir de silence pour mieux communiquer s’impose. Il avoue ainsi avoir organisé des assassinats ciblés, ce qui relève pourtant d’une opération top secrète ! C’est un véritable strip-tease médiatique où le chef de l’Etat se met à nu, et permet à tous d’observer ses failles et de les fragiliser. Car au niveau de la réception du livre, il n’y a pas non plus de maîtrise de la situation. Les citoyens sont dans l’incompréhension d’une telle démarche, les personnalités politiques récupèrent l’événement pour achever politiquement François Hollande et prendre l’aval sur lui. Son blabla incessant devient un brouhaha de réactions, de polémiques. Débandade de mots, débandade de réactions, décidément tout lui échappe. Les auteurs du livre expliquent à ce sujet : « Il était inquiet, il ne maîtrisait pas le processus. C’est exactement ce qu’on voulait, qu’il ne maitrise pas le processus, il ne nous a pas choisis, c’est nous qui l’avons choisi ». Le problème majeur est que l’on attend justement du président qu’il maitrise son action, ce qui passe avant tout par une maitrise accrue de sa parole.
« Petit traité du parfait suicide politique » ?

Se confesser à des journalistes, de nombreux présidents l’avaient fait avant lui. Valéry Giscard d’Estaing, par exemple, était coutumier de cette pratique. Dans le cas actuel, la dissonance entre ses révélations dans le livre et ses propos officiels en tant que président est problématique. Ses confessions télescopent son travail politique, et c’est là que le bât blesse. Ses propos politiques sont alors discrédités et son action en tant que président de la République perd de sa crédibilité. Par exemple, ses dires sur l’immigration «Je pense qu’il y a trop d’arrivées, d’immigration qui ne devrait pas être là », sont en décalage avec sa politique à ce sujet.
Et dans sa forme même, l’ouvrage est un ovni politique. Le président choisit une expression indirecte, qui passe par la plume des journalistes, alors qu’on attendrait du premier représentant de l’Etat une expression directe avec les citoyens français. Les règles de l’oralité avec lesquelles s’exprime François Hollande sont sujettes à la déformation. La compréhension des propos passe par plusieurs prismes : celui des journalistes, puis celui des lecteurs. À la fin de ce processus, les paroles initiales sont faussées. De la même manière, ses révélations sont sujettes à la dérive quand elles sont sorties de leur contexte, certains journaux publiant même les « bonnes feuilles ». La phrase « La femme voilée d’aujourd’hui sera la Marianne de demain » a par exemple suscité une grande polémique du fait de son ambigüité. Tout un imaginaire est créé au sujet de ses propos supposément tenus, et le résultat est désastreux.
Parler c’est bien, faire c’est mieux. Le président parle beaucoup, mais agit-il vraiment ? Peut- être veut-il, à travers la chronique de son quinquennat, donner l’illusion d’avoir accompli beaucoup ? Le dessein d’ensemble n’est pas clair et les critiques sont plutôt sombres.
Un franc parler pour parler de la France

Mais cet exemple n’est-il pas la preuve d’une nouvelle communication en politique, d’un nouveau mode d’expression ? Le dessein des deux auteurs était de lutter contre la langue de bois politique. Pari réussi. Le temps d’un parler vrai des politiques a sonné, et François Hollande en est peut-être le pionnier. Ce livre donne à voir une nouvelle parole politique, portée par la recherche de la vérité.
Le chef de l’Etat se livre avec une franchise troublante. Cet ouvrage issu de longues discussions sur une durée de cinq ans permet à François Hollande de s’exprimer plus librement, et surtout plus profusément que dans une interview classique. Le discours n’est pas formaté, le président s’exprime sans filtre, sans contrainte, sans préparation antérieure. La longueur du livre permet de resituer l’action du président dans une chronologie, et dès lors de voir la cohérence – ou l’incohérence – de son action politique.
Alors, suicide politique ou avènement d’une nouvelle ère de communication politique ? La côte de popularité en baisse du chef de l’Etat a peut-être déjà tranché.
Diane Nivoley
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Sources:
« Pour la première fois, c’est sur sa personnalité que François Hollande désespère même ses proches », Le Huffington Post, 14/10/2016, Romain Herreros
«Un président ne devrait pas dire ça» : ce livre empêchera-t-il François Hollande de se pré- senter ? », RT, 14/10/2016
« « Un président ne devrait pas dire ça » : « la veille de la publication, François Hollande était inquiet » », Non stop politique, 13/10/2016, Ambre Lefeivre
« L’opération mea culpa de François Hollande (et ses limites) », Le Huffington Post, 12/10/2016, Geoffroy Clavel
« Les confessions de Hollande navrent ses amis », Le Monde, 14/10/2016, Cédric Pietralunga et Bastien Bonnefous
« Hollande se permet encore de carboniser les lambeaux de popularité qui lui restent », Le Monde, 15/10/2016
Crédits photos:
Europe Israël News
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Dessin de Cambon pour Urtikan.net

Agora, Com & Société

Quand les éléments de langage se déchaînent

Fin 2014, le gouvernement lançait le Kit Repas Famille, un pense-bête expliquant les actions du gouvernement pour chaque sujet politique qui pourrait naître d’un repas en société. Les vignettes sont destinées à prouver que la politique gouvernementale fonctionne et à discréditer les phrases toutes faites. À défaut de vérifier les réalités qui se cachent derrière chaque thème, il est intéressant de voir que les acteurs politiques prennent au sérieux les « éléments de langage » qui émanent de la doxa. Qu’en est-il de ceux des politiques ? En quoi se distinguent-ils ?
De simples poli-tics de langage ?
A priori, l’élément de langage est une formule ou un message reproductible par chaque membre d’un gouvernement. La clarté est de rigueur. Il est un ressort de la communication politique qui fonctionne sur la continuité et la synchronisation. Quel que soit l’intervenant, grâce à l’élément de langage, c’est l’entité décisionnelle et le choix du groupe qui s’expriment à travers lui. De cette manière, les divergences pouvant exister au sein d’une famille politique sont masquées.
Si l’on s’en tient à la définition de Jacques Séguéla, les éléments de langage sont des « petites phrases préparées à l’avance par l’entourage d’un homme politique ou par les communicants pour servir soit de répartie, soit de point d’ancrage dans un débat. ». Bien évidemment, le publicitaire en écrivait pour François Mitterrand mais il n’était pas le seul à mettre la main à la pâte : Jacques Attali, Laurent Fabius et bien d’autres faisaient passer des petites notes avec leurs suggestions. Aujourd’hui, les choses se sont légèrement professionnalisées. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les méthodes du conseiller en communication du Président de La République, Gaspard Gantzer. Ses pratiques furent révélées par Un Temps de Président, un documentaire réalisé par Yves Jeuland.

Les téléspectateurs furent étonnés de voir Gaspard Gantzer dicter à une journaliste de TF1 les mots-clés de son reportage. Pour qualifier cette relation entre les journalistes et leur sources, Eugénie Saitta, spécialiste des sciences de la communication, parle d’une « rhétorique du cynisme » : les journalistes finissent par s’y faire ! Les communicants cherchent la saillie, l’homme politique tranche et les journalistes l’utilisent. Les politiques ont trouvé comment influencer les médias discrètement.
En politique, l’improvisation n’est pas conseillée. D’après Séguéla, lorsque les résultats tombent, le politique sait de quelle manière il doit réagir : il y a des éléments de langage pour une éventuelle victoire comme pour une éventuelle défaite. En plus de fournir du texte, les éléments de langage présentent le double avantage d’assurer une cohérence entre les prises de parole mais aussi d’augmenter l’efficacité et l’exposition d’une idée par la répétition. Entre une gauche divisée et des Républicains qui cherchent encore un ténor, l’élément de langage paraît être un outil parfait pour feindre l’unité. L’efficacité d’un argumentaire est plus forte si tout le monde martèle la même chose à l’unisson. Une idée répétée est aussi efficace qu’un slogan placardé.

N’y-a-t-il pas un risque de vulgariser les idées ? Le wording politique est aseptisé. Le consensus droite-gauche qui existe depuis la fracture des grands clivages idéologiques autour de l’économie de marché a brouillé le monde politique de ses marqueurs sémantiques. Ainsi, la formule « J’aime l’entreprise », employée par le Premier ministre, aurait pu être prononcée par un centriste comme par un Républicain. Au sein du gouvernement de Manuel Valls, on peut aussi observer des divergences qui sont réprimées : ceux qui ne suivent pas la ligne décidée se font taper sur les doigts. Pour s’en rendre compte, il suffit de se souvenir des remontrances faites à Christiane Taubira après qu’elles se soit prononcé contre la déchéance de la nationalité. Dès lors que les avis ne peuvent plus s’opposer librement, il y a peut-être une défaite de la pensée.
Entre stratégie et démagogie : comment atterrir sur le bandeau de BFMTV ?
Généralement, les médias n’hésitent pas à critiquer les éléments de langage. Pour le voir, il suffit de regarder les compilations qu’en fait Le Petit Journal. À croire qu’il est l’ennemi numéro 1 de la communication politique moderne !
Ce bashing est compréhensible. Il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages : les gens prennent les éléments de langage pour ce qu’ils sont. Le disque semble rayé : on parle d’un discours fatigué qui émane d’une pensée énarchique qui s’est usée avec le temps. La doxa imagine que l’élément de langage est antinomique avec l’honnêteté.
Pourquoi peut-on être sûr que les politiques continueront à utiliser ce procédé ? Pour répondre, il faut d’abord revenir à la définition de l’élément de langage.
Selon le vice-président d’Havas, les années 80 ont constitué l’âge d’or de la publicité : tout le monde était séduit par le pouvoir du marketing et de la pub. Toutefois, selon Pierre Lefébure, maître de conférence en sciences politiques, les éléments de langage ne «[refont] surface [qu’]en 2008/2009 car il y a une volonté de la part de Nicolas Sarkozy et de ses équipes de rationaliser la communication et de maîtriser son environnement ». La seconde moitié des années 2000 est marquée par deux phénomènes qui changent radicalement les dispositifs d’information : l’émergence des chaînes d’information en continu et les réseaux sociaux. Il serait faux de penser que l’utilisation massive d’éléments de langage est purement choisie. Il faut aussi les penser en termes de contraintes. Il y a une responsabilité des médias dans la massification des éléments de langage car les fenêtres d’expression sont plus courtes.

Quand on obtient 30 secondes d’antenne à la télévision, les éléments de langage sont indispensables. Ce sont des estocades : soudains et rapides, ils ont une forme parfaite pour la rhétorique politicienne. Tout comme sur Twitter, il faut réduire le nombre de caractères pour pouvoir accéder aux très convoités bandeaux de BFMTV.
Selon les études de Damon Mayaffre, chercheur au CNRS, le vocabulaire présidentiel se serait déprécié au fil du temps en raison de ces nouvelles contraintes médiatiques. Aujourd’hui, les politiques sont dans la performance : ils utilisent à outrance les phrases verbales et le pronom personnel « je ».
L’élément de langage : diable ou diabolisé ?
Si les éléments de langage sont diabolisés c’est parce qu’ils sont attachés à une définition simplificatrice : on les associe spontanément « aux petites phrases » pré-élaborées que l’on voit sortir de la bouche des politiques à chaque zapping.

Dans cette définition, on ne parle que de la partie visible des éléments de langage. On ne parle pas des argumentaires. Autrement dit, on n’essaye pas d’extraire la démonstration étayée qui se cache derrière et qui vise à soutenir ou à contredire un projet. Aujourd’hui, aller au combat sans communication est une faute professionnelle car c’est laisser son adversaire partir avec un avantage.
Mais il ne faut jamais abuser des bonnes choses ! Les éléments de langage seraient très utiles si on n’en créait pas en quantité industrielle. Dans un premier temps, ils font passer une idée complexe par un message simple : le travail d’un conseiller se résume à dégrossir la matière brute pour en créer une à la portée de l’opinion publique. Frank Louvrier, ancien conseiller de l’ex-président de la République, Nicolas Sarkozy, rappelle que « Quand vous êtes Ministre, vous ne connaissez pas tous les sujets. Si vous allez à une émission matinale d’une radio, on risque de vous interroger sur un sujet compliqué, qui n’est pas forcément votre domaine de compétence, et il faut pourtant répondre ».
Pour la majorité précédente, les éléments de langage étaient surnommés « le prompteur », aujourd’hui on les regroupe sous l’intitulé « l’essentiel ». Ce dernier rappelle qu’un élément de langage peut permettre d’échapper à une situation de crise en évitant de lourds dommages.
À ce niveau de responsabilité, tous les professionnels semblent d’accord pour dire qu’une improvisation est impossible. L’improvisation est un fantasme car il est impossible de priver le débat d’un cadre de pensée rappelé sans cesse par les éléments de langage. D’ailleurs, les politologues reprochent souvent au Président de se laisser guider par les communicants alors qu’il serait doué pour l’improvisation.
On confond souvent « éléments de langage », « formules », « petites phrases » et « argumentaires » : il n’y pas de définition fixe car il n’y pas une unique manière de créer des éléments de langage. Ces formulations font sens pour des acteurs du champ politique et du champ médiatique mais aussi pour ceux qui se trouvent à leurs intersections. Les communicants produisent des énoncés en anticipant leurs conditions de circulation médiatique et leurs conditions de réception. Ce sont pour ainsi dire des ingénieurs du symbole. Ils manient les signes comme des maîtres. Ces données nous permettent de mettre en relief la place prépondérante prise par la communication au sein du monde politique et du monde médiatique. On en viendrait presque à croire qu’ils contrôlent les foules.
Ameziane Bouzid
Sources :
« Le Langage politique malade de ses mots », Frédéric Vallois, Le Huffington post, 20/11/2014 : http://www.huffingtonpost.fr/frederic-vallois/langage-politique-malade-de-ses-mots_b_6190388.html
« Les Dix éléments de langage que vous entendrez ce soir », Le Service politique, Libération, 22/03/2015 : http://www.liberation.fr/france/2015/03/22/les-dix-elements-de-langage-que-vous-entendrez-ce-soir_1226056
« Les « petites phrases » Et « éléments de langage » : des catégories en tension ou l’impossible contrôle de la parole par les spécialistes de la communication », Dossier: Les « Petites Phrases » en Politique , Caroline Ollivier-Yaniv, 01/06/2011 : http://www.necplus.eu/action/displayAbstract?fromPage=online 
« Éléments de langage pour soirée électorale : mode d’emploi », Jacques Séguéla, Atlantico, 16/10/2011 : http://www.atlantico.fr/decryptage/elements-langage-primaire-ps-holland-aubry-mode-emploi-203608.html
« « Un temps de président » : la communication politique dans le collimateur », 08/10 /2015, France 24 : https://www.youtube.com/watch?v=yP9TfAWTVeA
« Doc Hollande : dictée d’éléments de langage (F3) », Arretsurimage.net, 29/09/2015 : http://www.arretsurimages.net/breves/2015-09-29/Doc-Hollande-dictee-d-elements-de-langage-F3-id19305
Crédits images :
– Le Monde, L’actu en patates, Martin Vidberg
– Ray Clid
– Kit Repas Famille : www.gouvernement.fr
– Chaunu

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Politique

Hollande, geek malgré lui

Hollande et les réseaux sociaux : je t’aime … Moi non plus
En janvier, l’Elysée inaugurera le compte Snapchat du président de la République. Peu friand des réseaux sociaux, préférant selon ses dires de 2013 la « conversation directe » avec les Français, François Hollande y a pourtant progressivement accru sa visibilité au fil de son quinquennat. Très utilisé pendant la campagne présidentielle, son compte Twitter @fhollande a été laissé à l’abandon plusieurs mois avant que le président en personne ne le réactive le 1er janvier 2014. Des critiques dénonçant un président au silence anachronique ont commencé à se faire entendre, le contraignant à retisser sa Toile. Sans surprise, il jouit d’un nombre spectaculaire de followers qui relayent en masse chacun de ses courts messages. Son équipe a annoncé début octobre son arrivée sur un réseau social plus ludique, facile d’accès, intuitif et surtout plus jeune : Instagram. Il est alimenté très régulièrement et constitue une sorte de carnet de bord. Un roman photo qui offre à n’importe quel utilisateur l’opportunité de consulter l’agenda du Président. Mais il contribue aussi à donner l’image d’un François Hollande proche de ses concitoyens, quasiment accessible. On le voit ainsi profondément affecté alors qu’il réconforte une personne touchée par le tragique accident d’autocar de Puisseguin : cette publication et la légende qui l’accompagne témoignent que le président est dans l’affect, qu’il partage la douleur de ses concitoyens, et qu’il est un homme avant tout. Au même titre que biens des utilisateurs d’Instagram, il se met en scène et donne à voir ses moins faits et gestes, ce qui tend à l’humaniser.

#Hyperprésident ?
De là à dire que cette présence sur les réseaux sociaux contribue à désacraliser sa fonction, il n’y a qu’un pas – qu’on ne franchira pas. Car justement, cette surabondance des publications peut avoir un effet de réassurance. Au lendemain des attentats de Paris, les équipes du président ont publié une image du conseil de défense qui se tenait à l’Elysée. Les visages sont fermés, les traits sont tirés, et chacun a le nez plongé dans ses feuilles ou le regard tourné vers le président. L’instant est solennel, et le sérieux, le studieux et le sobre qui émanent de cette photo renvoient l’image d’un président bien entouré et conseillé, qui s’active vraiment en coulisses – mais peut-on encore parler de coulisses ? – à l’heure où ses concitoyens sont plongés dans l’angoisse et le deuil. Il y a une dimension paternaliste à tout cela,probablement savamment orchestrée par les conseillers en communication du Président. Ce compte permet de montrer un Francois Hollande dynamique qui multiplie les déplacements et les rendez-vous diplomatiques en France comme à l’étranger, en conseil des ministres comme auprès des dirigeants allemands, russes ou italiens. Le pouvoir des images s’exerce là à l’extrême : chaque prise de vue représente un enjeu différent du quinquennat. L’omniprésence du Président sur ces photographies est une manière comme une autre de faire comprendre qu’il est sur tous les fronts.

Séduire la jeunesse
Voici venue l’heure de Snapchat. Dans l’équipe du Président, on insiste sur le côté novateur de la chose : il s’agit d’informer autrement, de donner un regard plus singulier, se devine surtout en filigrane une opération de séduction à l’adresse des jeunes. Les 18-34 ans constituent 71% des utilisateurs du réseau social. A cet âge où les opinions politiques se forgent, la construction d’une figure politique accessible et en phase avec son époque peut avoir un impact considérable sur les jeunes électeurs. Le vote des jeunes étant crucial pour l’échéance de 2017, on comprend que le Président et ses conseillers cherchent à diversifier les supports – quitte à surprendre. En effet, le recours par les politiques à ce réseau était jusqu’alors circonscrit aux États Unis. Il s’opère donc une certaine américanisation de la vie politique française, avec des hommes d’Etat érigés au statut de vedette, mettant leur personne et leurs proches en scène en permanence. D’autant que le principe de Snapchat étant d’auto détruire les photographies diffusées. Cela laisserait penser qu’il en est ainsi car les photos sont légères, humoristiques voir compromettantes – en témoigne les filtres que Snapchat a récemment incorporé à ses fonctionnalités. Quel est donc le sens de cette démarche quand on est le Président de la République ? C’est surtout la fonction « Story » qui intéresse ses conseillers en communication. Les photos sont rendues universelles et donc visibles par tous pendant 24 heures. Elles permettent donc une immersion des utilisateurs dans l’antichambre du pouvoir. En dévoilant les coulisses des campagnes, les candidats veulent sans doute montrer qu’ils mènent des campagnes participatives, dont le militant est une partie intégrante et non un simple adjuvant à l’élection. Toujours est-il que l’ex-président fantôme des réseaux sociaux est en passe de devenir un aficionado du petit fantôme sautillant de Snapchat.

Erwana Le Guen
Sources :
– Huffington Post, « Twitter / Facebook, Hollande renoue avec les réseaux sociaux »
– Quora, « How can Snapchat influence the 2016 US election? »
– L’Obs, « François Hollande débarque sur Snapchat en janvier, on vous explique pourquoi »
Crédits photo :
Le Lab d’Europe1
Instagram @fhollande
Instagram @fhollande
Slate.fr

Closer
Les Fast, Politique

CLOSER : nouveau journal politique ?

 
Il y a quelques jours, le Magazine Closer a (semble-t-il) lancé une véritable bombe médiatique : la « love affair » du Chef de l’Etat. La presse internationale s’en donne à cœur joie, les journaux allemands et Le Guardian en profitent notamment pour revenir sur une tradition de Chefs d’Etat un peu polissons…
Mais alors, politique ou reality show ?
Le Président de la République et sa compagne seraient-ils les nouveaux Brad Pitt et Angelina Jolie (un peu dépassés il faut le dire) ?
Cependant, aujourd’hui la question est de savoir si l’on accepte un monde où ce sont les journaux people qui mènent la danse et donnent le tempo ? En effet, l’article et les rumeurs ont suscité des réactions fortes, bien entendu du principal intéressé, mais également de plusieurs personnalités politiques comme Marine Le Pen ou encore Jean-François Copé.
Cela en valait-il vraiment la peine?
Ne faudrait-il pas mieux débattre du projet du « Pacte de Responsabilité », ou du taux de chômage qui a légèrement remonté ce mois-ci ? La supposée liaison de F. Hollande devient-elle un sujet si important qu’il mérite d’avoir sa place lors de la 3ème Conférence du quinquennat ?
Aux dernières nouvelles, nous attendons les possibles « suites judiciaires » selon les mots du Chef de l’Etat. L’avocat de Julie Gayet, lui, a déjà entamé des démarches. Ce qui laisse présager de nombreux rebondissements dans ce qui s’annonce comme le soap opéra de ce début d’année 2014.
Sophie CLERET
Sources :
Rtl.fr
Bfmtv.com
Theguardian.com
Crédits photos :
Thomas Coex / AFP / Getty Images

Flops

Trop de bashing tue le bashing

 
Si vous avez lu la presse en 2013, si vous avez écouté la radio, allumé votre télévision, ou si vous êtes simplement sorti de chez vous, vous n’avez pas pu passer à côté de ce terme mille fois rabâché, le « bashing ». Le verbe « bash » est un mot anglais qui signifie « cogner ». Pour faire simple, si l’on vous dit que vous allez vous faire « basher », c’est que vous allez prendre une raclée. Mais l’attaque ne sera pas nécessairement physique, le terme est plus souvent utilisé pour parler d’agression verbale. Dans notre cadre médiatique moderne, on pourrait  définir le « bashing » comme étant l’art du dénigrement systématique.
Le bashing est un mot un peu magique, qui a la faculté de pouvoir être accolé à n’importe quel nom de personnalité politique, de personnalité médiatique, de personnalité tout court. Cette année, on a beaucoup lu dans les médias des expressions telles que le « Fillon bashing », le « Taubira bashing », le « Hollande bashing » ou encore le « Ben Affleck bashing ». Quel est le point commun entre le futur acteur de Batman vs Superman et notre président ? Ils ont tous deux été victimes de propos virulents sur les réseaux sociaux.

Après tout, qu’y a-t-il de répréhensible à se moquer un peu des « people » ? Pourquoi les internautes n’auraient-ils pas le droit à une liberté d’expression absolue ? Exprimer son mécontentement à propos d’un homme politique ou du mauvais choix d’un acteur pour un blockbuster de 2015, c’est légitime. Mais ce qui peut poser problème, c’est que le propre du bashing est de ne pas être une critique constructive. Basher c’est insulter, harceler, pousser l’incivilité à son maximum.
Prenons l’exemple de la plateforme Ask.fm. Le principe est simple. Créer une page. Attendre que des anonymes posent des questions. Y répondre. Le site est investi principalement par des adolescents, qui se « trollent » ou se « bashent » souvent mutuellement. En août dernier, David Cameron avait appelé à son boycott, car des adolescents se seraient suicidés après avoir été la cible de commentaires dégradants.

Cet exemple est extrême, mais il nous rappelle que chez les adultes, les propos sont parfois aussi immatures que chez les adolescents. Sur Twitter, le bashing est une déferlante qui ne cesse de prendre de l’ampleur et qui touche tous les milieux : le politique d’abord, mais aussi le culturel ou le milieu économique. Ce qui est inquiétant dans cette pratique, ce n’est pas qu’un individu passe ses nerfs sur une personnalité médiatique, mais c’est qu’il le fait dans l’anonymat d’un groupe. Je bashe, mais bon, tout le monde le fait. Dans Psychologie des foules, Gustave Le Bon écrit : « Dans les foules, c’est la bêtise et non l’esprit qui s’accumule. (…) La foule est toujours intellectuellement inférieure à l’homme isolé. (…) La foule étant anonyme, et par conséquent irresponsable, le sentiment de la responsabilité, qui retient toujours les individus, disparaît entièrement. »
Ces derniers mois, en France, on a beaucoup entendu parler de « French bashing ». Les politiques et les grands patrons, comme par exemple Xavier Niel (le patron de Free), dénoncent « l’auto-flagellation » qui sévit en ce moment sur les réseaux sociaux. Ils crient au scandale car ils sont les principales victimes de la pratique du bashing. Ils ont probablement raison en ce point : c’est une pratique contre-productive, elle favorise la propagation du défaitisme, et dans un cadre économique, elle ne peut que faire fuir les investisseurs.
Espérons qu’en 2014, les « boucs émissaires collectifs », pour reprendre l’expression de François Jost consacrée à Nabilla, auront un peu de répit.
 
Camille Frilley
Sources :
Socialmediaclub.fr
Nouvelobs.com
Huffingtonpost.fr
Allocine.fr
Crédits photos :
News.com
Lagauchematuer.fr
Ozap.com

Hollande
Les Fast

L’humour du chef

 
Le président Hollande a fait une blague lundi soir à l’occasion du retour de Manuel Valls après son voyage en Algérie, précisant que celui-ci était rentré « sain et sauf. » Les réactions ont été vives en Algérie, les journaux nationaux y ont critiqué le mépris du président Français pour l’Algérie. Le ministre algérien des affaires étrangères Ramtame Lamamra a qualifié cette plaisanterie « d’incident regrettable. » Au delà de la simple maladresse, une véritable question se pose : un président peut-il être drôle ? L’humour, mode de communication perçu de manière positive dans la vie quotidienne, peut-il être porté à la tête de l’État ? La parole présidentielle concernant un nombre important de personnes, le président doit-il sacrifier au prix de certains un humour qui plaira à d’autres ? Et il semble qu’aujourd’hui le second de degré et l’humour aient laissé place à la vexation et aux regrets. Plus symptôme de relations diplomatiques tendues que d’une maladresse communicationnelle, cet incident vient illustrer une communication politique de plus en plus pointilleuse. L’humour doit être encadré, extrêmement contextualisé, comme on peut l’observer lors du dîner de la presse après l’investiture des présidents américains.
Car au-delà de ce simple incident communicationnel c’est bien la personnalité du président, connu pour son humour, qui rentre ici en jeu. Du rire consensuel, à la vexation susceptible, faire rire au sommet de l’État aujourd’hui n’est pas une mince affaire.
 
  Arnaud Faure
Sources
Lejdd.fr
Libération.fr
Lexpress.fr
Crédit photo : Alain Jocard, AFP

Com & Société

Auberge Made in Holland

 
Les auberges de jeunesse ne désemplissent pas ! En effet, quand bien même l’Europe serait vieillissante, les jeunes backpackers se retrouvent en masse dans ces fameux hostels. Aucune période  de l’année ne leur fait peur, aucune ville ne leur résiste, pas même la précarité d’un dortoir bruyant. L’auberge de jeunesse allie un coût économique avec les charmes d’un lieu à découvrir. Mais face aux prestations basiques dispensées, elle mise de plus en plus sur l’ambiance au sein de l’établissement.
C’est sur ce point que l’auberge Hans Brinker Budget tente de gagner la ferveur des foules. A Amsterdam, où elle se trouve, on ne compte plus ce type de logement peu cher. Il faut alors se démarquer des autres, mais aussi et surtout à gagner les cœurs et les avis des clients.
Trip advisor, Hostelbooker ou Booking.com utilisent sans modération les avis des utilisateurs mettant alors en avant le fameux rapport qualité/prix. Une logique de commentaire que le futur consommateur a naturellement tendance à écouter. En effet, les conseils virtuels des expérimentés sont parfois décisifs dans le choix d’une réservation. Ainsi les propriétaires se doivent de compter sur ce bouche-à-oreille virtuel qui n’en finit pas de faire ses preuves. Mais pour une auberge au prix bas et dépourvue de services de grande qualité il faut jouer sur d’autres tableaux.
L’auberge hollandaise en question a misé sur une campagne de publicité décalée et humoristique, utile pour se construire une image positive et améliorer son attractivité.
Elle a lancé une série d’affiches d’auto-dérision à propos de l’état des locaux du Hans Brinker Budget. On peut ainsi voir une affiche qui représente une chambre sale et sans vie au sein de laquelle se trouve un vieux matelas posé à même le sol. Une chambre miteuse, en décalage avec la phrase d’accroche : « Just Like Home ».
On peut aussi se délecter du slogan  « Hans Brinker Budget Hotel. It can’t get any worse »… « But we will do our best » qui insiste sur l’insalubrité volontaire des lieux.
Venir au Hans Briker Budget Hotel, c’est alors en accepter les conditions précaires, largement exagérées dans sa stratégie de communication : à la fois pour faire sourire mais aussi pour amoindrir les possibles critiques quant à l’aspect général de l’établissement. Cette parodie grinçante invite les voyageurs à rejoindre non seulement l’auberge hollandaise pour y dormir mais aussi pour y vivre quelques jours dans une ambiance décalée et amusante. Certainement une réussite.
 
Maxence Tauril

Archives

Jacques a dit : Morale pour tout le monde !

 
Le 24 avril, François Hollande a présenté son projet de loi sur la moralisation de la vie publique. Au programme : transparence, contrôle du patrimoine des élus et lutte contre la fraude fiscale. Quelques semaines auparavant, c’était Vincent Peillon qui agitait la sphère médiatico-politique avec sa morale laïque. A l’heure où les scandales s’enchainent, cette notion semble être sur toutes les lèvres et employée à toutes les sauces. Mais pourquoi utiliser ce terme plutôt qu’un autre ? Pourquoi parler de morale plutôt que de déontologie ou d’éthique par exemple ? Une communication efficace passant avant tout par le poids des mots, on comprendra que celui-ci n’est certainement pas anodin.
Un choix de vocabulaire plus symptomatique qu’anecdotique
Il semblerait que le gouvernement ait ici choisi délibérément un mot à forte portée symbolique, chargé d’un impact émotionnel important. Le Petit Robert définit la morale comme la science du bien et du mal. On comprend dès lors l’importance du terme pour un président en mal d’autorité face à un électorat qui réclame des sanctions exemplaires à l’égard du pouvoir corrompu. Réaffirmer une morale, c’est implicitement reconnaître qu’il existe des valeurs fondamentalement positives, auxquelles s’opposent des actions négatives. On balaye ainsi toute ambiguïté : en politique comme ailleurs, il existe de « Bons » comportements et de « Mauvais » comportements, et ces derniers doivent être punis. Et c’est justement cet aspect catégorique qui divise : on applaudit l’initiative ou on dénonce une régression simpliste (certains vont jusqu’à déplorer des relents pétainistes). Cependant, dans l’ensemble, l’initiative reste très majoritairement approuvée (un sondage IFOP pour Dimanche Ouest-France révélait la semaine suivante que 91 % des Français étaient favorables à l’initiative, dont 48 % « très favorables »). Etonnant, pour un peuple si prompt à monter au créneau à chaque nouvelle proposition gouvernementale ? Pas tant que ça.
Retour aux sources ?
Pour l’intellectuelle Julia Kristeva[1], la civilisation européenne est la seule qui a rompu avec la tradition religieuse, et qui a, dans le même temps, négligé le besoin de croire. En somme, la laïcisation des sociétés a laissé un vide difficile à combler. L’idéalisme n’étant plus encadré par des valeurs religieuses, il serait devenu nihilisme, d’où un climat de désillusions et de pessimisme quasi-permanent, exacerbé ces dernières années par la crise. En ce sens, l’approbation générale de ce retour à une nouvelle morale n’est pas étonnant. Au-delà d’un simple ras-le-bol face aux excès de quelques hommes de pouvoir, cet engouement exprime peut-être dans une certaine mesure une forme de soulagement face à ce retour aux certitudes. Ce qui profite bien entendu au gouvernement qui peut se draper d’une autorité nouvelle et noble, qui se veut au service non seulement d’un bien commun (orienté vers une classe dirigeante idéale du fait de la moralisation de la vie politique) mais également de chaque individu (via une incitation à devenir meilleur grâce à la morale laïque).
Moralité : entre coup de com’ et véritable changement, la frontière est parfois plus mince qu’on ne le croit.
 
Marine Siguier
[1] Conférence «Europe ou chaos » du 28/01/13

Archives

Jacques a dit : « le silence est d’or »

 
Combler le vide
Le 2 mai 2012, les quinze « moi président » prononcés en trois minutes et vingt-et-une secondes ont rendu célèbre son orateur. Le 28 mars 2013, le candidat, devenu président,  reprenant la même recette qui avait fait ses preuves, parsème son discours de dix « je suis le président. »
Jeudi dernier, en effet, François Hollande a décidé de faire une intervention télévisée afin de rassurer les Français… et se rassurer lui-même après la baisse inquiétante de sa cote de popularité. Il est venu chercher les Français afin leur expliquer son action et ainsi regagner leur confiance. Un beau projet de communication qui ne se résume pas à cette seule intervention sur France 2. En effet, il semblerait bien que le président de la République veuille occuper la scène médiatique pour quelques semaines encore. Selon son entourage, « le président sera amené à s’exprimer dans les prochaines semaines, avant sa conférence de presse du 15 mai. »
(Cette soudaine volonté d’occuper l’espace médiatique ne serait-elle pas, en outre, un moyen de centraliser les regards, les pensées des Français ? Les détourner d’autres luttes qui ébranlent la société ?)
Un dialogue inexistant
Toutefois, même si Monsieur Hollande souhaite parler jusqu’à être entendu, je doute que des paroles suffisent à regagner la confiance, l’estime du peuple qui l’a élu. Notons que, parce que David Pujadas interroge François Hollande, il y a, de prime abord, un dialogue. Mais il s’agit en réalité d’un dialogue mis en scène, factice donc. Hollande ne quitte guère Pujadas des yeux… lui qui est pourtant venu parler aux Français. Le visage de biais, jamais il ne se retrouve de face. Fuite ? À moins que David Pujadas ne soit censé incarner l’ensemble du peuple français, tout dans le dispositif médiatique indique comme un refus d’entrer en relation avec les téléspectateurs.
En outre, les « je suis le président » semblent montrer que François Hollande a conscience de la charge qui lui incombe. Pourtant, la prédominance des pronoms personnels de la première personne souligne aussi une focalisation du président sur lui-même. Rassurer les Français devient synonyme de défendre sa fonction.
L’invitation au dialogue devient monologue.
Un rendez-vous mondain
Le président avait pourtant choisi un beau créneau horaire : il est venu au journal télévisé de France 2 et a réussi à rassembler huit millions de téléspectateurs (moins nombreux qu’en septembre dernier tout de même). Une belle réussite semble-t-il. On peut d’ailleurs se demander s’ils sont tous restés jusqu’au bout : 1h15 d’intervention, c’est long, surtout pour un public habitué au zapping.
Au-delà de la quantité, intéressons-nous à la qualité de l’auditoire : selon un sondage BVA, 66% des téléspectateurs n’ont pas été convaincus. Chiffre à prendre avec distance bien sûr… surtout lorsque l’on sait que les Français sont râleurs ! L’auditoire, qui connaît désormais François Hollande depuis un an, était plus critique, plus méfiant. Il connait déjà les belles paroles, la mise en scène simple voulue par un président, qui se définit comme un « homme normal » avant tout. Il lui faut quelque chose de plus percutant… Hollande, à vous de jouer !
En France, cette intervention ne fut finalement positive qu’aux yeux des socialistes. Dans ce contexte difficile, rester solidaire est une nécessité. Que ce soit de la part de François Copé (UMP) ou de Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche), les critiques sont nombreuses et se retrouvent même à l’étranger (notamment en Allemagne).
Clothilde Varenne
 
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